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  • –-#Paradis_fiscaux #Fraude/évasion_fiscale

    "L’évasion fiscale coûte à la France entre 40 et 60 milliards d’euros par an" - Libération
    http://www.liberation.fr/futurs/2015/10/07/l-evasion-fiscale-coute-a-la-france-entre-40-et-60-milliards-d-euros-par-
    "Où va l’argent d’Uber ?"
    http://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/ou-va-l-argent-d-uber-516391.html

    « En 2014, Uber a payé zéro euro d’impôts en France, et guère plus ailleurs. »

    "La France de la tolérance... à la fraude"
    http://www.marianne.net/france-tolerance-fraude-100237452.html

    -"les grands groupes développent, avec l’aide de professionnels du droit et de la comptabilité, des structures leur permettant de brouiller la frontière entre le légal et l’illégal, ou de diluer les responsabilités." ;
    –"Tout comme dans le domaine du droit du travail, les vérificateurs utilisent, pour les décrire, le terme d’« ingénierie » plutôt que celui de « fraude ». Ce champ lexical traduit à la fois l’existence de montages plus complexes et la capacité des spécialistes de la fiscalité à euphémiser leurs pratiques " ;
    –" La pluralité des intervenants - président-directeur général, directeur financier, directeur juridique, etc. - dilue également l’intentionnalité de la fraude." ;
    –"Les entreprises, et notamment les plus grandes, sont considérées, en raison des emplois qu’elles créent ou des produits de consommation qu’elles distribuent, comme ayant une action sociale positive ; il y a là un frein à l’engagement de poursuites" ;
    –" La dimension transnationale des très grandes entreprises les place dans une position singulière vis-à-vis du droit : leur implantation dans plusieurs pays leur permet de relativiser chaque règle nationale en faisant jouer la concurrence entre Etats. "

    –-"L’OCDE promet « la fin de la récréation » fiscale pour les McDo, Google et consorts" - Libération
    http://www.liberation.fr/monde/2015/10/05/l-ocde-promet-la-fin-de-la-recreation-fiscale-pour-les-mcdo-google-et-con

    "OCDE : Comment récupérer les 240 milliards de dollars d’impôts par an qui échappent aux Etats", Europe
    http://www.lesechos.fr/monde/europe/021378823000-ocde-240-milliards-de-dollars-dimpots-par-an-echappent-aux-eta
    http://www.lesechos.fr/medias/2015/10/05/1162358_ocde-comment-recuperer-les-240-milliards-de-dollars-dimpots-par-an-

    -"pour chaque dollar reçu sous forme d’investissement ou d’aide extérieure les pays en développement perdent 2 dollars, à cause de la fraude ou de l’optimisation fiscale. Par le seul levier de l’optimisation fiscale, les pays du Sud perdent 100 milliards par an de revenus…"

    –"Et d’ajouter que ce chiffre se veut prudent. Dans les couloirs de l’organisation, certains, proches du dossier, évoquent volontiers le chiffre astronomique de 500 milliards de dollars."

    L’UE somme Fiat et Starbucks de rembourser des avantages fiscaux illégaux | EurActiv.fr
    http://www.euractiv.fr/sections/euro-finances/lue-somme-fiat-et-starbucks-de-rembourser-des-avantages-fiscaux-illegaux
    http://www.euractiv.fr/sites/default/files/collagedeouf.jpg

    L’UE accuse la Belgique de favoriser les multinationales par un régime fiscal "illégal" | Courrier international
    http://www.courrierinternational.com/depeche/lue-cible-la-belgique-accusee-de-favoriser-les-multinationale
    #UE #Multinationales #Dumping_fiscal #Paradis_fiscaux #Fraude/Evasion_fiscale

    "Luxembourg et Allemagne demeurent des pays propices à la fraude fiscale"
    http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/luxembourg-et-allemagne-demeurent-des-pays-propices-a-la-fraude-fiscale-51

    Hmm, comment mettre ça sur le dos de la Grèce, ou des réfugiés, des étrangers, des musulmans, des chômeurs, des assistés, des fonctionnaires..?

    -"Un rapport coordonné par le Réseau européen sur la dette et le développement (Eurodad) estime que la plupart des 15 pays analysés ne parviennent pas à limiter l’évasion et l’évitement fiscaux, et que les multinationales et riches particuliers y trouvent « de nombreuses occasions » de dissimuler de l’argent.

    « L’Allemagne et le Luxembourg sont toujours en haut de la liste et offrent une série de moyens de dissimuler le propriétaire [d’une entreprise] ou de blanchir de l’argent »" ;

    –"22 des 28 États membres utilisent ce qu’on appelle des décisions anticipées pour conclure des accords fiscaux avec les grandes entreprises internationales, selon le rapport paru le 3 novembre, qui s’intitule « Cinquante nuances d’évitement fiscal ». « Avec des taux d’imposition de moins de 1 % dans certains cas [...] les décisions anticipées sont devenues un outil essentiel de l’évitement fiscal des entreprises », souligne le rapport." ;

    –"À la fin de l’année 2013, il y avait 119 accords de prix préalable au Luxembourg, et 73 au Royaume-Uni, deuxième pays sur la liste. L’Allemagne avait quant à elle négocié 21 accords de ce type, soit deux de plus que la moyenne européenne." ;

    –"Le rapport félicite les initiatives du Danemark et de la Slovénie, qui ont rendu publics les registres de propriété des entreprises. La France et l’Italie ont rejeté cette idée" ;

    –"Berlin s’est opposée à l’élaboration d’un registre central listant les propriétaires bénéficiaires et un accès public à l’information"

    #UE #Fraude/évasion_Fiscale

    Lutte contre l’évasion fiscale : six ans de fausses promesses européennes et françaises, PAR RACHEL KNAEBEL
    http://www.bastamag.net/Les-Etats-du-G20-vont-ils-enfin-prendre-des-mesures-efficaces-contre-l-eva

    -"A la veille du prochain G20 en Turquie, un rapport révèle que les pratiques d’évasion fiscale des entreprises états-uniennes opérant en France font perdre 4,5 milliards d’euros de recettes à l’Etat. Davantage que les coupes budgétaires imposées aux hôpitaux." ;

    –"L’étude des ONG se penche plus particulièrement sur les pertes d’argent public dues à l’évasion fiscale des multinationales états-uniennes. Conclusion : rien que pour l’année 2012 – la dernière année pour laquelle les chiffres sont disponibles... –, entre 500 et 700 milliards de dollars de bénéfices de ces firmes ont échappé aux fiscs des différents pays où elles sont actives." ;

    –"Ces multinationales ont ainsi déclaré 80 milliards de dollars de profits aux Bermudes, où les bénéfices des entreprises sont entièrement exonérés d’impôt. C’est plus que leurs profits cumulés au Japon, en Chine, en Allemagne et en France. On ne savait pas que les Bermudes étaient un marché aussi florissant !" ;

    –"« Les pays les plus pauvres comme le Honduras, l’Équateur ou les Philippines sont touchés beaucoup plus durement », rappelle le rapport. « (...) le budget de l’éducation ou de la santé du Honduras pourrait augmenter de 10 à 15 % en mettant un terme aux pratiques d’évasion fiscale des entreprises multinationales. » Le rapport (...) se concentre sur les entreprises états-uniennes car seuls les États-Unis obligent leurs entreprises à fournir ces informations. Si les multinationales d’autres pays étaient incluses, le montant des pertes fiscales serait faramineux !" ;

    –"L’essentiel des bénéfices transférés par les multinationales des États-Unis dans des territoires connus pour leurs avantages fiscaux se retrouve dans cinq pays, dont trois membres de l’Union européenne : aux côtés des exotiques Bermudes, trônent des pays bien moins lointains mais tout aussi fiscalement avantageux, comme la Suisse, les Pays-Bas, le Luxembourg, et l’Irlande." ;

    –"ces progrès sont contrebalancés par la création de nouvelles niches fiscales. L’Irlande a ainsi instauré de nouveaux avantages fiscaux cette année : des régimes préférentiels d’imposition pour les revenus des dépôts de brevets (les patent box). Le Luxembourg a abandonné son régime préférentiel réservé aux holdings, mais en a introduit un nouveau sur l’innovation. " ;

    –"Cette contrainte de publicité a d’ailleurs déjà été imposée aux banques française par la loi bancaire de 2013.

    C’est pourtant la version allégée de l’obligation de transparence que les députés français s’apprêtent à voter définitivement vendredi à l’Assemblée nationale. " ;

    –" pourquoi tant d’empressement du gouvernement français à vouloir adopter une mesure bien moins ambitieuse que celle défendue à Bruxelles ? », s’interroge aussi la députée européenne écologiste Eva Joly"

    « Bonne année la fraude fiscale ! » Par Chloé Dubois - Politis
    http://www.politis.fr/Les-voeux-des-finances-publiques-a,33555.html

    « Alors que la fraude fiscale coûte chaque année entre 60 et 80 milliards d’euros, Solidaires Finances Publiques, force syndicale de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), évalue dans un communiqué à 3.173 le nombre de suppressions d’emplois au sein des différents services de contrôle de la DGFIP en cinq ans. » ;
    –"Le syndicat rappelle les différentes mesures qui, depuis 2002, ont conduit à la suppression de plus de 32.000 postes au sein de la DGFIP"

    La grande évasion : Le vrai scandale des paradis fiscaux - Babelio
    http://www.babelio.com/livres/Harel-La-grande-evasion--Le-vrai-scandale-des-paradis-f/363929

    Evasion fiscale | ARTE
    http://www.arte.tv/guide/fr/047158-000/evasion-fiscale
    Le jeu des fraudeurs - Évasion fiscale, le hold-up du siècle
    http://www.arte.tv/sites/fr/evasion-fiscale

    Le Prix à payer - film 2014 - AlloCiné
    http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=232221.html


    #Fraude/évasion_fiscale #Documentaires

    Chefs d’Etat, sportifs, milliardaires : premières révélations des « Panama papers » sur le système offshore mondial
    http://www.lemonde.fr/panama-papers/article/2016/04/03/chefs-d-etat-sportifs-milliardaires-premieres-revelations-des-panama-papers-

    -"Les milliers d’échanges internes entre les employés de Mossack Fonseca passés au crible par Le Monde et ses partenaires confirment que les artisans de l’offshore parviennent toujours à conserver un coup d’avance sur les tentatives de régulation mondiales.

    Ainsi quand, en 2011, les îles Vierges britanniques sont contraintes, sous la pression internationale, d’abandonner le système des actions au porteur anonymes, un mouvement de balancier s’opère au profit du Panama ou des Seychelles, où de telles pratiques sont encore autorisées.

    C’est par ces rebonds d’un paradis fiscal à l’autre, et en exploitant les failles de la régulation par des montages toujours plus complexes, que Mossack Fonseca et ses intermédiaires tiennent en respect les autorités de contrôle." ;
    –"Ce ne sont pas les lois contre le blanchiment qui manquent, mais le contrôle de leur application qui doit être renforcé, partout dans le monde.
    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/panama-papers/article/2016/04/03/chefs-d-etat-sportifs-milliardaires-premieres-revelations-des-panama-papers-"

    http://zinc.mondediplo.net/messages/22677

    Tout comprendre à l’affaire des « Panama Papers » | AlterEco+ Alterecoplus
    http://www.alterecoplus.fr/finance/tout-comprendre-a-laffaire-des-panama-papers-201604051725-00003286.html

    #Panama #Leaks #Fraude/évasion_fiscale #Panama_papers

    #Fraude/évasion_fiscale_dons #Fraude/évasion_fiscale_fondations
    #Dette_publique #Finances_publiques #Public/privé
    Votre percepteur est coté en Bourse, par Christian de Brie (Le Monde diplomatique, mai 2016)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/05/BRIE/55466

    "Les « Panama papers » font suite à une série de scandales récents : UBS en 2008, LuxLeaks en 2014, SwissLeaks en 2015... Ils ont contribué à soulever un peu plus un coin du lourd tapis sous lequel se dissimulent évasion fiscale et criminalité financière."

    " Rien d’étonnant à ce que les centaines de milliers de tonnes de bananes consommées en Europe soient importées de… Jersey, mieux connue pour héberger fictivement des bénéfices en franchise d’impôts que pour sa production de fruits tropicaux. Ou à ce que la plupart des multinationales actives en France y paient moins de 10 % d’impôts sur les bénéfices, bénéfices que minorent déjà outrageusement des règles et pratiques comptables certifiées par les quatre principales sociétés d’audit internationales. Mais si la fraude, en France, représente 60 à 80 milliards d’euros— près de deux fois le montant de l’impôt sur les sociétés"

    "elles ont effectué sur vous un prélèvement pécuniaire, par voie d’autorité, à titre définitif et sans contrepartie directe, ce qui est la définition même de l’impôt. Il en est ainsi, entre autres, de toutes les dépenses de publicité — en France, près de 30 milliards d’euros, soit les trois quarts du produit de l’impôt sur les bénéfices —, intégrées dans le prix des biens et des services"

    "Mieux : vous payez deux fois. Car les coûts de la régate font partie des charges déductibles minorant d’autant le bénéfice imposable, réduisant l’impôt correspondant, donc les recettes de l’Etat, qui, pour les maintenir au même niveau, se rattrapera sur vous. Si les entreprises sont astucieuses — et elles le sont —, elles placeront l’événement sous le signe de quelque cause humanitaire à laquelle elles reverseront une partie des recettes, ce qui leur permettra de déduire du montant de leur impôt jusqu’à 60 % du don effectué."

    "En définitive, tout se passe comme si les pouvoirs publics, censés représenter en démocratie la volonté des citoyens, abandonnaient au secteur privé les moyens de financer les politiques culturelles, sportives, environnementales et autres, en lui transférant indirectement une partie des recettes fiscales et le pouvoir de lever l’impôt, au prétexte que l’Etat… n’a plus d’argent !"

    "Cette évolution s’inscrit dans un mouvement plus global de privatisation des moyens d’action des Etats au profit de ceux que Susan George appelle les « usurpateurs (3) »."

    "Tel un millefeuille, le code des impôts est truffé de dispositions pudiquement appelées « niches fiscales » "

    "Tous ces privilèges n’ont pas de quoi émouvoir la grande presse ; sans doute parce qu’elle en croque"

    Pour en finir avec l’impunité fiscale, par Eva Joly (Le Monde diplomatique, juin 2016)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/06/JOLY/55770

    " Loin d’être fatale, celle-ci résulte de choix politiques. En particulier en France, où le verrou du ministère des finances sur les enquêtes, la baisse des effectifs et la culture de la conciliation favorisent la triche. "

    "Que peuvent-ils penser au Royaume-Uni, où la Royal Bank of Scotland a bénéficié de 45 milliards de livres (58 milliards d’euros) d’aides publiques pour son renflouement, alors que l’on vient d’apprendre que cet établissement aidait ses riches clients à se dérober à leurs obligations fiscales ?"

    "tolérer ainsi l’impunité fiscale, c’est faire le choix de la concentration des richesses plutôt que celui des services publics ou de la préservation de l’environnement… Car la question n’est pas que morale. Son coût pour les finances publiques atteint 60 à 80 milliards d’euros chaque année en France, soit l’équivalent du déficit budgétaire."

    " Ces entreprises implantées dans plusieurs pays ont la possibilité de jouer sur les différences de législation de l’un à l’autre. Certains membres de l’Union européenne ont fait de l’évasion, ou plutôt de l’« optimisation », une industrie. Les faveurs qu’ils accordent de manière discrétionnaire aux grandes compagnies finissent par mettre l’ensemble des nations en concurrence"

    "Cela conduit en définitive les ministères des finances à négocier pour ne pas voir les sièges sociaux s’envoler ailleurs"

    "Il faut parler de justice de classe lorsque les pouvoirs publics font le choix délibéré de la conciliation avec les fraudeurs. En 2009 par exemple, le ministère des finances obtenait grâce à M. Hervé Falciani des listes de détenteurs de comptes non déclarés en Suisse. La fraude était simple à établir. Pourtant, sur 2 846 individus et 86 sociétés concernés, à peine une centaine ont été poursuivis devant un juge, dont l’héritière de Nina Ricci. Le ministre des finances Éric Woerth a préféré mettre sur pied une cellule dite de « dégrisement » permettant aux contribuables fautifs de rapatrier leurs avoirs dissimulés en payant de simples pénalités, alors qu’une condamnation pénale aurait pu leur valoir de lourdes amendes, voire des peines d’emprisonnement."

    "Le choix de ne pas aller en justice, et plus généralement de ne pas s’attaquer aux grands fraudeurs, peut se mesurer à travers la baisse des effectifs."

    "Tolérance zéro" ?
    #UMP #Austérité

    « Le nombre d’enquêteurs spécialisés a aussi baissé. Cette tendance s’observe dans la plupart des pays européens. Selon la Fédération syndicale européenne des services publics, les politiques d’austérité ont conduit à la perte de 56 000 postes d’agent du fisc en Europe entre 2008 et 2012 (4). Des pays comme la Grèce ou le Royaume-Uni ont vu les effectifs de leurs administrations fiscales réduits de plus d’un cinquième durant cette période. En France, la direction générale des finances publiques a perdu 8,8 % de ses effectifs, c’est-à-dire plus de 11 000 agents, dont nombre d’enquêteurs fiscaux. Les présidences de MM. Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ont particulièrement affaibli la capacité de notre pays à combattre la fraude. »

    Coup double pour les ploutocrates ! (voire triple en fonction des catégories : sauvetages bancaires/privatisations bradées/TINA-laisser-faire)

    « Il faut voir dans cette justice de classe une victoire culturelle des possédants. En alimentant les discours anti-impôts et en dénonçant une pression fiscale présentée comme insoutenable, ils ont tenté de légitimer la fraude. Pourtant, diverses études internationales ont montré qu’il n’y a pas de corrélation entre le niveau moyen d’imposition et l’étendue de la triche ; le civisme fiscal tient davantage à une perception positive des institutions et des services publics »

    #Médias

    "L’anticipation des contraintes liées à l’action pénale et une certaine politique du chiffre ont fait de la conciliation la norme.

    Pourtant, l’impunité fiscale n’est pas une fatalité. J’en veux pour preuve le sursaut du peuple islandais au lendemain de l’effondrement bancaire de 2008. Les citoyens de ce petit pays ont refusé par référendum de payer la dette laissée par les dérives d’une banque, et une enquête d’ampleur a été lancée pour rechercher les coupables de cette fuite en avant dans la financiarisation de l’économie insulaire."

    "L’Islande est le seul pays s’étant vraiment attaqué à la responsabilité personnelle des « banksters », alors qu’elle n’avait pas l’expérience des affaires financières ou bancaires, et pas d’équipes expérimentées pour engager des poursuites. Aux États-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs, les gouvernements ont consacré l’essentiel de leur capacité d’action à sauver les banques et surtout à empêcher la mise en cause des dirigeants. Si l’Islande a pu mener ces enquêtes, tous les pays auraient pu le faire."

    "L’exemple de ce pays montre que la lutte contre la criminalité financière peut s’avérer efficace, surtout quand on dispose, comme en France, de compétences exceptionnelles dans l’administration fiscale. Ne pas rechercher les responsables de cette crise monumentale, qui a coûté plus de 2 000 milliards d’euros aux pays européens, sans compter les années de récession et de chômage, résulte bien d’un choix politique."

    "Si l’absence d’harmonisation des règles en Europe et dans le monde favorise l’exode et la fraude, il est possible d’agir dès maintenant en France."

    "Tout cela implique un renforcement des moyens humains et financiers. Mais n’oublions pas que les enquêteurs, policiers, juges d’instruction ont en commun de rapporter plus au budget de la nation qu’ils ne lui coûtent. Seule manque la volonté politique de leur donner le pouvoir d’agir."

    #Islande #Finance #Fraude/évasion_fiscal #Crise_financière2007/2008

    Cash investigation - "Panama Papers" Paradis fiscaux : le casse du siècle / intégrale - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=L3ZIO-mBxfE

    « Sans domicile fisc » : le livre choc sur les paradis fiscaux (1/2) | Public Sénat
    http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/sans-domicile-fisc-livre-choc-paradis-fiscaux-12-1473463
    #Conflits_d'intérêts

    "Le rappel des scandales successifs, HSBC, UBS, Luxleaks, le cas Mc Donald’s et bien sûr les « Panama papers », donnent froid dans le dos. Le rôle des Etats est tout aussi troublant : les parlementaires pointent l’hypocrisie, voire le double jeu qui règne en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis ou même en France."

    "Le pantouflage des fonctionnaires vers le secteur privé et l’embauche de conseiller issus du monde bancaire et de la finance – Emmanuel Macron en est l’exemple – illustre cette proximité, voire cette connivence entre politiques et banquiers. Dès lors, comment changer le système de l’intérieur si le système est vérolé ?"

    "L’échange automatique de données fiscales entre Etats, qui se généralise petit à petit, y compris avec certains paradis fiscaux, est encourageant. Il sera appliqué en 2017. Trop mou, trop lent, selon les frères Bocquet : « Aujourd’hui, on tire avec un pistolet à eau (...)"

    "« Les évaluations des ONG sont édifiantes : cette situation génère chaque année un manque de recettes de 60 à 80 milliards d’euros pour le budget de la République française, dont le montant total des recettes est de 300 milliards pour 2016. Une perte à comparer avec la trentaine de milliards d’euros de recettes de l’impôt sur les sociétés, ou encore les 73 milliards du déficit budgétaire annoncé pour 2016. Le sujet devrait s’imposer comme la priorité des priorités. La chasse aux économies cible tous les domaines, des crédits de la recherche aux aides destinées aux handicapés, alors que des ressources existent mais échappent à la nation. Le calcul est simple ! Ne soyons pas naïfs, cela ne peut se régler d’un coup de baguette magique, mais le rapprochement est spectaculaire. Il désigne un but ; voilà le mobile de la lutte. Sans évasion fiscale, pas de déficit, plus de dette. Le logiciel budgétaire peut être reconfiguré, ainsi que toute la logique des politiques menées en France, en Europe, dans le monde. On change les cartes : tout devient possible »."

    "Le crime organisé aussi s’est branché sur le tuyau. C’est une simple nécessité : le crime est présent dans le jeu des commissions et des rétrocommissions. Le blanchisseur de même. Toutes ces masses d’argent se retrouvent dans les places offshore connues, Bahamas, Caïmans, Chypre mais aussi à la City, à Vienne ou au Delaware… "

    "« Il est plus facile de créer une société écran aux États-Unis que dans n’importe quel autre pays du monde, à l’exception du Kenya », ont conclu trois chercheurs américains après avoir testé toutes les formules à travers le monde, et celle de l’offshore en particulier. Parmi les clients du Delaware ont figuré des profils peu recommandables, comme l’ancien officier soviétique russe et trafiquant d’armes Viktor Bout, ou El Chapo, le baron de la drogue mexicain. Hillary Clinton et Donald Trump y ont pignon sur rue ! L’ancienne secrétaire d’État de Barack Obama s’y fait payer ses conférences dans le monde, et le milliardaire et magnat de l’immobilier y gère son patrimoine."

    "« Autre particularité de notre cher Hexagone, les conditions fiscales tout à fait particulières dont y jouit le Qatar. À l’initiative de Nicolas Sarkozy a été voté en 2008 un avenant à la convention fiscale liant les deux pays. Résultat : un bouquet de faveurs tout à fait exceptionnelles dont l’exonération totale des plus-values immobilières réalisées par l’émirat, la suppression de la retenue à la source sur les dividendes perçus par des sociétés qataries, l’exonération d’impôt sur la fortune pendant cinq ans. Le coup a porté : la France est désormais la deuxième destination des dollars venus de l’émirat après le Royaume-Uni. Parmi ces investissements, le rachat du Paris Saint-Germain (...)"

    "Ce type d’accord à géométrie variable se retrouve dans l’exonération attribuée à l’UEFA (Union des associations européennes de football), à la tête du dernier Championnat d’Europe de football. L’Union dont le siège est à Nyon, en Suisse, a engagé, via la société en charge de l’organisation basée à Paris, environ 600 millions d’euros de dépenses pour mettre sur pied cet Euro 2016 et elle en attendait 1,9 milliard de recettes. Résultat attendu, et sans tir au but, de 1,3 milliard de bénéfices. Rien ne reviendra au budget national puisque la société a été exonérée de l’impôt sur le revenu, de la taxe sur les salaires ! "
    #Paradis_fiscaux
    "« Exemple avec la présence en Belgique d’EDF, de Sanofi, de Total et de Danone, qui placent leur trésorerie dans des filiales faisant office de banques au service des autres entités. Les intérêts des prêts sont déduits des bases imposables des sociétés emprunteuses, tandis qu’en Belgique les intérêts perçus sont très faiblement taxés. Les groupes bénéficient de ce concept financier et fiscal purement belge dit « des intérêts notionnels ». (...) Au total, ces ruses feraient perdre au fisc national de l’ordre de 15 à 20 milliards d’euros selon les estimations du Syndicat national unifié des impôts »."

    "Dans la catégorie des fortunes les plus élevées, supérieures à 5 milliards de francs suisses, soit environ 4,6 milliards d’euros, figurent ainsi la famille Wertheimer (Chanel), les Castel (boissons et eaux minérales) et Patrick Drahi (Numéricable-SFR) »"

    « Sans domicile fisc » : le livre choc sur les paradis fiscaux (2/2) | Public Sénat
    http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/sans-domicile-fisc-livre-choc-paradis-fiscaux-22-1473849
    http://www.publicsenat.fr/sites/default/files/c6153be928af22b53d725abfcbaf9b8b.jpg

    "en France les meilleurs lobbyistes des grands banquiers, ce sont finalement le Trésor et Bercy. Cela paraît stupéfiant : l’administration publique est le grand défenseur de ces intérêts privés. Et pourquoi ? Simplement parce que la plupart des hauts fonctionnaires vont un jour passer de l’autre côté. [...] On pense vivre dans un système démocratique, or, en fait, il dérive à grands pas vers la #ploutocratie. Le pouvoir de l’argent et cette consanguinité dans l’autoreproduction des élites. Nous avons le droit de vote, mais dans les faits tout est verrouillé aux étages supérieurs »"

    "« Les Américains ont fait plier les banques et les autorités avec une arme absolue entrée en action en janvier 2014 : la loi FATCA est une disposition fédérale destinée à vérifier la conformité fiscale des actifs de tous les citoyens américains déposés sur des comptes aux quatre coins du monde. Elle oblige toutes les institutions financières opérant aux États-Unis mais disposant d’établissements à l’étranger à communiquer aux services fiscaux les données personnelles, le montant des avoirs au-delà de 50 000 dollars et le détail des transactions de leurs clients, citoyens des États-Unis ou étrangers résidant sur le sol américain. Le risque du retrait de l’autorisation d’opérer sur le sol des États-Unis en cas de refus de coopérer a fini par convaincre les réseaux récalcitrants. Effet collatéral : environ 9 000 contribuables américains auraient décidé de renoncer à leur nationalité pour tenter de garder au secret leurs avoirs ! Et parmi eux, la chanteuse Tina Turner, installée en Suisse, ou Eduardo Saverin, cofondateur de Facebook"

    "Le baron de la drogue Mexicain adepte des sociétés écrans"

    "Sanofi, Danone, Vivendi, Axa, LVMH, Schneider, France Telecom, Vinci et Saint-Gobain sont dans les paradis. La présence de filiales de ces fleurons de l’économie française s’explique sans doute par le développement d’activités à l’international, mais surtout par la recherche des meilleures places du hard discountfiscal. Engie (ex-GDF Suez), Sanofi, Danone, LVMH et Société générale auraient économisé en 2012 plus de 300 millions d’euros d’impôts chacun en moyenne"

    "le club britannique d’Arsenal est géré par un trust basé à Jersey. Et la FIFA et l’UEFA se retrouvent dans les dossiers troubles des « Panama Papers » comme des présidents de clubs professionnels français »"

    "le garde des Sceaux, qui souhaitait faire exercer des poursuites pénales, avait demandé à son collègue chargé du Budget de déposer une plainte dans le dossier portant sur la dissimulation de sommes importantes distribuées aux joueurs du club de football de Saint-Étienne. Ce ministre fit savoir qu’il ne serait pas “le fossoyeur du football français” ! »"

    "Comment justifier la nomination de François Villeroy de Galhau comme gouverneur de la Banque de France alors qu’il s’agit de l’ancien directeur général délégué de BNP Paribas, dont le bilan est de l’ordre de 2 000 milliards d’euros ? Évidemment, c’est une personnalité indépendante, un expert, fin connaisseur de la monnaie. Il m’a répondu lors de son audition au Sénat : « Je veux continuer de servir mon pays comme je le faisais à BNP Paribas. Les deux tiers de ma carrière, je les ai faits dans le service public. J’ai le service public au fond de moi. » Comment Pierre Moscovici, alors ministre du Budget, peut-il proposer de nommer à la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers Françoise Bonfante, qui vient de la banque UBS ? » demandent les deux frères, qui précisent que face à la polémique, Françoise Bonfante a finalement renoncé."

    "« De même, comment peut-on nommer au Haut Conseil des finances publiques Mathilde Lemoine, de la banque HSBC, Marguerite Bérard-Andrieu, de la banque BPCE, ou encore Valérie Plagnol, qui vient du Crédit suisse, banque privée ? Je ne mets pas en cause la qualité de ces personnes. Mais ces choix posent question ! La Banque centrale européenne est dirigée par Mario Draghi ; Mario Monti a été aux affaires en Italie et Loukás Papadímos, gouverneur de la Banque de Grèce. Or, tous ont travaillé chez Goldman Sachs » rappelle Eric et Alain Bocquet, qui finisse par le cas de « l’ancien président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, qui a accepté en juillet 2016 d’être recruté par la sulfureuse banque d’affaires Goldman Sachs »."

    " les fraudeurs ne sont pas forcément ceux qu’on nous désigne. Les fraudeurs au RSA, aux allocations existent, et ce n’est évidemment ni justifiable ni négligeable. Mais cela ne représente rien, tout juste le trait du crayon à côté des chiffres de l’évasion fiscale, de la fraude, qui se mesurent en milliers de milliards ! Le second objectif est de contester l’idée selon laquelle il n’y aurait plus de ressources pour les budgets publics. Le travail de la commission sénatoriale dont j’étais rapporteur a permis de montrer en 2013 que ces deux idées étaient tout à fait infondées. C’est une réalité de notre société : les fraudeurs, les vrais, sont des gens en costume trois-pièces avec jolie cravate et tous les signes de l’insolence du luxe ! L’argent dont on nous dit qu’il manque déborde de partout mais échappe à la puissance publique »."

    #Discours_orthodoxes

    Un calcul qui sera à coup sûr autant commenté sur les plateaux que celui concernant la dette grecque...
    L’évasion fiscale nous coûte à chacun 136.24 € par mois - Chronique Mediapart #3 - Osons Causer
    http://osonscauser.com/levasion-fiscale-coute-a-chacun-136-24-e-mois-chronique-mediapart-3

    Comment les géants de l’audit ont pris le pouvoir - Basta !
    http://www.bastamag.net/Comment-les-geants-de-l-audit-ont

    "La multiplication des « réformes structurelles » libérales dans les pays du Sud, sous l’impulsion du FMI ou de la Banque mondiale, a ouvert un marché prometteur aux Big Four. Les pays africains, notamment, mandatent les géants de l’audit pour les conseiller lors de la privatisation de leurs secteurs publics."

    #Réformes_structurelles
    #Conflits_d'intérêts #Multinationales_audit #Lobbying #UE

    Evasion fiscale : Juncker, ce loup dans la bergerie | ARTE Info
    http://info.arte.tv/fr/evasion-fiscale-juncker-ce-loup-dans-la-bergerie

    « Des millions d’Européens ont souffert des politiques d’austérité qui ont créé la division sociale. Ils ont désormais le parrain du dumping fiscal à la tête de la commission de l’Union européenne »

    « Des grandes multinationales comme Apple, Amazon, Pepsi ou encore Ikea ont bénéficié d’accords avantageux avec le fisc luxembourgeois. Très avantageux même : ces dernières ont pu profiter d’un taux d’imposition sur les bénéfices d’1%, bien en dessous du taux officiel de 29% »

    Paradise Papers : Au coeur d’un scandale mondiale - Cash investigation (intégrale) - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=GHuMcxLtghY

    "Dubaï Papers" : révélations sur un réseau international de fraude fiscale et de blanchiment. Par Caroline Michel-Aguirre Publié le 05 septembre 2018
    https://www.nouvelobs.com/justice/dubai-papers/20180905.OBS1818/dubai-papers-revelations-sur-un-reseau-international-de-fraude-fiscale-et

    Les conditions de l’amende de 300 millions d’euros payée par HSBC rendues publiques - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/27/les-conditions-de-l-amende-de-300-millions-d-euros-payee-par-hsbc-rendues

    « Une exigence inscrite dans la loi Sapin II qui autorise les transactions financières entre les entreprises et la justice, afin de raccourcir les délais de procédure et les voies de recours. »


    INFO FRANCEINFO. Les entreprises du CAC 40 ont fait plus de bénéfices mais ont payé moins d’impôts entre 2010 et 2017
    https://www.francetvinfo.fr/economie/impots/paradis-fiscaux/info-franceinfo-les-entreprises-du-cac40-ont-fait-plus-de-benefices-mai
    #Multinationales #Finance #Fraude/évasion_fiscale #Paradis_fiscaux #Environnement

    "Dans ce rapport, Attac a passé au peigne fin les rapports annuels de ces 40 entreprises françaises depuis 2010, selon trois critères : social, climatique et fiscal et le bilan est sans appel. Selon l’association, les impôts versés par les entreprises ont baissé de 6,4% en valeur absolue entre 2010 et 2017, alors que leurs bénéfices cumulés ont augmenté de près de 10%. Quant aux dividendes versés aux actionnaires, ils sont en hausse de 44% en valeur absolue également sur la même période. En revanche, leurs effectifs en France ont baissé de 20%.

    En 2017, les entreprises du CAC 40 ont déclaré un peu plus de 16 000 filiales, dont 15% dans des territoires identifiés comme des « paradis fiscaux et judiciaires », soit près de 2 500. La présence de l’État français dans le capital des entreprises « n’a malheureusement pas d’effet sur leur comportement. »

    Amazon : 44 milliards de chiffre d’affaires en Europe... sans payer d’impôts
    https://fr.euronews.com/2021/05/06/amazon-44-milliards-de-chiffre-d-affaires-en-europe-sans-payer-d-impots
    https://www.capital.fr/entreprises-marches/44-milliards-deuros-de-ventes-0-impot-sur-les-societes-amazon-roi-de-loptimi

  • Logiciels de l’Etat : du mieux, mais des héritages encombrants - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/29/logiciels-de-l-etat-du-mieux-mais-des-heritages-encombrants_1613369

    Où en sont les logiciels de l’administration française ? Depuis novembre 2016, plus besoin d’attendre un éventuel rapport de la Cour des comptes pour prendre des nouvelles – et découvrir, le cas échéant, un crash d’envergure. Désormais, trois fois par an, la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’Etat (Dinsic) publie un « panorama des grands projets » informatiques publics. La dernière édition a été mise en ligne ce mercredi sur le portail web consacré à la « modernisation de l’action publique » : 61 projets y sont recensés, du système de traitement des données des passagers aériens (PNR, pour Passenger Name Record) au « Géoportail » piloté par l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN).

  • L’Eglise recase un évêque démissionné pour des attitudes déplacées avec des ados - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/16/l-eglise-recase-un-eveque-demissionne-pour-des-attitudes-deplacees-avec-d

    Débarqué de l’évêché de Dax, Hervé Gaschignard vient d’être accueilli dans le diocèse de Dax. L’affaire avait révélé des dysfonctionnements dans la nomination des évêques.

    Contraint à la démission, fin avril, à cause d’« attitudes pastorales inappropriées » (selon la terminologie de l’Eglise) envers des jeunes, Hervé #Gaschignard, l’ex-évêque d’Aire et Dax, avait disparu des radars. Début novembre, on l’a revu finalement assister (discrètement quand même) à l’assemblée plénière des évêques à Lourdes. Mais toujours sans affectation. Il vient finalement d’être recasé, de façon surprenante, dans le diocèse de l’Isère où il a pris ses fonctions le 8 novembre.

    « Encouragé par Rome » à fournir un job au prélat déchu, selon les termes employés dans son communiqué, l’évêque de Grenoble, Guy de Kerimel, un conservateur, a invité ses ouailles à lui faire « bon accueil ». Même s’il a repris des fonctions, Gaschignard a quand même été bel et bien sanctionné puisqu’il n’exerce plus en tant qu’évêque. Les missions qu’il s’est vu confier ne sont en outre pas en lien avec des jeunes.

    Plusieurs adolescents l’avaient mis en cause pour des gestes et des paroles déplacés. Alerté, l’archevêque de Bordeaux avait fait, fin avril, un signalement au procureur de Dax. Le 27 juin, le parquet a classé sans suite l’affaire. Malgré cela, le procureur avait confirmé l’existence de gestes et de paroles déplacés à l’égard d’adolescents, sans que cela ne puisse faire l’objet de poursuites.

    Sous pression des affaires de #pédophilie, l’Eglise catholique de France avait transmis le dossier Gaschignard au #Vatican au printemps dernier. Et le couperet était tombé très rapidement. A Rome, l’affaire Gaschignard, selon des sources au Vatican, avait provoqué la colère du pape. Elle avait en effet révélé un dysfonctionnement grave dans sa nomination au rang d’évêque. Avant de prendre ses fonctions à Aire et Dax, Gaschignard était en effet le bras droit de l’archevêque de Toulouse Robert Le Gall. Or celui-ci avait dejà eu connaissance de plaintes de jeunes gens concernant la conduite de son numéro deux.
    Bernadette Sauvaget

    #église_catholique #impunité

  • Pannes d’ascenseurs : à Bobigny, ras-le-bol à tous les étages - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/30/pannes-d-ascenseurs-a-bobigny-ras-le-bol-a-tous-les-etages_1613705

    Dans un immeuble de la ville de Seine-Saint-Denis, les deux élévateurs de la tour de 15 étages sont souvent à l’arrêt. 50 000 personnes ont signé une pétition adressée à Macron et une cinquantaine se sont réunies dans le hall.

    Lundi soir, une cinquantaine d’habitants ont réfléchi tout haut sur leur condition dans un hall de HLM. Et verbalisé la routine de leur bâtiment de quinze étages situé à Bobigny, au 19 rue René Camier : les pannes fréquentes et anarchiques de leurs deux ascenseurs. Première séquence : un trentenaire en tee-shirt assure qu’il y a quelques semaines, il a manqué de perdre son boulot en restant bloqué à l’intérieur de l’un d’eux. Gros retard, son chef s’est fâché. Il précise qu’il est employé à la Rotonde, « là où Macron mange ». Qu’il voulait arrêter de payer les loyers pour faire passer un message fort. Son épouse l’en a dissuadé. La peur de l’expulsion, le stress du conflit.

    Seconde séquence : une dame s’assoit dans un coin, sur une chaise apportée par une voisine, avec un nouveau-né dans les mains, tout de rose vêtu. Elle raconte sa grossesse à grimper et dévaler les marches, et sa hantise, au moment d’accompagner son aîné à l’école, que ce dernier oublie quelque chose à la maison. Cela signifiait devoir remonter le ventre arrondi, redescendre, puis une fois le môme déposé en classe, remonter encore. Comme dans chaque récit du même type, on conclut en relativisant : il y en a des encore moins bien lotis. Les malades, les claustrophobes, les personnes âgées qui s’essoufflent plus vite que les autres dans la faible lumière jaune de la cage d’escalier étroite.

    Une retraitée se souvient de l’un de ses coups de fil au bailleur : « Au téléphone, on m’a dit "je vous comprends" après une panne. J’ai répondu "non, vous ne me comprenez pas car vous ne me connaissez pas". » Un quinqua du voisinage, venu soutenir le mouvement, déroule quelques mots clés, parmi lesquels « sans dents » et « sans voix ».

    Maison hantée

    Les dizaines de témoignages convergent tous : les dysfonctionnements réguliers, qui pourrissent les journées, les nuits et les week-ends, finissent par alourdir les têtes. Le renoncement à recevoir des invités, la sensation de se faire avoir, l’attente du réparateur, la flemme de sortir en pensant à une potentielle ascension au retour, l’angoisse de l’accident, l’obligation de stocker ses courses dans la voiture quand la machine a lâché. Parfois, il arrive que des résidents écartent eux-mêmes les portes quand ils restent coincés entre deux étages. Comme s’ils avaient été engloutis par une bête de fer aveugle. ICF Habitat la Sablière (le bailleur) qualifie cela de « vandalisme » (les pièces s’abîment), les locataires de « démerde » (le sauvetage peut traîner en longueur). Deux mères du onzième étage décrivent une scène de maison hantée. Un jour, les portes de l’un des ascenseurs se sont mises à claquer toutes seules. Il a fallu caler un objet pour s’épargner le boucan en attendant le réparateur.

    Au milieu de la mini-foule, Fouad Ben Ahmed, militant local, met en garde contre les dangers de la résignation et des comportements que celle-ci fabrique. En aparté, il dit : « Dans les milieux modestes, on intériorise trop vite l’idée que l’on mérite ce qui nous arrive. » Puis : « Le projet n’est pas de laisser éclater sa colère une fois ou deux sur la place publique. C’est de travailler sur la durée : il faut que les habitants se réapproprient leurs combats. »

    Avant le premier tour de la présidentielle, quelques membres de l’équipe de Benoît Hamon s’étaient retrouvés à Bondy pour dérouler des propositions sur le long terme à mettre en place dans les périphéries. L’emploi, l’éducation, la lutte contre les discriminations. La séance d’échanges avec le public a tourné en questionnements sur le très court terme. Comment faire quand des dealers planquent de la came dans le cartable des gosses ? Et comment vendre l’égalité à des personnes qui n’arrivent même pas à jouir de leur ascenseur dans des blocs vétustes ? Gros blanc - ce n’était pas prévu. Ce qui se passe actuellement au 19 rue René Camier : la politique dans sa dimension la plus pragmatique.

    A la mi-novembre, Christie et Karima, deux locataires, ont contacté via Facebook Fouad Ben Ahmed, 41 ans, encarté au Parti socialiste, lui-même originaire de Bobigny et référent d’un collectif nommé « Plus sans ascenseurs ». Ils s’étaient ensuite retrouvés un jeudi soir dans l’immeuble malade pour faire du porte-à-porte et sonder les familles. Réactions schizophréniques dans les étages, entre le soulagement d’extérioriser le malaise et la lassitude de rabâcher le champ lexical de la défaite, celui qui fait dire que c’était mieux avant et que tout va de mal en pis à l’intérieur de l’immeuble, mais aussi à l’extérieur.

    Sur son palier, une maman longiligne à lunettes s’était étonnée du décalage entre la communication de la mairie et la situation précaire des destinataires. « Je voulais écrire "MDR" [mort de rire, ndlr] sur l’un de leur courrier. Car je pensais que nous étions invisibles. » Devant sa porte entrouverte du quinzième étage, un trentenaire barbu en survêtement râle contre les plus jeunes. « Ils constatent que l’ascenseur ne fonctionne pas et ça les fait marrer. Pourquoi cela ne provoque pas une autre réaction ? Je ne comprends pas. »

    Une pétition en ligne lancée par le collectif - apolitique - en est presque à 50 000 signataires. Le destinataire : Emmanuel Macron, président de la République. La genèse du mouvement : en juillet 2016, Martine Fontaine, en fauteuil roulant, sèche une paella entre amis, lesquels s’inquiètent de son absence. L’ascenseur de son immeuble d’un autre quartier de Bobigny était en rade, ça faisait des semaines qu’elle ne quittait plus son appartement. Des médias s’intéressent au cas de la dame, immobilisée après des pépins de santé, le bailleur se presse pour régler la situation en quelques jours. Victoire symbolique. Sur les réseaux sociaux, des habitants de Seine-Saint-Denis profitent de l’opportunité pour alerter sur leur situation dans des blocs de Sevran, Aulnay-sous-Bois ou encore Epinay-sur-Seine.

    Palliatif

    700, 800, 900 euros : les locataires du 19 rue René Camier aiment à rappeler le prix des loyers. Christie, trentenaire aux yeux bleus qui vit au douzième, s’interroge. En substance : est-ce normal d’avoir parfois honte de l’endroit où l’on vit ? Et pourquoi faut-il tant de temps pour mobiliser autour d’une cause si concrète ? L’amicale des locataires a disparu depuis des lunes, faute de tauliers pour la faire tourner. Il est désormais question de la reconstituer. Entendu plusieurs fois dans ce coin-ci de Bobigny, sur le ton de la fatalité : l’individualisme grignote de plus en plus dans les quartiers populaires, qui comptent parmi les fiefs historiques de la solidarité - érigée traditionnellement par ceux qui y vivent en palliatif aux manques de moyens. Marcella, auxiliaire de vie sans emploi, habitante de la ville et membre de « Plus sans ascenseurs » : « Le boulot fatiguant, les distances avec la maison, l’éducation des enfants, le poids des factures : c’est un tout dans les milieux très modestes. Est-ce qu’on est toujours conscient de ce que l’on vit ? On finit par accepter parce que le quotidien aspire tout. »

    Etau

    Du côté d’ICF Habitat la Sablière, un responsable admet que les équipements sont fatigués au 19 rue René Camier. Avance que près de la moitié des pannes sont dues à des actes de vandalisme, dont l’ouverture forcée des portes : « Des gamins sautent dans la cabine, des gens urinent à l’intérieur, ce qui use les pièces. » Pointe du doigt des dealers que les pannes arrangeraient pour contrôler les allées et venues. « Je ne dis pas que c’est la cause du problème, simplement un constat. » Ironie, l’immeuble est situé à deux pas du commissariat, à quatre du tribunal.

    Quelle que soit la configuration, les locataires trinquent à la fin. Etau. Fouad Ben Ahmed : « Plus c’est sale et en mauvais état, moins certains respectent. Il faut remettre à neuf. Une fois que ce boulot est fait, la pédagogie commence auprès des habitants. Et les sanctions financières éventuellement prises par le bailleur pourront être transparentes : on verra clairement ce qui a réellement été dégradé ou sali. » Mardi, le collectif a reçu l’assurance du bailleur que le changement d’ascenseurs serait prévu dans le budget de l’année 2018. Et qu’il recevrait une délégation de locataires pour discuter. La veille, le soir du rassemblement, des habitants se sont mis à évoquer la saleté dans les parties communes. Karima, feuilles de papier et stylo à la main, les a conjurés de patienter. Un problème après l’autre, sinon, la revendication de départ se noie. Tout finit alors par se mélanger et du coup, plus personne ne s’écoute.
    Ramsès Kefi Photo Cyril Zannettacci

    #pauvreté #quartiers_populaires #hlm #ascenseurs
    Où ce genre de situation peut-elle perdurer si ce n’est dans les cités où vivent les noirs et les arabes ?

  • A Montpellier, une famille frappée par un meurtre et une administration sans pitié - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/29/a-montpellier-une-famille-frappee-par-un-meurtre-et-une-administration-sa

    Venu dans l’Hérault pour les obsèques de son beau-frère, poignardé début novembre, Ivan, un Argentin de 26 ans, ne peut plus rentrer en Espagne, où son statut est pourtant en cours de régularisation. Une situation kafkaïenne.

    L’histoire débute par un drame. Le 2 novembre, en plein centre de Montpellier (Hérault), Joaquim Tougeron, 20 ans, étudiant en géographie, est tué de deux coups de couteau. Son agresseur a déjà été condamné deux fois par le passé pour des violences commises à l’arme blanche. Il semble qu’il ait poignardé le jeune homme pour quelques mots de trop… Joaquim était franco-argentin. Sa sœur, Cécile, l’est également. Etudiante à Madrid, elle arrive rapidement à Montpellier pour épauler sa mère et assister aux obsèques de son frère, organisées le 13 novembre. Cécile est venue en France avec son compagnon, Ivan Jankowiec, un Argentin de 26 ans avec lequel elle est pacsée.

    Marche blanche.
    En Espagne, le titre de séjour d’Ivan est en cours de régularisation. Il a justement un rendez-vous à Madrid avec l’administration le 10 novembre ; mais l’avocate qui s’occupe de son dossier est parvenue à reporter ce rendez-vous au 12 décembre, afin qu’il puisse assister à l’enterrement de son beau-frère. « Les obsèques de Joaquim ont été précédées par une marche blanche à laquelle ont participé des centaines de Montpelliérains, raconte Claude, une proche de la famille. Cécile et Ivan sont repartis de Montpellier le 16 novembre après avoir vécu, comme on s’en doute, des moments particulièrement difficiles. » Mais dans le train qui les emmène, tous deux sont contrôlés près de Perpignan par la police espagnole. « On avait pris le premier avion pour rejoindre ma mère le lendemain de la mort de Joaquim, et on était partis sans prendre de papiers, raconte Cécile. On a tenté d’expliquer la situation aux policiers, que le visa études-travail d’Ivan avait expiré mais que sa situation était en cours de régularisation en Espagne. Mais cela n’a servi à rien. »

    La police l’arrête donc et le place dans un centre de rétention administrative. Ni à Perpignan, ni à Sète, ni même à Nîmes, villes plus ou moins proches de la frontière espagnole, mais à Marseille, qui semble-t-il est alors la seule à offrir de la place… Dans le même temps, la préfecture des Pyrénées-Orientales notifie à Ivan une obligation de quitter le territoire français (OQTF) sans délai, ainsi qu’une interdiction de retour en France et en Europe de six mois.

    « C’est fou ».
    Pour Luc Abratkiewicz, l’avocat des parents et de la sœur de Joaquim, « cette famille va d’injustice en injustice. Alors que l’assassin de Joaquim était en liberté conditionnelle au moment des faits, le compagnon de sa sœur est arrêté pour être venu à son enterrement. C’est fou. » Après quatre jours de rétention, le juge des libertés et de la détention de Marseille libère Ivan. Pour le préfet des Pyrénées-Orientales, Philippe Vignes, l’ensemble de la procédure est cohérent : « Ce jeune homme a été refoulé par la police espagnole car il était en situation irrégulière en Espagne. En France, il faisait déjà l’objet d’une ancienne OQTF toujours en vigueur, ce qui explique ma décision de le placer en rétention. »
    Une version totalement contestée par Me Sophie Mazas, avocate de la famille pour le volet administratif. « Ivan n’avait jamais fait l’objet d’une OQTF par le passé. Aujourd’hui, il est libre mais l’audience sur son affaire n’interviendra pas avant début janvier… De plus, cette interdiction de retour sur le territoire européen bloque la possibilité pour l’Espagne de délivrer un titre de séjour à Ivan, car cet arrêté est mentionné au fichier SIS II, le système d’information Schengen. » Donc, poursuit l’avocate, « ce jeune homme, qui avait droit à un titre de séjour de plein droit en Espagne en sa qualité de conjoint d’une personne communautaire, s’est retrouvé en rétention en France, il a perdu son droit au séjour en Espagne et il est interdit de revenir auprès de sa compagne pendant six mois. Tout cela parce qu’il est parti assister à l’enterrement de son beau-frère. » Et de conclure : « Humainement, toute cette affaire est d’une violence assez inouïe. C’est assez représentatif du droit des étrangers à l’heure actuelle : une législation appliquée sans discernement et sans logique. » Une pétition en ligne contre l’expulsion d’Ivan a recueilli près de 1 500 signatures, et un rassemblement organisé par sa famille est prévu samedi à 11 heures, devant la préfecture de Montpellier.
    Sarah Finger

    Du chiffre ! Du chiffre !
    #administration #étrangers #papiers #union_européenne

  • « Les centrales nucléaires sont vulnérables aux moyens d’action modernes » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/29/les-centrales-nucleaires-sont-vulnerables-aux-moyens-d-action-modernes_16

    Mardi à l’aube, 22 militants de Greenpeace sont parvenus à s’infiltrer dans la centrale #nucléaire de Cruas-Meysse, en Ardèche. Ils se sont séparés en groupes et ont pu entrer dans « une zone nucléaire à accès réglementé » par trois endroits différents. Greenpeace a mené cette action pour « alerter sur l’extrême #vulnérabilité des piscines d’entreposage de combustible usé ». Les 22 militants sont toujours placés en garde à vue, ainsi que Yannick Rousselet, chargé des opérations spéciales à Greenpeace, resté à proximité du site lors de l’opération. Libération a demandé à Yves Marignac, expert indépendant sur les questions nucléaires son analyse sur cette action de Greenpeace, plus d’un mois après celle menée dans l’enceinte de la centrale de Cattenom.

    Que montre cette action menée par Greenpeace ?
    Cela confirme que les dispositifs de #sécurité, au sens de la détection et de l’interception de ce type d’action, ne permettent pas d’empêcher l’intrusion et l’accès aux murs du bâtiment combustible (qui abrite la piscine d’entreposage du combustible). Cela confirme donc que des scénarios d’actions malveillantes susceptibles de causer des dommages à ce bâtiment, et la piscine, sont malheureusement tout à fait réalistes.

  • Internements psychiatriques : « J’étais rentré libre, j’aurais dû en sortir libre » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/28/internements-psychiatriques-j-etais-rentre-libre-j-aurais-du-en-sortir-li

    Des histoires parmi tant d’autres, recueillies ces dernières semaines. Avec en toile de fond, un chiffre qui peut faire frémir : l’an dernier en France, ce sont près de 100 000 patients qui ont été hospitalisés en psychiatrie sans leur consentement. 92 000 personnes enfermées contre leur gré, parfois pour quelques jours, d’autres fois pendant plusieurs semaines. Soit 12 000 de plus qu’en 2012. Cette hausse sensible fait suite à une augmentation encore plus forte entre 2006 et 2011, atteignant presque les 50 %. Au total, depuis dix ans, on peut parler d’un doublement de ces hospitalisations sans consentement. Et parallèlement, durant cette même période, on a constaté une multiplication des pratiques d’isolement et de contention.

    #psychiatrie #sécuritaire #isolement #contention

  • Internements psychiatriques : « J’étais rentré libre, j’aurais dû en sortir libre » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/28/internements-psychiatriques-j-etais-rentre-libre-j-aurais-du-en-sortir-li

    Il ne se souvient plus trop de son passage devant le juge. « Pouf », marmonne-t-il. L’homme se tait, puis se reprend. Il aurait préféré raconter comment, aux urgences de l’hôpital Pompidou, ils l’ont attaché, puis piqué. Depuis - cela fait trois semaines -, il attend de sortir. « Ce n’est pas tant qu’ils m’hospitalisent contre moi qui me gêne, c’est après, cela ne va pas. On s’ennuie tellement. » Un autre : « Je leur en veux pas, sauf au psychiatre. J’étais rentré libre, j’aurais dû en sortir libre. » Un autre, encore : « Le juge ? C’est la première fois que ça m’arrive. J’y suis allé ce matin. Je l’ai vu au tribunal. C’était pour leur sauver la face à eux, les médecins, ça sert à valider leur décision, qu’ils ne soient pas abusifs. » Ou ce témoignage encore : « De toute façon, on doit passer devant un juge. Il lit ce qui est écrit dans le dossier. Il pense comme le médecin. »
    Contention

    Des histoires parmi tant d’autres, recueillies ces dernières semaines. Avec en toile de fond, un chiffre qui peut faire frémir : l’an dernier en France, ce sont près de 100 000 patients qui ont été hospitalisés en psychiatrie sans leur consentement. 92 000 personnes enfermées contre leur gré, parfois pour quelques jours, d’autres fois pendant plusieurs semaines. Soit 12 000 de plus qu’en 2012. Cette hausse sensible fait suite à une augmentation encore plus forte entre 2006 et 2011, atteignant presque les 50 %. Au total, depuis dix ans, on peut parler d’un doublement de ces hospitalisations sans consentement. Et parallèlement, durant cette même période, on a constaté une multiplication des pratiques d’isolement et de contention.
    Visages

    La psychiatrie publique est de plus en plus marquée du sceau de la sécurité. On enferme, on attache, alors qu’il y a trente ans ces pratiques avaient disparu. La législation française sur les soins sans consentement a été modifiée par la loi du 5 juillet 2011. Comme une nécessité, y sont réaffirmés les droits des personnes, et pour cela la loi a introduit deux mesures phares : l’intervention du juge des libertés et de la détention dans le contrôle de l’administration des soins sans consentement ; et l’obligation pour celui-ci de donner dans les douze jours son aval à toute hospitalisation sans consentement, lors d’une audience publique qui a désormais lieu à l’hôpital. Autre innovation importante, la possibilité de soins ambulatoires obligatoires : la personne n’est plus hospitalisée mais elle a l’obligation de suivre chez elle un programme avec un contrôle régulier à l’hôpital.

    Lorsque la loi a été votée, une bonne partie du milieu psychiatrique s’est arc-boutée contre ce qu’elle appelait la « judiciarisation ». Comme si la liberté des praticiens était menacée. Ainsi, le pédopsychiatre Roger Ferreri s’emportait : « On va maintenant nous opposer la vérité judiciaire. Au moins, avant, la situation était claire. Quand on hospitalisait un patient contre sa volonté, ce n’était pas pour son bien, mais parce que la société voulait se protéger. Là, c’est un changement radical. Le juge va décider de la pertinence de la poursuite d’un traitement. » Finalement, le pire ne s’est pas produit : certes, nos psychiatres critiquent toujours la succession de certificats qu’ils doivent remplir, mais la présence du juge s’est très vite imposée. Et depuis, rares sont ceux qui la contestent.

    Ancienne responsable des urgences du Vinatier, le grand « HP » de Lyon, Natalie Giloux est psychiatre, actuellement cheffe de service. Marion Primevert, elle, est magistrate, elle préside la chambre « propriété nationalité » au tribunal de grande instance de Paris et codirige la formation annuelle « les soins psychiatriques sans consentement » à l’Ecole nationale de la magistrature.

    Toutes les deux ont la quarantaine, et toutes les deux sont à l’origine de 12 Jours, le film de Raymond Depardon qui sort ce mercredi (lire ci-contre). Elles l’ont en effet contacté en juin 2015 : « Il était urgent, disent-elles d’une même voix, de filmer l’application de la loi de 2013 [modifiant des dispositions de la loi de 2011], qui fait entrer le juge des libertés et de la détention dans l’institution psychiatrique. » Depardon a accepté. Et a donc posé sa caméra au Vinatier, à Bron, près de Lyon. Images de la folie. Rarement on a vu d’aussi près des visages de malades, mais aussi de juges. Peut-on filmer ces moments-là ? Dialogue à deux. L’une parle, l’autre poursuit.

    « Ce sont des audiences publiques, ce sont des moments très sensibles, centrés sur une expression de la maladie, explique la psychiatre Natalie Giloux. Ce qui est intéressant, c’est de voir que la parole de ces patients n’est pas qu’insensée, elle est souvent juste, forte, émouvante. Le patient fait part de l’épreuve de sa maladie, des soins, de ses espoirs. Cela détruit l’idée ou les présupposés qu’ils n’ont pas grand-chose à dire. L’intérêt est de considérer le patient en tant que citoyen, sa parole peut être entendue, mérite l’attention. » Marion Primevert : « J’ai le sentiment que s’ils ne parlent pas et si on ne les écoute pas, alors d’autres parleront à leur place. Il est important de leur donner la parole, et c’est ce que fait la loi. »

    Natalie Giloux : « On ne sait rien d’eux, certains doutent même d’être malades. » Marion Primevert : « Nous, magistrats, nous avons peu d’éléments. Il n’y a pas beaucoup de choses dans le dossier hormis les certificats médicaux. Le juge vérifie la conformité. » Natalie Giloux : « Le juge entend le patient, non pas comme malade mais comme citoyen. Il ne va pas plus loin. »
    « Prévention »

    Dans le documentaire, comme dans la vie, le juge hésite, parfois. De fait, il y a très peu de décisions de mainlevée, c’est-à-dire qui mettent fin à l’hospitalisation : 10 % en moyenne en France, à peine 3 % au Vinatier. Marion Primevert comme Natalie Giloux l’ont noté : « Les psychiatres savent maintenant remplir leurs dossiers comme il faut. » Marion Primevert : « Le juge n’est pas capable d’avoir une évaluation médicale, il se fonde sur le dossier, contrôle la motivation de la mesure, et met en balance les atteintes des droits fondamentaux et la nécessité de soigner quelqu’un. » Natalie Giloux : « Je suis allée à plusieurs audiences, on sait combien l’application de cette loi est délicate. Il est difficile pour les avocats de se positionner, c’est parfois une place infernale. Un juge peut avoir le sentiment de ne servir à rien. »

    Natalie Giloux, encore : « Mais vous savez, cela n’a rien de satisfaisant de soigner quelqu’un contre son gré. Tout l’art est de faire en sorte que le patient accepte les soins, pour qu’il soit le moins hostile. Et que cela puisse permettre de développer la prévention. » Marion Primevert : « Il y a des injonctions contradictoires. Cette loi est là pour porter le droit des patients, et en même temps, il y a des discours sécuritaires de plus en plus forts dans la société. L’hôpital psychiatrique est coincé là-dedans, les juges aussi, mais il faut se départir des discours stigmatisants. » Natalie Giloux note : « Quand on prescrit une hospitalisation sous contrainte, et que l’on dit à notre patient qu’il va rencontrer un juge, souvent il répond : "Mais je n’ai rien fait." »

    #violence_médicale #psychose #injustice #discriminations #internement

  • Quelles conséquences a eu l’autorisation du port d’arme en dehors du service pour les policiers ? - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/21/quelles-consequences-a-eu-l-autorisation-du-port-d-arme-en-dehors-du-serv

    Pour l’heure, cet assouplissement permis à la suite des attentats du 13 Novembre, il y a deux ans, n’a pas été utilisé dans des cas d’actions terroristes. Si le ministère ne fait pas de comptage, on trouve dans la presse essentiellement des cas de policiers qui ont tué leur conjointe ou qui se sont suicidés. (...)
    Les autres affaires concernant des policiers armés ne plaident pas pour que ce droit soit maintenu. Certaines n’ont pas eu de conséquences dramatiques, comme ce mouvement de panique dans un cinéma de la Défense, en mai 2016, lorsque des spectateurs ont aperçu un homme armé qui n’était autre qu’un policier en civil. Ou bien cette altercation entre automobilistes à Dole (Jura), en février, qui a dégénéré lorsque l’un d’eux, policier en civil, a dégainé son pistolet… avant de se voir dépossédé de son arme.

    Mais surtout, le triple meurtre de Sarcelles avait des précédents. En février 2016, à Alès, une femme de 25 ans a été tuée par balles par son ancien compagnon, un policier. Trois mois plus tard, à Nailly (Yonne), une femme de 30 ans a été abattue par son compagnon, un policier en repos. En août 2016, un policier de Toulon (Var) a tué deux pompiers (car l’un d’eux aurait été l’amant de sa femme) avant de se suicider. Et en septembre dernier, un policier de 38 ans a abattu sa femme et deux de ses enfants sur un quai de gare dans l’Oise, avant de se suicider. A chaque fois, les meurtriers ont fait usage de leur arme de service. Leurs actes sont venus alourdir le bilan des féminicides, un meurtre de masse qui se reproduit chaque année.

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    Et puis il y a les suicides de policiers, au nombre de 46 depuis le début de l’année. Après plusieurs années de baisse consécutive, 2017 devrait donc afficher un lourd bilan en la matière – Gérard Collomb abordera le sujet avec les syndicats vendredi matin. Mais de source policière, l’usage de l’arme de service, qui représente environ un cas sur deux, est stable depuis plusieurs décennies. Et si l’accès à des armes à feu et le fait de savoir s’en servir est bien un « facilitateur », complète cette source, il est compliqué de lier le nombre de suicides à la réglementation sur le port d’arme en dehors du service. De même, disent nos interlocuteurs, ce serait « fausser le débat » que de lier les récents féminicides à la réglementation des deux dernières années, car même sans autorisation, rien n’empêche physiquement un policier décidé à commettre un crime de quitter son poste de police avec une arme à feu.

    Le grand flou
    Reste qu’on nage dans un grand flou quand il s’agit d’évaluer concrètement les effets du port d’arme hors service. Au ministère, on nous assure qu’il est très courant que des policiers en civil interviennent pour mettre fin à des infractions. Mais rien ne permet de déterminer si et dans quelle mesure le port de leur arme, quand ils en avaient une, a eu une quelconque influence sur la situation. En somme, les interventions hors service seraient trop nombreuses pour être dénombrées, et l’usage d’une arme à feu dans ces situations trop exceptionnel pour faire l’objet d’un comptage.

    #police #armes

  • Elèves : le système D des profs contre la #pauvreté - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/26/eleves-le-systeme-d-des-profs-contre-la-pauvrete_1612703

    Emmanuel (1) raconte cette scène. Elle se passe à Auch (Gers), dans sa classe de CP, lors d’une séance sur le développement durable. Au détour d’une phrase, un élève explique qu’à la maison ils remplissent un seau d’eau une fois par semaine et puisent dedans pour se laver. Un autre dit ne plus avoir de lumière chez lui parce que l’électricité a été coupée. « Cette pauvreté, on ne la voit pas forcément tout de suite, elle surgit souvent d’un coup, sur un point de détail. Les enfants n’en parlent pas spontanément, il y a toujours une grande pudeur », témoigne Emmanuel, enseignant depuis quinze ans.

    Pas de chaussures

    Parfois, la réalité lui saute à la figure à cause de la météo, par exemple. Un coup de froid, la neige, et des élèves arrivent quand même en tongs à l’école, parce qu’ils n’ont pas d’autres paires de chaussures. Il parle aussi de ces enfants qui s’endorment sur leur bureau, parce qu’ils n’ont pas de lit pour eux tout seul à la maison. A l’écouter dérouler les exemples, on saisit vite que ces situations n’ont pour lui plus rien d’exceptionnel. Elles font partie de son quotidien. Il s’exprime d’une voix calme, mais dit ressentir une immense colère. « Une colère qui ne sert à rien, puisque rien ne change ».

    Nous sommes en 2017, dans la sixième puissance économique mondiale.

    • Dans certaines écoles de ma région des Hauts de France, on sert de la soupe le matin dans certaines classes de maternelle.

      Dans les écoles, les instits se démerdent avec l’aide d’associations de bienfaisance, dans le silence le plus complet, afin que les élus ne viennent pas y mettre fin.
      Ce depuis des décennies, pour ne pas dire toujours.

      C’est la réalité sur Roubaix, Tourcoing, Wattrelos et consorts.
      Pour les touristes, faites un tour autour de La Condition Publique, entrez dans les courées qui n’ont pas été rasées

      Ca doit exister dans les villes de la banlieue parisienne, ou libération et ses journalistes n’ont jamais mis leur stylo.

    • No problémo @heautontimoroumenos , je ne répondais pas à ton commentaire, je répondais aux sois disants journaleux de libé et leurs soutiens.

      Pour Roubaix, mon témoignage c’est celui de ma rencontre avec Pierette.
      Orpheline à 4 ans (Son Père ouvrier, boxeur, mort très prématurément ).
      Fille de salle au CHR de Lille.
      On y applique toujours les procédures qu’elle a rédigé
      Cours du soir, assistante maternelle , Institutrice, Directrice d’Ecole à Roubaix.
      La vie, la vrai, la réalité, une véritable Femme, elle. *
      Elle attend pas qu’on lui dise de marcher pour on ne sait qui.

      Père Boxeur
      Pour information auprès des fières bénévoles de @legrandmix , Le Fresnoy à Tourcoing était avant tout une salle de Boxe, et de spectacles populaire.
      Certains et certaines y mouraient.

      Pour en effacer ce souvenir, on l’a transformé en salle d’exposition, de spectacle contant pour rien.
      C’est là que le père de Pierrette a du laisser sa peau.
      Dans les Hauts de France, il n’y a pas que l’industrie ou les travaux publics qui tuent. La pauvreté, avant tout.
      Après, on essaye d’effacer les traces.

      Heureusement que des Pierettes existent, elles ne se contentent pas de balancer des hashtag sur Internet, elles.

      Il y a aussi des Pierrot, bien sur.

    • @RastaPopoulos je ne suis pas là pour dire à qui que se soit ce qu’il faut faire avec sa vie.

      Je ne comprends pas très bien d’où tu sort <n’importe quelle féministe connue ou pas>
      Seenthis est il supervisé par des militant(e)s d’#En_Marche ?

      Pierrette, une anonyme qui a fait beaucoup, comme tant d’autres, s’estimait heureuse avoir obtenu un résultat quand les tchos qui avaient de la soupe le matin, (et qui en ont toujours, à Roubaix, et ailleurs) échangeaient un regard avec le personnel de l’école, au bout de 2 ans.
      Sans plus.
      Rien d’autre.
      Vu l’état des ptis gosses, qu’espérait d’autre ?
      C’est ça, la vie, la vraie, pas celles des réseaux soient disants sociaux.

      Dans la majorité des écoles, celles et ceux qui se dévouent n’attendent strictement rien.
      Idem dans les hôpitaux, les hepads . . . .
      C’est le meilleur moyen de ne pas être déçu(e), surtout de la part de celles et ceux qui se proclament militant(e)s d’une grande cause à la mode et veulent avant tout faire semblant d’en garder l’exclusivité, pour un résultat extrêmement volatile, et très peu pédagogue.
      Le vent les emportera.

      Aie !
      Au secours @RastaPopoulos ma réponse peut sembler sexiste !
      Je vais me faire tuer !
      Au secours !
      Bon, pas d’inquiétudes quand même.
      Quand t’a rencontré et compris des femmes pareilles . . . .
      https://www.youtube.com/watch?v=eUvApC0bwUk

    • BCE Tu prétend que les féministes vont tu tuer mais c’est toi qui fait l’apologie du féminicide contre elles en utilisant le meurtrier de Marie Trintignant pour faire tes sous-entendus menaçants aux féministes.

      Pour toi la bonne femme, Pierrette, c’est celle qui ne dénonce pas les hommes qui lui ont fait subir un viol. Mais au fond même les pierrettes tu te torche avec puisque tu détourne le sujet d’elles et de leurs actions et revendications pour baver ta haine des féministes.

      #misogynie #masculinisme #anti-féminisme #féminicide #violophile

    • @bce_106_6

      Au secours @RastaPopoulos ma réponse peut sembler sexiste ! Je vais me faire tuer ! Au secours !

      ta réponse peut surtout sembler super con. Ces petits effets d’opposition entre les féministes (de quoi tu parles ? De rien, de fantasmes englobant, comme n’importe quel couillon sans cervelle qui fait des petits bruits avec sa bouche et a des avis généraux sur tout) et une autre catégorie imaginaire (puisque très également générale), plus vraie, plus authentique, agissante, voilà qui est vraiment encore plus bête que sexiste. On rencontre des têtes creuses dans tous les domaines, politiques ou pas, toujours prêts à établir des frontières inutiles entre les actions et les pensées, les paroles et les actes, au nom d’une illusoire vérité de l’un contre l’autre (brave position anti-intello qui n’imagine pas quelle variété infinie de corps peuvent se loger dans un cortège de tête, ni quelles lectures peuvent être désirées quand l’émeute s’apaise). Sans la préparation patiente par des années de travail du féminisme, aucune idée de ce genre n’aurait simplement percolé socialement pour rendre le reste imaginable, donc possible.
      Le virilisme rock’n’roll de pacotille de ton écriture comme de tes choix musicaux est aussi toc que les effets de parler paysans dans la littérature bourgeoise du XIXe. Je suppose que tu comptes aussi là-dessus pour nous convaincre de ta vérité.

  • « Dans la sous-traitance hôtelière, c’est de l’esclavage moderne » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/26/dans-la-sous-traitance-hoteliere-c-est-de-l-esclavage-moderne_1612701

    En charge du nettoyage du Holiday Inn de Clichy-la-Garenne, les salariés de Héméra sont en grève depuis le 19 octobre contre des mutations et les cadences infernales. La direction reste sourde .

    La grève s’éternise. Depuis plus d’un mois, des salariés d’une entreprise sous-traitante, Héméra, qui gère le nettoyage de l’hôtel Holiday Inn de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), ont entamé leur mouvement de protestation. Multipliant les actions pour faire entendre leurs revendications face à une direction impassible. Jeudi soir, onze fantômes ouvrent le cortège dans la nuit. C’est le déguisement qu’ont choisi ces salariés en grève pour attirer l’attention sur leur sort. Une centaine de personnes sont venues à Clichy manifester à leurs côtés. « Ces travailleurs sont des salariés invisibles », lance le responsable du syndicat CGT des hôtels de prestige et économiques (HPE), Claude Levy.

    Le défilé est parti du Holiday Inn de Clichy et s’est terminé devant la mairie. « Sous-traitance, maltraitance ! » « Frottez, frottez, il faut payer. L’esclavage, c’est fini ! » : voilà quelques-uns des slogans qui ont retenti dans le centre-ville. En soutien au mouvement, des travailleurs, des Clichois et des syndiqués ont protesté contre les méthodes de travail de Héméra. Lancé pour dénoncer la mutation d’une gouvernante, la deuxième en six mois, le mouvement s’est étendu à d’autres revendications. Outre la suppression de la clause de mobilité figurant dans leurs contrats, les grévistes demandent l’arrêt du paiement à la chambre (illégal pour un salarié), le règlement des heures supplémentaires, une prime de 13e mois et, surtout, leur embauche directe par le donneur d’ordre, Holiday Inn.

    « Six jours sur sept »

    L’entreprise de sous-traitance Héméra a décroché le 19 décembre 2016 un contrat d’un an avec l’hôtel de Clichy. Elle a récupéré de fait les 35 salariés du nettoyage, en majorité immigrés, qui travaillaient déjà pour le précédent prestataire - comme le prévoit la convention collective du secteur si ceux-ci ont au moins quatre mois d’ancienneté. Depuis, leurs acquis sociaux seraient « bafoués », dénonce Mirabelle Nsang, 43 ans, gouvernante d’origine camerounaise et représentante de la section syndicale CNT-Solidarité ouvrière à Héméra. Elle s’insurge : « Nos plannings ont changé, on travaille six jours sur sept. Nos deux jours de repos consécutifs ont disparu. Avant, les femmes de chambre devaient nettoyer 17 chambres en sept heures. Avec Héméra, on leur demande de faire 20 à 25 chambres. On finit plus tard et on n’est pas payés. On avait droit à un week-end par mois et certains salariés n’en ont même pas eu. Héméra a tout détruit. » La situation concerne selon elle des femmes de chambre, des gouvernantes, des équipiers et des plongeurs. Mirabelle Nsang dénonce également le « harcèlement » de la cheffe de site : « Elle ne te donne que des chambres à faire après des séjours de longue durée, où elles sont plus sales, pour te faire mal. Elle veut réformer son équipe pour être entourée de gens qui disent oui à tout. »

    Douleurs physiques

    « Nous, les immigrés, on mène ce combat car nous n’avons pas d’autre choix », assure Mirabelle Nsang. Ils espèrent que l’issue sera positive, comme cela a été le cas dans différents dossiers ces dernières années : en 2015 notamment, un mouvement de grève avait contraint le groupe Louvre Hotels à intégrer des femmes de chambre dans cinq de ses établissements.

    A Clichy, au premier jour du mouvement, 33 salariés sur 35 étaient en grève. Leur nombre a ensuite diminué progressivement pour se stabiliser à 11, « le noyau dur », comme l’indique cette mère de famille qui travaille dans l’hôtel depuis onze ans. « Les autres grévistes ont repris le travail après avoir subi des pressions d’autres syndicats », accuse la représentante CNT-SO. Pour Eric, 35 ans, équipier dans l’hôtel depuis dix ans et délégué syndical de FO, « le conflit est légitime. On en avait ras-le-bol de cette situation, c’est un système qui pousse les gens à craquer ». Il n’oublie pas les provocations de la cheffe de site, qui lui répétait : « L’aspirateur est ta copine », ou encore « mon petit-fils de 2 ans passe l’aspirateur mieux que toi ». Ce père de deux enfants raconte avoir été « blessé » par ces « propos désobligeants » et qu’il se rendait sur son lieu de travail la « boule au ventre ». Les mutations de deux salariées de Héméra, qu’il qualifie d’« arbitraires et brutales », ont été l’élément déclencheur de la grève qui a débuté le 19 octobre.

    Contactées par Libération, la société Héméra et la directrice de l’hôtel Holiday Inn de Clichy, dont le comportement est mis en cause par les grévistes, n’ont pas souhaité répondre à nos sollicitations. Le groupe Intercontinental, poids lourd hôtelier à l’échelle mondiale et propriétaire de la marque Holiday Inn, nous a fait parvenir cette unique réponse : « Un petit nombre d’employés travaillant pour un prestataire de services ont choisi de se mettre en grève en raison d’un différend avec leur employeur à propos de leurs salaires et de leurs avantages. L’équipe de direction de ce sous-traitant a immédiatement ouvert le dialogue pour trouver un accord avec les syndicats et faire en sorte que le personnel puisse retourner rapidement au travail, sans que cela n’affecte nos clients ni la qualité de nos services. »

    « Peur de parler »

    Juriste au syndicat CNT-SO, Etienne Deschamps n’a pas le même souvenir des négociations. Au premier jour de la grève, il a rencontré avec d’autres représentants Carlos Goncalvez, le directeur d’exploitation de Héméra : « Nous lui avons dit que si les mutations prévues étaient annulées, les salariés reprendraient le travail immédiatement, avec le paiement de la journée de grève et un calendrier de négociations fixé maintenant pour le reste des revendications. » Une réponse de l’entreprise de nettoyage devait arriver dans l’après-midi. Une délégation, accompagnée du juriste de la CNT-SO, est finalement reçue le 26 octobre, sept jours après, par le PDG de Héméra, Denis Schiavone, en présence de Goncalvez : le refus de revenir sur la clause de mobilité est notifié aux grévistes. Le lendemain, des policiers en verbalisent neuf d’entre eux pour nuisances sonores. 68 euros d’amende chacun. Depuis le début de la grève, déplore Mirabelle Nsang, « la directrice de l’hôtel n’est même pas sortie nous voir pour nous demander ce qui se passe ». Alors qu’elle nous parle, un salarié de l’hôtel sort de l’établissement et bouscule une syndicaliste tandis qu’un autre, dont la journée de travail vient de se terminer, insulte une gréviste.

    Le quotidien des employés de la sous-traitance est rude. De nombreuses femmes seules habitent loin de leur lieu de travail. Illiana Saintulme, 48 ans, mère de quatre enfants, fait les allers-retours depuis Sarcelles (Val-d’Oise). « Je mets une heure trente en transports, avec trois changements, pour venir travailler. » Cette femme de chambre est employée dans l’hôtel depuis onze ans. Elle se plaint de douleurs physiques. Mais aussi de pressions morales. Et dénonce les cadences infernales qui seraient imposées par l’entreprise de sous-traitance. Soit trois chambres par heure (alors que, selon la CGT, il faut au moins vingt-cinq à trente minutes pour en nettoyer une seule). Elle assure avoir dû parfois venir travailler « sept jours sur sept ». Pourtant, malgré un contrat à temps plein (sept heures par jour), Illiana Saintulme explique ne pas toujours recevoir l’intégralité de sa paie. « A la fin du mois, leur salaire est calculé en fonction du nombre de chambres qu’elles ont réussi à faire, dénonce Claude Levy, de la CGT HPE. Et quand le compte n’y est pas, au regard des cadences imposées de manière informelle, on leur enlève des jours en prétextant des absences autorisées. » « Celles qui sont vraiment prises pour de la chair à canon, ce sont les femmes de chambre qui ont un contrat à temps partiel de quatre à cinq heures par jour, avec 20 à 30 chambres à faire, sans être payées pour les heures supplémentaires. Ce sont essentiellement des femmes immigrées qui sont concernées », poursuit le syndicaliste. Avant d’ajouter : « Ce qui se passe dans la sous-traitance hôtelière, c’est de l’esclavage moderne. » Selon le militant cégétiste, les onze grévistes ont saisi les prud’hommes pour travail dissimulé. Pour tenir financièrement, les syndicats CGT HPE et CNT-SO ont distribué un chèque de solidarité de 400 euros à chacun.

    Depuis le début du mouvement, « la direction de Holiday Inn refuse de laisser entrer les délégués syndicaux dans le hall de l’hôtel, c’est un délit d’entrave à l’exercice du droit syndical », dénonce Claude Levy.

    Sur demande du syndicat, un huissier de justice s’est rendu jeudi sur le site. La direction a du coup autorisé l’accès à Mirabelle Nsang et son collègue de FO pour la journée, mais l’huissier mandaté par l’hôtel « veillait et notait ce que disaient les délégués au personnel Héméra non gréviste », selon un syndicaliste. « Une femme de chambre non gréviste a expliqué que les conditions de travail restent identiques, tandis que deux autres nous ont dit "avoir peur de parler" », raconte Mirabelle Nsang. Ces derniers jours, les grévistes sont allés manifester dans les halls d’entrée des Holiday Inn de Paris-Notre-Dame et Paris-Gare de l’Est. Le soir de Halloween, ils s’étaient déguisés pour dénoncer « des patrons sorciers ». La grève continue.
    Rémy Descous-Cesari

    #exploitation #hôtellerie #femmes_de_chambre #sous_traitance #syndicats ##Holyday_Inn #grève #droit_du_travail

  • Elèves : le système D des profs contre la pauvreté (Libération)
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/26/eleves-le-systeme-d-des-profs-contre-la-pauvrete_1612703

    Nous sommes en 2017, dans la sixième puissance économique mondiale. Dans notre pays, un enfant sur cinq vit dans une famille pauvre. Et un sur dix (soit 1,2 million d’enfants) est dans une situation d’extrême précarité. L’école est un refuge pour ces enfants. Un rapport de 1992 alertait déjà sur la situation. En mai 2015, pendant que les politiques et intellectuels s’écharpaient sur la réforme du collège (le latin et les classes bilangues), l’inspecteur général Jean-Paul Delahaye publiait un pavé de 200 pages intitulé « Grande pauvreté et réussite scolaire ».

    #éducation #pauvreté #inégalités

  • Licencier, c’est facile et c’est pas cher - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/19/licencier-c-est-facile-et-c-est-pas-cher_1611154

    Plébiscité par le patronat et ratifié cette semaine par l’Assemblée, le barème des indemnités pour les personnes ayant été licenciées abusivement précarise les salariés en plafonnant les sommes accordées par les prud’hommes .

    « Rassurant », le plafonnement des indemnités prud’homales accordées en cas de licenciement abusif ? C’est ce qu’a défendu, le 7 novembre, Muriel Pénicaud, à l’Assemblée nationale. Pour la ministre du Travail, la mesure phare des ordonnances, dont le texte de ratification est de retour dans l’hémicycle cette semaine, devrait rasséréner les salariés autant que les employeurs. Prévoyant des montants minimums et maximums, ce barème, réclamé de longue date par les employeurs, doit les inciter à embaucher, en les « libérant » de leurs « peurs » liées au processus de licenciement. Une logique plutôt hasardeuse - le comportement des entreprises étant surtout dicté, en réalité, par leurs carnets de commandes -, mais avantageuse pour le patronat.

    Côté salariés, le discours de la ministre, qui se félicite de mettre fin au « peu d’équité et [au] peu de prévisibilité » dans le calcul des dommages et intérêts, est plus difficile à entendre. Pour la CGT, le barème va même « précariser davantage les salariés », en « ouvr[ant] la porte à tous les abus », et notamment à plus de licenciements abusifs, car les entreprises en connaîtront le coût, amoindri, par avance.

    Certes, pointe la ministre, la réforme met en place une indemnité minimale pour les salariés des entreprises de moins de onze salariés, là où elle était réservée aux entreprises aux effectifs supérieurs. Mais le barème est plutôt pingre : jusqu’à trois ans d’ancienneté, ils n’ont droit qu’à un demi-salaire mensuel.

    Et dans les entreprises de plus de onze salariés, le plancher, qui était de six mois de salaire minimum dès deux ans d’ancienneté, oscille désormais entre zéro (moins d’un an d’ancienneté) et trois mois. Côté plafond, il n’est pas plus charitable. Tous types d’entreprises confondues, pour espérer toucher une indemnité maximale de six mois, le salarié doit désormais avoir cinq ans au compteur. Et au-delà de 28 ans d’ancienneté, le plafond s’arrête à 20 mois.

    « Apprécier au cas par cas »

    Pas de quoi déclencher une révolution, tempèrent certains, notant que les prud’hommes n’étaient pas toujours très généreux. « C’est une juridiction paritaire, avec autant de conseillers salariés qu’employeurs, donc plutôt modérée », note l’un d’eux. Selon une étude du ministère de la Justice, les indemnités prud’homales pour licenciement abusif atteignent dix mois de salaire en moyenne. Mais avec des écarts importants selon les cas. D’autres estiment néanmoins que la référence à un plafond pourrait pousser les indemnités vers le haut. Un scénario auquel Samuel Gaillard, avocat en droit social, ne croit pas : « Pour les salariés qui ont entre huit et vingt ans d’ancienneté, peut-être que cela ne change pas grand-chose, car les montants moyens sont proches de ceux du barème. Mais il y aura des perdants chez les salariés avec une faible ancienneté. »

    En effet, selon l’étude du ministère de la Justice, entre deux et cinq ans d’ancienneté, les salariés touchaient en moyenne 8 mois de salaire. Demain, ils ne pourront espérer - au maximum - qu’entre 3 et 6 mois. Exemple avec un vendeur au smic depuis trois ans dans une entreprise de plus de onze salariés. En cas de licenciement abusif, il avait droit, a minima, à 8 880 euros (6 smic). Désormais, il devra se contenter d’une indemnité comprise entre 4440 euros (le plancher à 3 mois) et 5920 euros (le plafond à 4 mois).

    Autres victimes de ce barème, poursuit Samuel Gaillard : les salariés âgés. Ces derniers pouvaient bénéficier d’un geste des prud’hommes, soucieux de garantir une réparation intégrale du préjudice subi, vu leur faible employabilité. Avec le barème, cela risque de passer à la trappe. Même chose pour ceux ayant des difficultés financières ou des charges de famille. « Un homme de 35 ans, célibataire, a de fortes probabilités de retrouver un emploi. Mais une femme séparée avec deux enfants à charge, elle, n’a aucune chance si le bassin est sinistré », souligne Gérard Behar, expert CGC au Conseil supérieur de la prud’homie, qui défend une « approche qui part de l’humain ». « Autant de situations qui nécessitent que le juge apprécie au cas par cas l’étendue du préjudice », note le Syndicat des avocats de France (SAF).

    Réduction à un an du délai de prescription

    S’il est trop tôt pour percevoir les effets du barème devant les conseils, les avocats notent déjà une baisse des dossiers. « Pour certains, ça ne vaut plus le coup d’aller aux prud’hommes. D’autant qu’il faut payer les honoraires et qu’il y a toujours le risque de ne pas gagner », souligne l’avocat Abdel Kachit. Autre mesure qui ne devrait pas aider à remplir les chambres, souffrant déjà d’une baisse des affaires (- 18,7 % entre 2015 et 2016) : la réduction, à un an, du délai de prescription pour saisir les prud’hommes.

    Pour contrer les effets du barème, les juristes ont toutefois prévu une parade : multiplier les demandes, notamment sur des faits de harcèlement et de discrimination, non concernés par le plafonnement. Mais « cela risque d’apparaître gros comme une maison qu’il s’agit de gratter en allant sur un autre terrain », note Kachit. Autre angle d’attaque : agir en justice en s’appuyant sur la jurisprudence du Comité européen des droits sociaux, qui a déjà permis de condamner une réforme similaire en Finlande.

    Si nombre de juristes peine à croire que l’argument suffise à faire tomber le barème, il pourrait toutefois être repris dans les chambres prud’homales. Avec l’espoir, souligne l’un d’eux, de faire évoluer la pratique. Car « quand une situation choque, les juges ne peuvent pas rester les bras croisés ».

    Virés, indemnisés : ce qu’ils perdront avec la loi travail

    Véronique, responsable d’un magasin de meubles
    Avant : 40 000 € / Après : entre 2 000 et 8 000 €
    Les faits. Véronique (prénom modifié) avait pourtant « réussi son pari », note son avocat Gilles Tesson. Celui d’augmenter les ventes du magasin en difficulté pour lequel elle avait été recrutée en tant que responsable en juin 2014. Mais l’arrivée, quelques mois plus tard, de nouveaux gérants à la tête de cet établissement vendéen spécialisé dans les meubles a changé la donne. « Elle se rend compte qu’[ils] veulent se passer d’elle », explique son avocat. « A compter de ce jour, les objectifs de vente ont été augmentés de 57% et des fonctions contractuelles lui ont été retirées », soulignent, de leur côté, les conseillers prud’homaux de la Roche-sur-Yon dans leur jugement de mai 2017. Elle est licenciée pour faute grave le 23 décembre 2015. Les faits reprochés ? Une ubuesque histoire de vol de canapé. Dans la lettre de licenciement, on l’accuse d’avoir donné à sa fille l’ancien sofa de clients, repris par la société au moment de la livraison du nouveau qu’ils venaient d’acquérir. Ce que Véronique ne nie pas, puisqu’elle explique avoir obtenu l’accord de sa direction. Mais cette dernière « conteste fermement ». Sans convaincre les conseillers qui notent que « rien n’a été caché à la SARL » qui était « parfaitement au courant de l’accord qu’elle avait conclu ». Ce qu’une ancienne vendeuse, témoin de la conversation téléphonique au cours de laquelle Véronique avait reçu le feu vert de son employeur, confirme dans une attestation. En l’absence de « preuve formelle » de la faute, le conseil a donc jugé le licenciement abusif. « Il est apparu devant les juges que le motif est inventé de toutes pièces », résume l’avocat. L’employeur a fait appel.
    Indemnité reçue. 40 000 euros de dommages et intérêts, soit près de 10 mois de salaire (4 033 euros brut mensuels), pour une ancienneté d’un an. Une somme qui se justifie, selon les conseillers, par l’âge de la plaignante - 56 ans -, la perte de revenu, ou encore la « perte de chance d’employabilité ». D’autant qu’elle avait quitté un poste pour intégrer l’entreprise. Autre facteur aggravant : la « déloyauté de la SARL » et l’« atteinte à sa réputation ».
    Indemnité avec barème. Entre 2 016 euros (0,5 mois de salaire) et 8 066 euros (2 mois de salaire), dans cette entreprise de moins de 11 salariés.

    Fabrice, employé d’une société informatique
    Avant : 80 000 € / Après : entre 11 700 et 50 600 €
    Les faits. Aux juges prud’homaux de Boulogne-Billancourt, Fabrice (prénom modifié), engagé en CDI en 1998 par l’un des leaders français de services informatiques, a expliqué avoir « été l’objet de pressions de la part de son employeur pour obtenir son départ ». Une situation qui aurait débuté, selon le chef de projet, en 2013, après de multiples missions réalisées pour l’entreprise auprès de grands groupes. Il se retrouve alors, début octobre 2013, en période « d’intercontrats », c’est-à-dire qu’il n’est plus affecté chez un client. Convoqué à un entretien préalable, fin octobre, il sera licencié dans la foulée. Sa faute, selon son employeur : des retards dans la rédaction de la réponse à un appel d’offres pour un client et un « comportement désinvolte lors d’une réunion ». Une « insubordination » qui aurait été préjudiciable à l’image de l’entreprise. Une analyse disproportionnée pour le conseil de prud’hommes, saisi en 2014 par le salarié. Certes, l’informaticien « n’a pas rempli les attentes » de ses supérieurs et a « fait preuve d’un manque de professionnalisme », précise le jugement. Mais ces faits « ne justif[iaient] pas un licenciement », d’autant qu’ils n’avaient pas été précédés d’alertes suffisantes. De plus, Fabrice avait jusqu’alors donné satisfaction, son entretien de septembre 2013 pointant des « compétences indéniables et évidentes ». Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse. Il n’y a pas eu d’appel.
    Indemnité reçue. 80 000 euros de dommages et intérêts, soit 20,5 mois de salaire (3 898 euros brut mensuels), pour une ancienneté de quinze ans. Une indemnité justifiée, selon Samuel Gaillard, l’avocat du salarié, par la taille de la société, mais aussi par « des circonstances bien particulières ». Et d’expliquer : « C’est une problématique classique dans le secteur », marqué par une « course au jeunisme » et le « licenciement des salariés lorsqu’ils restent trop longtemps en intercontrats ». Autre facteur : l’âge - 61 ans - du plaignant, « qui a été licencié à trois ans et demi du départ à la retraite ».
    Indemnité avec barème. Entre 11 694 euros (3 mois de salaire) et 50 674 euros (13 mois de salaire). « Mais peut-être que le conseil de prud’hommes aurait alors admis le caractère discriminatoire de ce licenciement », pointe l’avocat du salarié.

    Guillaume, chef d’un centre de réparation auto
    Avant : 10 000 € / Après : entre 0 et 2 000 €
    Les faits. Fin 2016, lorsqu’une société de réparation de pare-brise normande lui propose de l’engager en CDI pour devenir chef d’un de ces centres, Guillaume (prénom modifié) décide de quitter le poste qu’il occupait jusqu’alors, depuis dix-huit mois, dans une autre société sous un statut d’intérimaire. Mais dès le contrat signé, la situation se corse. En novembre 2016, quelques jours à peine après son arrivée, l’entreprise est placée en redressement judiciaire. Chaque mois, son salaire est payé en retard. Jusqu’au mois de février 2017, pour lequel il ne recevra jamais son dû. Il va alors saisir, le 14 mars 2017, les prud’hommes de la Roche-sur-Yon pour faire constater une rupture de contrat aux torts de l’employeur. Deux jours avant, l’établissement dans lequel il travaillait « a été vidé de tout son matériel », notent les conseillers qui, dans leur jugement, lui donnent raison sans sourciller. Soulignant la « désinvolture et les manquements de la SARL », ils décident donc de considérer la rupture comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamnent l’AGS de Rouen, l’organisme patronal chargé de payer les créances salariales des entreprises en difficultés. Ce dernier a fait appel.
    Indemnité reçue. 10 000 euros de dommages et intérêts, soit près de 5 mois de salaire (2 078 euros brut mensuels), pour une ancienneté de moins d’un an. Une décision qui tient compte de la « situation juridique et financière désastreuse » subie par le plaignant, père de trois enfants. Interdit bancaire, l’homme de 39 ans s’est retrouvé dans une « impasse », expliquent les conseillers :« Pôle emploi ne le prend pas en compte, n’ayant aucun document de fin de contrat. La CAF refuse de prévoir le RSA, car selon l’organisme, il devrait être pris en charge par Pôle emploi. » Un imbroglio administratif qui a de quoi plonger Guillaume dans « l’angoisse, le stress ».
    Indemnité avec le barème. Entre zéro et 2 078 euros (un mois de salaire). « Mais il aurait peut-être été possible, malgré ce barème, de demander une indemnisation liée à la mauvaise foi manifeste de l’employeur », précise Gilles Tesson, l’avocat du salarié.

    Amandine Cailhol

    Bon article concernant les conséquences en terme d’indemnisation pour les personnes qui passent par les prudhommes. Ça permet de stopper la langue de bois et les beaux discours du gouvernement et plus particulièrement les mensonges de Pénicaud lors de l’émission de Cash investigation concernant Lidl et Free.

    #travail #capitalisme #droit #justice #code_du_travail

  • Affaire Anatrella : le dossier s’enlise - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/16/affaire-anatrella-le-dossier-s-enlise_1610522

    Accusé d’abus sexuels sur d’anciens patients, le « psy de l’Église », Tony Anatrella est sous le coup d’une procédure interne. Mais la non-levée de la prescription et le retard pris dans les poursuites inquiètent les victimes.

    Pour les victimes présumées, c’est le brouillard. « Notre dossier a été transmis il y a déjà huit mois à l’officialité de Toulouse [le tribunal interne à l’Eglise, ndlr]. Mais rien n’a véritablement bougé, si ce n’est qu’on vient de nous annoncer une nouvelle enquête », affirme à Libération, l’un des anciens patients du prêtre Tony Anatrella, accusé d’abus sexuels par plusieurs personnes ayant suivi des thérapies avec lui. Surnommé le « psy de l’Eglise », pourfendeur de l’homosexualité, Anatrella, médiatique et influent au Vatican, est sous le coup d’une procèdure lancée, à l’été 2016, par le diocèse de Paris duquel il dépend. A ce jour, aucune procèdure, en revanche, n’a été ouverte par la justice « des hommes », les faits étant considérés (au moins pour ceux qui ont été portés à sa connaissance) comme prescrits.

    Le même problème se pose pour l’Eglise. Toutefois, l’archevêque de Paris André Vingt-Trois avait, il y a quelques mois, transmis une demande de levée de la prescription au pape François. Celui-ci, selon une source proche du dossier au diocèse de Paris, a récemment tranché : la prescription ne devrait pas être levée dans l’affaire Anatrella, l’un des gros scandales d’abus sexuels auquel est confrontée l’Eglise catholique en France. Dans son cabinet place de la Nation, le prêtre a reçu, pendant plusieurs décennies, des patients envoyés notamment par des évêques et des supérieurs d’ordre religieux. « La prescription a été levée dans des affaires de pédophilie, concernant des mineurs mais l’affaire Anatrella concerne des majeurs », explique une source proche de l’archevêque de Paris pour expliquer la décision du Vatican. « C’est une très grosse déception », affirme à Libération l’un des plaignants.

    Une pétition

    Alertée de cas d’abus sexuel mettant en cause Tony Anatrella depuis le début des années 2000, l’Eglise catholique a tardé à bouger, couvrant même dans un premier temps le prêtre. Dans la tourmente des affaires de pédophilie, l’archevêque de Paris André Vingt-Trois avait finalement diligenté, il y a un peu plus d’un an, une enquête interne confiée à l’un de ses auxillaires, Eric de Moulin-Beaufort. Une dizaine de victimes se seraient alors manifestées. Par la suite, le dossier avait été transmis à l’officialité de Toulouse pour l’ouverture d’un procès canonique (interne à l’Eglise). « On ne peut à la fois faire traîner le dossier et nous objecter ensuite la prescription », s’insurge Daniel L., le premier à avoir alerté sur les pratiques déviantes de Tony Anatrella. En 2001, il avait été reçu par le cardinal Jean-Marie Lustiger pour évoquer cette affaire. Redoutant que le prêtre ne soit pas sanctionné, Daniel L. affirme réfléchir à d’autres modalités d’actions, « une pétition » ou « un voyage à Rome ».

    Même si la prescription n’est pas levée, l’affaire Anatrella n’est pas terminée pour autant. Une procèdure (moins sévère) est toujours en cours et plusieurs plaignants devraient prochainement être entendus par un juge écclésiastique. « On a l’impression de repartir à zéro », se désespère l’un d’entre eux.
    Bernadette Sauvaget

    Qui oserait dire qu’il est étonné ?
    #agressions_sexuelles #église_catholique #anatrella

  • Prostitution : « Les clients qui ont trop parlé durant ces deux jours sont les plus suspects » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/15/prostitution-les-clients-qui-ont-trop-parle-durant-ces-deux-jours-sont-le

    Depuis l’inscription de la pénalisation des clients dans la loi, en 2016, des départements, telle la Seine-et-Marne, ont mis en place des stages pour les contrevenants. Des cours infantilisants, entre incompréhension et apathie, qui réunissent seulement « les petites gens ».

    « Je vous dis donc adieu. L’objectif est de ne plus jamais se revoir. Jamais. » Il est 9 h 15 dans les locaux miteux de l’Association de contrôle judiciaire socio-éducatif (Acjuse) de Melun. Le procureur Lescaux est tout de sérénité, placide, bras croisés. Face à lui : treize hommes coupables. Des clients de la prostitution, pris en « flagrant délit » quelques mois plus tôt, relâchés dès la contravention payée, réunis désormais en Seine-et-Marne pour un stage obligatoire de sensibilisation à la « lutte contre les achats d’actes sexuels ». Ils sont cuisinier, chauffeur poids lourd, maçon, paysagiste, ouvrier, technicien, commercial, retraité. Agés de 35 à 68 ans. Célibataires ou mariés, pères de famille pour une majorité. Tous ont fréquenté une fois de trop la forêt de Fontainebleau.

    « Messieurs, ne prenez surtout pas cette condamnation comme une mauvaise punition, tente de rassurer Aurore Rizzon, leur encadrante de référence pour ces deux jours de stage. Nous sommes ici pour débattre, non pour vous juger. Alors qui veut bien m’expliquer la raison de sa présence aujourd’hui ? » Réponse collective : le silence. Les treize corps engourdis, rongés par la honte ou figés dans le désintérêt, ont les yeux scotchés sur le carrelage flétri. Une longue minute, puis deux. « On était au mauvais endroit au mauvais moment », ose articuler un homme assis au deuxième rang, veste de motard encore sur le dos, cheveux rasés et visage buriné. « On a fait une connerie pas tip top niveau morale », souffle un autre. « On s’est fait tout bêtement attrapés par les flics », dit un troisième. « Mais pourquoi il n’y a pas de spots de publicité télé pour nous signaler que nous sommes hors-la-loi ? On ne peut pas l’inventer », s’agace son voisin de droite, avachi sur sa chaise. Au fond de la pièce, le commissaire Todesco, cheveux blancs et regard gris, attend patiemment de pouvoir inaugurer le premier module de la journée. L’intitulé : « La prostitution en France et son cadre législatif ».

    « J’ai flippé pour de vrai »

    Depuis le 13 avril 2016 et l’adoption de la loi visant à renforcer la « lutte contre le système prostitutionnel », les rapports sexuels tarifés sont pénalisés via le client (et non plus par le biais du racolage et de la personne prostituée), passibles d’une contravention de 1 500 euros la première fois et de 3 750 euros en cas de récidive. Sur ses terres, le procureur Lescaux a convaincu ses juges d’ajouter systématiquement une « peine complémentaire » (le stage, dont le coût est compris dans l’amende) à la condamnation purement financière, pour, assure-t-il, « une prise de conscience plus efficace ». Soixante-dix clients (sur un total de 800 condamnés en France) sont passés depuis le début de l’été sur les bancs de l’Acjuse de Melun, dont les sessions mensuelles sont complètes jusqu’à mars. « En gros, on paie pour tous ceux qui ne se feront jamais gauler », se désole le plus âgé des condamnés, assis au premier rang avec un carnet de notes - toujours vierge - posé sur les genoux. « C’est donc ça, la justice ? » Pause déjeuner.

    Eric, 40 ans, a accepté de se confier autour d’un buffet chinois à volonté. Attablé devant des nems au porc, il fixe son verre derrière sa paire de lunettes légèrement usée. Il est embarrassé. Le jour où il s’est fait « choper », au mois de mai, il revenait tout juste d’un entretien d’embauche. La patrouille spéciale de Fontainebleau mise en place par le procureur Lescaux, composée de trois policiers, rôdait dans la forêt. « Bingo ! Ils m’ont pris par surprise en plein acte sexuel. Je me suis senti tout con. J’ai remis mon froc comme un con, je me suis excusé comme un con et j’ai payé ma contravention comme un con. » Depuis sa mésaventure, Eric jure qu’il réfléchit à « ses pratiques », devenues « trop symptomatiques » depuis « sa première prostituée », il y a une dizaine d’années. « Pour être honnête, c’est la rencontre avec les flics qui m’a vraiment fait cogiter. J’ai flippé pour de vrai. C’était la première fois que j’avais affaire à eux. OK, je suis timide maladif et vieux garçon célibataire. Mais est-ce une raison suffisante pour finir avec un casier judiciaire ? » Il s’enfile deux cafés. L’après-midi va être long.

    Il est 16 h 30, c’est la troisième pause clope de la journée. Lucien, 38 ans, porte un col roulé noir et un pantalon en tweed. Il fume assis sur le trottoir, épuisé. « Je veux bien être pénalisé, mais elles sont où les prostituées, elles ont été prises en charge ? Parce que moi, on m’a chopé, mais la fille, croyez-moi qu’elle est restée sur le trottoir. » Cela fait deux heures qu’il bataille avec « Monsieur Laurent », un membre de l’Amicale du nid, une association « antiprostitution d’aide aux victimes », venu à l’Acjuse avec cette unique question : « Et si on se mettait à la place des personnes en situation de prostitution, juste pour voir ? » Lucien n’y avait jamais pensé. Il s’en fout royal. « Aller voir une prostituée, c’est un acte d’achat impulsif. Tu veux juste consommer du sexe, tu ne réfléchis pas aux conséquences qu’implique ta partie de jambes en l’air. C’est comme acheter de la beuh, tu ne penses pas au système caché derrière. »

    Le reste de l’auditoire s’est prêté au jeu du représentant de l’association, en multipliant les réponses hypocrites d’élèves disciplinés. Pas Lucien : « Comment peuvent-ils savoir ce qui est le mieux pour elles ? Ils nous jugent et font les bons samaritains, mais où sont-ils quand il faut sortir les femmes de cet enfer ? s’est-il énervé, un peu plus tôt, dans la salle. Moi je veux bien être condamné, mais il faut aller jusqu’au bout de la démarche derrière. Se bouger réellement pour réinsérer les prostituées dans la société. » Monsieur Laurent a répliqué : depuis le 1er novembre, cinq « parcours de sortie » (dispositif prévu par le volet social de la loi 2016) ont été activés par décision préfectorale. Sept autres dossiers sont en attente de validation. « Ces anciens et anciennes prostituées recevront 330 euros d’aide mensuelle et une autorisation provisoire de séjour d’une durée minimale de six mois. Cela leur permettra de trouver un travail », a précisé l’intervenant. Le trentenaire jette sa clope sur le trottoir, réfléchit. « Douze femmes sauvées pour combien d’hommes condamnés ? Vivement la fin de journée. »

    « Pas tous à la même enseigne »

    Le lendemain, les treize hommes se sont installés aux mêmes places, pourtant non assignées, que la veille, les mêmes fringues au corps. Certains ont radoté les mêmes discours, les autres se sont pétrifiés dans la même aphasie. Et les intervenants se sont succédé avec la même tonalité moralisatrice. « Ce stage est une mauvaise idée. Culpabiliser les gens par rapport à leur sexualité, ça ne sert à rien, conteste Thierry Schaffauser, représentant du Syndicat du travail sexuel. Ces gens stigmatisent les travailleurs du sexe et nient leur capacité d’être des adultes consentants. En pénalisant nos clients, on nous fout encore plus dans la merde. On n’a plus un rond, donc on baise sans capote, puis on chope des maladies qu’on ne peut pas soigner. Mais en aucun cas on arrête de faire le tapin. C’est inefficace. »

    Pour Jean, le plus dérangeant dans cette nouvelle loi, c’est « l’inégalité des chances ». Ancien flic de 53 ans, il s’est fait surprendre par ses camarades « la seule et unique fois » où il s’est rendu dans les sous-bois de Fontainebleau. « On ne loge pas tous à la même enseigne. Vous pensez vraiment que la police guette les endroits luxueux fréquentés par des hommes politiques ? Les petites gens sans argent paient l’amende pendant que les plus riches font tranquillement leur affaire. » Jean enfile son blouson en cuir. Il n’a pas beaucoup de temps pour discuter. Il doit retourner à la maison avant que sa femme rentre du travail. « Elle n’est au courant de rien. La justice fait en sorte que la procédure se passe en toute discrétion. Croyez-moi, ils évitent bien des divorces. » Marié, ce père de deux enfants est persuadé qu’il ne refera « plus jamais la même erreur ». Et les autres ? Rires. « Les hommes qui ont trop parlé durant ces deux jours sont les plus suspects, croyez-moi. L’élève modèle est toujours un gros faux-cul. Je parie qu’avant la fin de la semaine, une majorité des hommes ici présents se promèneront à nouveau dans les bois. » Après deux jours de prédications, de méthodes infantilisantes et de dialogues de sourds, comment le contredire ?
    Anaïs Moran

    Quelle loi de merde, rien à dire ! Existe t-il une association plus contre-productive que Le nid ?

    #prostitution #moralisme

  • Au MJS, des années d’omerta et de duplicité - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/14/au-mjs-des-annees-d-omerta-et-de-duplicite_1610116

    En pointe dans les combats féministes, le mouvement a pourtant occulté, sinon couvert, les agissements de son ancien président. Symbole d’un système où la parole des femmes était (auto)censurée pour « ne pas nuire à l’orga ».

    Personne n’a été surpris. Samedi 21 octobre, Mathilde M., dirigeante nationale du MJS sur le départ, lâche une petite bombe dans son discours d’adieu. Au sous-sol de La Maison, un bar parisien, une centaine d’amis et de militants l’écoutent retracer ses dix ans au service de la cause socialiste. En plein scandale Weinstein, elle transforme son allocution en plaidoyer pour la parole libérée et réclame des comptes à son organisation. Pour Mathilde M., il est « de notoriété quasi publique [qu’un] ancien président est un agresseur multirécidiviste ». Lisant clair entre les lignes, la petite assemblée applaudit. Lourde, la charge est surtout limpide. Elle vise Thierry Marchal-Beck, qui a présidé le MJS de 2011 à 2013.

    Jusqu’à ces mots, personne n’avait publiquement accusé l’ancien patron du MJS d’agression sexuelle. Certaines victimes, avec le soutien de camarades bienveillants, avaient pourtant tenté au fil du temps de tirer la sonnette d’alarme. Car ce que tout le monde savait, c’est que « TMB » était un « homme à femmes ». Rien de surprenant ni de répréhensible dans une organisation rassemblant des jeunes dans la fleur de l’âge. Mais pour certaines militantes, qui témoignent aujourd’hui dans Libération, ces relations n’avaient rien de consenti et relèvent de l’acte délictuel. Comment un mouvement progressiste, féministe, prônant le respect de l’autre et la défense des plus faibles a-t-il pu occulter pendant des années les agissements de l’un des siens en totale contradiction avec ses valeurs ?

    « Vous couchiez, vous montiez »

    Le MJS est un mouvement très personnifié. Il existe principalement à travers son président et non par ses fédérations locales. D’où une surprotection de la personne qui dirige l’organisation, quelle qu’elle soit. « S’attaquer au président, c’est s’attaquer au MJS », schématise un ex-salarié du mouvement. Sûrement, aussi, parce que l’intéressé cachait son jeu. A la manière d’un Cahuzac, ministre grand pourfendeur de fraude fiscale devant les caméras mais détenteur d’un compte offshore non déclaré, Thierry Marchal-Beck a été un grand président féministe du MJS. Capable d’entamer une réunion en lisant la liste des personnes inscrites pour prendre la parole et de piquer une colère s’il n’y avait qu’une femme et 14 hommes. Encourageant ses militants à rejoindre l’association Osez le féminisme ou rappelant les règles sur le consentement sexuel dans le bus roulant vers un congrès ou un rassemblement de jeunes socialistes européens.

    C’est pourtant le même qui, lors d’un camp d’été en Croatie en 2012, avait mis en place un jeu avec certains de ses proches. Une sorte de permis de baiser à points. « Vous couchiez avec un militant, c’était tant de points. Un cadre, c’était plus, un militant étranger plus et le président c’était bingo, rapporte une participante, revenue choquée de Savudrija. Il utilisait son pouvoir de président : vous couchiez, vous montiez dans les instances, c’était le deal. » Pour l’une des huit victimes, « on dit souvent au MJS que nous sommes un laboratoire pour l’avenir. Force est de constater que la jeunesse n’est pas épargnée dans la reproduction des saloperies que peuvent commettre nos aînés ».

    Dans cette ambiance mêlant en permanence sexe et politique, la campagne de communication « Socialiste parce que féministe » pendant la présidentielle de 2012 apparaît comme l’hypocrisie ultime. « Vous êtes supposés vous battre pour ces valeurs d’égalité, de féminisme, et vous voyez que non seulement elles ne sont pas appliquées mais qu’elles sont foulées au pied. C’était un peu schizophrène, se souvient Ada R., ancienne animatrice fédérale ayant tenté de faire bouger les choses à l’époque. Ce paradoxe décrédibilise la parole des victimes et peut les dissuader de parler. » « Si j’avais adhéré au MJS sous sa présidence, je ne serais pas restée : il y avait trop de contradictions entre le message et l’homme, abonde Anouck J., l’une des victimes retrouvées par Libération. Beaucoup de dirigeants du MJS sont irréprochables et proches des valeurs que nous défendions au quotidien, mais lui, il renvoyait une sale image du mouvement. »

    « Un très grand mouchoir »

    Pendant des mois, les alertes vont sonner dans le vide. Quelques semaines avant le congrès de Strasbourg qui doit introniser Thierry Marchal-Beck en novembre 2011, trois femmes sonnent le tocsin, rencontrant ensemble un membre de la direction du mouvement. « On leur a dit : "Vous ne pouvez pas mettre ce type président, vous allez avoir des frasques tous les jours dans la presse et vous allez salir l’organisation" », se remémore l’une d’elles. A la même époque, le MJS envoie une de ses cadres rencontrer Anouck J., qui a maille à partir avec le futur président. Il s’agit de prendre la température et de vérifier de quoi il retourne. Mais sans le savoir, la direction va désigner pour cette mission une femme qui a elle-même eu affaire à TMB quelques mois plus tôt… « Comment j’ai pu faire ça alors que ça m’était arrivé à moi, je ne sais pas, raconte cette dernière à Libération. J’ai mis un très grand mouchoir sur ce qui m’était arrivé. Je m’entends encore lui dire : "C’est mauvais pour toi, il va être président." »

    Le problème, c’est que quand elles trouvent la force de parler, les victimes butent sur le choc de leur agression et sentent le poids de l’organisation peser sur elles. « Parler de harcèlement en interne sans toucher l’image du mouvement, c’est ça la question », déclare l’une des huit victimes. Douloureuse, leur parole peut être elliptique. Et en face, l’écoute dont elles bénéficient est, à tout le moins, sélective. Sur le papier, le MJS est du côté des femmes mais c’est aussi une organisation rompue aux manœuvres et aux coups bas. Déjà peu enclins à voir dans leur camarade un agresseur de femmes, les dirigeants ont tendance à ranger un peu facilement ces alertes dans la catégorie instrumentalisation politique. « Le poisson était noyé pour de mauvaises raisons », résume un ancien responsable parisien.

    « L’orga a couvert »

    Figure emblématique du MJS, consulté en cas de bisbilles, Benoît Hamon entend « vaguement des rumeurs » sur TMB en 2012, se souvient-il. Les rumeurs se font un peu plus précises en 2015, quelques mois après l’affaire Denis Baupin. A cette date, Mathilde M. évoque devant lui le comportement « à risques » de l’ancien président. « Je ne disposais d’aucune information tangible, solide, précise, explique, à Libération, l’ancien candidat à l’Elysée. Je lui ai redit ma ligne qui consiste à conseiller de porter plainte. Je pense que, jusqu’à il y a peu, nous n’étions pas culturellement préparés à tout ça. La société française est en train de faire un pas considérable sur les sujets de harcèlement : la maturité est là. » A l’échelle du MJS, « l’affaire Baupin a remué deux ou trois trucs et l’affaire Weinstein a fini de secouer tout le monde, confirme Aurélie R., ancienne secrétaire nationale du MJS, qui dit avoir alerté dès 2011 sur un « problème TMB ». « Tout ça met six ans à sortir, c’est long. Pour les victimes et pour l’organisation. » Pour elle, c’est clair, « l’orga a couvert » son patron.

    Dégagés des enjeux de pouvoir interne, certains anciens font ce qu’ils peuvent. En 2014, Matthieu Rouveyre, qui s’occupait de la communication du MJS entre 2005 et 2007, essaie de mener l’enquête, de récolter des témoignages. En vain. Un an plus tard, quand l’ex-numéro 2 du mouvement, Paul Meyer, relaie ses interrogations sur la situation de Mathilde M., qui aurait pu devenir présidente mais se trouve sur la touche, il se voit immédiatement reprocher de vouloir faire un putsch. Un classique. « C’est vrai que, sans procédure judiciaire, c’est compliqué de trouver la bonne solution », estime de son côté Antoine Détourné, qui a commencé à prendre conscience fin 2015 de la gravité des faits reprochés à TMB. Pendant son mandat à la tête du MJS, de 2007 à 2009, il a eu à gérer un cas d’agression sexuelle : un membre des instances nationales avait tenté de forcer une militante à lui faire une fellation. L’agression lui avait été rapportée par des proches de la victime, plus âgés et plus aguerris. Verdict : l’homme a été viré du MJS.

    Pendant les années TMB, une responsable départementale du sud-est de la France décide, elle, de porter plainte pour agression sexuelle contre un de ses alter ego, animateur fédéral en province. L’affaire sera classée sans suite. Mais c’est surtout la réaction du MJS qui l’avait choquée à l’époque : personne n’avait bougé. « Dans une organisation qui professe le "no means no", s’entendre répondre qu’on ne peut rien faire pour une femme qui dit que les limites ont été franchies, c’était très dur, témoigne cette ancienne dirigeante. Même dans un milieu politisé, la parole des femmes peut être minimisée. » La meilleure preuve que certains sont conscients du problème, c’est que le mouvement finira par mettre en place un système de protection autour de TMB. Au MJS, c’est la tradition, il y a toujours quelqu’un pour « gérer » le président. Pour son bien personnel et pour le salut de l’organisation, il faut veiller à ce qu’il prenne son train à l’heure, qu’il rencontre les journalistes prévus, qu’il ne soit pas importuné sans raison, qu’il dîne et qu’il dorme. Cette surveillance va prendre un autre tour entre 2011 et 2013. Quand il venait en province, il y avait une bulle de sécurité autour de lui, pour être sûr qu’il rentre dormir sans déraper. Les réunions de préparation d’événements nationaux ou en fédération, se terminent par la désignation d’un référent pour TMB. « Ce système de protection était tacite mais connu de tous, analyse avec le recul Chloé P., ancienne animatrice fédérale. J’aimerais qu’on trouve collectivement où on a failli en tant que mouvement. On a beau se dire féministes, on peut être pris dans une orga, un système qui nous dépasse. » Etre le référent de TMB - son « gardé » dans le jargon du MJS - implique parfois de le stopper physiquement quand il frôle la ligne jaune. « Quand il était lourd, je le prenais entre quatre yeux et je lui disais : "Maintenant, t’arrêtes tes conneries" », reconnaît aujourd’hui un permanent du MJS époque TMB. En janvier 2013, après les vœux de Hollande à la jeunesse à Grenoble, une responsable fédérale hausse le ton pour lui dire : « Fais attention, ça peut se retourner contre toi. » Lui élude. Ceux qui osent s’informer ou réagir récoltent au mieux de la colère, au pire des menaces. Quelques semaines après l’agression d’une de ses militantes dont il a connaissance, un responsable fédéral rentre en taxi avec Thierry Marchal-Beck. Entre aveu et pressions, le président glisse : « "Cette affaire, il ne faut pas que ça sorte", rapporte l’ancien cadre du MJS devenu entre-temps avocat. Je l’ai mal pris. J’ai répondu qu’elle ferait ce qu’elle veut. » Parce qu’il pose des questions après avoir appris l’agression d’une de ses camarades, un des militants embauchés au siège du PS pour la campagne de Hollande sera affublé du surnom de « ventilateur à caca » par TMB. Les allusions, sibyllines, prospèrent en parallèle sur le Tumblr du MJS, MJS Mi Amor, créé après la présidentielle. A la page 61, on peut lire un message inquiet de l’administrateur de la plateforme évoquant « plusieurs contributions relatives à des agressions sexuelles de la part d’une personne très importante au MJS ». C’était il y a trois ans.

    Les rumeurs sont arrivées longtemps après

    Interrogés par Libération, de nombreux permanents du MJS expliquent qu’ils n’ont jamais été informés de la gravité précise du phénomène avant et pendant la présidence de TMB. Les « rumeurs » sont arrivées longtemps après son départ, disent-ils, à partir de la fin 2015. « Apprendre qu’il a pu y avoir des cas d’agressions sexuelles me rend malade, confie Laurianne Deniaud, à qui TMB a succédé. C’est intolérable. Je ne savais pas et je ne peux que me demander comment cela a pu arriver sans qu’on s’en rende compte », s’interroge l’ancienne présidente, très engagée sur ces questions d’égalité femmes-hommes. Pendant son mandat, son équipe avait même émis une règle, à mi-chemin entre la blague et la mise en garde : « Si vous sortez avec des militantes vous les épousez. » « Aujourd’hui, dit Laurianne Deniaud, ma place est avec ces femmes. J’apporte du crédit à leur parole, je soutiendrai leurs démarches. Elles doivent être entendues et la libération de la parole doit continuer. » Même credo pour Benjamin Lucas, l’actuel président du MJS, qui assure n’avoir jamais été interpellé personnellement par une victime. « Je préfère que les femmes parlent, y compris en mettant en cause le fonctionnement du MJS pour qu’il se transforme, dit-il à quelques mois de passer la main. La question n’est pas celle de notre image : s’il y a une sale image du mouvement, c’est qu’il y a eu de sales comportements dans le mouvement comme partout ailleurs. Nous avons aussi la responsabilité collective de les combattre. »
    Laure Bretton

    Je cite :

    Capable d’entamer une réunion en lisant la liste des personnes inscrites pour prendre la parole et de piquer une colère s’il n’y avait qu’une femme et 14 hommes.

    En même temps quand on est prédateur, plus il y a de femmes plus il y a de proies. Sa colère était sans doute sincère mais ses motivations moins avouables lol

    #TMB #harcèlement #MJS #agressions_sexuelles

  • Harcèlement sexuel chez les Jeunes Socialistes : 8 femmes accusent - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/14/harcelement-sexuel-chez-les-jeunes-socialistes-8-femmes-accusent_1610032

    Huit femmes brisent la loi du silence et accusent Thierry Marchal-Beck, ancien président du MJS, d’agressions sexuelles. Un comportement répété entre 2010 et 2014, parfois en public, et que beaucoup de cadres connaissaient. Révélations.

    Socialistes et parisiens, deux camarades boivent un verre après le boulot, un soir d’octobre. Voilà une semaine que le scandale Weinstein a explosé, révélant les témoignages de femmes agressées sexuellement depuis plus de vingt ans. Sur un coin d’écran allumé dans le troquet, les deux anciens membres du Mouvement des jeunes socialistes (MJS) captent le visage d’Emma de Caunes, qui a elle aussi décidé de sortir de son silence contre le producteur américain. Les deux amis se réjouissent en trinquant  : aux Etats-Unis, en France, partout, la parole des victimes se libère. « Il y en a un qui doit pas être bien en ce moment, c’est Thierry Marchal-Beck », ajoute l’un d’eux en guise de toast, avant de ­passer à autre chose. De 2011 à 2013, Thierry Marchal-Beck dirigeait le MJS, l’organisation de jeunesse du Parti socialiste. Et c’est lui que huit femmes accusent aujourd’hui de faits pouvant être qualifiés de harcèlement et d’agressions sexuelles, entre 2010 et 2014. Huit victimes qui brisent la loi du silence, même si Libération a pu recenser au moins quatre cas supplémentaires. Dans leur grande majorité, ces faits sont prescrits et n’ont pour l’instant pas fait l’objet d’un dépôt de plainte, même si deux victimes y réfléchissent.

    Toutes ont été militantes ou cadres du MJS. Quelques-unes le sont encore, à Paris ou en province. Pour certaines d’entre elles – une minorité –, cela a commencé par des relations sexuelles consenties avec celui que la planète socialiste appelle « TMB ». Jusqu’au jour où il a dérapé. Contacté par Libération, l’intéressé se dit « sidéré » par l’objet de notre enquête, refusant de se livrer « à un exercice biaisé de questions-réponses ». L’ancien dirigeant socialiste explique qu’il se tient « naturellement » à la disposition de la justice et se « réserve le droit d’engager toute procédure ». Récit, chronologique, d’une ascension et d’une dérive qu’il appartiendra à la justice de démêler.

    « Je ne pouvais plus m’en sortir »

    Hiver 2010. Les élections européennes ne se sont pas mal terminées pour la gauche. Après des années de militantisme à l’Union nationale ­lycéenne (UNL) et au MJS, Thierry Marchal-Beck est entré dans l’équipe de direction de l’organisation de jeunesse, où il est chargé du projet et des relations extérieures. Il vit donc à Paris, où il rencontre Lise (1), qui y milite. Ils se plaisent et, au début, leur relation est consentie. « Ensuite, je ne pouvais plus m’en sortir », relate la jeune femme. La liaison bascule dans le harcèlement. TMB se fait pressant, ne lâche plus Lise, la couvre de SMS. Sur des motifs réels ou factices, le jeune ­dirigeant convoque la secrétaire nationale chez lui plutôt qu’au siège du PS. « J’ai dû le masturber pour m’en débarrasser. Il disait  : "Comme tu as dit oui une fois, tu ne peux plus dire non maintenant." » Cette pression incessante prend fin à l’été 2010, quand Lise rencontre son compagnon. L’agression et les souvenirs de Lise s’estompent. « Ce n’est qu’avec l’affaire Baupin (2), cinq ans plus tard, que j’ai réalisé ce qui m’était vraiment arrivé  : on était clairement dans un abus de pouvoir, explique l’ancienne cadre. A chaque affaire de harcèlement, ce qui m’est arrivé ressurgit. Je m’interroge sur mon statut de victime et mon incapacité à réagir. »

    « Je veux qu’il s’arrête »

    En 2011, Aurore est membre des instances nationales du MJS. Une relation amoureuse s’installe avec TMB, qui n’est pas encore président. Mais chacun sait déjà qu’il le deviendra lors du prochain congrès, en novembre. Comme Aurore vient de province, ils se voient quand elle « monte » à Paris. En sortant du bureau national du MJS, rue de Solférino, un soir du printemps 2011, Aurore veut rejoindre l’appartement qu’on lui prête dans la capitale. Sans TMB cette fois  : Aurore ne veut pas, ne veut plus. Mais lui s’impose et attrape la valise de la visiteuse. « Je la porte, je te raccompagne », assène-t-il, entraînant Aurore boire un verre dans le quartier tout proche de Saint-Michel. A chaque étape ensuite – se dire au revoir, faire le code d’entrée, monter jusqu’à l’appartement –, Aurore explique au futur président que la soirée s’arrête là, qu’il doit partir et la laisser. Mais il la suit jusque dans le couloir de l’immeuble. « Devant la porte de l’appartement, il me plaque contre le mur, commence à m’embrasser de force, raconte-t-elle. Je mens et je dis qu’un de mes cousins dort à l’intérieur. Il ne peut plus entrer. Pour ne pas que cela aille plus loin, je me sens obligée de lui faire une fellation. Je veux qu’il s’arrête, que son harcèlement s’arrête. Il part tout de suite après. »

    « Mon ascension s’est arrêtée net »

    Entre 2010 et 2011, tout va changer pour Marie. En 2010, elle est une jeune pousse socialiste prometteuse, pressentie pour prendre la tête de sa fédération départementale, en banlieue parisienne. Tout le monde chante ses louanges. A la même époque, elle a le « béguin » pour TMB. A la base, c’était un « jeu de séduction consenti des deux côtés », dit-elle sept ans plus tard. Sauf que Marie ne franchira jamais la ligne jaune  : elle est en couple et n’entend pas tromper son compagnon. TMB, en revanche, tentera sa chance en permanence, faisant balader sa main sous sa jupe, entre autres. Marie dit et redit non. Courant 2011, le scénario prend une tournure politique. « J’apprends par des camarades bienveillants que le futur président se répand sur mon état psychologique supposé instable dans les instances nationales, relate l’ancienne militante qui poursuit des études de droit en parallèle. En fait, plus je disais non, plus il disait à tout le monde que je n’étais pas digne de confiance. » Du coup, Marie est lâchée par la direction, qui semble se ranger à l’avis de TMB sur sa personnalité. Elle alerte plusieurs responsables nationaux, expliquant que le futur patron du MJS est « dangereux pour les femmes et pour l’organisation ». Mais en novembre 2011, Thierry Marchal-Beck est intronisé. « Et là, mon ascension dans le mouvement s’arrête net », se souvient Marie. Ni proposition ni promotion  : plus rien jusqu’au départ de TMB, en 2013. Marquée, la jeune femme part étudier à l’étranger. A son retour, elle quitte le MJS et s’installe en province.

    « Sa voix n’a pas changé »

    Une après-midi, fin 2011, juste après l’élection de TMB à la présidence du MJS, Diane, responsable fédérale en province et membre du bureau national, fait le point avec le président dans son bureau, situé sous les combles à Solférino. Pendant qu’il lui parle, d’un ton égal, Thierry Marchal-Beck ferme la porte subrepticement derrière elle et enlève sa ceinture, raconte-t-elle. « Sa voix n’a pas changé pendant qu’il faisait ça », témoigne aujourd’hui la jeune femme. Tout se passe très vite  : « un quart ou une demi-seconde » plus tard, TMB a ouvert sa braguette. « Il prend ma tête, l’approche de son sexe pour m’obliger à lui faire une fellation. Je le repousse très fort, je l’insulte et je pars en courant. » Quelques jours après la scène, ils se recroisent et TMB « fait comme si de rien n’était », se souvient-elle, ­claquant même la bise à sa camarade. « Et après, comme d’habitude, il monte à la tribune pour dire combien il faut protéger les femmes parce qu’il est un grand féministe. C’était surréaliste », estime Diane six ans plus tard.

    « Il agissait sans se soucier des témoins »

    Louise, militante francilienne du MJS, n’avait, elle, jamais croisé le président du mouvement jusqu’à cette rencontre de jeunes socialistes à Bruxelles, mi-décembre 2012. 300 militants de toute l’Europe ont rallié pour l’occasion la capitale de la Belgique. Le samedi 15 décembre, une tournée des bars s’organise. La troupe fait halte au Floris Bar, spécialisé dans les absinthes et situé impasse de la Fidélité. Quittant la piste de danse, Marchal-Beck arrive à la table de Louise par derrière, plaque ses mains sur ses seins et les malaxe devant ses amis qui assistent, bouche bée, à la scène, de face. « Je me retourne et je réalise qui est en train de me faire ça, raconte l’ancienne militante francilienne. On ne se connaît pas, il arrive et il me pelote vigoureusement. » Devant la réaction de la tablée, le président du MJS lâche son emprise et tourne les talons. « Avec le recul, je me suis dit que ce qu’il avait fait était totalement dingue, il agissait sans se soucier des témoins », souffle Louise.

    « Je me souviens de tout »

    Blandine a également fait le déplacement à Bruxelles. Elle est membre du MJS Paris, une fédération vitrine représentant 20 % des effectifs de l’organisation nationale. Thierry Marchal-Beck est le « suivi » de la « fédé » de Paris  : son référent politique. Au courant de tout, l’œil sur tous. Comme Louise, Blandine ne le connaît pas personnellement. Comme Louise, elle le croise dans le couloir d’un bar bruxellois, ce ­samedi 15 décembre 2012  : « Il m’a plaquée dans un coin, passant ses mains sous mon tee-shirt, sur mes seins, mon ventre, mon dos et m’expliquant que j’avais tellement bu que de toute façon je ne me souviendrai de rien le lendemain. Malheureusement si  : je n’étais pas saoule et je me souviens de tout. » La jeune femme se dégage et raconte immédiatement la scène à ses responsables fédéraux. « Ce qui s’est passé était une agression inacceptable, confirme l’un d’eux, contacté par ­Libération. J’ai récupéré Blandine choquée et on est partis. » La jeune militante décide de ne pas porter plainte mais parle ouvertement de ce qui lui est arrivé dans les instances du MJS. « Pour que ça change. » Ce qui revient aux oreilles du président, qui pique une colère, expliquant qu’il n’a rien fait et qu’on cherche à lui nuire.

    « Ah, tu portes des bas »

    En 2013, Vanessa s’apprête, elle, à prendre la tête de sa fédération, en province. Une rencontre – la première – est organisée avec le président du mouvement, le 28 février, en marge d’une réunion publique où se pressent toutes les huiles socialistes du département. Sur le mode de la plaisanterie, le responsable de Vanessa la prévient que TMB est plutôt porté sur la chose. Un peu collant pendant le pot de l’amitié, Marchal-Beck termine en lui pinçant les fesses. La voilà sur ses gardes. Elle en parle à son responsable, que Libération a joint et qui confirme. Quelques mois plus tard, Vanessa est à Paris pour un conseil national du MJS, fin 2013. En sortant des toilettes, elle tombe sur TMB qui place sa main, d’autorité, sous sa jupe. « Ah, tu portes des bas », glisse-t-il selon elle. « Je le regarde dans les yeux sans pouvoir bouger, se souvient Vanessa, qui n’avait jusque-là décrit ce moment qu’à une seule personne en trois ans. Il remonte sa main entre mes jambes vers mon sexe et ajoute "oh, et un string". Cette phrase reste gravée en moi. Je ne porte plus de bas  : chaque fois j’y pense. » Elle se débat et sort fumer une cigarette, sans parler de ce qui vient de lui arriver. Pendant des mois, elle va occulter la scène. Ce n’est qu’en recroisant TMB le 3 mai 2014, pour une soirée en banlieue parisienne consacrée aux élections européennes, que tout lui revient en mémoire. Ce soir-là, le président du MJS tentera de forcer une autre militante dans les toilettes du Pavillon Baltard. Devant son refus, il finira par se contenter d’exhiber son sexe, selon plusieurs responsables du MJS ayant recueilli son récit à l’époque et avec lesquels Libération a échangé.

    « Il était violent »

    Depuis la campagne présidentielle de 2012, Hélène en pince pour TMB. Elle le connaît depuis 2009. Il était d’ailleurs le « suivi » de la fédération de province dont elle était animatrice fédérale. Pendant la campagne de Hollande, « on était plus souvent ensemble que chez nous. Il y avait beaucoup de [rapports] consentis, mais des sentiments partagés, ce ­serait beaucoup dire », estime aujourd’hui l’ancienne cadre du MJS. Deux ans plus tard, à l’été 2014, de l’eau a coulé sous les ponts  : Hélène s’apprête à quitter le mouvement et organise sa soirée d’adieu. Loin des regards, même modus operandi que celui décrit par la plupart des jeunes femmes qui accusent TMB  : il la plaque contre un mur, tente de l’embrasser de force et passe ses mains sous son tee-shirt. « Il n’était pas entreprenant, simplement violent. » Hélène tente de le raisonner puis le repousse avant de rejoindre ses amis. En silence.
    Laure Bretton

    Et ici son portrait :
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/14/tmb-militant-precoce-et-presse_1610110

    A 32 ans, Thierry Marchal-Beck, ancien président des Jeunes Socialistes et ex-collaborateur de Benoît Hamon, a grimpé les échelons en se fondant sur l’écologie et… le féminisme .

    Abientôt 32 ans, Thierry Marchal-Beck a milité pendant plus de la moitié de sa vie. D’abord à l’Union nationale lycéenne (UNL) puis au Mouvement des jeunes socialistes (MJS), au sein duquel il participe à 17 ans à la campagne 2002 de Lionel Jospin. Originaire de Lorraine, il a étudié à Sciences-Po Lille et plusieurs années aux Etats-Unis, observant la campagne de Barack Obama. De retour en France, il intègre la direction du MJS en 2009, où il sera chargé du projet et des relations extérieures de l’organisation de jeunesse du PS, qui dispose d’une très large autonomie et d’un budget propre depuis 1993. Les deux piliers programmatiques de « TMB », son surnom-acronyme en interne, seront l’écologie et le féminisme. « Je suis féministe, car l’égalité est au cœur du combat socialiste », professe-t-il sans arrêt.

    En 2011, il succède à Laurianne Deniaud à la présidence du mouvement après avoir piloté « Les jeunes avec Aubry » pendant la primaire socialiste. Hollande investi, le MJS se range derrière le « candidat normal » et TMB se retrouve souvent à chauffer les salles pendant la campagne de 2012. La gauche peut l’emporter, Hollande parle de jeunesse dans tous ses discours. « C’était la belle époque du MJS », relate un ancien permanent du mouvement. La page Facebook de Thierry Marchal-Beck regorge de photos prises avec les ténors du PS : d’Ayrault à Aubry en passant par Cambadélis, Désir et Montebourg.

    Pour beaucoup, TMB est un homme politique précoce et brillant, mais ils sont aussi nombreux à raconter quelqu’un de dur et extrêmement exigeant. En janvier 2014, il effectue un stage d’un mois au cabinet de Benoît Hamon à Bercy avant de devenir son chef de cabinet adjoint au ministère de l’Education. Cent quarante-sept jours plus tard, Hamon quitte le gouvernement et TMB la scène médiatique, faisant des apparitions sporadiques dans les médias. En 2015 et 2016, il passe dans le privé, travaillant successivement pour Alliance 7, la fédération de l’épicerie, et le Syndicat du chocolat. Pendant la présidentielle, il intègre l’équipe de campagne de Hamon où il s’est d’abord occupé du projet, notamment les questions sociales, puis de la mobilisation, particulièrement pour l’outre-mer.
    Laure Bretton

    Militant féministe, il n’y a pas mieux finalement comme couverture. Moi perso, si je me passe en revue les gars qui m’ont gravement fait galérer dans la vie, la plupart se disait féministes lol C’est pour ça que maintenant quand un mec me dit ça, direct je me mets en mode « alerte activée »

    #MJS #harcèlement #agressions_sexuelles #TMB #femmes

  • A Avignon, le « calvaire judiciaire » d’un ancien de l’Urssaf - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/13/a-avignon-le-calvaire-judiciaire-d-un-ancien-de-l-urssaf_1609823

    Philippe Pascal, retraité de l’organisme de recouvrement, est attaqué par François Mariani, influent notable du Vaucluse et cousin de Thierry Mariani. En 2010, ce dernier avait été visé par un contrôle antifraude mené par l’ex-employé de l’Urssaf .

    Philippe Pascal n’était pas seul, c’est déjà ça. Environ 150 personnes se sont réunies ce lundi devant le tribunal de grande instance d’Avignon en soutien à cet ancien inspecteur de l’Urssaf, appelé à comparaître pour la troisième fois en sept ans. Depuis 2010, ce désormais retraité se retrouve pris dans une spirale judiciaire commencée à l’occasion d’un simple contrôle fiscal, initié à la demande de sa direction. Un simple contrôle, mais qui ne visait pas n’importe qui : François Mariani, qui assigne aujourd’hui Philippe Pascal en justice, est un homme d’affaires influent dans le Vaucluse – il fut président de la chambre de commerce et dirige plusieurs sociétés – et est également cousin de Thierry Mariani, ancien ministre Les Républicains.

    En 2010, il est notamment propriétaire d’un hôtel-restaurant dont la gestion questionne la direction vauclusienne de l’Urssaf. Philippe Pascal, alors en charge de la lutte antifraude dans le département, est mandaté pour effectuer le contrôle. Le dossier qu’il constitue entraîne la mise en examen, en février 2011, de François Mariani et de son fils pour « abus de biens sociaux, recel d’abus de biens sociaux, faux bilan, travail dissimulé et harcèlement moral » avec en prime un redressement annoncé de près de 800 000 euros. Parmi les éléments accumulés par l’inspecteur, un enregistrement fourni par un des employés de l’établissement, sur lequel on entendrait Mariani tenir des propos alimentant les soupçons d’infraction à la législation du travail. C’est cette bande sonore, remise à la justice par Philippe Pascal, qui le mène aujourd’hui devant le tribunal, François Mariani l’attaquant pour « atteinte à la vie privée ».

    « La carte du pourrissement »
    Lundi, l’audience, déjà reportée par trois fois, a une nouvelle fois été repoussée, l’avocat de François Mariani, Olivier Morice, ayant déclaré forfait pour cause de dos douloureux. Une vraie déception pour les soutiens de Philippe Pascal, venus de toute la France pour l’accompagner. « On a l’impression qu’en face, ils jouent la carte du pourrissement, soutient Lionel Zaouati, responsable régional pour la fédération CGT des organismes sociaux. On aurait aimé qu’il soit jugé pour que l’on en finisse, car Philippe reste sur le gril à ressasser cette affaire depuis sept ans déjà. » Car ce n’est pas la première contre-attaque menée par l’entrepreneur sur son inspecteur : depuis 2015, deux autres plaintes ont été déposées, la première, classée sans suite, pour des soupçons de corruption, la deuxième pour atteinte à la présomption d’innocence – procès perdu en première instance par François Mariani, qui a fait appel de la décision.

    De procédures en procédures, c’est un véritable « calvaire judiciaire » selon la CGT, qu’aurait subi l’inspecteur depuis le début de cette affaire. Pire : « Il a aussi été menacé, on a cassé sa voiture, on a recensé tout un tas de faits en vue de l’intimider », assure encore Lionel Zaouati. Une plainte a été déposée en ce sens, mais la justice l’a classée sans suite. De quoi déstabiliser durablement Pascal Philippe : dessaisi du dossier Mariani en 2014 par son administration, il est finalement licencié en juillet 2016 pour inaptitude suite à un burn-out. Une « injustice » pour ses soutiens, alors que François Mariani, toujours mis en examen, n’a lui toujours pas été jugé.

    « Au-delà du cas de Philippe, cette affaire symbolise aujourd’hui la façon dont certaines personnes influentes peuvent avoir un sentiment d’impunité leur permettant de passer entre les mailles du filet, relève Lionel Zaouati. On espère que la justice triomphera parce que son combat est juste. Il n’a fait que son travail. » Pour mobiliser l’opinion en attendant la nouvelle audience, prévue le 26 février 2018, ses défenseurs ont lancé un site internet, « payetescotiz.fr », avec rappel des faits et mention du comité de soutien de l’inspecteur, qui compte quelques personnalités comme Eva Joly, Gérard Filoche ou François Ruffin. L’avocat de François Mariani, lui, n’était pas joignable.

    L’impunité dont jouissent les dominants dans notre pays soit disant démocratique est hallucinante. Non seulement nous vivons dans un état policier, mais qui est par ailleurs contrôlé par une oligarchie politico-industrielle mafieuse.

    #urssaf #contrôle_fiscal #fraude #corruption #harcèlement #impunité

  • Malgré la loi SRU, de plus en plus de communes refusent les HLM - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/07/malgre-la-loi-sru-de-plus-en-plus-de-communes-refusent-les-hlm_1608397

    Le premier rapport de la commission nationale SRU, présidée par Thierry Repentin, demande aux préfets de sanctionner une cinquantaine de municipalités supplémentaires. Et au ministre Jacques Mézard d’être plus ferme.

    Le nombre des communes qui refusent de se soumettre à leurs obligations de construction de logements sociaux ne cesse de croître, malgré une loi « solidarités et renouvellement urbain » (SRU) qui remonte à 2000, et malgré l’arsenal de sanctions qui les menace. Telle est la conclusion du premier rapport de la commission nationale SRU, créée par la loi Egalité et citoyenneté de janvier 2017. Au vu de ce qu’elle a trouvé, la création de cette commission n’était pas du luxe.

    En France, 1 152 communes sont tenues d’avoir, dans leur parc, 25% de logements sociaux, dont au moins un tiers de « très sociaux » et pas plus d’un autre tiers de PLS, les HLM aux loyers les plus élevés. Entre 2011 et 2013, 387 communes n’avaient pas atteint cet objectif. Or, dans les deux ans qui ont suivi, entre 2014 et 2016, ce sont 649 villes qui n’ont pas accompli leurs objectifs. 56% de l’effectif. 76 de ces communes récalcitrantes étaient en Ile-de-France, 64 en région Paca et 32 en Auvergne-Rhône-Alpes.

    Faiblesse des sanctions
    Au-delà des égoïsmes locaux, c’est la faiblesse des sanctions qui explique aussi cette croissance. La loi permet aux préfets de majorer l’amende par logement non réalisé de 400%. Mais cette multiplication par cinq de la sanction est rarissime. « Pour 90% des collectivités carencées, le niveau de majoration n’excède pas 200% », lit-on dans le rapport. Et dans le lot, un tiers n’est frappé que par l’amende minimum.

    Les préfets disposent pourtant de l’arme fatale : ils peuvent décider d’assurer « les délivrances des autorisations d’urbanisme » (les permis de construire) à la place des maires. Une mesure qui « fait vraiment bouger les choses », estime Thierry Repentin, président de la commission nationale SRU. Mais rare. Pour le rapporteur, les sanctions appliquées aujourd’hui ne correspondent pas à « la totalité de l’éventail à disposition des préfets ».

    « Bras d’honneur à la République »
    Pour Thierry Repentin, c’est désormais à Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, d’agir. Il lui recommande de rajouter chez les sanctionnés « une grosse cinquantaine de communes qui auraient pu faire mieux », dont Nice, Toulon, Aix-en-Provence et Marseille. Sur France Inter, Repentin a clairement résumé le problème : « Si beaucoup de maires ont mis en place des actions pour rattraper leur retard, il en reste une partie qui ne souhaite pas accueillir sur leurs territoires – pour des raisons qui leur sont propres – des habitants dont les revenus leur semblent trop faibles pour qu’ils soient dignes. » Et de conclure : « On ne peut pas permettre qu’un certain nombre de maires fassent un bras d’honneur à la République. »

    Et pour couronner le tout, l’impunité totale pour les communes les + peuplées qui ne respectent pas la loi SRU sur le pourcentage de HLM à respecter. Mais finalement tout ceci est d’une grande cohérence.

    #logement #hlm #sru

  • « Les femmes sans abri ont peur des viols, elles se cachent » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/08/les-femmes-sans-abri-ont-peur-des-viols-elles-se-cachent_1608808

    Après avoir passé dix-sept ans dans la rue, Anne, 48 ans, est aujourd’hui bénévole au sein d’une association qui vient en aide aux SDF. Elle raconte à « Libération » ses années d’errance, décrit la vulnérabilité des femmes sans domicile fixe. Et comment elle s’en est sortie.

    Après avoir été victime d’inceste, Anne s’est retrouvée, à 18 ans, sans toit. Aujourd’hui âgée de 48 ans, elle est logée dans un appartement HLM et enseigne le français à des adultes étrangers. Mais cette mère de deux enfants se consacre avant tout à Entourage, une association d’aide aux SDF. Son but : sensibiliser le public à l’importance de la communication avec les sans-abri. De sa situation actuelle, elle dit : « C’est vrai que je fais encore la manche de temps en temps. Mais avant, quand un homme me proposait de me donner de l’argent contre une "faveur", je disais oui parce que j’étais bien obligée. Aujourd’hui, j’ai le choix. » Retour sur ce sauvetage, et l’errance qui l’a précédé.

    A quoi ressemble le quotidien d’une femme sans abri ?
    Pour être la plus discrète possible, je me cachais tous les soirs, sous un pont, sur les quais. Je résumerais mes années de rue en trois périodes. D’abord, les viols. J’ai été en état de choc pendant mes trois premières années. Je ne parlais plus. Black-out total. Ma seule action de la journée, c’était de manger. J’avais honte de mon corps qui s’était fait violer. Ensuite, j’ai rencontré d’autres femmes SDF, et ça allait un peu mieux. Puis, je suis tombée amoureuse d’un homme sans abri. Malheureusement, être avec lui ne m’a pas protégée pour autant des agressions. On se faisait tous les deux violer.

    Enfin, la troisième période c’est quand j’ai eu mon premier enfant. Réussir à le garder a été mon combat de tous les jours. La Ddass [Direction des affaires sanitaires et sociales] voulait me le prendre. Quand vous êtes une femme SDF, vous n’avez pas le droit d’être mère. Alors, elles ne font pas de papiers à leurs enfants, ce qui donne lieu à des accouchements sauvages. Elles ne peuvent pas non plus les inscrire à l’école, c’est un cercle vicieux.

    Selon le Samu social de Paris, 22 % des SDF de la capitale sont des femmes. Ce chiffre vous étonne ?
    Oui, parce que je pense qu’elles représentent plutôt 40 %. Les gens ne se doutent pas que les femmes sans abri peuvent être si nombreuses, car ils ne les voient pas. Elles ont peur des viols, des racketteurs, alors elles se cachent dans des parcs, des bibliothèques, des piscines gratuites. A Paris, elles n’ont que deux lieux d’accueil d’urgence non mixtes. Les femmes SDF n’ont aucune chance de s’en sortir. Elles ont peur d’aller dans des centres mixtes. Je me suis déjà fait violer à l’intérieur même de ces refuges. Alors, quand on est sans abri, on préfère la rue. Les femmes s’isolent et deviennent des proies plus faciles. Leur dédier plus de centres d’accueil, qui soient dirigés uniquement par des femmes bénévoles, est une urgence.

    Vous n’êtes plus dans la rue depuis treize ans. Qu’est-ce qui vous a sauvée ?
    Les gens de mon quartier. Une femme médecin en particulier. Elle passait tous les jours devant moi et venait me voir régulièrement. Elle m’auscultait et m’aidait à soulager mes douleurs. On a développé une vraie relation. C’est ce lien qui m’a sauvé. Elle a été mon repère. J’avais simplement besoin qu’on me parle. Cette femme a d’ailleurs longtemps été mon médecin traitant lorsque j’ai réussi à trouver un logement. Les SDF, en France, ne meurent pas de faim, mais d’isolement, et de manque d’hygiène médicale. Seuls 5 % des sans-abri sont visibles. C’est de cette manière qu’on peut les repérer, puis les aider : en développant une vraie relation avec les SDF de votre quartier, en allant les voir tout le temps.

    Comment peut-on réussir à se reconstruire après ce que vous avez subi pendant ces dix-sept ans de rue ?
    Avant tout, grâce à mes enfants. Ils sont mon moteur. Grâce à eux, j’ai réussi à survivre. Ils savent tout sur ma vie d’avant, sur les viols, et sont fiers de moi.Ils font même régulièrement des maraudes pour venir en aide aux sans-abri. Ensuite, il faut se créer des amitiés, même si c’est difficile : quand on vit aussi longtemps dans la rue, une autoprotection se développe dans la solitude. On ne fait plus confiance à personne. Mais être entouré par des amis bienveillants est malgré tout indispensable. Un autre moyen auquel on pense moins, c’est Facebook. Pour certaines de mes amies SDF, ça a été une façon de garder contact avec leurs proches, même si, souvent, elles ne leur disent pas qu’elles sont sans-abri. Pour moi, Facebook a été un bon convecteur pour trouver de l’aide, c’est ce qu’on appelle la « cyber-mendicité ». Enfin, bien sûr, il y a le suivi psychologique, même si le processus est très lent. Depuis que j’ai quitté la rue, je suis suivie par une psychologue. Mais comme vous pouvez le voir, je continue à pleurer encore aujourd’hui.

    Vous êtes bénévole pour Entourage, une association d’aide aux SDF. Quelles sont vos missions ?
    Sensibiliser. C’est quoi être SDF ? Comment aider un SDF ? Au lieu de lui jeter une pièce, il vaut mieux par exemple lui demander de quoi il a besoin, et le lui donner. Avec Entourage, je veux éduquer, expliquer à quel point communiquer avec un sans-abri peut lui sauver la vie. Malheureusement, ceux qu’on voit sont souvent les pires : alcooliques, drogués, agressifs… Mais il ne faut pas généraliser. Les sans-abri ont avant tout besoin de parler, l’indifférence des passants les enfonce. Ils sont fidèles avec ceux qui sont bienveillants avec eux. Je considère que créer un lien social, c’est la clé pour aider un SDF à se relever.

    On peut quand même noter que l’Aide sociale à l’enfance a pour solution 1ère d’enlever un enfant à sa mère plutôt que de les mettre tous les deux à l’abri. Mais ça ne m’étonne pas outre mesure vu ce que j’ai pu voir de l’action de leurs services.

    #SDF #sans_abri #femmes #viols #pauvreté