Pourquoi la Déclaration Balfour n’a jamais promis un État juif

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    Basheer Nafi | 2 novembre 2017
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    Correspondance Balfour-Curzon

    Lors d’une visite de recherche au Bureau des archives publiques, il y a quelques années, j’ai trouvé un document très intéressant : il contenait une correspondance datée de début 1919 entre Lord Balfour, secrétaire des Affaires étrangères, et son collègue du Cabinet, le Lord President du Conseil, Lord Curzon. On notera que Curzon devait succéder à Balfour au ministère des Affaires étrangères un peu plus tard la même année.

    La première correspondance de Curzon à Balfour, alors à Paris pour la conférence de paix, fut écrite le 16 janvier 1919, suite à une réunion entre Curzon et le major-général Arthur Wigram Money, administrateur de Jérusalem sous les ordres d’Allenby.

    « Un gouvernement juif, sous quelque forme que ce soit, entraînerait de violentes réactions arabes, et les neuf-dixièmes non-juifs de la population ne feraient qu’une bouchée des Hébreux »

    - Lord Curzon

    Dans sa lettre, Curzon explique son interprétation de la lettre de Money : « Un gouvernement juif, sous quelque forme que ce soit, entraînerait de violentes réactions arabes et les neuf-dixièmes non-juifs de la population ne feraient qu’une bouchée des Hébreux. »

    Curzon déclara penser la même chose que Money, et ajouta : « Comme vous le savez, je partage cet avis et j’ai longtemps estimé extravagantes les prétentions de Weizmann et compagnie ; il convient donc de les contrecarrer. »

    Quelques jours plus tard, le 20 janvier, Balfour envoya sa réponse. Sa lettre, brève, ne laissait aucune équivoque : l’engagement britannique envers les sionistes n’impliquait aucunement la création d’un État juif. Il écrivit : « Pour autant que je sache, Weizmann n’a jamais présenté de revendications en faveur d’un gouvernement juif de Palestine. Une telle demande serait à mon avis totalement irrecevable et, personnellement, je ne pense pas qu’il faille aller plus loin que la déclaration initiale que j’ai présentée à Lord Rothschild. »

    Le 26 janvier, Curzon écrivit à Balfour une deuxième lettre, très élaborée : « […] Weizmann peut vous dire une chose, et vous pouvez avoir votre propre interprétation de l’expression ‘’foyer national’’ ; mais soyez bien certain qu’il cherche tout à fait autre chose. »
    Pas question d’un État juif en Palestine

    Le 25 mars 1919, pris d’un sentiment croissant de désespoir quant à la politique palestinienne, Curzon envoya à Balfour une troisième lettre pour commenter la décision de la Conférence de paix de mandater une commission d’enquête américaine au Moyen-Orient arabe.

    Il écrivit : « La seule chose que j’aimerais personnellement voir faire la commission serait de nous extraire de la position en Palestine... Il y a quelque temps, je vous disais que le Dr. Weizmann avait tout simplement abandonné le modeste programme sur lequel il s’était mis d’accord avec vous il y a un an ou plus, et que les ambitions des sionistes avaient franchi toutes les bornes de l’acceptable. »

    Curzon conclut sa lettre en exprimant l’espoir que la commission américaine, connue plus tard sous le nom de Commission King-Crane, recommanderait que « le mandat en Palestine soit confié à n’importe qui d’autre plutôt qu’à la Grande-Bretagne ».

    Voilà ce que pensaient deux grands noms du gouvernement britannique pendant et immédiatement après la guerre. Tous deux servaient en qualité de secrétaires aux Affaires étrangères, mais le nom de Balfour sera pour toujours celui attaché à la fameuse déclaration aux sionistes. Il n’en reste pas moins que tous deux indiquaient clairement que la déclaration n’avait rien à voir avec la fondation d’un État juif en Palestine.

    Il ne fait aucun doute que la Déclaration Balfour est à l’origine de tous les maux du Moyen-Orient arabe. Il semble, cependant, que même ce funeste document ne fût pas destiné à donner naissance au monstre qu’il finit par engendrer.