Revue Mouvements 2004/1 | Cairn.info

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  • Le glaive ou le pont ? Le masculin et le pouvoir de vie | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-mouvements-2004-1-page-75.htm

    Les hésitations et les tergiversations de Freud, puis les confirmations par Lacan de ses choix les plus contestables, ont conduit la plus grande partie des psychanalystes à enfermer les hommes et les femmes dans des postures immuables. Le masculin serait condamné à sempiternellement représenter et incarner la loi, à se dresser en travers d’un féminin réduit à une pure affectivité. Corrélativement le père aurait pour mission principale de trancher le lien avec l’enfant, que la mère voudrait toujours empêcher d’exister. Monique Schneider nous montre que l’œuvre de Freud permet une autre lecture, à travers laquelle il existe une possibilité, pour le masculin et le paternel, de sortir des apories de la loi avec un grand L ou de l’institution avec un grand I, qui sont souvent les meilleurs prétextes pour ne rien changer aux rapports sociaux.
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    Inscrire le pouvoir de vie dans le masculin revient, si on respecte le code freudien, à introduire une dimension officiellement placée en territoire féminin. Un féminin qui, dans le sillage de L’Homme Moïse, serait à situer du côté du « sensible » auquel initie la mère, alors que le masculin, sous l’égide du père, commanderait l’accès au « nouveau règne de la spiritualité (Geistigkeit) ». Le passage d’un règne à l’autre constituerait le grand « progrès » (Fortschritt) de la civilisation. La construction de l’idée de paternité est elle-même emportée dans un certain nombre de mutations. Or la pensée psychanalytique actuelle a tendance à envisager les mutations sous l’angle de la dégradation. Nous assisterions, selon certains, à une perte des repères – perte due en particulier aux nouvelles possibilités de procréation offertes par les techniques médicales –, à une « désymbolisation ». Dans cette perspective, la symbolisation attenante au régime actuel, attribuant au père une fonction essentiellement séparatrice, devrait être regardée comme une symbolisation adéquate, fondée sur la nature des choses et sur une droite différenciation du partage sexué. C’est ce postulat qu’il s’agira, dans un premier temps, de remettre en question, pour questionner les processus de symbolisation et de désymbolisation qui président à l’édification des repères psychanalytiques. L’impact des nouvelles techniques médicales pourra alors se trouver réenvisagé.

    #psychanalyse #sexisme #misogynie #freud #symbole #fraternité

    • Freud voit dans le tabou de la belle-mère l’expression indirecte du tabou portant sur la mère : « aux îles Salomon, l’homme, une fois marié, ne doit plus voir sa belle-mère ni lui parler. Lorsqu’il la rencontre, il feint de ne pas la connaître et se met à courir aussi vite que possible pour se cacher [1][1] S. Freud, Totem et tabou, Payot, 1951, p. 25. ».
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      Dans une autre ethnie, se trouve souligné l’évitement symbolique qui doit être mis en place entre gendre et belle-mère : « aucun d’eux ne doit prononcer le nom de l’autre [2][2] Ibid. ». Le champ symbolique lui-même doit s’organiser autour de l’évitement portant sur une nomination. Dans Malaise, Freud dénudera le recours à une opération forclusive agissant au moment où s’effectue le « progrès culturel » : l’opération consistant à « se détourner » (Abwendung) de la mère ; le champ sensoriel-olfactif s’organisant autour du maternel et du féminin dans son ensemble sera alors forclos. Dans les cultures commandées par un tel tabou, le détournement ne consistera donc pas seulement à abandonner le sensible ou l’imaginaire pour promouvoir le symbolique, mais à procéder à l’effacement ou à la « mise à l’écart » (Beseitigung) du féminin-maternel [3][3] C’est ce processus que la démarche de W. Granoff accompagne....
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      Comment la psychanalyse va-t-elle se situer par rapport à cet interdit qui travaille le champ des représentations culturelles ? L’option lacanienne s’inscrit dans la droite ligne de cet héritage basé sur l’interdiction en soutenant : « il n’y a pas à proprement parler, dirons-nous, de symbolisation du sexe de la femme [4][4] J. Lacan, Les Psychoses. Le Séminaire III, Seuil, 1981,... ». Le blanc s’inscrivant ainsi dans le champ symbolique va se doubler d’une mise en garde concernant, non plus la représentation du féminin, mais l’éventuelle interrogation féminine sur ce qui spécifie le continent dit noir. Lacan décourage ainsi un tel projet d’investigation : « devenir une femme et s’interroger sur ce qu’est une femme sont deux choses essentiellement différentes. Je dirai même plus – c’est parce qu’on ne le devient pas qu’on s’interroge, et jusqu’à un certain point, s’interroger est le contraire de le devenir [5][5] Ibid., p. 200. ».
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      Une telle prise de position délivre-t-elle la leçon psychanalytique sur la question ? Tant s’en faut, puisque, essentiellement dans les orientations prises initialement, Freud propose une lecture beaucoup plus critique des prescriptions culturelles ; il voit dans cet interdit de regard imposé aux femmes l’une des raisons du malaise culturel : « l’éducation interdit aux femmes de s’occuper intellectuellement des problèmes sexuels pour lesquels elles ont pourtant le plus vif désir de savoir, elle les effraie en leur enseignant que cette curiosité est antiféminine [6][6] « La Morale sexuelle “civilisée” et la maladie nerveuse... ».

      #belle_mères

    • Par rapport à ce truc du pont pour sois disant trouvé une virilité-masculinité positive ou acceptable me semble tout aussi misogyne que l’idée que tout est penis-épée et que les femmes ont un désir de penis, font des enfants-penis ou sont phalliques. L’idée du texte c’est qu’il existe une virilité-masculinité cool qui serait dans l’échange (d’ou le pont) au lieu de la guerre (épée). Sauf que l’article dit que ce pont est en fait un échange des femmes. Alors ca veut dire que l’épée c’est le traitement des femmes comme de la viande et le pont c’est l’échange des femmes entre les hommes comme du bétail. Ce qui est fantastique avec la psychanalyse c’est de présenté l’échange des femmes comme un truc cool ou enviable qui ferait une virilité-masculinité plus acceptable que la première. Pourtant traiter les femmes comme de la viande qu’on découpe ou comme du bétail qu’on échange ca reste moralement inacceptable, inégalitaire et toxique. Peut etre que le bétail peut s’en sortir un peu mieux que la viande au moin temporairement, mais on sais bien que le bétail est simplement en sursis avant d’être débité à coup d’épée.