• Marcello dell’Anna — L’être à perpétuité
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    La prison à perpétuité ostativa modifie tout. Ton être, ton sourire, tes pensées, ta manière de marcher, aimer, croire, espérer ou rêver… L’ergastolo ostativo est responsable de la spoliation humaine et sociale de l’homme.

    Cette peine représente une sorte d’expérimentation de la régression. La réalité quotidienne est pleine de désolation. Elle est un simulacre de vie, qui provoque de profondes lacérations psychologiques. Elle devient criminogène, souvent. Elle abrutit, presque toujours.
    « L’absence d’espoir » et la « conscience de mourir en prison » deviennent les douloureuses racines de la détérioration de l’Homme, du vieillissement des émotions. On peut dès lors facilement imaginer l’état d’esprit des gens, qui sont conscients qu’un jour ils franchiront, certes, le portail de la prison, mais les pieds devant. Nous voyons tout s’effondrer autour de nous. Nous percevons, avec vigueur, cet écroulement, une angoisse, un vide existentiel. Avec en prime, le remord. Et le remord domine.

    Au-delà des barreaux et du ciment, nous, ergastolani ostativi, nous ne nous sentons plus humains.

    La prison se dessine comme le lieu de notre anéantissement total. Les événements qui nous arrivent, les sentiments, les émotions, les peurs et l’espoir, les haines et les amours proposent d’étranges contours d’irréalité, qui deviennent des signaux d’alarmes.
    Chacun de nous vit comme un homme traqué. Personnellement, je me sens surtout repoussé, vomi par la société.
    Je suis désormais un autre. Altéré, déformé, violenté dans mes fondements essentiels, je suis désormais un corps qui a vieilli en accéléré, un visage anonyme, un regard éteint, qui se tend vers le vide. Et nous sommes peu à réagir, à pouvoir résister et vaincre ce monstre. Beaucoup subissent. Il faut dire que dans chaque système pénitentiaire existe une contradiction de fond : d’une part, il y a cette prétention d’enseigner au détenu un mode de vie qui lui permettra de se comporter de manière adéquate dans le monde libre. De l’autre, ce même détenu est contraint à vivre « durant sa vie entière » dans une prison qui est l’antithèse de ce monde libre. Le fait de vivre cette peine crée une perception de soi particulière, celle « d’une personne privée de tout droit ». Nous nous retrouvons dans une situation d’absence d’autodétermination.