• État de #droit ou #loi du talion ? | LES VREGENS
    https://cafemusique.wordpress.com/2017/11/05/etat-de-droit-ou-loi-du-talion

    En quatre ans, j’ai encore vu changer le monde que je connais le mieux : celui de la #justice. Depuis que j’ai prêté le serment d’avocat, en 1984, ce monde est en révolution perpétuelle, pas forcément pour le meilleur. Les lois, votées à la va-vite et au doigt mouillé, les lois, propulsées dans le code pénal par le vent versatile de l’#émotion alors qu’elles devraient résister à cette tornade, les lois se durcissent. Les faits divers successifs modèlent et remodèlent la hiérarchie des crimes : du temps où André Gide siégeait comme juré à la cour d’assises de la Seine-Inférieure, il était plus grave d’incendier une grange que de violer une fille de ferme. Nous étions au début du XXe siècle, avant la Grande Guerre, avant l’acquittement de Raoul Villain, l’homme qui avait assassiné Jaurès en 1914 : le pire des crimes, après la défaite de l’Allemagne, c’était le pacifisme, et la veuve de Jaurès fut même condamnée aux dépens. À la fin des années 1990, quand éclatèrent, en Belgique l’affaire Dutroux, et dans le Pas-de-Calais celle d’Outreau, la pédophilie, communément présentée comme plus grave que l’homicide, était hissée par l’opinion sur la plus haute marche de ce dérisoire podium. Depuis janvier 2015 et la tuerie de Charlie Hebdo, il n’est pas pire abomination que l’attentat islamiste. Peu importe ces échelles éphémères : les appels à la sévérité aveugle (donc injuste) se multiplient ; les établissements pénitentiaires français n’ont jamais été aussi surpeuplés, mais des députés veulent supprimer les aménagements de peine pour certaines catégories de détenus, créer des « Guantánamo à la française » pour des suspects qui n’ont pas été condamnés, transformer la Constitution en blanc-seing pour le tout-répressif. Ce n’est donc plus « surveiller et punir », comme du temps de Michel Foucault, mais punir d’abord pour mieux surveiller, au cas où. La société de ce début de XXIe siècle se met à ressembler à ce qu’avaient imaginé des auteurs de science-fiction comme George Orwell ou Philip K. Dick.