My tailor is a man... La représentation des métiers dans les livres pour enfants | Cairn.info
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Pour beaucoup de psychologues, la prise de conscience de soi en tant que garçon ou fille, constitue une des bases essentielles de la construction de son identité. À partir de deux ans, les enfants orientent déjà leurs conduites en fonction de leur sexe (Le Maner-Idrissi, 1997). Dès la prime enfance, le sexe est une donnée structurante de l’interprétation de l’environnement (Vouillot, 2002). La famille se trouve être un des premiers lieux où s’inculque, ce que Monique Haicault (1992) nomme, « la doxa de sexe » qui renvoie au caractère quasi-hypnotique de la soumission volontaire de la femme et de l’homme aux places symboliques qui leur sont imposées dès l’enfance. Dans son livre Du côté des petites filles, Elena Gianini Belotti (1974), analysant les conditions répressives de l’éducation des filles, a été l’une des premières à montrer comment les parents, et plus largement l’entourage, imposaient aux enfants des normes et des modèles auxquels ils devaient se conformer. « L’étiquetage de sexe », fondé sur l’apparence génitale, est sans cesse réactivé tout au long du processus de socialisation qui réitère les modalités de la division sexuelle du travail spécifique à chaque société (Hurtig et Pichevin 1986).
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L’analyse de la littérature enfantine permet d’appréhender certaines des valeurs et représentations transmises aux enfants dès leur plus jeune âge. Les albums illustrés, actuellement en pleine expansion, sont des outils d’éveil et d’apprentissage à la lecture privilégiés par les enseignants et les parents et représentent un support désormais incontournable de socialisation. À ce titre, leur analyse paraît heuristique en ce qu’elle permet de décrypter les stéréotypes de sexes dans la représentation du monde qu’ils proposent. Plusieurs travaux ont montré comment cette littérature présentait une répartition sexuée des rôles : les activités des petits garçons et des petites filles, ainsi que les tâches dévolues à leur père et à leur mère, sont extrêmement différenciées. Les stéréotypes sexistes sont présents dans l’ensemble des livres, quel que soit l’âge des enfants auxquels ils s’adressent. Dans la sphère familiale ou professionnelle, à travers les situations sociales évoquées ou les formes grammaticales utilisées, les hommes et les garçons apparaissent comme actifs, responsables, conquérants et héroïques, tandis que les femmes et les petites filles ne sont souvent décrites qu’en tant que mères, épouses, assistantes, tenant un rôle le plus souvent passif (Michel, 1986). Aujourd’hui encore les représentations transmises par la littérature enfantine française ou francophone sont toujours empreintes de sexisme et montrent invariablement une image masculine du monde. (Brugeilles, Cromer et Cromer, 2002 ; Dafflon Novelle, 2002 ; Dafflon Novelle et Ferrez, 2003 ; Détrez, 2005).
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Dans une perspective de compréhension du marché du travail fortement sexué, en amont duquel les orientations scolaires des filles et des garçons sont extrêmement clivées, il nous a paru intéressant d’analyser plus particulièrement, et plus précisément que ce qui a été fait jusqu’alors, comment le monde du travail et des professions était présenté aux enfants. Cet article vise à montrer combien, dès leurs premières lectures, ceux-ci sont confrontés à une vision du monde du travail ségrégué où les femmes sont sous-représentées et cantonnées à des secteurs circonscrits.
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