Château de Versailles : interdiction de partager ses connaissances

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  • Château de Versailles : interdiction de partager ses connaissances - Le Point

    http://www.lepoint.fr/culture/chateau-de-versailles-interdiction-de-partager-ses-connaissances-30-10-2017-

    Quand j’ai vu passer ceci j’ai renoncé à le signaler ici, mais finalement, je référence parce qu’il me parait intéressant de relancer le débat sur les usages auxquels on a légitimement le droit d’aspirer dans l’#espace_public

    Château de Versailles : interdiction de partager ses connaissances
    Une historienne d’art a été exclue d’une salle alors qu’elle donnait des explications à ses amis sur la marqueterie, raconte "Le Parisien".

    C’est une histoire surprenante que rapporte Le Parisien . Une historienne d’art exclue du château de Versailles pour non-respect du « droit de parole ». Cette réglementation, qui s’applique aux musées et aux monuments, encadre très strictement la prise de parole « en public » pendant les visites. Seuls les guides homologués peuvent commenter à haute voix les œuvres, ce qui a donné lieu à une scène ubuesque samedi dans le célèbre château.

    Marie-Noëlle Grison, qui se présente comme conservatrice junior au Rijksmuseum d’Amsterdam, a raconté sa mésaventure sur Twitter. « J’explique le concept de la marqueterie Boulle à 3 amis américains quand soudain un garde me tombe dessus », détaille-t-elle. Alors que le garde lui explique qu’elle n’a « pas de droit de parole » et qu’il « y a des guides et des audioguides pour ça », elle rétorque qu’elle se trouve en compagnie d’amis, qu’elle n’est « pas payée » et « fait juste [son] boulot d’historienne de l’art ». Il lui est alors demandé de quitter les lieux. À la suite de son histoire, de nombreux internautes témoignent avoir vécu la même chose dans divers établissements culturels.

    #dfs #espace_public #bien_public #art #confiscation

    • Dingue... Quand on entends le paquet de balivernes mal assemblées ou les compendiums vasariens acritiquement recrachés dont la plupart des guides abreuvent les tortillons de touristes, ça augure un rapport de plus en plus fin avec les oeuvres...
      Le tourisme culturel de masse est une machine de destruction bien plus insidieuse encore qu’on ne l’imagine et a des effets pervers sur la recherche importants : il cimente les appareils d’institutionnalisation à mort, en renforçant les protocoles nécessaires pour obtenir des conditions simplement normales de travail, de visite, d’accès légitime aux oeuvres qui doivent quitter les canaux spectaculaires. Raccourcir les temps de visite devant certaines oeuvres (chapelle Brancacci à Firenze, chambre des époux à Mantova, chapelle Scrovegni à Padova etc. limités à une demie-heure, pour des cycles qui demandent une demie-journée minimum, et ça touche même des musées comme la galerie Borghese à Roma), interdire les communications savantes devant les oeuvres non encadrées par la machine marchande (quand le travail des guides est calibré et souvent creux, faux, bâclé et que les audioguides sont des caricatures de guides sélectionnant de façon tragicomique les oeuvres au gré des modes historiques du moment), exiger des autorisations obtenues dans des rythmes sans aucun rapport avec celui du travail (la recherche en histoire de l’art est profondément sérendipienne , hasardeuse, promeneuse, fonctionne par jeux de ricochets territoriaux et d’opportunités impréparées) et dans des cadres ne correspondant qu’à une réalité ridiculement étriquée de son champ (la limitant au mouchoir géographique de l’université), voilà quelques-unes des conséquences de ce qu’on accable généralement plutôt pour la seule gêne provoquée par les trop grandes foules de visiteurs (ce dont, personnellement, je me fous ; les habituelles rengaines sur le comportement de veaux des touristes sont tenues par des petits-bourgeois à peine mieux éduqués qui tiennent à leur privilège de classe et se supposent des affinités profondes avec des oeuvres sous le seul prétexte qu’il ne les frôlent pas avec un téléphone portable mais avec des lectures accélérées et scolaires ; les entendre pontifier devant leur femme - ce sont, étrangement, toujours les hommes qui causent - et les mioches ne me fait pas moins saigner les oreilles que la litanie des guides).

      Firenze fait désormais du museo dell’opera et du battistero un truc groupé, sans aucune possibilité de faire autrement. Adieu les visites tranquilles dans ce musée où il n’y avait jamais personne et qui, désormais, est blindé de gens qui viennent simplement se soulager un peu d’une escroquerie en venant se perdre dans un truc dont depuis trente ans personne n’avait que foutre. Les tarifs réduits n’ont qu’un sens marchand (les mioches, pour que les parents se décident, et pour écourter les visites grâce à eux parce qu’ils s’y font chier) ; un étudiant en art de plus de 25 ans ans n’est plus un étudiant, et il n’est plus légitime pour un artiste de venir bosser une heure de temps en temps (étudier les oeuvres du passé fait intrinsèquement partie du boulot de tout artiste, bon sang !) sans devoir se ruiner à chaque passage...
      Il nous arrive même de nous faire engueuler quand on dessine trop longuement devant certaines oeuvres (il y a pourtant bien plus de pensée qui passe par le crayon que les formulations devant la plupart des oeuvres d’art). Et si les nombreux fauteuils et chaises qu’on pouvait trouver auparavant dans les musées a disparu - et sur lesquels nous pouvions prendre des notes et dessiner -, c’est seulement pour canaliser du flux de corps et d’argent.