Les capitalistes, leurs paradis terrestres et leur apôtre Macron

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  • Les capitalistes, leurs paradis terrestres et leur apôtre Macron | #editorial de #LO
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    Les Paradise papers, divulgués par la presse la semaine dernière, lèvent un petit coin du voile qui recouvre d’ordinaire les pratiques des capitalistes. Toujours prompts à faire la morale aux travailleurs sur les nécessaires sacrifices, ils organisent l’évasion fiscale de façon industrielle.

    Bernard Arnault a ainsi placé des biens dans au moins six paradis fiscaux. Première fortune française, grâce au travail des petites mains du luxe, il possède au nord de Londres une propriété de 4300 mètres carrés sur un terrain de 129 hectares. S’y ajoute un yacht de 101 mètres avec héliport et piscine à fond de verre, valant 130 millions. Tout cela par l’intermédiaire de sociétés écrans basées à Jersey ou aux îles Caïmans, qui permettent au patron de LVMH de dissimuler ces signes extérieurs de richesse au fisc et aux médias.

    Avec des placements aux îles Caïmans, la reine d’Angleterre fraude carrément son propre fisc ! Une entreprise richissime comme Nike ne paye que 2 % d’impôts sur ses 7,5 milliards de recettes européennes. Dassault, qui vit notamment grâce aux commandes de l’État français, aide ses clients à ne pas payer la TVA sur les jets qu’ils lui achètent, par le biais de sociétés écran à l’île de Man, où l’impôt est à 0 %. Et on pourrait multiplier les exemples, aussi écœurants les uns que les autres.

    « Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est terminé », jurait Sarkozy en 2009. Quelle sinistre blague ! Chaque année apporte son lot de nouvelles révélations. Moscovici et l’Union européenne s’indignent de ces pratiques. Quels hypocrites ! Les paradis fiscaux sont y compris au cœur de l’Europe, en Belgique, en Irlande ou aux Pays-Bas.

    Quant au gouvernement français, il supprime l’impôt sur la fortune et réduit celui sur les sociétés. Autrement dit, il vise à rendre la France aussi attirante fiscalement que les paradis fiscaux qu’il dénonce. Il organise le transfert des richesses produites par les travailleurs vers le grand capital.

    Les grandes firmes n’ont jamais autant gagné ; les grands bourgeois n’ont jamais été aussi riches. Et les uns comme les autres n’ont jamais payé aussi peu d’impôts. Non seulement ils amassent des fortunes au travers de l’exploitation de millions de salariés, mais ils rechignent à contribuer ne serait-ce qu’un minimum au fonctionnement de la société.

    350 milliards d’euros échapperaient chaque année à la fiscalité des États ; pour la France, 20 milliards. Ce sont autant que les classes populaires doivent acquitter. Les cinq euros de baisse des APL que le gouvernement a imposés représentent un demi-milliard. On voit combien de sacrifices pour les familles populaires, combien de services publics dégradés et d’emplois supprimés, représentent ces 20 milliards. Et ce n’est que la partie émergée de l’immense iceberg de l’évasion fiscale.

    Le véritable scandale, au-delà de Jersey ou de l’île de Man, est que toute la société capitaliste est un paradis pour les exploiteurs, un enfer pour les exploités. Ce sont les travailleurs qui font tout fonctionner, y compris dans les demeures de luxe, les yachts et les jets privés. Et pour augmenter leurs profits, ceux qui possèdent le capital exigent toujours plus. Les grandes entreprises dégageant déjà des milliards de bénéfices sont prêtes à rogner sur des pauses, à augmenter des cadences, à supprimer des postes. Combien de travailleurs en subissent les conséquences par des horaires allongés, par des troubles musculo-squelettiques ou autres ? Combien sont licenciés, pour inaptitude ou pour quelque autre raison ?

    Toutes ces richesses accumulées ne servent pas à faire fonctionner l’économie dans l’intérêt de tous. Elles sont orientées vers la spéculation, qui mobilise des sommes cent fois supérieures au train de vie luxueux des plus riches. Cette frénésie spéculative, propre au capitalisme, conduit aux crises économiques et détruit périodiquement des milliers d’usines et des millions d’emplois.

    Les capitalistes mènent la lutte de classe. Alors, il faut saisir toutes les occasions de protester. Ce jeudi 16 novembre, la CGT, Solidaires, FO, la FSU et des organisations de jeunesse appellent à manifester contre les ordonnances Macron et la politique de ce gouvernement.

    Cette journée ne suffira pas à mettre un coup d’arrêt à l’offensive du patronat et du gouvernement. Mais elle permet de dire notre refus des nouvelles régressions que Macron, l’homme des banquiers, veut imposer au monde du travail. Faisons entendre notre colère contre cette politique qui vise à faire les poches des classes populaires, pour enrichir encore les parasites qui dirigent la société.

    • Étrange semaine qui vient de s’écouler. Car les révélations des Paradise Papers sont une chose. Le silence ouaté des dirigeants sur le sujet tandis que l’écoeurement populaire confine à la nausée en est une autre. Constater le hiatus, c’est regarder deux mondes que plus rien ne relie.

      Si Jean-Luc Mélenchon et La France insoumise ont réagi dès les premières heures en mettant sur la table des propositions concrètes et immédiatement applicables pour couper court à l’évasion fiscale, ils furent bien seuls. Il ne s’est guère trouvé dans les sphères du pouvoir que le ministre de l’économie et des finances M. Le Maire, et le commissaire européen aux affaires économiques et à la fiscalité M. Moscovici, lui-même ancien ministre de l’économie et des finances de François Hollande, pour aborder le sujet. Mais l’indignation théâtrale du premier n’est pas crédible au regard de ses engagements passés et présents pour valoriser « l’optimisation fiscale » ; le maintien du verrou de Bercy durant l’été alors qu’il était ministre en est le dernier avatar en date. Le second quant à lui ne craint pas le grotesque lorsqu’il feint sur Twitter de découvrir le phénomène et son ampleur : « Les révélations sont vertigineuses. Le monde opaque de l’évasion fiscale apparaît soudain au grand jour. »

      Sinon ? Rien ou si peu. M.Macron et son premier ministre ont été durant toute la semaine aux abonnés absents. Pendant ce temps, les révélations passaient et déjà la poussière retombe. Nike, Total, Bernard Arnault, Xavier Niel, Jean-Jacques Annaud et les autres ont mangé leur pain noir durant une semaine, ils peuvent retourner vaquer à leurs occupations.

      Les détourneurs professionnels d’attention ont bien cherché à nous vendre que « l’optimisation fiscale » serait légale et poserait donc davantage un problème de morale. Méfions-nous tout d’abord, comme nous y invite le doyen du pôle financier du tribunal de Paris le juge Van Ruymbeke, que l’épisode ne soit pas utilisé pour entériner l’idée que « l’optimisation fiscale » relève automatiquement d’un caractère légal. Mais quand bien même ? Là où la morale est individuelle, les Paradise Papers ont donné à voir un phénomène systémique qui impacte donc la sphère de l’autorité politique. L’évasion fiscale organisée ne se contente pas de spolier la société toute entière. Elle fragilise la communauté des citoyens en remettant en cause le consentement du grand nombre à l’impôt dès lors que les premiers de cordée peuvent allègrement s’y soustraire, refusant en cela le contrat social, tout en recevant le satisfecit de l’Elysée. Par l’inertie et l’inaction et désormais le silence qu’ils manifestent, les exécutifs français et européens laissent dériver ce doute du consentement vers la représentation politique et donc vers le politique lui-même en tant que rapport aux affaires publiques.

      Il y a aujourd’hui deux mondes qui marchent côte à côte, celui des premiers de cordée et le nôtre. Quant aux représentants, pour beaucoup –trop- d’entre eux, ils ont choisi d’être ceux des premiers de cordée, basculant avec eux dans le monde qui va avec.

      François Cocq

      https://lafranceinsoumise.fr/2017/11/13/leur-monde-et-le-notre