Derrière les belles plumes, les petites mains de l’édition précarisées | L’imprévu

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    Elles représentent l’envers du décor de l’édition, doté habituellement d’un imaginaire glamour. Travailleuses de l’ombre, ces petites mains s’activent en coulisse pour que l’ouvrage que les lecteurs vont parcourir ne contienne aucun défaut susceptible de perturber leur expérience de lecture. L’œil acéré et l’esprit affûté, ces orfèvres de la langue française traquent chaque contresens, coquille, faute d’orthographe ou incohérence syntaxique contenue dans les copies remises à leurs éditeurs par les stars de la littérature, comme par les plus discrets auteurs de manuels scolaires. « Capitale de la douleur », « l’édition mérite une bonne correction »… Leur amour du bon mot ou de la formule-choc se devine à travers les slogans qui ornent leurs pancartes. Leur devise du jour ? « Non à l’uberisation de la profession ! ».

    « Beaucoup de gens pensent qu’il suffit d’être bon en orthographe pour être correcteur, mais notre métier est bien plus riche que cela. Nous travaillons en étroite collaboration avec les auteurs, c’est une coopération permanente. » « Les correctrices m’ont accompagné pendant toute ma vie professionnelle », confirme Bernard Pivot, écrivain, journaliste et président de l’Académie Goncourt. « Elles sont les gardiennes de la qualité de la langue. Elles nous aident, non pas à atteindre un français parfait, car c’est impossible, mais à tendre vers cette perfection. »

    Selon une enquête réalisée par une équipe de chercheurs du Centre Études et Prospectives du Groupe Alpha, en 2015, 53,3% des TAD ayant répondu au questionnaire qui leur a été soumis auraient un revenu annuel inférieur à 15 000 euros. Et 70,6% d’entre eux se sont récemment retrouvés sans travail prévu. Si Sylvie a la chance de travailler avec une grande maison parisienne, beaucoup de ses collègues ont subi de plein fouet les effets de la crise dans le secteur, notamment dans les plus petites structures. « Il arrivait que plusieurs semaines se passent sans qu’aucun manuscrit ne leur soit confié », explique-t-elle. « Beaucoup de petites maisons ont dû réduire leurs effectifs ces dernières années. Certaines ont même renoncé à faire appel à des lecteurs-correcteurs et prennent elles-mêmes en charge la correction des manuscrits. ».

    Mais pour Sarah Abdelnour, sociologue à l’Université Paris-Dauphine et auteure de l’ouvrage Moi, petite entreprise, la souplesse apportée par le dispositif ne suffit pas à justifier le recours de plus en plus systématique aux auto-entrepreneurs : la logique financière entre aussi – et surtout – en ligne de compte : « Le recours à l’auto-entrepreneuriat est d’abord un moyen, pour beaucoup d’entreprises, de contourner les contraintes des cotisations patronales et du salaire minimum », note-t-elle. « C’est en quelque sorte un retour aux « tâcherons » du XIXe siècle. Les entreprises externalisent les travaux qui ne sont pas rentables à l’intérieur du salariat. »

    « Théoriquement, ce statut devrait nous permettre de discuter du tarif avec les éditeurs, explique Danièle, mais comme la concurrence est très forte, la négociation est biaisée d’office » . Que reste-t-il dès lors des avantages à opter pour le statut d’auto-entrepreneur ? Une liberté dont peu déclarent jouir au quotidien.

    « Du jour au lendemain, on nous a poussé vers l’indépendance, sans nous demander notre avis », déplore Guillaume, correcteur dans la presse et l’édition. « Au début, ça ne concernait pas grand monde, mais notre profession est en train de basculer progressivement du salariat vers l’auto-entrepreneuriat. » Leur crainte ? Que l’auto-entrepreneur bradant les tarifs devienne la norme.

    #Edition #Correcteurs #Correctrices #Auto_entrepreneur

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    En marge de la foule, un groupe de femmes attire l’attention. #Lectrices-correctrices pour l’#édition, elles dénoncent avec fracas l’utilisation abusive du statut d’#auto-entrepreneur dont certaines d’entre elles sont victimes. Dans un secteur qui traverse une crise durable depuis le milieu des années 2000, elles seraient devenues la variable d’ajustement de leurs maisons lorsque les ventes sont en berne.

    L’envers du décor
    Elles représentent l’envers du décor de l’édition, doté habituellement d’un imaginaire glamour. Travailleuses de l’ombre, ces petites mains s’activent en coulisse pour que l’ouvrage que les lecteurs vont parcourir ne contienne aucun défaut susceptible de perturber leur expérience de lecture. L’œil acéré et l’esprit affûté, ces orfèvres de la langue française traquent chaque contresens, coquille, faute d’orthographe ou incohérence syntaxique contenue dans les copies remises à leurs éditeurs par les stars de la littérature, comme par les plus discrets auteurs de manuels scolaires. « Capitale de la douleur », « l’édition mérite une bonne correction »… Leur amour du bon mot ou de la formule-choc se devine à travers les slogans qui ornent leurs pancartes. Leur devise du jour ? « Non à l’uberisation de la profession ! ».

    À l’heure actuelle, le milieu de l’édition emploie en tout et pour tout 716 « lecteurs-correcteurs », essentiellement des #femmes, #salariées_à_la_tâche. Un chiffre très faible et qui n’a pas augmenté, malgré une production qui, elle, s’est accrue. Ces femmes craignent même que leur nombre soit amené à fondre dans les années qui viennent. « Nous vivions déjà dans la #précarité, mais notre situation empire depuis 2009 », commente Sylvie (le prénom a été modifié).

    #précaires #luttes