• La personnalisation : un mythe ? | InternetActu
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    Mais où est passée la personnalisation ?

    Pourtant, quand on regarde un peu le fonctionnement des services en ligne, force est de constater qu’à mesure qu’elle nous est assénée comme notre avenir le plus certain, la personnalisation ressemble chaque jour un peu plus à une illusion. En fait, ce qu’on tente d’adapter, ce n’est pas notre unicité à un service, mais les caractéristiques d’un service à de grands ensembles d’utilisateurs auxquels les systèmes tentent de nous faire correspondre peu ou prou. La publicité en ligne ne nous cherche plus nous, internautes uniques dans l’océan des logs, elle cible les cohortes auxquels nous correspondons : cohortes d’âges, de revenu, de résidences, d’intérêts… Hormis quand nous revenons d’un magasin en ligne, où elle s’affole pour nous montrer les produits qu’on a le plus souvent déjà acheté, la publicité nous montre, au mieux ce qu’ont vus nos cohortes d’amis, ce qu’ont vus des cohortes de gens censés nous ressembler, au pire ce que voit n’importe qui.

    Après avoir longtemps cherché à découvrir nos singularités, les grandes machineries du web semblent même avoir fait machine arrière sur la question de la personnalisation. Le moteur de recommandation de YouTube en fournit une très bonne illustration : les outils de personnalisation comme l’historique où les abonnements à des chaînes ont été peu à peu abandonné au profit d’outils qui produisent du consensus, de l’adhésion, de l’engagement. Le Time Watch, le temps passé des autres utilisateurs, et la fraîcheur des contenus, sont devenus les critères principaux de la recommandation. On vous recommande ce que les autres ont vu, viennent de voir, ce qu’ils sont censés avoir le plus apprécié seulement parce qu’ils y ont passé du temps. On en revient – ou on ne sort pas – au plus lu, au plus vu, au plus recommandé… La personnalisation semble en passe de devenir rien d’autre qu’un prétexte pour adapter les contenus les plus vus à notre réceptivité. Elle ressemble de plus en plus à une optimisation de l’audience qu’à une personnalisation.

    La catégorisation est finalement bien plus simple que la personnalisation. Gérer des catégories, des familles, des groupes, de larges pans d’utilisateurs est bien plus commode. Cela permet de créer quelques profils types… et depuis eux, quelques routines qui suffises pour gérer des millions d’utilisateurs. L’identification des schémas ne consiste pas à identifier chacun, mais seulement des caractéristiques qui se prêteront à l’exploitation. Or, l’enjeu de la catégorisation est bien de rendre les profils productifs, ce que ne permet pas en fait l’individualisation.

    En fait, force est de constater que servir le plus vu, le plus partagé, le plus écouté… fonctionne bien mieux qu’un matching – qu’un appariement – qui serait taillé sur mesure pour chacun. Certes, en étant au croisement de multiples catégories publicitaires, chacun est unique. Mais cette unicité, tout le monde s’en fout. Ceux qui cherchent à nous atteindre ne regardent au mieux que les catégories, les communautés, les groupes auxquels on appartient… Si nous n’entrons dans aucune, au pire, ils feront ce qu’ils ont toujours fait : ils déverseront ce qui marche le mieux, ce qui marche pour le plus grand nombre.

    Si les données personnelles s’avèrent ne plus être le pétrole des grandes machineries du web, alors la collecte sans fin de la moindre de nos données n’a plus d’intérêt. Cela signifie que si l’on reconnaissait que la personnalisation est un échec et qu’elle ne mène nulle part, nous pourrions enfin nous attaquer à réduire l’hypersurveillance organisée.

    Pour autant, personne ne semble être prêt à céder. Même si elle est un leurre pour entretenir notre consentement à l’utilisation de nos données, nulle ne souhaite reconnaitre que la personnalisation est un mythe, de plus en plus délaissé par ceux-là mêmes qui la portaient aux nues. Tous les business models de demain continuent à reposer sur l’analyse de toujours plus de données. Même si dans la réalité, les services commencent à se rendre compte que cette perspective hypercroissantiste ne mène nulle part…

    #Recommandation #Algorithmes #Personnalisation #Plateformes