• Coup de Jarnac sur le plateau de Millevaches
    https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/coup-de-jarnac-sur-le-plateau-de-millevaches
    https://la-bas.org/local/cache-gd2/8e/d4e130249cb85dcc3d5bb1e657f66e.jpg?1623783857

    Le 15 juin, six personnes ont été arrêtées simultanément dans plusieurs villages du Limousin, avec le renfort de la sous-direction anti-terroriste. Le parquet de Limoges affirme dans un communiqué que six interpellations ont eu lieu contre « plusieurs individus appartenant à l’ultragauche ». Les enquêtes portent sur la destruction de véhicules d’Enedis en février 2020, et l’incendie d’un émetteur TNT en janvier 2021. Une information judiciaire a été ouverte. Témoignages de soutiens à Gentioux (Creuse).

    C’est ce qu’on appelle un coup de filet spectaculaire. Six personnes ont été arrêtées simultanément dans plusieurs villages du Limousin, le 15 juin à l’aube. À Gentioux (Creuse), dans le hameau du Mont, vers six heures du matin, les voitures de police ont débarqué en nombre pour arrêter une habitante. Il s’agit de la directrice de l’école du village. Selon les soutiens qui sont arrivés sur place dans la matinée, alors que l’opération était encore en cours, des écussons de la SDAT (sous-direction anti-terroriste) ont été repérés sur les uniformes des forces de l’ordre, dont plusieurs membres étaient « armés et cagoulés ».

    Edit, sans #paywall cette fois

    Incendies de l’antenne des Cars et de véhicules d’Enedis à Limoges : une directrice d’école parmi les suspects interpellés
    https://www.lepopulaire.fr/limoges-87000/actualites/incendies-de-l-antenne-des-cars-et-de-vehicules-d-enedis-a-limoges-une-d

    Six arrestations dans l’enquête sur l’incendie de l’émetteur TDF des Cars en Haute-Vienn
    https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/six-arrestations-dans-l-enquete-sur-l-incendie-de-l-emetteur-tele-des-car

    Dans ces deux affaires, des inscriptions avaient été retrouvées sur place. Aux Cars, les enquêteurs avaient découvert un tag avec écrit : "Ni 5G Ni T.V. la voix du vent et les chants d’oiseaux." . Sur les locaux d’Enedis, les forces de l’ordre avaient vu marqué sur le mur d’un bâtiment : "Ni Linky, ni nucléaire, on veut une retraite dorée"

    L’anti-terro fantasme (encore) le plateau
    https://labogue.info/spip.php?article1039

    #antiterrorisme

    • LES ENCOMBRANTS, UN EUGENISME SOFT

      Regardez ces deux images, laquelle vous choque ?

      Le 5 février 2021

      L’image du nègre faisait bien rigoler nos ancêtres. Aujourd’hui c’est le vieux qu’on peut mépriser sans souci. Si le racisme est toujours présent, l’ "Agisme" est la plus banale et le plus répandue des stigmatisations. La question du confinement en apporte une preuve violente. Si malgré tout, l’opinion hésite un peu, nos grands experts et nos pitres médiatiques s’efforcent de propager le virus d’un nouvel eugénisme.
      Destruction massive d’emploi, jeunesse dans la détresse, petits patrons au bord de l’explosion. On se traine entre déprime et colère et pas la moindre lumière au bout du tunnel.
      Solution ? Laissez crever les vieux.
      C’est pas dit comme ça, bien sûr, mais ça se dit de moins en moins tout bas.

      On le répète, les 70 000 morts du covid, à 80% c’est des plus de 75 ans. Et pour protéger ces vieux, tout le pays est bloqué. Nos enfants sacrifiés, notre économie en loques, nos artistes désespérés, tout ça pour des vieillards au bout du rouleau qui ont joui toute leur vie et qui ne veulent pas lâcher la rampe. Il faut les obliger à se confiner et qu’on en finisse avec cette génération dorée.

      Mais tout de même, enfermer les vieux et les vulnérables, on se demande si c’est bien moral, ce sont des êtres humains, on hésite. Heureusement certains n’ont pas ces scrupules, nous avons des experts, des penseurs, des grands professeurs et des personnalités médiatiques qui sont là pour nous dire ce que nous devons penser.

      François de Closet par exemple : « Toutes le vies n’ont pas le même prix ». À 87 ans cette ancienne vedette du petit écran est fidèle à l’idéologie qu’il a défendue avec entrain toute sa vie. Il reste l’immortel auteur de « Toujours plus » publié en 1982, un best-seller vendu à plus d’un million et demi d’exemplaires : « Nous pouvons nous passer de journalistes, de médecins, de professeurs, de fonctionnaires, de cadres et d’ingénieurs, pas de créateurs d’entreprise. Aussi longtemps que la France misera sur l’économie de marché, elle devra tout faire pour favoriser les candidats à la fortune capitaliste. Et tant mieux s’ils ramassent de gros dividendes. Il faut que l’audace paie. »

      Aujourd’hui, c’est ces vieillards dont il faut se passer. François de Closet milite pour le confinement des personnes âgées : « Est-il normal de fiche en l’air la vie des futures générations pour sauver les plus de 80 ans ? ».
      Bien sûr que ce n’est pas normal, François. Il faut éliminer ces vieux qui sont autant d’ obstacles pour les candidats à la fortune capitaliste. Éliminer ? Oui, car pour encourager les vieux à disparaître, François de Closet est prêt à sacrifier sa vie pour donner l’exemple.
      « S’il faut faire des sacrifices, il faut que ce soit le passé au profit de l’avenir. […] Que je vive un peu moins ou un peu plus longtemps, ça n’a aucune importance. […] On est parti sur l’idée que la vie n’a pas de prix mais que toutes les vies ont le même prix. Moi, je vous dis que la vie a un prix et que toutes les vies n’ont pas le même prix ! » [1]

      Francois de Closet fait-il mine d’ignorer que confiner une partie de la population est anticonstitutionnel ? En France le principe d’Egalité est un pilier de notre droit. Malgré l’état d’urgence, les dérogations sont très peu probables. L’idée avait déjà suscité la colère des plus âgés, lorsqu’elle avait été évoquée par Emmanuel Macron en avril dernier. [2] Au moment du déconfinemment, il avait demandé aux « personnes vulnérables et aux personnes âgées de rester confiné au maximum ». Levée de bouclier. La mesure fut abandonnée.

      Francois de Closet n’est pas seul.
      Le philosophe Luc Ferry un autre « bon client » lui fait concurrence. Toujours prêt avant même qu’on le sonne, il est célèbre pour son appel à encourager les policiers à tirer à balle réelle sur les gilets jaunes. « Qu’ils se servent de leurs armes une bonne fois ! Ça suffit, ces espèces de nervis, ces espèces de salopards d’extrême droite et extrême gauche ou des quartiers qui viennent taper des policiers. […] On a la quatrième armée du monde, elle est capable de mettre fin à ces saloperies ». [3]

      Cette fois c’est les vieux et les obèses auxquels il faut mettre fin. Luc Ferry tient d’ abord à affirmer que « le vaccin est la victoire de la mondialisation libérale » [4] puis il nous livre son analyse. « On ne peut pas empêcher la société entière de vivre sous prétexte que des personnes de 80 ans qui sont malades, en commorbidité ou qui sont obèses vont être obligés de faire attention »
      Obligation donc d’enfermer ceux qui nous empêchent de vivre. Un peu moins convainquant que François de Closet, mais très bien tout de même.

      Un autre philosophe médiatique, le toujours bien peigné André Comte-Sponville. Il affirme lui aussi « Tous les morts ne se valent pas ». Pour André tout est question d’âge. Si le jeunisme était un parti il en serait le président. « On sacrifie les jeunes au détriment des personnes âgées, la liberté sur l’autel de la santé ». Aux jeunes, le philosophe fait don de ses conseils : « Ne sacrifiez pas toute votre vie à la santé de vos parents et de vos grands parents ». Ne pas gâcher l’existence de tous pour sauver quelques octogénaires. « Nos dettes, ce sont nos enfants qui vont les payer (…) Ma priorité́ des priorités, ce sont les enfants et les jeunes en général. Et je me demande ce que c’est que cette société́ qui est en train de faire de ses vieux la priorité́ des priorités ». [5]

      À ces penseurs engagés on peut ajouter Jean François Delfraissy, le très influent président du Conseil Scientifique : « Continuer à préserver la santé des anciens mais peut-être au détriment de la santé des jeunes » [6]

      Pas de « peut-être » avec Xavier Lescure, infectiologue à l’hôpital Bichat à Paris. Oracle consulté par tout les médias, notamment par France Inter, et avec tout le prestige que lui confère son titre de professeur et sa blouse blanche. Xavier est très clair « Je pense qu’on a intérêt à faire des confinements sur des populations à risque. Il faut admettre qu’à 80 ans, tout ce qu’on vit après 80 ans c’est du bonus. Est-ce qu’aujourd’hui on peut s’autoriser ces bonus ? Je ne suis pas certain. Je pense qu’il faut prioriser des jeunes générations et les forces actives de la société… ». [7]

      Si ces propos clairement discriminatoires n’ont suscité aucune réaction du journaliste présent, les auditeurs de France Inter ont été très nombreux à protester , dénonçant des propos franchement eugénistes et rappelant la mission pour le médecin de soigner sans distinction jusqu’aux plus humbles vulnérables.

      On peut rappeler ici que l’eugénisme peut se définir comme l’ensemble des méthodes et pratiques visant à sélectionner les individus d’une population en se basant sur leur patrimoine génétique et à éliminer les individus n’entrant pas dans un cadre de sélection prédéfinie.
      Mené par des scientifiques et des médecins, le mouvement de promotion de l’eugénisme qui se met en place au tournant du XXe siècle milite en faveur de politiques volontaristes d’éradication des caractères jugés handicapants ou dans le but de favoriser des caractères jugés bénéfiques. A noter que la suppression des indésirables est interdite dans l’Union Européenne. La charte des droits fondamentaux adopté en 2 000 interdit l’eugénisme.

      Mais pour Christophe Barbier , l’ancien directeur de l’Express il n’y a pas à hésiter. Pour sauver l’économie, il faut se débarrasser de ces vieux soixante-huitards égoïstes et jouisseurs. C’est depuis longtemps l’obsession de Christophe : « Ils ont vécu les années 60. Ils étaient jeunes au moment du rock’n roll. Ils ont épanoui leur sexualité entre la fin de la syphilis et le début du sida. Bref, ce sont des enfants gâtés.(...) [8]
      « À un moment donné, pour sauver quelques vies de personnes très âgées, on va mettre des milliers de gens au chômage ? La vie n’a pas de prix. Mais elle a un coût pour l’économie. » [9] Infatigable, il rabâche encore avec son dernier livre, « Les tyrannies de l’épidémie » contre « le dernier hold-up des baby boomers » où il constate tristement « Nous avons préféré la sécurité des vieux à l’avenir des jeunes ».

      Sur le compte Twitter de Christophe Barbier, les commentaires ne sont pas toujours dignes de ce grand éditocrate. Un des messages se limite à un sobre « Pauvre con ». Un autre pose une question « Dis-moi Cricri, il s’appelait comment le régime des années trente qui disait vouloir laisser mourir "les bouches inutiles" ?

      Daniel Mermet
      (avec Dominique Vidal)

      Notes
      [1] RMC cité par Le Point, 29 janvier 2020.

      [2] Adresse aux français, 13 avril 2020

      [3] Radio Classique, cité par Le Parisien, 08 janvier 2019

      [4] C NEWS, La Matinale, 03 décembre 2020

      [5] France Inter, 14 avril 2020

      [6] Audition de Jean-François Delfraissy par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, 28 janvier 2021.

      [7] France Inter, journal de 13h, 24 janvier 2021

      [8] BFM, 28 septembre 2017

      [9] BFM, 25 février 2020

      ________

      Le 5 février à 22:01, par Virginie

      Bonjour , j’ai trente ans , je dis ça pour situer mon opinion pour ce qui est de l’âgisme .
      Je ne sais pas si vous avez entendu parler du mouvement "OK boomer" , cette réponse des générations X Y Z aux papy-boomers quand ils reçoivent leurs conseils avisés ou reproches ?
      C’est le constat que le monde a toujours été dirigé par des décisionnaires vieux blancs et riches qui imposent leur agenda depuis , quitte à écraser femmes , personnes racisées , enfants , pauvres , handicapés , malades mentaux , animaux , la planète entière , pour leurs propres bénéfices . Les personnes âgées pauvres ou pas loin , aux corps aussi abimés que leurs rêves par le capitalisme n’ont rien à voir là-dedans.
      Voir une énième récupération d’un concept qui les dénonçait à la base , c’est abject mais prévisible , voire ennuyeux...Et peut-être qu’à force de désigner un nouvel ennemi par semaine tout le monde va finir par être montré du doigt chacun son tour , ça aidera à être moins dupe ceux qui l’étaient encore ?
      Bof...De toute façon les jeunes ne regardent pas la télé....
      PS : les seins qui tombent c’est pas honteux ni triste , c’est plutôt l’impératif de la glorieuse demi-pomme, le soutif rembourré devenu loi , le téton interdit , l’allaitement qui apparait dégueulasse en public tant on nous a sexualisé et calibré les seins.
      Voila salut les AMG et désolée pour le style pompeux je sais pas écrire autrement c’est terrible !

  • #Noam_Chomsky : « Trump est le pire #criminel de tous les temps » | Textes à l’appui | #Là-bas_si_j'y_suis
    https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/noam-chomsky-trump-est-le-pire-criminel-de-tous-les-temps

    L’autre menace majeure à la survie de l’humanité, sous sa forme la plus visible, c’est la #catastrophe environnementale et là, #Trump est unique au monde. La plupart des pays font un minimum d’effort – moins qu’ils devraient certes, mais certains font des efforts significatifs, d’autres moins. Les États-Unis sont sortis de l’accord de Paris, ils refusent de prendre des mesures qui pourraient aider les pays pauvres à gérer le problème, ils cherchent à développer au maximum l’usage des énergies fossiles et viennent d’autoriser des forages dans la dernière grande réserve naturelle que nous ayons. Trump doit s’assurer que les États-Unis développent au maximum l’usage des énergies fossiles, qu’ils foncent dans le mur le plus rapidement possible et qu’ils suppriment toutes les restrictions qui non seulement limitent les risques, mais aussi protègent les Américains.

    Éliminer peu à peu tout ce qui protège les Américains ou tout ce qui permettra de lutter contre la menace très sérieuse d’une catastrophe environnementale : il n’y a rien de comparable dans l’histoire. Mais ça s’inscrit dans une certaine tradition américaine. Citez-moi une personne dans l’histoire de l’humanité qui se soit donné autant de mal pour saborder les perspectives de survie de la société humaine. En fait, certaines réalisations de l’administration Trump dépassent tout simplement l’entendement.

  • Une leçon d’humiliation – L’image sociale
    http://imagesociale.fr/8886

    Un coup dans l’eau pour Valeurs actuelles. La pseudo-fiction illustrée dépeignant Daniele Obono en esclave dans l’Afrique du 18e siècle a suscité un tollé. Parmi de nombreuses réactions, le président de la République et le premier ministre ont assuré la députée de la France insoumise de leur soutien. L’expression de cette indignation était nécessaire, car contrairement à ce que pense l’historien Pierre Nora, la radicalité aujourd’hui n’est pas à gauche, mais à droite. Entre émergence d’un terrorisme suprémaciste blanc, infiltration des services de police par l’extrême-droite, contamination de la gauche républicaine par le racisme islamophobe, c’est bien du côté d’une pensée de l’affrontement des civilisations que se joue aujourd’hui la recomposition des forces politiques. Dans ce paysage, la partition assurée par le magazine consiste à multiplier les ballons d’essais et à banaliser les idées qui s’élaborent dans les coulisses de la fachosphère.


    #racisme #négationisme

    • Le texte de l’appel :

      Nous sommes nombreuses, nous sommes nombreux : nous sommes tant et tant à penser et éprouver que ce système a fait son temps. Mais nos voix sont dispersées, nos appels cloisonnés, nos pratiques émiettées. Au point que quelquefois nous doutons de nos forces, nous succombons à la détresse de l’impuissance. Certes, parfois cette diffraction a du bon, loin des centralisations et, évidemment, loin des alignements. Il n’empêche : nous avons besoin de nous fédérer. Sans doute plus que jamais au moment où une crise économique, sociale et politique commence de verser sa violence sans faux-semblant : gigantesque et brutale. Si « nous sommes en guerre », c’est bien en guerre sociale. D’ores et déjà les attaques s’abattent, implacables : le chantage à l’emploi, la mise en cause des libertés et des droits, les mensonges et la violence d’État, les intimidations, la répression policière, en particulier dans les quartiers populaires, la surveillance généralisée, la condescendance de classe, les discriminations racistes, les pires indignités faites aux pauvres, aux plus fragiles, aux exilé-es. Pour une partie croissante de la population, les conditions de logement, de santé, d’alimentation, parfois tout simplement de subsistance, sont catastrophiques. Il est plus que temps de retourner le stigmate contre tous les mauvais classements. Ce qui est « extrême », ce sont bien les inégalités vertigineuses, que la crise creuse encore davantage. Ce qui est « extrême », c’est cette violence. Dans ce système, nos vies vaudront toujours moins que leurs profits.

      Nous n’avons plus peur des mots pour désigner la réalité de ce qui opprime nos sociétés. Pendant des décennies, « capitalisme » était devenu un mot tabou, renvoyé à une injonction sans alternative, aussi évident que l’air respiré – un air lui-même de plus en plus infecté. Nous mesurons désormais que le capitalocène est bien une ère, destructrice et mortifère, une ère d’atteintes mortelles faites à la Terre et au vivant. L’enjeu ne se loge pas seulement dans un néolibéralisme qu’il faudrait combattre tout en revenant à un capitalisme plus « acceptable », « vert », « social » ou « réformé ». Féroce, le capitalisme ne peut pas être maîtrisé, amendé ou bonifié. Tel un vampire ou un trou noir, il peut tout aspirer. Il n’a pas de morale ; il ne connaît que l’égoïsme et l’autorité ; il n’a pas d’autre principe que celui du profit. Cette logique dévoratrice est cynique et meurtrière, comme l’est tout productivisme effréné. Se fédérer, c’est répondre à cette logique par le collectif, en faire la démonstration par le nombre et assumer une opposition au capitalisme, sans imaginer un seul instant qu’on pourrait passer avec lui des compromis.

      Mais nous ne sommes pas seulement, et pas d’abord, des « anti ». Si nous n’avons pas de projet clé en mains, nous sommes de plus en plus nombreuses et nombreux à théoriser, penser mais aussi pratiquer des alternatives crédibles et tangibles pour des vies humaines. Nous avons besoin de les mettre en commun. C’est là d’ailleurs ce qui unit ces expériences et ces espérances : les biens communs fondés non sur la possession mais sur l’usage, la justice sociale et l’égale dignité. Les communs sont des ressources et des biens, des actions collectives et des formes de vie. Ils permettent d’aspirer à une vie bonne, en changeant les critères de référence : non plus le marché mais le partage, non plus la concurrence mais la solidarité, non plus la compétition mais le commun. Ces propositions sont solides. Elles offrent de concevoir un monde différent, débarrassé de la course au profit, du temps rentable et des rapports marchands. Il est plus que jamais nécessaire et précieux de les partager, les discuter et les diffuser.

      Nous savons encore que cela ne suffira pas : nous avons conscience que la puissance du capital ne laissera jamais s’organiser paisiblement une force collective qui lui est contraire. Nous connaissons la nécessité de l’affrontement. Il est d’autant plus impérieux de nous organiser, de tisser des liens et des solidarités tout aussi bien locales qu’internationales, et de faire de l’auto-organisation comme de l’autonomie de nos actions un principe actif, une patiente et tenace collecte de forces. Cela suppose de populariser toutes les formes de démocratie vraie : brigades de solidarité telles qu’elles se sont multipliées dans les quartiers populaires, assemblées, coopératives intégrales, comités d’action et de décision sur nos lieux de travail et de vie, zones à défendre, communes libres et communaux, communautés critiques, socialisation des moyens de production, des services et des biens… Aujourd’hui les personnels soignants appellent à un mouvement populaire. La perspective est aussi puissante qu’élémentaire : celles et ceux qui travaillent quotidiennement à soigner sont les mieux à même d’établir, avec les collectifs d’usagers et les malades, les besoins quant à la santé publique, sans les managers et experts autoproclamés. L’idée est généralisable. Nous avons légitimité et capacité à décider de nos vies – à décider de ce dont nous avons besoin : l’auto-organisation comme manière de prendre nos affaires en mains. Et la fédération comme contre-pouvoir.

      Nous n’avons pas le fétichisme du passé. Mais nous nous souvenons de ce qu’étaient les Fédérés, celles et ceux qui ont voulu, vraiment, changer la vie, lui donner sens et force sous la Commune de Paris. Leurs mouvements, leurs cultures, leurs convictions étaient divers, républicains, marxistes, libertaires et parfois tout cela à la fois. Mais leur courage était le même – et leur « salut commun ». Comme elles et comme eux, nous avons des divergences. Mais comme elles et comme eux, face à l’urgence et à sa gravité, nous pouvons les dépasser, ne pas reconduire d’éternels clivages et faire commune. Une coopérative d’élaborations, d’initiatives et d’actions donnerait plus de puissance à nos pratiques mises en partage. Coordination informelle ou force structurée ? Ce sera à nous d’en décider. Face au discours dominant, aussi insidieux que tentaculaire, nous avons besoin de nous allier, sinon pour le faire taire, du moins pour le contrer. Besoin de nous fédérer pour mettre en pratique une alternative concrète et qui donne à espérer.

      Dès que nous aurons rassemblé de premières forces, nous organiserons une rencontre dont nous déciderons évidemment ensemble les modalités.

      #le_monde_d'après #convergence #résistance #convergence_des_luttes #se_fédérer #détresse #impuissance #diffraction #guerre_sociale #inégalités #capitalisme #capitalocène #néolibéralisme #égoïsme #autorité #profit #productivisme #collectif #alternative #alternatives #bien_commun #commun #commons #partage #solidarité #marché #concurrence #compétition #rapports_marchands #affrontement #auto-organisation #autonomie #démocratie #brigades_de_solidarité #mouvement_populaire #fédération #contre-pouvoir #alternative

  • Noam Chomsky et la peste néolibérale

    "On sait depuis longtemps que les pandémies sont très probables, et on savait bien qu’une pandémie de coronavirus serait probable, avec une légère modification de l’épidémie liée au SRAS il y a quinze ans. Cette épidémie a été vaincue, les virus ont été identifiés, séquencés, les vaccins rendus disponibles, et des laboratoires partout dans le monde auraient pu travailler à des protections pour les futures pandémies de coronavirus à venir. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? Les signaux des marchés n’étaient pas bons. L’industrie pharmaceutique a été donnée à des tyrannies privées, des groupes qui ne rendent aucun compte au grand public, les « Big Pharma », qui font des crèmes hydratantes, qui sont plus rentables que de chercher un vaccin qui protègera les gens de la destruction totale. Il est impossible pour le gouvernement d’intervenir."

    https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/noam-chomsky-et-la-peste-neoliberale

  • Le Figaro entend Allah Akbar partout ! | Taha Bouhafs et Jérémie Younes
    https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/le-figaro-voit-allah-akbar-partout

    Le Figaro a publié vendredi 29 juin un scoop EXCLUSIF : « Un commissariat de l’Eure attaqué par des jeunes aux cris d’Allah Akbar » [1]. Le quotidien du groupe Dassault nous apprend que des hordes de jeunes islamistes cagoulés ont attaqué des fonctionnaires de police dans une zone perdue de la République ! Quelques heures plus tard, on découvrait le pot aux roses : le scoop était en fait une fausse information. Source : Là-bas si j’y suis

  • https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/la-verite-sur-les-casseurs

    Publié le 3 décembre 2018.

    Entre 10 heures du matin et 21 heures, 10 000 grenades ont été tirées dans Paris ce samedi 1er décembre. 900 à l’heure, 15 à la minute, une grenade toutes les 4 secondes contre les mauvais Gilets jaunes.

    [•••]

    À la Chambre des députés, en 1906, Jean JAURÈS parlait de la violence des riches et de la violence des pauvres :

    « Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent, à huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclats de voix, comme des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui continuent la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des marques imperceptibles, mais connues des autres patrons, à l’universelle vindicte patronale. [...] Ainsi, tandis que l’acte de violence de l’ouvrier apparaît toujours, est toujours défini, toujours aisément frappé, la responsabilité profonde et meurtrière des grands patrons, des grands capitalistes, elle se dérobe, elle s’évanouit dans une sorte d’obscurité. [1] »

    [•••]

    [les #gilets_jaunes] cette frange de France à l’origine de ce qu’il faut bien appeler donc une révolution. Une révolution qui, c’est sûr, va changer le monde, mais qui les a déjà changés eux, chacun personnellement dans leur vie et dans la solidarité avec les autres grâce à la lutte qui s’invente à chaque instant, chemin faisant, sans grand leader, sans grande organisation, ce qui ne les empêche nullement de rédiger un très judicieux cahier de revendications. Comme disait Mark Twain, « ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ». Une idée qui leur va bien.

    Daniel Mermet

  • « Lula, le prisonnier politique le plus important au monde » | Textes à l’appui | Là-bas si j’y suis
    https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/noam-chomsky-j-ai-rencontre-lula-le-prisonnier-politique-le-plus-important-a
    https://la-bas.org/local/cache-gd2/6b/87bab6cd31ba8c8f6bce1feb4324b5.jpg?1540400822

    Fin septembre, accompagné de sa femme, Noam CHOMSKY (89 ans) est venu à la prison de Curitiba, capitale du Paraná, pour rendre visite à LULA, ancien président du Brésil. Alors qu’il était donné largement favori pour les élections, LULA a été condamné à une peine de 12 ans de prison pour corruption. Une peine qu’il conteste tout comme une grande partie des Brésiliens. Pour CHOMSKY, LULA est avant tout un prisonnier politique. Il dit pourquoi dans un article publié sur THE INTERCEPT. Nous vous en proposons une traduction :

    « Ma femme Valeria et moi, nous venons de rendre visite à celui qui est sans doute le prisonnier politique le plus important de notre époque, d’une importance sans équivalent dans la politique internationale contemporaine. Ce prisonnier, c’est Luiz Inácio Lula da Silva – plus connu dans le monde sous le nom de « Lula » – condamné à la prison à vie et à l’isolement, sans accès à la presse et avec des visites limitées à un jour par semaine.

    Le lendemain de notre visite, au nom de la liberté de la presse, un juge a autorisé le plus grand journal du pays, Folha de S. Paulo, à interviewer Lula. Mais un autre juge est aussitôt intervenu pour annuler cette décision, alors que les criminels les plus violents du pays – les chefs de milice et les trafiquants de drogue – sont régulièrement interviewés depuis leurs prisons. Pour le pouvoir brésilien, emprisonner Lula ne suffit pas : ils veulent s’assurer que la population, à la veille des élections, n’entende plus parler de lui. Ils semblent prêts à employer tous les moyens pour atteindre cet objectif.

    Le juge qui a annulé la permission n’innovait pas. Avant lui, il y a eu le procureur qui a condamné Antonio Gramsci pendant le gouvernement fasciste de Mussolini en 1926, et qui déclarait : « nous devons empêcher son cerveau de fonctionner pendant 20 ans. »

    Nous avons été rassurés, mais pas surpris, de constater qu’en dépit des conditions de détention éprouvantes et des erreurs judiciaires scandaleuses, Lula reste un homme très énergique, optimiste quant à l’avenir et plein d’idées pour faire dévier le Brésil de sa trajectoire désastreuse actuelle.

    Il y a toujours des prétextes pour justifier un emprisonnement – parfois valables, parfois pas – mais il est souvent utile d’en déterminer les causes réelles. C’est le cas en l’espèce. L’accusation principale portée contre Lula est basée sur les dépositions d’hommes d’affaires condamnés pour corruption dans le cadre d’un plaider-coupable. On aurait offert à Lula un appartement dans lequel il n’a jamais vécu.

    Le crime présumé est parfaitement minime au regard des standards de corruptions brésiliens – et il y a à dire sur ce sujet, sur lequel je reviendrai. La peine est tellement disproportionnée par rapport au crime supposé qu’il est légitime d’en chercher les vraies raisons. Il n’est pas difficile d’en trouver. Le Brésil fait face à des élections d’une importance cruciale pour son avenir. Lula est de loin le candidat le plus populaire et remporterait facilement une élection équitable, ce qui n’est pas pour plaire à la ploutocratie.

    Bien qu’il ait mené pendant son mandat des politiques conçues pour s’adapter aux préoccupations de la finance nationale et internationale, Lula reste méprisé par les élites, en partie sans doute à cause de ses politiques sociales et des prestations pour les défavorisés – même si d’autres facteurs semblent jouer un rôle : avant tout, la simple haine de classe. Comment un travailleur pauvre, qui n’a pas fait d’études supérieures, et qui ne parle même pas un portugais correct peut-il être autorisé à diriger notre pays ?

    Alors qu’il était au pouvoir, Lula était toléré par les puissances occidentales, malgré quelques réserves. Mais son succès dans la propulsion du Brésil au centre de la scène mondiale n’a pas soulevé l’enthousiasme. Avec son ministre des Affaires étrangères Celso Amorim, ils commençaient à réaliser les prédictions d’il y a un siècle selon lesquelles le Brésil allait devenir « le colosse du Sud ». Ainsi, certaines de leurs initiatives ont été sévèrement condamnées, notamment les mesures qu’ils ont prises en 2010, en coordination avec la Turquie, pour résoudre le conflit au sujet du programme nucléaire iranien, contre la volonté affirmée des États-Unis de diriger l’événement. Plus généralement, le rôle de premier plan joué par le Brésil dans la promotion de puissances non alignées sur les Occidentaux, en Amérique latine et au-delà, n’a pas été bien reçu par ceux qui ont l’habitude de dominer le monde.

    Lula étant interdit de participer à l’élection, il y a un grand risque pour que le favori de la droite, Jair Bolsonaro, soit élu à la présidence et accentue la politique durement réactionnaire du président Michel Temer, qui a remplacé Dilma Rousseff après qu’elle a été destituée pour des motifs ridicules, au cours du précédent épisode du « coup d’État en douceur » en train de se jouer dans le plus important pays d’Amérique Latine.

    Bolsonaro se présente comme un autoritaire dur et brutal et comme un admirateur de la dictature militaire, qui va rétablir « l’ordre ». Une partie de son succès vient de ce qu’il se fait passer pour un homme nouveau qui démantèlera l’establishment politique corrompu, que de nombreux Brésiliens méprisent pour de bonnes raisons. Une situation locale comparable aux réactions vues partout dans le monde contre les dégâts provoqués par l’offensive néolibérale de la vieille génération.

    Bolsonaro affirme qu’il ne connaît rien à l’économie, laissant ce domaine à l’économiste Paulo Guedes, un ultralibéral, produit de l’École de Chicago. Guedes est clair et explicite sur sa solution aux problèmes du Brésil : « tout privatiser », soit l’ensemble de l’infrastructure nationale, afin de rembourser la dette des prédateurs qui saignent à blanc le pays. Littéralement tout privatiser, de façon à être bien certain que le pays périclite complètement et devienne le jouet des institutions financières dominantes et de la classe la plus fortunée. Guedes a travaillé pendant un certain temps au Chili sous la dictature de Pinochet, il est donc peut-être utile de rappeler les résultats de la première expérience de ce néolibéralisme de Chicago.

    L’expérience, initiée après le coup d’État militaire de 1973 qui avait préparé le terrain par la terreur et la torture, s’est déroulée dans des conditions quasi optimales. Il ne pouvait y avoir de dissidence – la Villa Grimaldi et ses équivalents s’en sont bien occupés. L’expérimentation était supervisée par les superstars de l’économie de Chicago. Elle a bénéficié d’un énorme soutien de la part des États-Unis, du monde des affaires et des institutions financières internationales. Et les planificateurs économiques ont eu la sagesse de ne pas interférer dans les affaires de l’entreprise Codelco, la plus grande société minière de cuivre au monde, une entreprise publique hautement efficace, qui a ainsi pu fournir une base solide à l’économie de Pinochet.

    Pendant quelques années, cette expérience fut largement saluée ; puis le silence s’est installé. Malgré les conditions presque parfaites, en 1982, les « Chicago boys » avaient réussi à faire s’effondrer l’économie. L’État a dû en reprendre en charge une grande partie, plus encore que pendant les années Allende. Des plaisantins ont appelé ça « la route de Chicago vers le socialisme ». L’économie, en grande partie remise aux mains des dirigeants antérieurs, a réémergé, non sans séquelles persistantes de la catastrophe dans les systèmes éducatifs, sociaux, et ailleurs.

    Pour en revenir aux préconisations de Bolsonaro-Guedes pour fragiliser le Brésil, il est important de garder à l’esprit la puissance écrasante de la finance dans l’économie politique brésilienne. L’économiste brésilien Ladislau Dowbor rapporte, dans son ouvrage A era do capital improdutivo (« Une ère de capital improductif »), que lorsque l’économie brésilienne est entrée en récession en 2014, les grandes banques ont accru leurs profits de 25 à 30 %, « une dynamique dans laquelle plus les banques font des bénéfices, plus l’économie stagne » puisque « les intermédiaires financiers n’alimentent pas la production, ils la ponctionnent ».

    En outre, poursuit M. Dowbor, « après 2014, le PIB a fortement chuté alors que les intérêts et les bénéfices des intermédiaires financiers ont augmenté de 20 à 30 % par an », une caractéristique structurelle d’un système financier qui « ne sert pas l’économie, mais est servi par elle. Il s’agit d’une productivité nette négative. La machine financière vit aux dépens de l’économie réelle. »

    Le phénomène est mondial. Joseph Stiglitz résume la situation simplement : « alors qu’auparavant la finance était un mécanisme permettant d’injecter de l’argent dans les entreprises, aujourd’hui elle fonctionne pour en retirer de l’argent ». C’est l’un des profonds renversements de la politique socio-économique dont est responsable l’assaut néolibéral ; il est également responsable de la forte concentration de la richesse entre les mains d’un petit nombre alors que la majorité stagne, de la diminution des prestations sociales, et de l’affaiblissement de la démocratie, fragilisée par les institutions financières prédatrices. Il y a là les principales sources du ressentiment, de la colère et du mépris à l’égard des institutions gouvernementales qui balayent une grande partie du monde, et souvent appelé – à tort – « populisme ».

    C’est l’avenir programmé par la ploutocratie et ses candidats. Un avenir qui serait compromis par un nouveau mandat à la présidence de Lula. Il répondait certes aux exigences des institutions financières et du monde des affaires en général, mais pas suffisamment pour notre époque de capitalisme sauvage.

    On pourrait s’attarder un instant sur ce qui s’est passé au Brésil pendant les années Lula – « la décennie d’or », selon les termes de la Banque mondiale en mai 2016 [1]. Au cours de ces années, l’étude de la banque rapporte :

    « Les progrès socio-économiques du Brésil ont été remarquables et mondialement reconnus. À partir de 2003 [début du mandat de Lula], le pays est reconnu pour son succès dans la réduction de la pauvreté et des inégalités et pour sa capacité à créer des emplois. Des politiques novatrices et efficaces visant à réduire la pauvreté et à assurer l’intégration de groupes qui auparavant étaient exclus ont sorti des millions de personnes de la pauvreté. »

    Et plus encore :

    « Le Brésil a également assumé des responsabilités mondiales. Il a réussi à poursuivre sa prospérité économique tout en protégeant son patrimoine naturel unique. Le Brésil est devenu l’un des plus importants donateurs émergents, avec des engagements importants, en particulier en Afrique subsaharienne, et un acteur majeur dans les négociations internationales sur le climat. La trajectoire de développement du Brésil au cours de la dernière décennie a montré qu’une croissance fondée sur une prospérité partagée, mais équilibrée dans le respect de l’environnement, est possible. Les Brésiliens sont fiers, à juste titre, de ces réalisations saluées sur la scène internationale. »

    Du moins certains Brésiliens, pas ceux qui détiennent le pouvoir économique.

    Le rapport de la Banque mondiale rejette le point de vue répandu selon lequel les progrès substantiels étaient « une illusion, créée par le boom des produits de base, mais insoutenable dans l’environnement international actuel, moins clément ». La Banque mondiale répond à cette affirmation par un « non » ferme et catégorique : « il n’y a aucune raison pour que ces gains socio-économiques récents soient effacés ; en réalité, ils pourraient bien être amplifiés avec de bonnes politiques. »

    Les bonnes politiques devraient comprendre des réformes radicales du cadre institutionnel hérité de la présidence Cardoso, qui a été maintenu pendant les années Lula-Dilma, satisfaisant ainsi les exigences de la communauté financière, notamment une faible imposition des riches et des taux d’intérêt exorbitants, ce qui a conduit à l’augmentation de grandes fortunes pour quelques-uns, tout en attirant les capitaux vers la finance au détriment des investissements productifs. La ploutocratie et le monopole médiatique accusent les politiques sociales d’assécher l’économie, mais dans les faits, les études économiques montrent que l’effet multiplicateur de l’aide financière aux pauvres a stimulé l’économie alors que ce sont les revenus financiers produits par les taux d’intérêt usuraires et autres cadeaux à la finance qui ont provoqué la véritable crise de 2013 – une crise que « les bonnes politiques » auraient permis de surmonter.

    L’éminent économiste brésilien Luiz Carlos Bresser-Pereira, ancien ministre des Finances, décrit succinctement le déterminant majeur de la crise en cours : « il n’y a pas de raison économique » pour justifier le blocage des dépenses publiques tout en maintenant les taux d’intérêt à un niveau élevé ; « la cause fondamentale des taux élevés au Brésil, c’est le fait des prêteurs et des financiers » avec ses conséquences dramatiques, appuyé par le corps législatif (élu avec le soutien financier des entreprises) et le monopole des médias qui relaient essentiellement la voix des intérêts privés.

    Dowbor montre que tout au long de l’histoire moderne du Brésil, les remises en question du cadre institutionnel ont conduit à des coups d’État, « à commencer par le renvoi et le suicide de Vargas [en 1954] et le putsch de 1964 » (fermement soutenu par Washington). Il y a de bonnes raisons de penser que la même chose s’est produite pendant le « coup d’État en douceur » en cours depuis 2013. Cette campagne des élites traditionnelles, aujourd’hui concentrées dans le secteur financier et servie par des médias qu’ils possèdent, a connu une accélération en 2013, lorsque Dilma Rousseff a cherché à ramener les taux d’intérêt extravagants à un niveau raisonnable, menaçant ainsi de tarir le torrent d’argent facile dont profitait la minorité qui pouvait se permettre de jouer sur les marchés financiers.

    La campagne actuelle visant à préserver le cadre institutionnel et à revenir sur les acquis de « la décennie glorieuse » exploite la corruption à laquelle le Parti des travailleurs de Lula, le PT, a participé. La corruption est bien réelle, et grave, même si le fait de diaboliser le PT est une pure instrumentalisation, en regard des écarts de conduite de ses accusateurs. Et comme nous l’avons déjà mentionné, les accusations portées contre Lula, même si l’on devait lui en reconnaître les torts, ne peuvent être prises au sérieux pour justifier la peine qui lui a été infligée dans le but de l’exclure du système politique. Tout cela fait de lui l’un des prisonniers politiques les plus importants de la période actuelle.

    La réaction récurrente des élites face aux menaces qui pèsent sur le cadre institutionnel de l’économie sociopolitique au Brésil trouve son équivalent dans la riposte internationale contre les remises en cause, par le monde en développement, du système néocolonial hérité de siècles de dévastations impérialistes occidentales. Dans les années 1950, dans les premiers jours de la décolonisation, le mouvement des pays non-alignés a cherché à faire son entrée dans les affaires mondiales. Il a été rapidement remis à sa place par les puissances occidentales. En témoigne dramatiquement l’assassinat du leader congolais, très prometteur, Patrice Lumumba, par les dirigeants historiques belges (devançant la CIA). Ce crime et les violences qui ont suivi ont mis fin aux espoirs de ce qui devrait être l’un des pays les plus riches du monde, mais qui reste « l’horreur ! l’horreur ! » avec la collaboration des tortionnaires historiques de l’Afrique.

    Néanmoins, les voix gênantes des victimes historiques ne cessaient de s’élever. Dans les années 1960 et 1970, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, avec le concours important d’économistes brésiliens, a présenté des plans pour un Nouvel Ordre Économique International, dans lequel les préoccupations des « sociétés en développement » – la grande majorité de la population mondiale – auraient été examinées. Une initiative rapidement écrasée par la régression néolibérale.

    Quelques années plus tard, au sein de l’UNESCO, les pays du Sud ont appelé à un nouvel ordre international de l’information qui ouvrirait le système mondial des médias et de la communication à des acteurs extérieurs au monopole occidental. Cette initiative a déchaîné une riposte extrêmement violente qui a traversé tout le spectre politique, avec des mensonges éhontés et des accusations ridicules, et qui finalement a entraîné le retrait du président américain Ronald Reagan, sous de faux prétextes, de l’UNESCO. Tout cela a été dévoilé dans une étude accablante (donc peu lue) des spécialistes des médias William Preston, Edward S. Herman et Herbert Schiller [2].

    L’étude menée en 1993 par le South Centre, qui montrait que l’hémorragie de capitaux depuis les pays pauvres vers les pays riches s’était accompagnée d’exportations de capitaux vers le FMI et la Banque mondiale, qui sont désormais « bénéficiaires nets des ressources des pays en développement », a également été soigneusement passée sous silence. De même que la déclaration du premier sommet du Sud, qui avait rassemblé 133 États en 2000, en réponse à l’enthousiasme de l’Occident pour sa nouvelle doctrine d’« intervention humanitaire ». Aux yeux des pays du Sud, « le soi-disant droit d’intervention humanitaire » est une nouvelle forme d’impérialisme, « qui n’a aucun fondement juridique dans la Charte des Nations unies ni dans les principes généraux du droit international ».

    Sans surprise, les puissants n’apprécient guère les remises en cause, et disposent de nombreux moyens pour y répliquer ou pour les réduire au silence.

    Il y aurait beaucoup à dire sur la corruption endémique de la politique latino-américaine, souvent solennellement condamnée par l’Occident. Il est vrai, c’est un fléau, qui ne devrait pas être toléré. Mais elle n’est pas limitée aux « pays en voie de développement ». Par exemple, ce n’est pas une petite aberration que dans nos pays, les gigantesques banques reçoivent des amendes de dizaines de milliards de dollars (JPMorgan Chase, Bank of America, Goldman Sachs, Deutsche Bank, Citigroup) à l’issue d’accords négociés à l’amiable, mais que personne ne soit légalement coupable de ces activités criminelles, qui détruisent pourtant des millions de vies. Remarquant que « les multinationales américaines avaient de plus en plus de difficultés à ne pas basculer dans l’illégalité », l’hebdomadaire londonien The Economist du 30 août 2014 rapportait que 2 163 condamnations d’entreprise avaient été comptabilisées entre 2000 et 2014 – et ces multinationales sont nombreuses à Londres et sur le continent européen [3].

    La corruption couvre tout un registre, depuis les énormités qu’on vient de voir jusqu’aux plus petites mesquineries. Le vol des salaires, une épidémie aux États-Unis, en donne un exemple particulièrement ordinaire et instructif. On estime que les deux tiers des travailleurs à bas salaire sont volés sur leur rémunération chaque semaine, tandis que les trois quarts se voient voler tout ou partie de leur rémunération pour les heures supplémentaires. Les sommes ainsi volées chaque année sur les salaires des employés excèdent la somme des vols commis dans les banques, les stations-service et les commerces de proximité. Et pourtant, presque aucune action coercitive n’est engagée sur ce point. Le maintien de cette impunité revêt une importance cruciale pour le monde des affaires, à tel point qu’il est une des priorités du principal lobby entrepreneurial, le American Legislative Exchange Council (ALEC), qui bénéficie des largesses financières des entreprises.

    La tâche principale de l’ALEC est d’élaborer un cadre législatif pour les États. Un but facile puisque, d’une part, les législateurs sont financés par les entreprises et, d’autre part, les médias s’intéressent peu au sujet. Des programmes méthodiques et intenses soutenus par l’ALEC sont donc capables de faire évoluer les contours de la politique d’un pays, sans préavis, ce qui constitue une attaque souterraine contre la démocratie mais avec des effets importants. Et l’une de leurs initiatives législatives consiste à faire en sorte que les vols de salaires ne soient pas soumis à des contrôles ni à l’application de la loi.

    Mais la corruption, qui est un crime, qu’elle soit massive ou minime, n’est que la partie émergée de l’iceberg. La corruption la plus grave est légale. Par exemple, le recours aux paradis fiscaux draine environ un quart, voire davantage, des 80 000 milliards de dollars de l’économie mondiale, créant un système économique indépendant exempt de surveillance et de réglementation, un refuge pour toutes sortes d’activités criminelles, ainsi que pour les impôts qu’on ne veut pas payer. Il n’est pas non plus techniquement illégal pour Amazon, qui vient de devenir la deuxième société à dépasser les 1 000 milliards de dollars de valeur, de bénéficier d’allègements fiscaux sur les ventes. Ou que l’entreprise utilise environ 2 % de l’électricité américaine à des tarifs très préférentiels, conformément à « une longue tradition américaine de transfert des coûts depuis les entreprises vers les plus démunis, qui consacrent déjà aux factures des services publics, en proportion de leurs revenus, environ trois fois plus que ne le font les ménages aisés », comme le rapporte la presse économique [4].

    Il y a une liste infinie d’autres exemples.

    Un autre exemple important, c’est l’achat des voix lors des élections, un sujet qui a été étudié en profondeur, en particulier par le politologue Thomas Ferguson. Ses recherches, ainsi que celles de ses collègues, ont montré que l’éligibilité du Congrès et de l’exécutif est prévisible avec une précision remarquable à partir de la variable unique des dépenses électorales, une tendance très forte qui remonte loin dans l’histoire politique américaine et qui s’étend jusqu’aux élections de 2016 [5]. La corruption latino-américaine est considérée comme un fléau, alors que la transformation de la démocratie formelle en un instrument entre les mains de la fortune privée est parfaitement légale.

    Bien sûr, ce n’est pas que l’interférence dans les élections ne soit plus à l’ordre du jour. Au contraire, l’ingérence présumée de la Russie dans les élections de 2016 est un sujet majeur de l’époque, un sujet d’enquêtes acharnées et de commentaires endiablés. En revanche, le rôle écrasant du monde de l’entreprise et des fortunes privées dans la corruption des élections de 2016, selon une tradition qui remonte à plus d’un siècle, est à peine reconnu. Après tout, il est parfaitement légal, il est même approuvé et renforcé par les décisions de la Cour suprême la plus réactionnaire de mémoire d’homme.

    L’achat d’élections n’est pas la pire des interventions des entreprises dans la démocratie américaine immaculée, souillée par les hackers russes (avec des résultats indétectables). Les dépenses de campagne atteignent des sommets, mais elles sont éclipsées par le lobbying, qui représenterait environ 10 fois ces dépenses – un fléau qui s’est rapidement aggravé dès les premiers jours de la régression néolibérale. Ses effets sur la législation sont considérables, le lobbyiste allant jusqu’à la rédaction littérale des lois, alors que le parlementaire – qui signe le projet de loi – est quelque part ailleurs, occupé à collecter des fonds pour la prochaine campagne électorale.

    La corruption est effectivement un fléau au Brésil et en Amérique latine en général, mais ils restent des petits joueurs.

    Tout cela nous ramène à la prison, où l’un des prisonniers politiques les plus importants de la période est maintenu en isolement pour que le « coup d’État en douceur » au Brésil puisse se poursuivre, avec des conséquences certaines qui seront sévères pour la société brésilienne, et pour le monde entier, étant donné le rôle potentiel du Brésil.

    Tout cela peut continuer, à une condition, que ce qui se passe continue d’être toléré. »

    Noam Chomsky

  • « Lula, le prisonnier politique le plus important au monde » | Textes à l’appui
    Là-bas si j’y suis | Le 24 octobre 2018
    https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/noam-chomsky-j-ai-rencontre-lula-le-prisonnier-politique-le-plus-important-a
    https://la-bas.org/local/cache-gd2/6b/87bab6cd31ba8c8f6bce1feb4324b5.jpg?1540400822

    Fin septembre, accompagné de sa femme, Noam CHOMSKY (89 ans) est venu à la prison de Curitiba, capitale du Paraná, pour rendre visite à LULA, ancien président du Brésil. Alors qu’il était donné largement favori pour les élections, LULA a été condamné à une peine de 12 ans de prison pour corruption. Une peine qu’il conteste tout comme une grande partie des Brésiliens. Pour CHOMSKY, LULA est avant tout un prisonnier politique. Il dit pourquoi dans un article publié sur THE INTERCEPT. Nous vous en proposons une traduction :

    « Ma femme Valeria et moi, nous venons de rendre visite à celui qui est sans doute le prisonnier politique le plus important de notre époque, d’une importance sans équivalent dans la politique internationale contemporaine. Ce prisonnier, c’est Luiz Inácio Lula da Silva – plus connu dans le monde sous le nom de « Lula » – condamné à la prison à vie et à l’isolement, sans accès à la presse et avec des visites limitées à un jour par semaine.

    Le lendemain de notre visite, au nom de la liberté de la presse, un juge a autorisé le plus grand journal du pays, Folha de S. Paulo, à interviewer Lula. Mais un autre juge est aussitôt intervenu pour annuler cette décision, alors que les criminels les plus violents du pays – les chefs de milice et les trafiquants de drogue – sont régulièrement interviewés depuis leurs prisons. Pour le pouvoir brésilien, emprisonner Lula ne suffit pas : ils veulent s’assurer que la population, à la veille des élections, n’entende plus parler de lui. Ils semblent prêts à employer tous les moyens pour atteindre cet objectif.

    Le juge qui a annulé la permission n’innovait pas. Avant lui, il y a eu le procureur qui a condamné Antonio Gramsci pendant le gouvernement fasciste de Mussolini en 1926, et qui déclarait : « nous devons empêcher son cerveau de fonctionner pendant 20 ans. »

    Nous avons été rassurés, mais pas surpris, de constater qu’en dépit des conditions de détention éprouvantes et des erreurs judiciaires scandaleuses, Lula reste un homme très énergique, optimiste quant à l’avenir et plein d’idées pour faire dévier le Brésil de sa trajectoire désastreuse actuelle.

    Il y a toujours des prétextes pour justifier un emprisonnement – parfois valables, parfois pas – mais il est souvent utile d’en déterminer les causes réelles. C’est le cas en l’espèce. L’accusation principale portée contre Lula est basée sur les dépositions d’hommes d’affaires condamnés pour corruption dans le cadre d’un plaider-coupable. On aurait offert à Lula un appartement dans lequel il n’a jamais vécu.

    Le crime présumé est parfaitement minime au regard des standards de corruptions brésiliens – et il y a à dire sur ce sujet, sur lequel je reviendrai. La peine est tellement disproportionnée par rapport au crime supposé qu’il est légitime d’en chercher les vraies raisons. Il n’est pas difficile d’en trouver. Le Brésil fait face à des élections d’une importance cruciale pour son avenir. Lula est de loin le candidat le plus populaire et remporterait facilement une élection équitable, ce qui n’est pas pour plaire à la ploutocratie.

    #Brésil #Lula
    autre traduction : https://seenthis.net/messages/729317

  • « Manifeste "contre le nouvel antisémitisme" » : délirant, provoquant | Textes à l’appui | Là-bas si j’y suis
    https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/manifeste-contre-le-nouvel-antisemitisme-delirant-provoquant-indigent

    Il faut d’abord des informations claires, des études cohérentes, des analyses articulées mais surtout, avant tout, il faut des pédagogies fraternelles.

    #Dominique_Vidal #UJFP #Farid_Laroussi

    #Philippe_Val #Manuel_Valls #Nicolas_Sarkozy #Laurent_Wauquiez #Alain_Finkielkraut #islamophobie #islamophobe

  • « Ce gouvernement, c’est l’horreur, on devrait se lever pour dire toute l’horreur que ça représente. » Rencontre avec Charles Piaget, qui fut l’un des acteurs de la lutte des LIP dans les années 70 et qui, à 89 ans, continue le combat ici et maintenant. https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/charles-piaget-c-est-possible …
    https://twitter.com/LabasOfficiel/status/930906032100044800

    « Ce gouvernement, c’est l’horreur, on devrait se lever pour dire toute l’horreur que ça représente. » Rencontre avec Charles Piaget, qui fut l’un des acteurs de la lutte des LIP dans les années 70 et qui, à 89 ans, continue le combat ici et maintenant. https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/charles-piaget-c-est-possible