• L’#urbanisme #souterrain fait son trou

    Comme d’autre métropoles, #Paris veut développer l’utilisation de son sous-sol. Construire sous terre est vu de plus en plus comme un moyen de densifier la ville et d’en limiter l’#étalement.

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/24/l-urbanisme-souterrain-fait-son-trou_5219539_3234.html
    #sous-sol #urban_matter #densification #villes

  • Mer du Nord : le chantier faramineux du démantèlement des puits de pétrole le monde - Eric Albert - 31 Novembre 2017

    Après 40 ans d’exploitation des hydrocarbures, il faut démonter les plates-formes offshore. Un défi logistique, écologique et financier titanesque.
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/30/mer-du-nord-le-chantier-faramineux-du-demantelement-des-puits-de-petrole_522

    Quand l’énorme monstre de ferraille est arrivé au port anglais d’Hartlepool en mai 2017, Paul Corr, de la société Able UK, en charge de sa destruction, a été le premier à monter à bord. Le décor qui l’attendait sur la plate-forme pétrolière Brent Delta l’a profondément marqué. « Tout était resté en place : les gilets de sauvetage, les vêtements personnels, les photos de famille accrochées aux murs… Dans la cabine du capitaine, il y avait une tasse de café à moitié bue. C’était une vision fantomatique. »

    La plate-forme pétrolière, grande comme London Eye, la grande roue de Londres, et pesant l’équivalent de 2 000 bus, était demeurée exactement en l’état. Quelques mois plus tôt, 160 employés y travaillaient encore, mettant un point final à quatre décennies d’extraction de gaz et de pétrole.

    Le décor d’un vieux James Bond
    Aujourd’hui, une cinquantaine d’ouvriers démontent Brent Delta, morceau par morceau. Les panneaux informatiques poussiéreux de la salle de contrôle sont encore là, comme le décor d’un James Bond des années 1970 laissé à l’abandon. Fin novembre, quelques ouvriers se sont harnachés sur un côté de la plate-forme et ont découpé au chalumeau les dernières poutres qui soutenaient l’héliport et ses étages inférieurs : un pan entier – plusieurs milliers de tonnes d’acier – est venu s’écraser au sol. Plus de 97 % de la structure seront recyclés, souligne Neil Etherington, d’Able UK. En majorité, il s’agit d’acier vendu en vrac.

    La gigantesque structure d’acier est un symbole. En 1976, le champ de pétrole et de gaz de Brent, au large des côtes britanniques, qui a donné son nom au fameux « baril de Brent », a marqué le début de l’exploitation des hydrocarbures en mer du Nord. Aujourd’hui, les réserves, côté britannique, ont été exploitées aux quatre cinquièmes. Le gisement de Brent est presque vide. Delta est l’une des quatre plates-formes qui y avaient été installées et doivent donc être ramenées sur terre…….

    La suite de l’article est payante, mais le principal est dit.

    • La plate-forme pétrolière Brent Delta est démontée morceau par morceau. Les règles sont claires depuis la signature en 1992 de la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est : à la fin de la période d’exploitation, l’industrie pétrolière ne doit rien laisser dans la mer. Des dérogations sont possibles mais elles sont strictement encadrées. Malgré la loi, l’industrie pétrolière rechigne à tout nettoyer. Les énormes colonnes de béton qui soutenaient la plate-forme sont toujours en place, dépassant au-dessus de la crête des vagues. Impossible de les ramener à terre ! D’autant plus que le défi de fond pour la mer du Nord est financier : 56 milliards de livres (62 milliards d’euros) pour tout nettoyer d’ici à 2050. Face à l’ardoise, l’État britannique est obligé de compenser. Il accorde des rabais fiscaux qui peuvent couvrir jusqu’à 75 % des coûts et s’élèvent en moyenne à 45 %. En 2016, pour la première fois de l’histoire du Royaume-Uni, les rentrées fiscales de la mer du Nord, déjà fortement réduites par la chute du prix du pétrole, ont été annulées par les crédits d’impôt du démantèlement. Cela risque de devenir la norme. Et contrairement à la Norvège, le Royaume-Uni n’a jamais constitué de fonds souverain, malgré les 330 milliards de livres (370 milliards d’euros) d’impôts versés par l’industrie depuis les années 1970. En deux générations, l’argent des hydrocarbures s’est évaporé.*

      Il y a 20 ou 30 ans c’était plus simple pour les industriels. On fermait une usine et on laissait les débris dans une friche dédiée aux générations futures. En cas de pollution avérée, c’était l’État qui payait. Aujourd’hui les pétroliers de la mer du Nord vont dire qu’ils n’ont plus d’argent et l’État, qui ne percevra plus les recettes sur toutes les activités dépendant du pétrole, sera au bord de la faillite. Nous avons mis la mer du Nord au pillage, nous mettons toute la planète au pillage, nous laissons aux générations futures un champ de ruines. Comme écrivait Thomas More en 1516 à propos de l’or et l’argent, « La nature, cette excellente mère, les a enfouis à de grandes profondeurs, comme des productions inutiles et vaines, tandis qu’elle expose à découvert l’air, l’eau, la terre et tout ce qu’il y a de bon et de réellement utile. » En 1892 Mendeleïev, l’inventeur de la classification périodique des éléments, présentait cet avis au tsar : « Le pétrole est trop précieux pour être brûlé. Il faut l’utiliser comme matière première de la synthèse chimique » . Ce sont des points de vue éclairés que la société thermo-industrielle a été incapable d’écouter. Tant pis pour elle, tant pis pour tous ceux d’entre nous qui croient que notre niveau de vie n’est pas négociable !
      http://biosphere.blog.lemonde.fr/2017/12/08/le-petrole-etait-trop-precieux-pour-etre-brule

    • Dans cet article, Il apparait que le thatcherisme n’a été que le gaspillage de 330 milliards de livres et qu’après le début de la fin du pétrole et du gaz, la balance commerciale britannique s’est effondrée.

      Il est certain que l’Angleterre donnera l’indépendance à l’Ecosse, à charge pour elle (et ses contribuables de nettoyer le merdier.

      #pétrole #mer_du_nord #pollution #angleterre #écosse #thatcher #Atlantique #Thomas_More #générations_futures #Brent Delta #Royaume-Uni #pillage #ferraille #merdier

  • L’art, nouvelle passion des centres commerciaux
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/29/l-art-nouvelle-passion-des-centres-commerciaux_5222196_3234.html

    Miami, Dallas, Hongkong, Tokyo, Shanghaï, Paris, Metz ou Cagnes-sur-Mer, même combat. Les centres commerciaux et les grands magasins ne jurent plus que par les expositions d’art contemporain. Dès 1975, le pape du pop art, Andy Warhol, prophétisait : « Un jour, tous les grands magasins deviendront des musées et tous les musées deviendront des grands magasins. » Il avait vu juste.

    Jeudi 30 novembre, la Galerie des Galeries présentera une nouvelle exposition aux Galeries Lafayette, boulevard Haussmann, à Paris, « Always someone asleep and someone awake », une réflexion sur la fête. « Un espace non marchand de 300 m2 accessible gratuitement à nos 100 000 clients quotidiens, uniquement pour que l’art soit accessible au plus grand nombre », explique Guillaume Houzé, directeur de l’image et de la communication du groupe. Les quarante premières expositions ont été vues par 12 000 à 15 000 visiteurs dans ce lieu coincé au premier étage au fond d’un couloir, à deux pas du rayon des marques de prêt-à-porter ultrachic. De l’image ? De la communication luxueuse ? A ses yeux, sans doute.
    « Les grands magasins doivent raconter des histoires. Aujourd’hui plus que jamais », explique Guillaume Houzé, directeur de l’image et de la communication des Galeries Lafayette.

    Egalement président de la Fondation d’entreprise Galeries Lafayette, qui ouvrira au printemps dans le quartier du Marais à Paris, M. Houzé poursuit une tradition familiale. En 1946, en effet, les Galeries exposaient déjà Nicolas de Staël ou Alberto Giacometti. Et sa grand-mère à poigne, Ginette Moulin, elle-même petite-fille du cofondateur du grand magasin Théophile Bader, a constitué une importante collection d’art contemporain.

    « Les grands magasins doivent raconter des histoires. Aujourd’hui plus que jamais », assure l’héritier qui s’est entouré de conseillers ad hoc. « Les artistes...

    #pay_wall #art #décoration #commerce

  • Les #médias numériques américains à la peine (en fait, on sait pas trop)
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/25/les-medias-numeriques-americains-a-la-peine_5220415_3234.html

    D’autres signes illustrent ce coup de froid : BuzzFeed et Vice Media, deux grands « pure players » mêlant info et divertissement à destination d’un public jeune, n’atteindront pas leurs objectifs de chiffre d’affaires en 2017, a annoncé le Wall Street Journal, le 16 novembre. Le premier devrait rater « de 15 % à 20 % » sa cible de 350 millions de dollars ; le second ne pas engranger les plus de 800 millions de dollars prévus. « Même BuzzFeed, l’un des médias numériques les plus puissants, est confronté à des incertitudes. C’est terrifiant pour tous les autres », analyse le journaliste senior de Newsweek Zach Schonfeld.

    Le buzz négatif actuel – d’aucuns vont jusqu’à parler d’« apocalypse numérique » – est à la mesure de l’euphorie passée. Les deux tendances sont nourries par une opacité à propos des chiffres : Vice Media et BuzzFeed ne « commentent pas » leurs revenus et ils n’indiquent pas s’ils sont rentables.

    Lire aussi « Métamorphoses du paysage médiatique américain, par Rodney Benson (@mdiplo, septembre 2017)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2017/09/BENSON/57835

    Il y a un demi-siècle, le président américain Richard Nixon fustigeait « les médias » comme s’il s’agissait d’une seule entité indistincte. À une époque dominée par une poignée de chaînes de télévision, de magazines et de journaux, il n’avait pas tout à fait tort. Toutefois, depuis le début des années 2000, le paysage s’est largement diversifié.

    On peut distinguer au moins trois familles, tous genres et supports confondus. D’abord celle de l’info-divertissement de masse, avec des sites Internet bien établis comme BuzzFeed et le Huffington Post ainsi que de grandes chaînes de télévision nationales (CBS, ABC, NBC, leurs filiales locales et la chaîne d’information CNN. Puis vient la famille partisane (2), représentée par Fox News (conservatrice), MSNBC (progressiste), des radios principalement conservatrices, la blogosphère et les satires politiques comme le « Daily Show », présenté par Trevor Noah, et « Last Week Tonight with John Oliver ». La troisième famille privilégie un journalisme de qualité, avec des titres comme le New York Times, le Wall Street Journal, Politico, des magazines nationaux comme Time et The Atlantic, ainsi que les principaux journaux régionaux. Les secteurs public et associatif, minoritaires mais dynamiques, proposent parfois un contrepoids à ce système indexé sur l’économie de marché.

    Mais les limites entre ces catégories sont floues et poreuses. Des chaînes de télévision et des sites comme le Huffington Post et Vox tentent de réconcilier journalisme de qualité et info-divertissement ; la neutralité politique affichée par le New York Times et d’autres médias dominants est vivement contestée, pas seulement par des critiques conservateurs. À l’autre bout du spectre, quand la plus grande télévision locale, Sinclair, regardée par 70 % des foyers américains, recrute un ancien porte-parole de M. Donald Trump au poste d’analyste politique en chef, on lui reproche d’utiliser ses 173 chaînes pour « promouvoir un programme essentiellement de droite ».

    Pour bien comprendre l’avènement de ce nouvel écosystème, il faut revenir sur la période qui a suivi le prétendu « âge d’or » des années 1970, marqué par le Watergate (1972-1974) : les années 1980 et 1990, au cours desquelles le profit devint l’alpha et l’oméga des médias.

  • En Chine, des étudiants forcés de fabriquer l’iPhone X
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/24/a-zhengzhou-rencontre-avec-les-etudiants-forces-de-fabriquer-les-iphone-x_52

    Cet automne, les usines de Zhengzhou tournent à plein pour fournir des exemplaires de l’#iPhone X au monde entier. Foxconn, le principal sous-traitant d’Apple en Chine, s’est installé dans la capitale du Henan en 2012 pour bénéficier de la main-d’œuvre abondante et bon marché de cette province du centre de la Chine, la plus peuplée du pays.

    Mais en plus des ouvriers, les stagiaires, qui restent quelques mois et coûtent moins cher en charges sociales, sont jugés parfaits pour répondre aux besoins saisonniers. Plus de 3 000 étudiants travaillent actuellement sur les lignes d’assemblage de #Foxconn, dans les mêmes conditions que des ouvriers. Les tâches répétitives qu’ils accomplissent n’ont aucun lien avec leurs études. Ils effectuent des heures supplémentaires, en violation de la loi.
    « Si on ne le fait pas, l’école ne nous donnera pas notre diplôme »

    #Apple #SoCool #GAFA

  • La faiblesse des salaires publics pèse (aussi) sur l’inflation
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/21/la-faiblesse-des-salaires-publics-pese-aussi-sur-l-inflation_5218034_3234.ht

    C’est l’un des grands mystères sur lequel les économistes s’arrachent actuellement les cheveux : en dépit de la reprise, l’inflation reste anormalement basse dans les pays de l’Organisation de coopération et développements économiques (OCDE). « C’est en partie lié à la faiblesse des cours du pétrole, mais aussi, et surtout, à celle des salaires », explique Véronique Riches-Flores, économiste indépendante.

    Coupable ? La persistance d’un chômage encore élevé, bien sûr : face au grand nombre de candidats sur le marché du travail, les entreprises n’ont pas besoin d’accorder des augmentations. Mais pas seulement. « Austérité oblige, l’évolution des salaires publics a également été faible depuis 2009 dans beaucoup d’économies », expliquent Gabriel Stern et Rinalds Gerinovics, économiste chez Oxford Economics. IIs viennent de publier une étude passant au crible l’incidence de cette modération, intitulée « L’austérité pèse toujours sur l’ensemble des salaires ».

    Si avant la crise, les salaires publics étaient plus dynamiques que ceux du privé dans nombre de pays européens, les courbes se sont ensuite inversées. Depuis 2009, la hausse des traitements des fonctionnaires a ainsi été en moyenne inférieure de 0,5 point par an à celle du privé dans l’OCDE. Et même de 1,4 point en Italie, de 0,7 point en Espagne et 0,7 point au Royaume-Uni. La différence n’a en revanche été que de 0,2 point en France tandis qu’en Allemagne, pays faisant figure d’exception, les traitements ont progressé de 0,3 point de plus par an que dans le privé sur la période.

    #salaire #austérité

  • Dix chiffres qui pourraient vous surprendre sur le train en France
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/18/dix-chiffres-qui-pourraient-vous-surprendre-sur-le-train-en-france_5216963_3

    L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières a publié jeudi un bilan du transport ferroviaire de voyageurs.(...)

    50 %
    C’est la proportion de trains de voyageurs qui circulent sur… 9 % du réseau, illustration des fortes disparités qui existent dans l’intensité d’utilisation des voies ferrées françaises. Ainsi, si on regarde les chiffres par l’autre bout de l’indicateur, 31 % des lignes du réseau national ferroviaire ne voient passer que 1 % des trains. Un tiers au moins du réseau est donc économiquement très fragile et sous la menace de fermetures.

    + 14 %
    C’est la hausse du trafic par bus et car depuis 2011, le plus dynamique de tous les modes de déplacement. L’autocar précisément (dopé par l’arrivée des cars Macron et en hausse de 17 % entre 2015 et 2016) vient tailler des croupières au ferroviaire, lequel reste sous les 10 % de l’ensemble des modes de transport intérieur. Le train (hors métros et RER) accuse une baisse moyenne de 0,5 % par an depuis 2011. Incontestablement, la route domine de très loin le rail puisque, voiture individuelle comprise (elle aussi en hausse depuis cinq ans), le bitume accueille en France 88 % du transport intérieur de personnes.

    9 sur 10
    C’est la proportion de voyageurs qui utilisent le train pour un déplacement de proximité (trains régionaux, trains de banlieue ou RER). Sur 1,16 milliard de passagers transportés en train en 2016, 1 milliard ont donc fait du rail un outil de déplacement du quotidien (dont 860 millions en Ile-de-France). On notera l’écart spectaculaire entre la réalité de la fréquentation et l’offre de sièges. La longue distance (TGV + intercités + trains internationaux), qui pèse un dixième des passagers transportés, représente en même temps la moitié des 202 milliards de sièges-kilomètres proposés aux voyageurs en France en 2016.

    155 km/h
    C’était la vitesse réelle – appelée aussi vitesse commerciale – des TGV en 2016, de leur point de départ à leur point d’arrivée. En réalité assez loin des 300 km/h systématiquement mise en avant quand on parle de grande vitesse en France. L’écart avec les trains classiques, dits intercités (103 km/h) et même les TER (83 km/h), n’est finalement pas si grand. En cause : la fréquence des arrêts et le fait qu’une partie des trajets des TGV se fait sur des voies classiques qui ne permettent pas de dépasser les 160 km/h. Point important : ce chiffre ne tient pas compte de la mise en service en 2017 de 540 km de vraies lignes à grande vitesse grâce à l’ouverture des liaisons Tours-Bordeaux, Le Mans-Rennes et le contournement de Nîmes-Montpellier.

    #transports #train #bus

  • #metoo : le long calvaire des employées d’une entreprise de nettoyage sous-traitante de la SNCF | Slate.fr
    http://www.slate.fr/story/153986/metoo-cris-de-detresse

    Vous avez peut-être déjà pris le train et râlé devant la saleté des toilettes. Et puis, après l’arrivée en gare, vous n’y avez plus pensé. Pendant que vous traversiez le hall, une femme est montée dans le train pour nettoyer ces toilettes répugnantes. Elle n’a pas beaucoup de temps, la cadence de nettoyage est élevée, les produits qu’elle doit manipuler souvent toxiques. Si votre train était à Paris Gare du Nord, la femme qui s’est occupée de nettoyer les jets d’urine parce que pisser dans un train en marche est parfois une opération délicate, ne supportait pas seulement un boulot pénible et socialement ingrat, en prime, pendant qu’elle était penchée sur la cuvette des toilettes, son chef d’équipe l’a peut-être coincée en collant son sexe contre ses fesses pour mimer un acte sexuel.

    Ce n’était ni la première ni la dernière fois. Il lui a aussi attrapé la main pour y fourrer son doigt sur lequel il avait craché afin de simuler un coït. Il y a eu des agressions sexuelles dans les toilettes, porte fermée. Une autre s’est fait embrasser dans le cou. Les mains aux fesses. Les mains sur les seins

    C’est ce qu’ont vécu des employées d’une entreprise de nettoyage, sous-traitante de la SNCF. Pendant longtemps, elles n’ont rien dit parce qu’« on ne savait même pas ce que c’était le harcèlement sexuel. On croyait que c’était plus grave, que c’était forcer à des relations sexuelles ». En 2012, elles sont quatre à parler. Les autres préfèrent se taire.
    « Les femmes de nettoyage, c’est toutes des putes »

    Comme l’explique un excellent article de Mediapart, dans cette entreprise de nettoyage « la hiérarchie est à la fois sexuelle et ethnique ». Aux hommes, le nettoyage des tablettes et l’aspirateur, aux femmes originaires du Maghreb les tâches plus ingrates et aux femmes originaires d’Afrique noire les boulots les plus ingrats parmi les plus ingrats. Ces femmes-là, bien qu’elles aient raconté à l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) ce qu’elles enduraient, n’ont pas porté plainte.

    Au final, elles sont quatre à oser dénoncer les deux chefs d’équipe qui les harcèlent. Elles parlent à leur direction de ces hommes qui clament haut et fort que « les femmes de nettoyage, c’est toutes des putes ». La plus âgée a 59 ans. Elle craint qu’à son âge, on ne croit pas son histoire de harcèlement sexuel (les harceleurs ont 39 et 44 ans). Mais à plusieurs, elles sont plus fortes. Espèrent-elles… Sauf que la direction s’en fout. (Le directeur évoquera « des blagues un peu salaces ».) L’enquête interne ne donne rien. Les hommes mis en cause restent à leurs postes.
    Et comme ils sont délégués syndicaux Sud, elles se retrouvent dans une situation professionnelle où leurs patrons ne les écoutent pas et ceux qui devraient les aider sont précisément leurs harceleurs. Pire, quelques semaines plus tard, l’une d’entre elle est convoquée pour un entretien en vue d’une sanction disciplinaire. Dans les mois suivants, elles subiront des brimades, des signalements, des sanctions et même pour deux d’entre elles des licenciements. Elles portent plainte aux prud’hommes. En 2015, l’affaire passe devant le tribunal. Fait exceptionnel, le défenseur des droits mène une enquête approfondie, qui valide les témoignages des plaignantes et qui est remise aux juges.
    Aux origines du #metoo

    Le 10 novembre dernier, les juges ont rendu leur verdict. Les plaignantes ont gagné. (L’affaire n’est cependant pas terminée puisqu’elles ont également porté plainte au pénal pour harcèlement sexuel.) Mais même si elles ont gagné, ce n’est pas une belle histoire. C’est une histoire sordide, ce sont des années de galère au milieu de la galère du quotidien.

    C’est aussi un exemple des « metoo » qu’on n’entend pas. Vous saviez que le #metoo existait depuis dix ans ? Il a été lancé par Tarana Burke et il s’adressait avant tout aux jeunes femmes « de couleur ». À l’époque, on n’en pas entendu parler. C’est bien évident qu’il fallait que des stars –majoritairement blanches– s’en emparent pour que cela existe. On sait que le système fonctionne comme ça mais il est toujours utile de le rappeler.

    Et puis, il y a toutes ces femmes qui n’écriront jamais sur internet ce qu’elles vivent. Et qui, du coup, n’existent pas dans l’espace médiatique. Quand on est une femme, non-blanche, sans diplôme, mère célibataire, pauvre, qu’on se trouve tout en bas de la hiérarchie sociale, si bas qu’on nous voit à peine, si bas qu’on peut s’amuser à nous écraser un peu plus et qu’il faut encaisser.

    Je ne veux pas relativiser le mouvement actuel de libération de la parole des femmes. J’aimerais seulement qu’on n’oublie pas que ce mouvement ne concerne, pas encore, toutes les femmes. Parce que ces femmes sont invisibles. Littéralement. Ces employées et employés du nettoyage travaillent avec des horaires décalés pour précisément qu’on ne les voit pas. C’est quand il fait nuit qu’elles et ils viennent nettoyer les bureaux, les lieux publics.

    Le féminisme est une lutte pour l’égalité. Il se trahirait s’il oubliait des femmes et les laissait sur le côté. C’est pour ça qu’il faut aussi parler d’elles, donner de la lumière aux luttes comme celles qu’ont menées ces employées.

  • La « smart city » peine à séduire les Français
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/16/les-francais-ne-sont-pas-seduits-par-la-smart-city_5215555_3234.html

    Premier enseignement : la ville a une image globalement négative. « Les nuisances, le bruit, la pollution, la promiscuité, la fatigue, la cherté, l’emportent sur le versant positif, à savoir l’effervescence, la culture… », résume Philippe Moati, professeur agrégé d’économie et coprésident de L’Obsoco.

    Alors que plus des trois quarts des Français vivent en ville, les urbains rêvent majoritairement de changer d’air. L’aspiration à « déménager et aller vivre ailleurs » concerne 56 % des répondants dans Paris, 59 % dans les villes centres de seize autres métropoles, 55 % des habitants de communes appartenant à un grand pôle urbain…, mais seulement un tiers de ceux vivant en périphérie d’une petite commune et un quart des sondés résidant dans une commune isolée.

    #Ville #Smart_cities

    • hypothèse : on commence peut-être à en avoir marre de tous ces trucs qui nous espionnent

      smart = espion (traduction perso depuis 10 ans, jamais prise en défaut)

  • La ruée vers l’herbe aux Etats-Unis

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/17/la-ruee-vers-l-herbe-aux-etats-unis_5216162_3234.html

    Avec la légalisation de la consommation de marijuana à des fins thérapeutiques dans vingt-neuf Etats, la production de cannabis est devenue une industrie florissante. Reportage dans la plus grande usine de marijuana, située au Massachusetts.

    C’est un entrepôt coincé entre l’autoroute et la forêt, dans la banlieue de Boston. Sur la façade bleue, aucune enseigne ni logo ne révèle ce qui se cache derrière les portes : l’une des plus grandes fermes de marijuana de la Nouvelle-Angleterre.

    Le parfum des fleurs, mélange de réglisse et d’herbe coupée, accueille les visiteurs dès l’entrée, et les escortera dans les moindres recoins de cette « usine ». Sur près de 3 000 mètres carrés, une succession de serres éclairées par de puissants projecteurs abrite une petite fortune : environ 1 million de dollars (849 304 euros) entre les plants et les fleurs déjà récoltées.

    Le propriétaire, Sage Naturals, a investi plus de 10 millions de dollars pour reconvertir cet ancien entrepôt. « Cela m’a pris beaucoup de temps de lever les fonds nécessaires », raconte Michaël Dundas, qui, jusqu’en 2012, exerçait comme avocat à San Francisco, conseillant des start-up dans la téléphonie mobile.

    La compagnie a planté ses premières graines à Milford à l’été 2016. Cette petite ville du Massachusetts est l’emblème du « green rush » – la ruée vers l’herbe – qui conquiert peu à peu l’Amérique. Dans cet Etat, la consommation de marijuana à des fins thérapeutiques a été légalisée en 2012. Toujours illégale au regard de la loi fédérale, la consommation de marijuana a été ainsi autorisée dans vingt-neuf Etats du pays, le premier à avoir statué étant la Californie, en 1996.

    « Flower rooms »

    Devenu une véritable industrie, le cannabis a ses entrepreneurs, ses investisseurs, et même son salon, le MJBiz, organisé du 14 au 17 novembre à Las Vegas (Nevada). Ces pionniers du green business convoitent le marché nord-américain estimé à près de 7 milliards de dollars en 2016, et plus de 22 milliards à l’horizon 2021 selon ArcView, un cabinet de conseil.

    Dans l’une des « flower rooms », la récolte bat son plein. Posés sur des grilles à 40 cm du sol, des milliers des pots s’alignent en rangs serrés. Au plafond, des rangées de spots miment l’alternance du jour et de la nuit tandis qu’un système de climatisation sophistiqué régule la température et l’humidité.

    Casquette sur la tête et lunettes sur le nez, deux salariés coupent les branches avant de les suspendre à un cintre. Un plant donne entre 500 grammes et 1 kg de fleurs, et dans cet environnement parfaitement contrôlé, il est possible de réaliser plusieurs récoltes par an. « Nous cultivons entre 4 000 et 5 000 plants et produisons entre 400 et 500 livres de cannabis par mois [soit 180 à 220 kg] », indique Marc Vlachos, le responsable des cultures, recruté par Sage fin 2014 pour préparer les demandes d’autorisation.

    Chaque plant porte une étiquette avec un code-barres permettant une traçabilité tout au long de la chaîne, et le nom de la variété : Chocolope, Tangie, Grandaddy Purple ou encore Kushberry. Sage Naturals cultive une soixantaine de variétés de cannabis. Leur teneur en principes actifs – le THC et le CBD – diffère, et leurs propriétés supposées sont mises en avant pour séduire les patients. Les plants issus de croisements « maison » sont des secrets bien gardés. Une petite équipe de jardiniers veille sur la pépinière où les jeunes pousses grandissent, avant d’être replantées et placées dans les « flower rooms ».

    Soulager l’anxiété

    Une fois récoltés, les plants sont méticuleusement effeuillés et les fleurs mises à sécher. Dans les salles et les couloirs immaculés, des piles de seaux rouges et bleus abritent la précieuse récolte. Les grappes de bourgeons sont d’abord soigneusement détaillées. « Je travaille ici à mi-temps et le reste de la journée dans un salon de coiffure de la région. Quel que soit le lieu, je coupe ! », plaisante Karen Selznik, une employée de Sage Naturals.

    Son voisin, lui, est arrivé il y a un mois du Colorado, un des Etats pionniers dans le business de la marijuana, comme la Californie. « Cela fait dix ans que je travaille dans cette industrie, j’ai déménagé pour suivre son développement ici », explique Tommy Burgett, ses bras tatoués posés sur un bac de fleurs. De nombreux passionnés sont venus comme lui travailler à Milford, ou dans les deux dispensaires que Sage Naturals a ouverts près de Boston.

    Le premier a été inauguré en mars 2017 à Cambridge, à quelques minutes de la prestigieuse université Harvard. Situé en sous-sol, on y accède par un escalier discret, après avoir montré sa carte de patient. Sésame pour acheter de la marijuana, elle est délivrée par des médecins après une consultation médicale. Un peu plus de 41 000 patients ont ainsi été certifiés.

    Jason Sparrow, est l’un d’eux : ancien militaire, il a été grièvement blessé à la jambe gauche « Je viens de subir ma troisième opération. Le cannabis m’aide à supporter la douleur et m’a permis de réduire ma consommation de médicaments à base d’opiacés », explique-t-il. Vétéran de la guerre du Golfe, il a commencé à fumer du cannabis à son retour pour soulager l’anxiété liée à ce qu’il avait vécu pendant cette période. « Je devais m’approvisionner auprès des dealers dans la rue, mais je n’avais aucune idée de ce que j’achetais », ajoute Jason Sparrow qui estime dépenser 300 dollars par mois en marijuana.

    « Même atmosphère qu’à Amsterdam »

    Une centaine de patients viennent chaque jour s’approvisionner dans le dispensaire de Sage Naturals. Un menu leur est proposé avec différentes variétés de fleurs, mais aussi des huiles, des joints prêts à l’emploi, ou encore des brownies, tous fabriqués et emballés à Milford.

    « C’est très professionnel, on retrouve la même atmosphère qu’à Amsterdam », se félicite Lucas, qui préfère ne pas donner son nom de famille afin d’éviter des ennuis avec son employeur. Venu ici pour la première fois sur les conseils d’un ami, il consomme de la marijuana pour soigner une douleur au genou.

    Une autre cliente, Kristyna Gignac, fume pour diminuer son anxiété. « Ici, c’est un peu plus cher que dans la rue, mais les variétés sont meilleures. J’ai dépensé 400 dollars en une semaine car je voulais tout essayer ! », raconte-t-elle. Selon ArcView, les patients du Massachusetts devraient consacrer cette année 100 millions de dollars à leurs achats de marijuana et plus de 1 milliard de dollars dès 2020.

    Dans son cabinet situé dans un quartier chic de Boston, le docteur Robert Dye voit défiler toute sorte de patients, « de 20 à 90 ans ». « Ceux qui souffrent d’un cancer me sont adressés par les hôpitaux. Dans ces établissements, les médecins ne sont pas autorisés à délivrer des certificats car ils reçoivent des fonds fédéraux », souligne ce médecin old school, une gravure de chasse et son diplôme d’Harvard accrochés au-dessus de la tête.

    Bonne affaire pour les finances de l’Etat

    Depuis qu’il est autorisé à prescrire du cannabis, les patients se bousculent dans son cabinet. Une consultation supplémentaire a même été ajoutée le samedi. « Nous avons des publicités sur deux sites Internet spécialisés et nous venons juste de publier une annonce dans un journal local en espagnol », se félicite Jeannette Upil, son assistante. Un peu plus de 200 médecins ont été accrédités dans l’Etat.

    La marijuana est aussi une bonne affaire pour les finances du Massachusetts. Ce « green business » lui a déjà rapporté 7 millions de dollars en taxes et droits d’entrée, et la cagnotte ainsi constituée devrait atteindre 13 millions de dollars fin 2017. La légalisation de la marijuana à usage récréatif, votée en 2016, devrait doper ces revenus.

    Dans le Nevada, où c’est le cas depuis juillet, le gouvernement a empoché près de 3,7 millions de dollars en un seul mois et table sur un revenu annuel de 120 millions. En Californie, où la vente de la marijuana sera autorisée à partir du 1er janvier 2018, le gouvernement compte percevoir jusqu’à 1 milliard par an.

    Le Massachusetts pourrait ainsi empocher un peu plus de 180 millions de dollars, calcule Jeffrey Miron, professeur d’économie à l’université Harvard et auteur d’une étude publiée en 2010 sur l’impact budgétaire de la légalisation des drogues aux Etats-Unis. Selon ses estimations actualisées pour 2015, les Etats et le gouvernement fédéral pourraient collecter 21 milliards de dollars de taxes en légalisant la marijuana et économiser 17 milliards de dépenses liées à la prohibition.

    Le bénéfice pourrait être encore plus grand

    Outre la Californie, les grands gagnants seraient le Texas (avec une cagnotte évaluée à 738 millions de dollars), la Floride (545 millions) et l’Etat de New York (531 millions). « La marijuana peut être taxée jusqu’à 20 %-30 %. Au-delà, une partie des transactions bascule vers le marché noir », souligne l’universitaire.

    Selon lui, le bénéfice pourrait être encore plus grand si le commerce de la marijuana était purement et simplement dérégulé. « Toutes ces règles et autorisations sont inutiles. Personne ne se prononce sur le nombre de Starbucks dans la ville de Boston », plaide Jeffrey Miron, selon qui les dispensaires devraient être logés à la même enseigne que les autres commerces.

    De quoi faire s’étrangler Jeff Sessions, le ministre américain de la justice, qui déclarait en septembre : « Je n’ai jamais pensé qu’il était opportun de légaliser la marijuana. Il ne me paraît pas évident que le pays se porterait mieux, si on pouvait en acheter à tous les coins de rue. »

  • Le conseil des prud’hommes de Paris reconnaît des faits de harcèlement sexuel à la gare du Nord
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/10/le-conseil-des-prud-hommes-de-paris-reconnait-des-faits-de-harcelement-sexue

    Dans son jugement, le conseil des prud’hommes relève aussi que « les mesures prises pour protéger les quatre salariées concernées ont été totalement inexistantes et les mesures de prévention insuffisantes ». « L’employeur a pris le parti délibéré de ne leur accorder aucun crédit et de les sanctionner de façon systématique après la dénonciation des faits », rapporte encore le jugement. Ainsi, certaines mutations ou certains changements d’horaire imposés « ont eu pour effet de les maintenir ou de les remettre en contact avec ceux qu’elles dénonçaient » , peut-on lire dans le jugement.

  • Le grand bluff de la pénurie de beurre
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/06/le-grand-bluff-de-la-penurie-de-beurre_5210764_3234.html

    La tension est encore montée d’un cran dans le rayon beurre des supermarchés en France ces derniers jours. Le taux de rupture a atteint un niveau record de 48 % entre le 23 et le 30 octobre, selon les dernières données diffusées par le cabinet Nielsen. En clair, il manquait la moitié de l’offre dans les rayons. Contre 30 % la semaine précédente, alors que la situation était déjà qualifiée d’inédite.

    Le mot pénurie, largement médiatisé, pousse les consommateurs à faire des emplettes de précaution. Avec un effet boule de neige.
    […]

    « Il n’y a pas de pénurie de beurre, mais une communication mensongère des grandes surfaces », ont martelé de leur côté des agriculteurs mobilisés régionalement par les syndicats agricoles FNSEA et Jeunes Agriculteurs (JA) vendredi 3 novembre. Selon JA, « la grande distribution, confrontée à une hausse du prix du beurre, refuse de s’approvisionner », ce qui conduit à une « prise en otage des consommateurs ». Pour Benoît Rouyer, économiste au Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL), « il y a eu une opération de théâtralisation orchestrée par la grande distribution ».

    Bon, cette fois-ci les _Français #thésaurisateurs_de_beurre ne sont plus qu’un facteur aggravant.

  • Le recours à l’automatisation menace les emplois des informaticiens indiens

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/04/le-recours-a-l-automatisation-menace-les-emplois-des-informaticiens-indiens_

    A Bangalore, les informaticiens déchantent. Le secteur informatique en Inde a perdu de son lustre et voit la croissance de ses exportations diminuer.

    Il y a encore quelques mois, Sanjay (un nom d’emprunt), 43 ans, était un ingénieur fier de son parcours chez Capgemini, l’entreprise française de services informatiques, dont près de la moitié des employés travaillent en Inde. Originaire d’une petite ville du sud de l’Inde, il s’était acheté une maison à Bangalore, la capitale indienne de l’informatique, avait inscrit ses enfants dans une école privée et voyageait régulièrement à l’étranger pour des missions de quelques mois. Jusqu’au jour où les responsables des ressources humaines l’ont convoqué pour un entretien. « Ils m’ont demandé de démissionner contre le versement de trois mois de salaires, explique Sanjay, et, si je refusais, ils menaçaient de me licencier en écrivant sur mes lettres de “décharge” que j’étais incompétent. »

    Ces lettres d’appréciations, comparables aux livrets d’ouvriers en vogue au XIXe siècle, sont données à chaque employé indien pour qu’il les fasse lire à de potentiels recruteurs. Quelques mois auparavant, Sanjay avait reçu une mauvaise note lors de l’entretien d’évaluation. « Mon manageur m’a dit que j’avais fait du bon travail, mais que la politique de l’entreprise l’obligeait à me donner une mauvaise appréciation. Il avait en fait un quota d’employés à licencier dans son équipe. »

    Sanjay a ensuite été « mis sur le banc » pendant cinq mois, l’expression qui désigne la période pendant laquelle les ingénieurs sont entre deux missions. Ils n’ont alors accès à aucun ordinateur, n’ont plus de poste de travail et doivent passer leurs journées à la cantine, parfois dans la salle d’accueil.

    Mis à l’écart, poussés à la démission

    Les plus chanceux suivent de courtes formations. D’autres employés indiens de Capgemini contactés par Le Monde témoignent des mêmes pratiques : leurs compétences professionnelles sont dépréciées, ils sont ensuite mis à l’écart et, enfin, poussés à la démission. Une employée a pu enregistrer ses échanges tendus avec deux responsables des ressources humaines de Capgemini.

    Un enregistrement audio auquel a eu accès Le Monde. « Savez-vous pourquoi vous avez été convoquée ? », lui demandent ses deux interlocuteurs. « Oui, vous allez me dire qu’il n’y a plus d’opportunités pour moi dans l’entreprise et que je dois démissionner », répond l’employée, avec huit ans d’expérience dans l’entreprise.

    L’une des responsables des ressources humaines acquiesce. L’employée tente alors de sauver son cas, expliquant qu’elle est prête à prendre n’importe quel poste ailleurs en Inde, puis les supplie de lui laisser deux mois supplémentaires avant de démissionner. « Avez-vous clairement indiqué que vous étiez prête à prendre une mission n’importe où en Inde ? En êtes-vous certaine ? Je vous le répète pour la troisième fois : êtes-vous certaine ? Et si ce n’est pas le cas ? », lui demande l’un des responsables, avant que sa collègue n’embraye : « Alors, si c’est le cas, cela nous facilite la tâche. Nous sommes dans une situation où Capgemini ne se porte pas bien du côté du banc. Nous avons beaucoup trop d’employés sur le banc. »

    « L’industrie indienne devrait être en panique »

    Contactée par Le Monde, l’entreprise française reconnaît que « l’évaluation des compétences des collaborateurs (…) conduit, chaque année, un nombre variable d’employés à quitter l’organisation ». Sur l’année 2017, Capgemini a prévu le recrutement en Inde de 20 000 employés, soit le cinquième de ses effectifs dans le pays… et le départ de 11 000 autres.

    Capgemini est loin d’être la seule entreprise accusée, en Inde, de pousser ses employés à la démission, pour éviter les procédures longues et coûteuses de licenciements. Entre avril et septembre, les effectifs de Cognizant, Infosys, Wipro and Tech Mahindra ont été réduits. Le secteur informatique indien a perdu de son lustre. L’industrie, qui pèse environ 150 milliards de dollars (129 milliards d’euros), soit 0,7 % du produit intérieur brut de la péninsule, voit la croissance de ses exportations diminuer. Celle-ci est passée de 13,8 %, lors de l’année fiscale 2013-2014 (close fin mars), à 10,3 % en 2015-2016, et devrait se situer entre 7 % et 8 % pour 2017-2018.

    La stratégie de réduction des coûts atteint ses limites. « L’industrie indienne devrait être en panique, et à juste titre, puisqu’elle n’a pas tenu le rythme de l’innovation », a expliqué l’ancien patron du cabinet de conseil McKinsey, Rajat Gupta, à New York en mai.

    Elle est désormais menacée par l’automatisation de certaines tâches les moins qualifiées, comme la gestion d’infrastructures ou le développement d’applications, et par la nouvelle politique de restriction des visas accordés aux ingénieurs indiens, décidée par Donald Trump, alors que le marché américain constitue un débouché important. « Les ingénieurs indiens ont préféré devenir des manageurs, diriger des équipes, plutôt que d’acquérir des compétences dans les nouvelles technologies », souligne un analyste qui tient à rester anonyme. Les gagnants de la mondialisation sont en train de devenir les perdants de l’automatisation des tâches informatiques. L’industrie, qui a si longtemps dépendu de la sous-traitance à bas coût, doit changer de modèle. « Entre 60 % et 65 % des ingénieurs informatiques ne peuvent pas être formés à nouveau, a toutefois prévenu Srinivas Kandula, le directeur de Capgemini en Inde, lors d’une conférence en février. Le chômage va toucher en majorité les ingénieurs des échelons intermédiaires ou supérieurs. » En Inde, les entreprises informatiques se séparent de leurs seniors peu qualifiés pour recruter des jeunes diplômés spécialisés dans des domaines comme l’Internet des objets ou l’intelligence artificielle.

    « Nous ne connaissions rien au droit du travail »

    Pour la première fois, des articles de journaux donnent des conseils en matière de licenciement. « Respectez ceux qui quittent l’entreprise. Montrez-leur la même considération que lorsque vous les avez intégrés » ou « échelonnez le départ des salariés dont les enfants passent des examens ou qui doivent s’occuper de parents malades », préconisait le magazine Business Standard à ses lecteurs, en septembre.

    Les ingénieurs indiens commencent à mieux comprendre ce qui est arrivé à leurs collègues européens ou américains il y a deux décennies, lorsque leurs entreprises ont commencé à sous-traiter leurs tâches informatiques en Inde.

    Le premier syndicat d’ingénieurs de la péninsule, le Forum for IT Employees (FITE), est sur le point d’être enregistré, ce qui était impensable il y a encore quelques années. « Nous avons pris conscience que nous ne connaissions rien au droit du travail. Nous avons vu les premiers employés partir sans trop nous poser de question jusqu’au premier plan social de 2014 chez Tata Consultancy Services, explique, dans un café de Bangalore, Raghu (un nom d’emprunt), l’un des responsables du FITE. Ce plan social a été un choc, car nous pensions que notre métier était garanti à vie, un peu comme dans la fonction publique. »

    « Les employés sont isolés »

    Ceux qui demandent de l’aide au FITE sont en majorité des cadres de plus de 40 ans, qui peinent à retrouver du travail. « Dans une entreprise informatique, les employés sont isolés. Ils ne connaissent pas leur voisin de bureau, travaillent chez les clients ou dans des équipes qui disparaissent au bout de quelques mois », témoigne Raghu. FITE travaille essentiellement sur les réseaux sociaux pour se faire connaître. Il est suivi par près de 20 000 internautes sur Facebook, et compte un millier de membres. Une goutte d’eau sur les 4 millions de salariés que compte le secteur.

    Les fondateurs du FITE ont découvert un vide juridique en matière de droit du travail. Les ingénieurs informatiques doivent utiliser une vieille loi encadrant le travail dans les usines et prouver qu’ils sont des exécutants, comme des ouvriers, pour défendre leurs droits. « Les industries informatiques se sont développées en bénéficiant d’avantages fiscaux, de terrains gratuits, les autorités n’ont pensé qu’à leur développement sans penser aux droits des informaticiens », affirme Raghu avec amertume.

    Pour les centaines de milliers d’ingénieurs indiens arrivés sur le marché du travail dans les années 2000, leur licenciement est vécu comme un déclassement social. « Toutes nos vies se sont construites autour de nos salaires, explique Vinod A.J., membre du FITE, et quand vous tombez au chômage, votre vie s’effondre, car tout se paie en Inde, de l’éducation à la santé. »

    Après sa démission forcée, Sanjay s’est payé une formation pour retrouver un emploi, en vain. « Si Bangalore est devenue si riche, c’est grâce à nous, et pourtant, le gouvernement nous oublie », se lamente Sanjay. L’ancien employé de Capgemini lit des ouvrages de développement personnel pour garder confiance en lui. Dans quelques mois, s’il est toujours au chômage, il repartira dans son village se lancer dans l’agriculture biologique ou – peut-être – ouvrir une concession automobile.

  • Le trafic du RER A reprend, après trois jours d’interruption
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/02/interrompu-depuis-lundi-le-trafic-reprend-sur-le-rer-a_5208958_3234.html

    La ligne de transport ferroviaire la plus fréquentée d’Europe avait été coupée, entre la Défense et Auber, en raison d’une [malencontreuse] infiltration d’eau boueuse dans un tunnel

    Le Monde ne veut se fâcher avec personne, semble-t-il.

    Les équipes de la RATP, de la SNCF (qui est maître d’ouvrage des travaux en cause) et surtout du Groupement Eole (Bouygues travaux publics, Eiffage et Razel-Bec), chargé du chantier, ont travaillé d’arrache-pied plus de soixante heures d’affilée pour stopper l’écoulement, dégager 25 tonnes de boue sableuse, pomper l’eau (un volume supérieur à celui d’une piscine olympique), réparer les dégâts et s’assurer de la sécurité de l’ensemble avant d’autoriser à nouveau la circulation des rames.

    On apprend tout à fait incidemment que les vaillants héros qui pompent sont les mêmes que ceux qui sont à l’origine de « l’écoulement »…