L’info n’est pas un luxe, c’est un droit

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  • Deux ou trois points sur les « i » de la Révolution bolivarienne | Investig’Action

    Il est de moins en moins probable que la gauche occidentale fasse ce qu’elle aurait dû faire il y a quarante ans : démocratiser la propriété des médias, libérer les « écoles » de journalisme du formatage par le marché pour les mettre au service des citoyens, soutenir concrètement le pluralisme des voix médiatiques et en particulier celles des médias associatifs, rétablir le service public dans ses fonctions originales d’éducation populaire, ou encore (last but not least) penser les réseaux sociaux – et le numérique en général – aux antipodes du modèle dominant créé par les géants privés de la Silicon Valley.

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    #Venezuela

  • COVID-19 : Sommes-nous à nouveau induits en erreur par les entreprises pharmaceutiques ?
    https://www.investigaction.net/fr/covid-19-sommes-nous-a-nouveau-induits-en-erreur-par-big-pharma

    En mars 2020, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déclaré que l’épidémie de COVID-19 était une pandémie. Ce n’est pas une première foi. Dans un passé récent, l’OMS avait annoncé en juin 2009 que le H1N1 – connu aussi sous le nom de grippe porcine – était aussi une pandémie. Entre ces deux pandémies, de nombreux faits ont été négligés et il convient d’y revenir.


     
    Après l’épidémie de H5N1 (la grippe aviaire) et au début de celle de H1N1, les entreprises pharmaceutiques transnationales se sont lancées dans une compétition féroce pour fournir des traitements en l’absence de vaccins.

    Entre 2005 et 2009, l’antiviral oseltamivir, commercialisé par Roche sous le nom de Tamiflu, a réussi à être reconnu comme le médicament de choix pour la prévention et le traitement par plusieurs organismes internationaux tels que l’OMS, le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis d’Amérique et l’Agence européenne des médicaments.

    A cette époque, afin de préparer une “éventuelle opération de confinement”, l’OMS a reçu de Roche un don de trois millions de traitements d’oseltamivir destinés à constituer une réserve, selon le rapport du Comité d’examen du fonctionnement du Règlement sanitaire international (2005) en relation avec la pandémie de 2009 (H1N1) 2009, publié par l’OMS.

    L’OMS a encouragé les pays à introduire des plans de confinement rapide dans leurs mécanismes nationaux de préparation aux pandémies de grippe, selon le même rapport. En outre, l’OMS a élaboré dans le même but un “protocole de confinement rapide” reposant essentiellement sur l’oseltamivir.

    Comme il fallait s’y attendre, sous l’effet d’une panique globale de grande ampleur, Roche a reçu des commandes venues de pays du monde entier, notamment de l’Égypte. Des recherches ultérieures et la littérature révèlent que les décisions d’achat reposaient sur des essais cliniques financés par Roche, dont les résultats, selon les experts, étaient limités et incomplets, surtout en ce qui concerne l’efficacité et les effets secondaires du Tamiflu, dont certains se sont par la suite révélés dangereux.

    En outre, certaines informations fausses laissaient prévoir une flambée incontrôlable de l’infection. Une étude Cochrane a révélé que les bénéfices de l’oseltamivir étaient faibles en ce qui concerne la diminution des symptômes, car ce médicament ne réduisait leur durée que d’une demi-journée tout au plus.

    Les auteurs de cette étude, qui se sont arrangés pour obtenir les rapports complets des recherches cliniques originales, ont également pu se faire une idée plus claire des effets secondaires de l’oseltamivir. A la fin, l’étude Cochrane a posé la question de savoir si la constitution de réserves d’oseltamivir était justifiée.

    On peut voir ce qui précède sous un autre angle.
    Les entreprises pharmaceutiques font en général pression sur les gouvernements lors de telles crises. Durant la pandémie de H1N1, la méthode adoptée par Roche a consisté essentiellement à persuader les gouvernements de signer des conventions d’achat de Tamiflu car, à l’époque, les premiers arrivés étaient les premiers servis.

    Il est à relever que ces négociations ont eu lieu dans un contexte de tension mondiale et de compétition inavouée entre les pays pour se procurer le traitement le plus vite possible à une même et unique source.

    Une telle situation démontre la gravité des pratiques monopolistiques du marché pharmaceutique mondial. La probabilité de voir se répéter ce scénario est d’autant plus grande que les pays continuent à négocier l’accès aux médicaments sur un marché monopolistique, comme le prouve l’achat par les États-Unis à Gilead Sciences de tout le stock existant de remdesivir et les conventions d’achat préalables de vaccins potentiels par plusieurs pays européens.

    A l’époque, les ventes d’oseltamivir avaient dépassé les 18 milliards de dollars étasuniens, payés pour moitié par les gouvernements. Les États-Unis ont par exemple dépensé plus de 1,5 milliard de dollars pour constituer des stocks d’oseltamivir, en se fondant sur les recommandations du CDC, alors que le Royaume-Uni a dépensé pour sa part 770 millions de dollars étasuniens pour ce même médicament entre 2006 et 2014.

    Aucune donnée officielle n’est disponible concernant la somme totale dépensée par l’Égypte pour acheter de l’oseltamivir. Quelques informations ont cependant fait état d’un accord entre le ministère de la santé et Roche pour la livraison de 2 500 kg de l’ingrédient pharmaceutique actif de ce médicament, à fabriquer par une succursale de la faîtière pharmaceutique, dont le président a estimé la valeur à environ 100 millions de livres égyptiennes.

    L’OMS est une organisation intergouvernementale qui doit, à ce titre, rendre des comptes à ses États membres. En 2010, ces États membres ont évalué les performances de l’OMS qui avait déclaré que la grippe H1N1 était une pandémie. Cette décision avait suscité les réserves de la communauté scientifique internationale et des milieux politiques, qui estimaient qu’elle avait été prématurée, provoquant une confusion mondiale et coûtant des millions de dollars aux budgets des pays.

    Ce qu’il est important de relever à propos de la lutte contre la COVID-19 est qu’il n’y a pas de “nouveau” médicament qui ait été expérimenté contre le virus. Ceux qui font l’objet d’études sont connus ou sont déjà sur le marché. Les essais auxquels ils sont soumis visent à démontrer qu’ils ont un effet spécifique contre le virus SARS-CoV-2 qui provoque la COVID-19.

    Ce repositionnement ou cette réorientation de médicaments existants constitue une pratique courante dans la recherche en cas de flambées épidémiques soudaines. En outre, qui plus est, la recherche et le développement pharmaceutiques ne produisent plus de substances pharmaceutiques “nouvelles”, se contentant le plus souvent d’améliorer des produits existants ou de leur ouvrir des indications supplémentaires.

    Les essais cliniques menés par l’OMS ont débuté avec quatre propositions de traitement, pour la plupart fort coûteux. Trois mois après le début déclaré de la pandémie, la compétition s’est réduite à deux médicaments : le remdesivir, produit par Gilead Sciences, et le favipiravir, produit par FUJIFILM Toyama Chemical, sous le nom commercial d’Avigan, dont il a été rapporté plus tard qu’il n’avait pas montré d’effet convaincant dans certains essais contre le coronavirus, ce qui a repoussé son approbation jusqu’à la fin des essais.

    En mars dernier, avec l’épidémie de COVID-19, la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis a décidé d’accorder au remdesivir le “statut de médicament orphelin”, qui assure normalement à l’entreprise productrice toute une série de droits exclusifs en plus des droits de propriété intellectuelle.
    Cette décision a été accueillie avec surprise et scepticisme dans les milieux spécialisés du monde entier, en raison de sa teneur et de son calendrier.

    Selon les définitions qu’en donnent tant l’OMS que le droit étasunien, les maladies orphelines sont celles qui affectent un petit nombre d’individus d’une manière qui n’incite pas à la mise au point de médicaments pour les traiter, ce qui justifie aussi le prix potentiellement élevé de leur traitement.

    La COVID-19, déclarée pandémie, est tout le contraire d’une maladie orpheline et la désignation comme “médicament orphelin” révèle l’intention de l’entreprise de maximaliser les ventes et les bénéfices du remdesivir une fois que la FDA l’a approuvé.
    Avec l’augmentation du nombre de cas diagnostiqués aux États-Unis d’Amérique, des pressions croissantes ont conduit Gilead Sciences à retirer sa désignation de médicament orphelin. Quelques semaines plus tard, le remdesivir a été approuvé par la FDA pour utilisation en cas d’urgence sur des patients atteints de COVID-19, à la suite de quoi l’entreprise a fait un don de 1,5 millions de traitements au gouvernement étasunien.

    A la mi-avril, les médias ont rapporté que le gouvernement égyptien avait convenu avec FUJIFILM Toyama Chemical d’utiliser le favipiravir (Avigan) pour le traitement de la COVID-19 en Égypte. Cet accord ne s’est jamais matérialisé, car quelques semaines plus tard le ministre de la santé a annoncé que l’Égypte participerait à l’essai clinique du remdesivir coordonné par l’OMS.

    Entretemps, l’entreprise égyptienne Eva Pharma a signé un accord de licence volontaire non-exclusif avec Gilead pour la fabrication de remdesivir destiné à être distribué dans 127 pays. Actuellement, l’approvisionnement en Égypte et limité à l’aide aux patients hospitalisés en quarantaine.
    Une préoccupation croissante a commencé à se manifester sur le plan mondial face à la précipitation avec laquelle on a compté sur le remdesivir avant que son efficacité soit démontrée, d’autant plus que les résultats des essais publiés montrent qu’il n’y a aucun bénéfice thérapeutique ayant la moindre signification statistique.

    Des demandes de brevet ont été déposées pour le remdesivir dans de nombreux pays et certaines ont déjà été accordées. Le bureau des brevets égyptien a rejeté la demande pour le remdesivir en 2017 pour des raisons techniques, mais la décision finale reste en suspens car le demandeur a fait appel.

    Gilead a récemment fixé le prix du traitement par le remdesivir (6 flacons) à 3 120 dollars étasuniens pour les privés et à 2 340 dollars pour les régimes d’assurance nationaux aux États-Unis d’Amérique. Le prix de ce médicament est exorbitant et ne peut être justifié ni par les coûts de recherche et de développement, car il ne s’agit pas d’un nouveau composé, qui n’a donc pas été breveté dans plusieurs pays.

    Par ailleurs, la recherche a démontré que le coût de production du remdesivir pourrait ne pas dépasser 5,58 dollars par traitement. D’ailleurs, l’entreprise pharmaceutique indienne Cipla a annoncé qu’elle produirait une version générique du remdesivir au prix d’environ 400 dollars étasuniens.

    A la lumière des taux élevés d’incidence et de mortalité de la COVID-19, ainsi que des pressions exercées sur les gouvernements pour qu’ils prennent des mesures destinées à protéger leurs peuples, on assiste à une compétition entre les entreprises pharmaceutiques pour préserver leurs parts d’un marché mondial lucratif.

    Cette compétition se manifeste par des tentatives d’enrôler de grandes quantités de patients dans des essais cliniques hâtivement menés pour faire la démonstration de résultats favorables, ou défavorables, à un médicament donné, pour signer des conventions d’achat préalables avec des gouvernements, comme c’est le cas actuellement entre Gilead et le gouvernement étasunien, et pour chercher à faire enregistrer les brevets dans le plus grand nombre de pays possible afin d’y obtenir des droits exclusifs, notamment la possibilité de vendre le médicament au prix le plus élevé possible.

    Au milieu de la crise actuelle, dont les répercussions économiques et sociales au niveau mondial sont sans précédent, il est préoccupant d’assister au retour du scénario H1N1. Les gouvernements se lancent une fois de plus dans des “achats de panique” et accumulent de manière irrationnelle des stocks de médicaments, dont aucun n’a fait la preuve de son efficacité contre la COVID-19. Ne tire-t-on vraiment aucun enseignement du passé récent ?
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  • Le choc et la panique à la rescousse des traités pour fragiliser l’Etat
    https://www.investigaction.net/fr/le-choc-et-la-panique-a-la-rescousse-des-traites-pour-fragiliser-let

    Nos gouvernements vont-ils profiter du contexte de la crise pour passer des réformes impopulaires selon la stratégie du choc dévoilée par Naomi Klein ? C’est ce que redoute Carlos Perez. Auteur de L’Enfance sous pression et d’Au-delà du geste technique, il dénonce les atteintes à la démocratie qui pourraient ouvrir la voie à de nouvelles percées du néolibéralisme. (IGA)

     

    Comme le souligne Naomi Klein dans son essai « Stratégie du Choc : La montée d’un capitalisme du désastre », les États profitent et se servent de la crise et de la panique pour s’accorder des pouvoirs spéciaux et mettre en place des réglementations liberticides et par la même occasion affaiblir les services sociaux.

    La stratégie consiste à profiter du choc et de la désorientation pour faire passer des politiques impopulaires. En voici quelques exemples récents en pleine période de pandémie :

    1° En Belgique, le ministre-président flamand, Jan Jambon (N-VA), veut voir davantage de gens au travail, entre autres dans les secteurs de la construction et des titres-services où le mécanisme du chômage temporaire est, à ses yeux, parfois trop rapidement demandé, a-t-il indiqué mercredi 25 mars au parlement flamand1.
    On voit bien là un confinement de classes sociales à deux vitesses : déjà qu’ils n’ont pratiquement pas de matériel de protection pour sauver leur propre vie, les ouvriers n’ont pas les mêmes droits face à la pandémie.

    2° En France, le Sénat a voté, dans la nuit de jeudi à vendredi (19-20 mars), la loi dite d’adaptation au coronavirus (la loi « urgence coronavirus ») à 252 voix pour, 2 contre, et 90 abstentions. « Ce texte, qui acte le report des élections municipales « au plus tard en juin », constitue une attaque importante contre les droits des travailleurs, tant sur le plan social que démocratique. (…)Macron et son gouvernement instrumentalisent ainsi la crise sanitaire, pour faire les cadeaux dont ils rêvaient au patronat ».2 Entré en vigueur en mars, l’état d’urgence était fixé pour une période de deux mois. Il a ensuite été prolongé jusqu’au 10 juillet.

    3° Les États-Unis, qui n’en sont plus à une folie près, envisagent « pourquoi pas » (puisque ce pays n’a pas forcément de sécurité sociale) ni plus ni moins que de laisser mourir les anciens dans cette période de Coronavirus qui va effectivement toucher un maximum de personnes âgées. « Sacrifier les personnes âgées pour sauver l’économie » ce sont les propos chocs du vice-gouverneur Républicain du Texas, Dan Patrick.
    De plus, ce même pays va utiliser la pandémie pour réduire les libertés individuelles et serrer la vis un cran de plus en annonçant que les personnes qui propagent le virus intentionnellement pourraient entrer dans le champ d’application des lois antiterroristes et être poursuivies au pénal, autant dire presque tout le monde se promenant dans la rue3.

    4° Pour couronner le tout, au Royaume-Uni, l’ancien Premier ministre britannique, Gordon Brown, appelle à la création d’un « gouvernement mondial » pour lutter contre la menace actuelle. Un groupe de travail international « veillerait à ce que les efforts des banques centrales soient coordonnés », selon M. Brown, qui souhaite que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international reçoivent plus d’argent et de pouvoir.

    Sans une minute à perdre les banques sont d’ores et déjà à la manœuvre pour régler les problèmes, quelle ironie !4
Comme on le constate les idées et les projets pour détruire nos droits et nos services sociaux ne manquent pas, même en pleine période de chaos pas un moment de répit chez nos réformateurs libéraux pour placer leurs projets politiques.

    Les traités sont en place depuis pas mal de temps, il faut juste la bonne excuse pour les sortir du placard. Le but inavoué reste inchangé : passer toutes les lois liberticides et proposer des traités toxiques qui doivent déréguler l’État.

    Si nos gouvernements promettent de renforcer les soins de santé, ils assurent aussi qu’il faudra retrouver l’équilibre budgétaire après s’être massivement endetté, en bonne partie pour « rassurer les marchés ». Des milliards d’euros ont ainsi été déversés pour sauver une finance déjà en crise bien avant la pandémie. Le danger, bien réel, est de voir passer de nouvelles réformes et accords qui, une fois de plus, fragiliseront les plus faibles pour tenter de sauver un système qui profite aux plus riches. Nos gouvernements pourraient profiter de la crise pour passer en force des accords impopulaires, parfois négociés en catimini.

    On se souvient comment WikiLeaks avait débusqué l’Accord sur le Commerce des Services (ACS), connu sous son acronyme anglais TiSA (pour Trade in Services Agreement), concocté en douce en 2013 à l’initiative des États-Unis et de L’Australie.

    « TISA quatre lettres qui vont changer le monde ou qui font peur ? TISA serait l’accord fondateur du commerce mondial libéré des grandes contraintes des États d’une cinquantaine de pays, dont les États-Unis et l’Union européenne ».

    « C’est en 2013 que les négociations TISA ont vraiment commencé. Les négociateurs sont représentatifs de 70% du commerce mondial. Et le traité porte sur le lissage des règles communes, ouvrant ainsi les portes à un desserrement des liens qui entravent les entreprises en activités dans le secteur des services »5.

    C’est un marché mondial de 44.000 milliards de dollars, selon le département du Commerce américain. Les services représentent plus des trois quarts du produit intérieur brut (PIB) des pays développés (75% aux États-Unis et 78% dans l’Union européenne).

    Mais au plan du commerce international les exportations de services sont bien moins élevées que celles des marchandises et c’est peut-être là que le bât blesse. Il faut libéraliser cette caverne d’Ali Baba seul. Les services de l’État du ressort exclusif du régalien sont exclus de la négociation.

    Sinon tout est sur la table : services financiers, commerces de détail, transports maritimes et routiers, conseils, approvisionnements en énergie, santé, éducation, gestion de l’eau, etc. bref tous nos services sociaux sont susceptibles d’être privatisés et libéralisés. Voilà l’imposture qui peut nous tomber sur la tête si nous ne prenons pas le dessus très rapidement sur la peur du moment et repartons sur nos propres revendications chacun dans son secteur. Une doctrine de choc qui spécule sur les catastrophes et qui va encore approfondir les inégalités pourrait nous être imposée.

    Dans mon secteur d’activité, le sport, parent pauvre des services sociaux, cette stratégie de dérégulation est depuis bien longtemps en action par le truchement du partenariat public-privé (« PPP ») dans l’investissement de mégaprojets d’infrastructures. Une façon sournoise de socialiser les pertes tout en privatisant les bénéfices, ce sont des millions d’argent public qui sont détournés. 

    Si on veut penser à l’après-crise, chacun doit le faire dès maintenant dans chaque secteur et se poser les bonnes questions. Dans le domaine du sport, prendre réellement soin de la population est une urgence que tout le monde a bien comprise. À travers cette crise, qu’est-ce que cela signifie ? C’est à ce stade qu’intervient ma modeste contribution.

    Les solutions sont à portée de main et ne vont pas forcément dans le sens des grandes rencontres sportives de prestige qui devraient démarrer très vite et redonner des jeux et du pain à la plèbe pour masquer la tragédie et l’irresponsabilité de nos représentants politiques. 
Ce confinement nous a bien démontré à quel point le sport-compétition est futile et inutile et que l’éducation motrice sanitaire, la culture physique était le meilleur outil à notre disposition pour favoriser et surmonter les altérations physiques et psychologiques dues au confinement, en plus de permettre une meilleure adaptation et résilience individuelle et collective et donc un véritable outil de santé publique.

    Si on parle du sport comme outil de santé publique, il faut au contraire et inéluctablement dans ce secteur clé de la prévention s’orienter vers des revendications claires. Le sport n’est pas une marchandise, mais un droit, le droit au bien-être, aux soins et à la santé pour tous et accessible à tous : 

    1° Cela commence par une planification intégrée : mettre au service de la population et prioritairement de nos anciens et de nos jeunes une vraie prévention sanitaire. Cela semble véritablement nécessaire comme on l’a constaté dans cette dure épreuve de pandémie où le taux de morbidité critique a été une cause de l’inflation de personnes en danger de mort.

    Avec l’aide de tous les professionnels de la prévention, de l’hygiène et de la santé, médecins nutritionnistes spécialistes de la motricité, tous doivent collaborer c’est-à-dire dans les petits clubs et dans les petites structures qui s’occupent de plus de 90% des affiliés dans le sport et pas au service des clubs de première division qui ont des budgets cotés en bourse et qui représentent une infime minorité de personnes. La santé de tous doit passer avant l’argent de quelques-uns. 

    2° Il faudrait mutualiser toutes les ASBL qui représentent plus de 90% des affiliés et les organiser en coopératives en y développant pourquoi pas une véritable politique de masse salariale au lieu de la comprimer , ASBL qui bien souvent pour fonctionner ont du personnel bénévole précarisé et instable et où les gens doivent faire don de leur argent et de leur travail. Ce sont des milliers d’heures non rétribuées, en gros ce sont des sous-traitants de l’État paupérisés et marginalisés.

     
3° Même si la mesure peut paraître radicale sur la forme, sur le fond elle est essentielle et empreinte de justice sociale, les multinationales ne peuvent pas avoir la clé de notre santé : réquisitionner toutes les structures de grandes marques « Low Cost » disséminées à travers le pays et les mettre à la disposition du citoyen comme service public pour soutenir les populations dans les quartiers en y incorporant une véritable masse salariale c’est-à-dire des salariés compétents et au service de tous. 

    Généraliser la question d’utilité publique au sport qui est un outil d’émancipation, d’hygiène et de progrès social, est la seule démarche logique saine et indispensable, le constat est très clair et largement partagé. Ce secteur, en dehors de la compétition, du tri, de la sélection et de la relégation, est un outil essentiel pour renforcer la colonne vertébrale sanitaire, pour sortir de périodes difficiles voir d’émulation générale. Si l’utopie est le début de la transformation, alors soyons utopiques et préparons notre avenir, l’intelligence collective viendra toujours d’en bas !

    Fils d’immigrés espagnols ayant fui le franquisme pour travailler dans les mines de Belgique, Carlos Perez est préparateur physique. Il a notamment animé un centre sportif dans un quartier populaire de Molenbeek. Il y a été confronté à des problèmes récurrents qui l’ont amené à questionner l’impact de notre modèle économique et de notre système scolaire sur la santé des jeunes et des travailleurs. Dans son dernier ouvrage qui vient de paraître chez Aden http://www.aden.be/index.php , Carlos Perez lance les bases d’une nouvelle pratique, l’écomotricité, pour un développement durable de l’être humain.

    #néolibéralisme #capitalisme #capitalisme_du_désastre #Stratégie_du_Choc #Angleterre #Belgique #France #USA #ACS #TISA #PPP #Sport #pandémie #covid-19 #coronavirus #santé_publique #low_cost

    • Près de 2 députés européens sur 3 ne déclarent pas de rencontres avec des lobbyistes
      https://www.rtbf.be/info/monde/detail_rencontres-lobbyistes-et-deputes-europeens-le-lent-chemin-vers-la-transp

      Plus de 35.000 lobbyistes gravitent autour des institutions européennes, à Bruxelles : du représentant de Google à celui des producteurs de patates, des activistes pour les droits humains à l’industrie navale, de Greenpeace à Total, ils tentent de peser sur les décisions politiques de l’Union.

      Un travail discret mais intensif : à Bruxelles, les lobbys ont un budget cumulé de 1,5 milliard d’euros par an.

      Restent-ils dans les clous, pour influencer la fabrication des lois ?

      Un code de conduite encadre les contacts de ces lobbys avec les politiques et les fonctionnaires européens. Des règles qui ont été renforcées l’an dernier dans les institutions européennes, à la Commission et au Parlement. Les institutions sont-elles pour autant devenues transparentes ?

      Un rapport de l’ONG « Transparency International » (un lobby… sur le travail de lobbying) au sujet du Parlement européen montre qu’il reste du chemin à faire.

      63% des députés européens ne déclarent pas leurs rencontres
      Depuis un an, les députés européens sont invités à inscrire dans un registre informatique les réunions qu’ils tiennent avec des lobbyistes.

      C’est obligatoire pour les parlementaires qui sont en première ligne sur un dossier : ceux qui sont Président ou Rapporteur d’une Commission parlementaire (des rôles clefs dans la fabrication d’une loi européenne), ou ceux qui mènent le travail législatif sur un dossier pour un groupe politique.

      Les autres eurodéputés ne sont pas obligés de publier leurs réunions avec les lobbys, mais ils sont invités à le faire.

      Selon le comptage de « Transparency International », en un an, 259 députés européens ont fait le pas, sur les 704 : c’est 37% de l’hémicycle.

      63% des députés européens n’ont donc publié aucune de leurs rencontres.

      De grands écarts entre Etats…
      « Transparency International » constate de grands écarts selon les Etats de ces députés européens.

      Aux extrêmes, 90% des députés de Suède ont pris le pli de communiquer leurs contacts avec des groupes d’intérêts. Tandis qu’aucun député croate ou chypriote n’a déclaré de rencontre, en un an.

      « Les pays du nord, la Suède, le Danemark, la Finlande sont assez transparents » commente Raphaël Kergueno, pour Transparency International, « mais d’un autre côté, il y a des pays à la traîne ». Et il épingle l’Italie, l’Etat qui envoie le plus d’Eurodéputés au Parlement européen après l’Allemagne et la France : 76 élus. « En Italie, moins de 7% des députés européens publient des rencontres avec des lobbyistes. »

      La Belgique, pour sa part, affiche un bilan mitigé. Ni cancre, ni exemplaire.

      52% des eurodéputés belges publient leurs rencontres : Pascal Arimont (Christlich Soziale Partei), Marc Botenga (PTB), Geert Bourgeois (N-VA), Saskia Bricmont (Ecolo), Petra de Sutter (Groen), Cindy Franssen (CD&V), Philippe Lamberts (Ecolo), Kris Peeters (CD&V), Frédérique Ries (MR), Johan Van Overtveldt (N-VA) et Marc Tarabella (PS).

      Et les autres ? Ceux que nous avons pu joindre se disent tous « favorables » à l’exercice, tout en n’ayant pas encore publié de réunion. Certains rappellent, au détour de justifications souvent administratives, que ce n’est pas obligatoire.

      Marie Arena (PS) a rejoint le mouvement dans la foulée de ce rapport. Elle évoque « un enregistrement en interne mais pas sur le site du Parlement, à cause de contraintes logistiques. Un souci à présent corrigé ».

      Olivier Chastel (MR) explique qu’il a fait le choix de ne pas recevoir de représentants des lobbys : « Etant actif dans les commissions budget et de contrôle budgétaire, mes rencontres se font principalement avec les différentes instances de l’Union comme la Commission européenne ou la Cour des comptes, et ces rencontres ne doivent pas être indiquées », explique-t-il.

      Benoît Lutgen (cdH) dit compter aujourd’hui très peu de réunions « avec des lobbys en tant que tels », rien qui ne justifierait d’être publiés. Il assure qu’il en fera état lorsque ce sera le cas.

      Son de cloche semblable chez Assita Kanko (N-VA). Elle invoque le lent démarrage de la législature et le confinement, des débuts de mandat qui ne l’ont pas exposée aux rencontres avec des lobbyistes. Mais si de telles rencontres se présentaient à présent, « je déclarerai bien entendu tout entretien comme prévu » assure-t-elle.

      La Belgique, bientôt plus exemplaire que la Suède ?

      … et entre groupes politiques
      Des différences importantes sont perceptibles aussi entre groupes politiques du Parlement européen.

      Deux familles politiques comptent une majorité de députés actifs sur le registre de transparence, le groupe des verts (Green-EFA avec 91% des députés qui ont publié au moins une réunion) et le groupe des libéraux-centristes Renew Europe (57%).

      Dans tous les autres groupes, une minorité d’élus ont fait la démarche.

      Pourquoi ces réticences ?
      Elles peuvent être liées à plusieurs facteurs : une hésitation à investir du temps dans une démarche administrative qui n’est, la plupart du temps, pas légalement obligatoire. Une culture de la transparence encore faible dans certains Etats.

      Des eurodéputés estiment que c’est une atteinte à leur liberté d’élu, à leur droit de consulter qui ils veulent sans devoir en faire état. Ils peuvent également trouver difficile d’assumer publiquement certaines rencontres avec certains lobbys.

      Mettre cartes sur table
      Daniel Freund est un ancien de transparency International, à présent passé de l’autre côté : il est devenu parlementaire européen. Son cheval de bataille reste la transparence du travail politique européen. Il plaide pour une publication la plus large possible des rencontres avec les lobbys.

      Des rencontres qui, souligne-t-il, sont nécessaires pour un élu.

      « Rencontrer des lobbys, ça fait naturellement partie de la démocratie. Quand je prends une décision sur une certaine loi, comme député européen, il faut que j’aie parlé aux personnes concernées. Aux citoyens, aux entreprises concernées, aux organismes de protections des consommateurs, etc. Et si je fais bien mon travail, j’entends tous les arguments et puis je prends une décision en étant bien informé. »

      Mais ce processus doit être transparent, insiste-t-il, pour percevoir qui pèse sur les décisions de qui. « Je trouve qu’en dehors des périodes électorales, les citoyens ont le droit de savoir comment je vote et avec qui je parle. Et cela m’aide aussi à travailler » dit Daniel Freund. Parce que lister ses entrevues permet d’avoir à l’esprit qui on voit et qui on a tendance à ne pas écouter.

      Un chantier entamé, pas terminé
      Ceux qui regardent le verre à moitié plein souligneront que 37% des eurodéputés, c’est un bon début, d’autant que l’on partait de rien et que cette publication des contacts avec les lobbys n’est pas obligatoire pour la plupart des députés européens.

      Ceux qui regardent le verre à moitié vide relèveront que 63% des eurodéputés ne se livrent pas à un exercice pourtant peu contraignant puisqu’il ne s’agit que de mentionner le lobby, le sujet de discussion et le moment.

      Et ils épingleront d’autres améliorations à apporter.

      Au Parlement européen, « Transparency International » déplore un manque de contrôle des déclarations de députés qui sont contraints à l’exercice. Et une légèreté des sanctions pour ceux – lobbys ou élus — qui franchiraient la ligne rouge : acceptation de cadeaux, rencontres non-déclarées alors qu’elles auraient dû l’être, lobby qui aborderait des élus sans clarté sur son identité, etc. Aujourd’hui un lobby au comportement douteux risque, dans les faits, un retrait temporaire de son badge d’accès aux institutions, rien de plus.

      L’ONG demande que progresse le projet d’une autorité indépendante pour faire respecter les règles sur les rapports lobbys/UE. Une autorité dont l’action serait étendue aux trois institutions : le Parlement mais aussi la Commission européenne et le Conseil.

      #ue #union_européenne #Bruxelles #Députés #Députés_européens #Transparency_International #eurodéputés #Suéde #Croatie #Chypre #Suède, #Danemark, #Finlande #Italie #Allemagne #commission_européenne #conseil_européen #transparence #lobbying #lobby #influence #lobbies #corruption #politique #multinationales

  • #Climat, etc… 24 Oct 2019 - Michèle Janss - Investigaction
    https://www.investigaction.net/fr/climat-etc

    La pollution et l’exploitation abusive des matières premières sont le résultat de l’activité des grandes entreprises. Celles qui exploitent le gaz, le pétrole et le charbon, bien sûr, mais aussi celles qui mettent l’eau en bouteille, fabriquent des armes, des voitures et des avions, celles qui produisent de l’informatique, des vêtements, de la nourriture industrielle, celles qui profitent de moyens de transport extrêmement bon marché afin de délocaliser leur production…

    

 Les causes

    En gros, c’est surtout notre manière de produire des richesses qui est à l’origine de la prédation de la planète. Une production sans réflexion sur son impact, sans planification, une course en avant vers plus de profit et plus d’emplois comme seul moyen de fonctionner. Notre façon de produire a même inventé le droit de polluer ou de sur-consommer contre paiement. Si on en a les moyens, on peut détruire. Et pourvu qu’il reste suffisamment de pauvres, sinon on étoufferait.
     
    Tant que cela ne sera pas étudié et dénoncé, on restera dans les petites mesures au coup par coup qui ne mèneront pas à grand chose, du genre COP-je-ne sais-quel-numéro. Au mieux, on sauvera des miettes de nature. En espérant que le génie des scientifiques fasse le reste. Mais les scientifiques et les politiques ne pourront rien empêcher si on continue dans un système de compétition effrénée qui creuse les inégalités, qui empêche systématiquement toute redistribution des richesses et qui ne peut pas grand chose contre les activités nuisibles.
     
    Le spectacle
    Dans un tel contexte, les grandes entreprises qui voient monter le mécontentement de la rue, ces mêmes grandes fortunes qui possèdent aussi les médias, doivent certainement être en train de réfléchir. Des équipes spécialisées pour cela sont à l’oeuvre, des think tank. Ces boites à penser, adossées à la presse dominante, sont redoutables. Elles sont capables de vendre une guerre à ceux qui savent qu’ils risquent d’y laisser leur peau.
     
    Elles sont en train de réfléchir et de faire feu de tout bois. C’est ainsi qu’on débat actuellement de Greta Thunberg plutôt que de l’état de la planète. Je ne sais pas si cette jeune fille est manipulée, mal informée, intelligente, sincère, si sa jeunesse est un handicap ou au contraire un atout… peu importe. Surtout, elle tombe à pic. Aussi bien pour les spécialistes du « greenwashing » que pour les climatosceptiques d’extrême droite. Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt. Et les médias dominants ont trouvé Greta. De quoi organiser le spectacle à moindre frais et occuper les esprits inquiets. Greta, c’est le doigt et tout le monde regarde le doigt.
     
    Organiser la résistance
    A présent, des activistes, prônant la désobéissance civile mais garantissant zéro violence et zéro dégradation, prennent le relai. Heureusement parce que tôt ou tard, on oubliera Greta. Extinction Rébellion assurera la suite. Les activistes se contentent pour le moment de bloquer la circulation, d’occuper un centre commercial… Leur sincérité ne fait aucun doute et leurs actions ont le mérite de mobiliser les consciences. Mais Extinction-Rébellion ne prend pas de position radicale contre l’organisation de notre production. Il faut changer le système, oui, mais l’analyse est plus que confuse. Invité par Amnesty International, Roger Hallam, co-fondateur d’Extinction-Rébellion prononce un curieux discours[1] où il évoque sa mère (qui était pasteure méthodiste) et prédit la famine et la mort pour la génération prochaine [2]. Pour les formateurs du mouvement, il s’agit aussi de contourner les forces d’extrême gauche pour atteindre et mobiliser les citoyens apolitiques[3]. Si on entend bien une dénonciation du « système », tout cela reste très vague. Le catastrophisme est partout, la fin du monde est proche mais l’analyse des causes reste légère. La non-violence est mise au service du mouvement Extinction-Rébellion qui doit durer pour prodiguer la bonne parole. On se trouve face à un discours presque religieux et millénariste, accompagné d’une liste d’exemples de problèmes environnementaux. Mais sans action politique visant directement les industries à l’origine de ces dégradations. Extinction Rébellion en appelle aux gouvernements, aux scientifiques, à l’arrêt de la destruction, à la réduction immédiate de la consommation, à former des assemblées citoyennes…
     
    Les entendra-t-on appeler au boycott des 100 entreprises les plus polluantes de la planète ? A la redistribution des 100 plus grandes fortunes ? A la disparition de l’actionnariat et de la course au profit qu’il génère ? Lorsqu’on sait que les 26 plus grandes fortunes[4] possèdent autant que la moitié des plus pauvres de la planète, il pourrait être tentant de ne s’en prendre qu’à… 26 fortunés !
     
    Diabolisation
    Il est intéressant de noter que les médias s’empressent de diaboliser toutes les tentatives de boycotts. La sortie du capitalisme n’est pas encore à l’ordre du jour, même si de plus en plus d’experts[5] se prononcent pour cette solution qui semble incontournable. Le communisme est également visé par la diabolisation. On ne sait jamais, si certains proposaient aux peuples de reprendre en main les usines, de mettre fin à l’actionnariat et de nationaliser la production d’énergie…
     
    Les grandes entreprises et surtout leurs actionnaires ont tout intérêt à ce qu’on reste dans l’appel aux politiques plutôt que dans l’analyse des causes. Et surtout dans la non-violence. Les gilets jaunes ont dû réellement faire très peur aux puissants et la casse coûte cher. Y compris quand il est question de la répression et de l’image qu’elle renvoie de nos gouvernements. Alors maintenant qu’il s’agit du climat, il faudra canaliser les rebellions. Tout changer pour que rien ne change, polluer moins pour pouvoir polluer plus longtemps.
     
    Reprendre le contrôle
    C’est d’une autre organisation des moyens de production dont nous avons besoin. Où, démocratiquement, nous pourrions contrôler directement ce qui se fait et comment organiser la vie sur notre planète pour le bien de tous. Il faudra arrêter la course au profit et redistribuer les richesses, mais aussi mieux partager les savoirs et les expertises, éduquer aux changements, bousculer les habitudes…
     
    Comment pourrons-nous arriver à un tel résultat ?

    C’est à cela que nous devrons travailler.
     

     
    Notes :
    [1] https://www.youtube.com/watch?v=llNFIuIMPhw


    [2] https://www.youtube.com/watch?v=BrcBYWC4B9M
     
    [3] http://www.entelekheia.fr/2019/10/11/extinction-rebellion-dispense-une-formation-concue-pour-contourner-les-o
    [4] Rapport Oxfam
    [5] Naomi Klein, Thomas Piketti (pour un socialisme participatif), Hervé Kempf, Olivier Bonfond, Géraldine Thiry…

    #extinction_rebellion #Greta_Thunberg #résistance #climat #xr #catastrophe #gilets_jaunes #changement_climatique #politique #écologie #désobéissance #COP #greenwashing #climatosceptiques #boycott
    #gaz #pétrole #charbon #eau en bouteille #armes #voitures #avions #informatique #vêtements #nourriture industrielle #transports

  • Pollution radioactive au tritium de l’eau du robinet en France | Investig’Action
    https://www.investigaction.net/fr/pollution-radioactive-au-tritium-de-leau-du-robinet-en-france

    A Paris et en Ile de France, l’eau du robinet est radioactive. Presque deux millions de personnes alimentées par l’usine d’eau potable de Choisy-le-Roi consomment une eau polluée par un élément radioactif le tritium. L’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (Acro) a révélé cette contamination dans sa publication du 17 juillet 2019.

  • Eva_Joly balance tout sur la Françafrique La Rédaction - 23 Juillet 2019 - Investigaction
    https://www.investigaction.net/fr/eva-joly-balance-tout-sur-la-francafrique

    Nous ne résistons pas à l’envie de publier pour nos lecteurs ces extraits du dernier livre de la députée française Eva Joly, détaillant les « crimes » de la France en Afrique en général et au Cameroun en particulier ; elle parle notamment du massacre des #Bamilékés par son pays.
     
    Je n’avais rien compris à ce que l’écrivain #Slimane_Zeghidour appelle « le secret de famille de la République ». Lorsque j’ai pris en charge l’instruction de l’affaire #Elf, j’avais en face de moi les puissants du pétrole français, je n’aimais pas leur arrogance, la façon qu’ils avaient de se servir dans les caisses, mais lorsqu’ils invoquaient les intérêts supérieurs du pays, j’étais prête à les croire.

    Je sortais de plusieurs années en détachement au Ministère des Finances, entourée de hauts fonctionnaires intègres, d’une compétence absolue.

    J’avais confiance dans les institutions de mon pays d’adoption. Je n’imaginais pas que la finalité des dirigeants des sociétés nationales du #pétrole fut autre chose que le bien commun. Je traquais les dérives et non le système lui-même.

    Pourtant au fil de mon enquête, j’ai découvert un monde souterrain. Magistrate, limitée par le cadre de ma saisine et des compétences nationales, je devais m’arrêter sur le seuil de certaines portes, qui menaient vers l’étranger.

    Je découvrais des chemins qu’il aurait été passionnant de remonter, des connexions qui m’ahurissaient. Avec des chiffres, des comptes, nous avions sous nos yeux le déchiffrage d’un vaste réseau de #corruption institutionnalisé, dont les fils étaient reliés en direct à l’#Elysée.

    Ce n’était pas mon rôle d’en tirer les conclusions politiques, mais j’en ai gardé l’empreinte. Nous avions dessiné alors un vaste schéma, que j’ai toujours avec moi. Il fait huit mètres une fois déplié.

    Il serpente depuis le bureau d’un directeur des hydrocarbures d’Elf, jusqu’à des comptes obscurs alimentés par le Gabon, aux mains d’#Omar_Bongo : quarante ans de pouvoir et une difficulté récurrente à distinguer sa tirelire et sa famille d’une part, le budget de l’Etat et le Gouvernement d’autre part.

    J’emporte souvent ce schéma avec moi, au fil des rendez-vous. Je l’étale sur les tables, un peu comme un capitaine au combat sort ses vieilles cartes.

    Les positions ont sans doute varié, les techniques de camouflage se sont sophistiquées, mais le système est là : les tyrans sont des amis que la France a placés au pouvoir et dont elle protège la fortune et l’influence par de vastes réseaux de corruption ; en échange ils veillent sur les intérêts et les ressources des entreprises françaises venues creuser le sol. Tout ce beau monde a intérêt à ce que rien, jamais, ne stimule ni les institutions ni l’économie des pays.

    La France aide à appauvrir le Gabon.
    Et si je m’arrête un instant au Gabon, qu’est-ce que j’y vois ? Un pays riche qui exporte plus de treize milliards de dollars de pétrole brut par an et affiche un PIB par habitant largement au-dessus de la moyenne africaine (6 397 $) ? Ou un pays pauvre où l’espérance de vie est estimée à 55 ans pour les femmes et 53 pour les hommes, ce qui leur laisse un an de moins que les Malgaches nés sur un sol sans pétrole ? Le taux de mortalité infantile est au Gabon particulièrement élevé, le taux de vaccination contre la rougeole est de 40% contre une moyenne de 79% dans les pays en développement.

    Voilà où en est le Gabon, chasse gardée de la France, fournisseur des trésors du pétrole et de l’uranium, fief de #Total-Elf, la première capitalisation boursière française.

    Si les habitants de Libreville n’ont pas bénéficié de la richesse de leur pays, c’est parce que la France s’est accaparée ses ressources minières, avec la complicité d’un Président, enrôlé dès son service militaire par l’armée française et ses services secrets, placé à la tête du pays à 32 ans par Paris, il était alors le plus jeune Chef d’Etat du monde. La France contrôle son armée, ses élections et protège sa fortune.

    En retour, Omar Bongo fait table ouverte plusieurs fois par an, Avenue Foch ou l’Hôtel Crillon, où il reçoit les hommes politiques, des publicitaires et les journalistes français qui comptent. Chacun se presse à ces audiences.

    Dans les années 1990, un homme politique français de premier plan, alors en fonction, bénéficiait en parallèle d’un contrat de « consultant » signé par Omar Bongo et largement rémunéré. De #Roland_Dumas, le Président gabonais dit qu’il est un « ami intime ». Prévoyant, il apprécie aussi #Nicolas_Sarkozy, venu « prendre conseil » en tant que candidat à l’élection présidentielle.

    Lorsqu’au cours de l’instruction, nous avons perquisitionné au siège de la #FIBA, la banque franco-gabonaise, nous avons consulté le listing des clients qui paraissait tenu à la plume sergent-major. C’était une sorte de Who’s Who de la France en Afrique, qui en disait long sur l’envers de la République et des médias.

    La France fait semblant d’aider des pays qui sont riches en matières premières.

    A ceux qui croient encore à l’aide désintéressée de la France en Afrique, il suffit de consulter les chiffres du #PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement). La corrélation est régulière entre le montant de l’aide française et la richesse en matières premières.

    En clair, celui qui n’a rien dans son sous-sol ne doit pas attendre grand-chose de Paris. Il n’est pas étonnant de retrouver le Gabon comme l’un des premiers bénéficiaires de l’aide publique française au développement. Le résultat est affligeant en termes de système de santé et d’éducation. L’argent s’est perdu en route. Il est justement fait pour cela.

    Il ne s’agit pas d’une dérive mais d’une organisation cohérente et raisonnée. Dans chaque audition durant notre instruction, nous entendions parler de pressions physiques, d’espionnage permanent et de #barbouzes.

    Les perquisitions dans la tour Elf à la Défense livraient une moisson de documents révélant la confusion des genres, nous les transmettions au Parquet de Nanterre, qui se gardait bien d’ouvrir des enquêtes.

    Car #Elf hier, Total aujourd’hui, est un Etat dans l’Etat, conçu par #Pierre_Guillaumat, un ancien Ministre de la Défense, patron des services secrets et responsable du programme nucléaire français afin de servir les intérêts géopolitiques de Paris.

    La Norvège a utilisé son pétrole pour construire et assurer le paiement des retraites futures. La France se sert d’Elf Total pour affirmer sa puissance.

    La compagnie intervient dans le Golfe de #Guinée, au #Nigeria, au #Congo-Brazzaville, en #Angola… Tous ces pays ont connu la guerre civile et la dictature, derrière laquelle la main française s’est fait sentir. Le chaos, lorsqu’il se produit, ne trouble pas le système. Il n’est qu’à voir l’Angola en guerre pendant des dizaines d’années, mais dont aucune goutte de pétrole, jamais, n’a raté sa destination.

    Pendant la guerre, les affaires continuaient…les banques françaises, #Bnp-Paribas en tête, ont même profité de l’occasion pour élaborer des montages financiers destinés aux pays en guerre, à des taux affolants, tout en sachant qu’elles ne prenaient pas le moindre risque. L’argent, là aussi, n’a pas été perdu pour tout le monde. C’est un miroir dans lequel il ne faut pas trop souvent regarder les élites françaises.

    Depuis que j’ai ouvert le dossier Elf dans mon bureau de la galerie financière, j’ai voyagé physiquement et intellectuellement bien loin de la Seine et de ses quais gris et bleus…j’ai appris en marchant. A l’arrivée, le tableau est effrayant.

    L’Afrique a refait de moi une Norvégienne, fière de l’être. Mon pays est riche, mais, il se souvient avoir été pauvre, un peuple d’émigrants regardant vers le nouveau monde américain.

    Son esprit de conquête, ses allures vikings sont des traces d’un passé très lointain, vinrent ensuite les tutelles danoise puis suédoise, dont il fallut se libérer, Il envoya vers l’Afrique des missionnaires protestants, personnages austères au visage buriné, taillé par la parole chrétienne et l’œuvre humanitaire, plutôt que des nouveaux colons, comme on les croise encore dans les quartiers d’expatriés blancs.

    Pendant que la France fondait Elf, la Norvège mettait en place l’exploitation des ressources de la mer du Nord, accumulant un fonds de réserve, aussitôt placé pour les générations futures et soigneusement contrôlé. Ce petit pays des terres gelées est devenu la première nation donatrice en dollars par habitant.

    Bien sûr, les pétroliers norvégiens ne sont pas des enfants de chœur. De récentes enquêtes ont montré que certains d’entre eux ont versé des commissions et que la tentation d’abuser de leur pouvoir est permanente. Mais la Norvège n’a pas à rougir de ce qu’elle a fait de son pétrole. Ce que j’ai vu, les rapports internationaux qui l’attestent, est une œuvre d’espoir.

    La République française, à la même époque, a mis en place en Afrique un système loin de ses valeurs et de l’image qu’elle aime renvoyer au monde. Comment des institutions solides et démocratiques, des esprits brillants et éclairés, ont-ils pu tisser des réseaux violant systématiquement la loi, la justice et la démocratie ? Pourquoi des journalistes réputés, de tout bord, ont-ils toléré ce qu’ils ont vu ? Pourquoi des partis politiques et des ONG, par ailleurs prompts a s’enflammer, n’ont-ils rien voulu voir ?

    L’Occident a fermé les yeux sur les #crimes de la France.
    Je ne condamne pas. J’ai partagé cet aveuglement. J’étais comme eux, avant de glisser l’œil dans le trou de la serrure et de prendre la mesure de ce secret de famille : la France reste un #empire et ne se remet pas de sa puissance perdue. L’indépendance politique a été largement une mascarade en Afrique de l’Ouest.

    L’Occident a fermé les yeux, car la France se prévalait d’être le « gendarme » qui défendait la moitié du continent contre le communisme. Les Français ont laissé faire, car astucieusement, De Gaulle et ses successeurs ont présenté leur action comme un rempart contre l’hydre américaine. Elf était l’une des pièces maîtresses de cette partie géopolitique.

    Le double jeu a été facilité par la certitude, ancrée dans les mentalités, que « là-bas, c’est différent ». Là-bas, c’est normal la corruption, le #népotisme, la #guerre, la #violence. Là-bas, c’est normal la présence de l’armée française, les proconsuls à l’ambassade ou à l’état-major, les camps militaires. Là-bas, c’est normal l’instruction des gardes présidentielles. Là-bas, c’est normal la captation des richesses naturelles.

    D’ailleurs, « tout le monde fait pareil ». Jeune ou vieux, de gauche ou de droite, nul Français ne songe à s’offusquer de voir nos soldats mener, presque chaque année, une opération militaire en Afrique, au #Tchad, en Côte_d_Ivoire, au #Rwanda, quand tous se gaussent de cette Amérique venue faire la police en Irak, en maquillant d’un fard démocratique les intérêts géopolitiques et pétroliers de Washington. Il y a pourtant bien des symétries.

    J’ai vu récemment un documentaire sur la guerre du #Biafra, quatre ou cinq demi-heures de témoignage brut des principaux acteurs, sans commentaires. Je suis restée sans voix. A ceux qui sont nés après 1970, le Biafra ne dit rien. Dans cette région du #Nigeria, riche en pétrole, une ethnie, chrétienne et animiste armée par la France, réclama l’indépendance. S’ensuivit une guerre meurtrière de trois ans, révolte financée depuis l’Elysée via des sociétés #suisses.

    La télévision française aimait alors montrer les enfants affamés que les militaires français ramenaient par avion pour les soigner, jamais elle ne laissait voir la cargaison de l’aller, remplie d’armes. A l’image maintenant, les anciens collaborateurs de #Jacques_Foccart, repus dans leurs fauteuils Louis XV, détaillent sans émotion ces montages illégaux. Les officiers, lieutenants d’alors, généraux d’aujourd’hui, racontent ce bon tour le sourire aux lèvres. Fin du documentaire. Pas un mot, pas une ligne dans les livres d’histoire.

    La France au cœur de la guerre du Biafra et du massacre des #Bamilékés au Cameroun
    Des drames comme celui-ci, l’Afrique en contient des dizaines, soigneusement passés sous silence. Les massacres des Bamiléké au Cameroun par la France du Général De Gaulle, le génocide des #Tutsi commis par un régime soutenu par #François_Mitterrand, les assassinats d’opposants, les manipulations d’élections.. Le passif de la France sur le continent africain n’a rien à envier à l’#impérialisme américain en Amérique latine ou au Moyen-Orient.

    Il est à la mode parmi les intellectuels français de se plaindre du mouvement de repentance qui s’est répandu depuis quelques années. Les bienfaits de la colonisation, à inscrire dans les manuels scolaires, ont même fait l’objet d’une proposition de loi, largement soutenue par les députés.
    Bien sûr, l’histoire de la France en Afrique ou en Asie du sud-est a compté aussi des aventuriers sincères, exportateurs, instituteurs ou pionniers, qui ont fait corps avec les pays qu’ils ont découverts. A Madagascar, les #Vazas, ces pieds noirs malgaches, ne cessent de louer devant moi l’état des routes et des infrastructures françaises au moment de l’indépendance.

    Mais les peuples sont comme les familles. On ne peut pas faire le tri de la mémoire. Il est des secrets soigneusement cachés dont l’onde portée va bien au-delà d’une ou de deux générations. Les enfants héritent de tout : du malheur comme du bonheur, de la richesse comme des dettes.

    La République française paie aujourd’hui la facture de son passé. Il suffit de dérouler la liste des appellations officielles des Maghrébins nés dans un département français avant 1962 ou sur le sol hexagonal depuis les années 1970. Par la loi, ils furent et sont des Français comme les autres.

    Les gouvernements successifs n’ont pourtant cessé d’inventer des périphrases : « indigène musulman », « sujet africain non naturalisé », « JFOM » (Jeune français originaire du Maghreb), « jeune issu de l’immigration », « fils de harkis », « jeune des quartiers », « Arabo-musulman », « Français d’origine arabe », « Français musulman »…

    La France vit encore comme si en Afrique, elle était chez elle, et comme si, ses enfants d’ascendance africaine n’étaient pas Français. Le développement de la Françafrique, notre tolérance vis-à-vis des réseaux, tout ramène à ce secret colonial, cet empire qui hante les esprits comme un fantôme. Oui, Total, la première entreprise française, est riche et prospère.

    Mais la manière dont la firme s’est bâtie fait partie de l’héritage. Qui osera un jour rendre au Nigeria, au Cameroun, au Gabon, au Congo-Brazzaville ce que la France leur doit ? Qui contestera les contrats conclus par #Areva pour l’#uranium du #Niger ou ceux des mines d’or de #Sadiola au #Mali, deux pays parmi les plus pauvres du globe, qui ne touchent qu’une part dérisoire des richesses prélevées dans leur sol ? La République a contracté une dette qu’il lui faudra bien honorer.

    Notre prospérité est nourrie de #richesses que nous détournons. A certains de ces sans-papiers qui risquent leur vie pour gagner l’Europe, il pourrait-être versé une rente au lieu d’un avis d’expulsion. Je rêve pour ce pays que j’aime, d’un réveil collectif.

    Une France digne de son idéal et de son héritage de 1789 est incompatible avec la Françafrique : ce qu’une génération a fait, une autre peut le défaire. C’est possible.
     
    Extrait de : La force qui nous manque. Eva Joly. Editions des Arènes (Paris) 190 pages. https://www.jmtvplus.com/eva-joly-balance-toutmeme-sur-le-cameroun-40110

    #françafrique #afrique #france  #colonialisme #tchad #armée_française #centrafrique  #francafrique #armée #guerre #Livre #Eva_Joly #Femme

  • Propos sur un colloque censuré : le révélateur d’une fascisation rampante 15 Juil 2019 - Saïd Bouamama - Le blog de S. Bouamama

    Devant participer à la présentation les 3 et 4 juillet dernier des résultats d’une recherche sur les « Mécaniques de extrémisme violent » au cours d’un colloque international à visée comparative, je me suis vu interdire de participation et de parole par l’institution porteuse suite aux pressions du ministère de l’intérieur. Cette recherche pluridisciplinaire à laquelle je contribue depuis son début s’est étendue sur 4 ans et était adossée à un dispositif d’accompagnement pour des jeunes considérés comme « radicalisés ». L’accompagnement et la recherche ont touchés 105 jeunes français et les conclusions de l’investigation devaient être mises en comparaison avec des expériences de Belgique, du Canadienne, du Brésil, des Etats-Unis et du Tchad. La censure qui m’a touché fait suite à une « lettre ouverte à Castaner » du Rassemblement National relayée immédiatement par le Figaro, Valeurs actuelles, Français de Souche, etc., présentant les « intitulés des tables-rondes » comme faisant « transparaître une idéologie laxiste et l’éternelle culture de l’excuse chère à l’extrême-gauche » d’une part et moi-même comme « islamo-gauchiste » d’autre part.
     

     
    Cette interdiction n’est pas la première. Au cours de ces dernières années plusieurs débats et un colloque ont été reportés et/ou annulés en raison de campagnes de diffamation menées par l’extrême-droite ou par le Printemps Républicain. Cette fois-ci la capitulation immédiate à une injonction de l’extrême-droite porte sur une recherche (dont on peut certes ne pas partager la méthode ou les conclusions et en débattre) ce qui est lourd de signification. Avec les violences et arrestations subies par les Gilets Jaunes (qui sont déjà depuis de nombreuses décennies une réalité meurtrière dans les quartiers populaires), les pressions sur certains journalistes, les restrictions au droit de manifester, etc., cette censure est un révélateur d’une logique de fascisation qu’il est urgent de contrecarrer.
    Je publie ci-dessous la première intervention que je devais présenter au colloque restituant quelques axes méthodologique de l’équipe de recherche. Chacun pourra ainsi se rendre compte par soi-même de son pseudo « islamo-gauchisme » et de sa « complaisance avec le djihadisme ». Les participants aux colloques ne s’y sont pas trompés en applaudissant chaleureusement mon intervention lue en mon absence. Je remercie vivement les 130 personnalités qui m’ont apportés leur soutien dans une tribune à Médiapart intitulée « En soutien à Saïd Bouamama » (https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/090719/en-soutien-said-bouamama). Transformée en pétition celle-ci peut être signée à l’adresse suivante : http://chng.it/mCcHVFyY
    Nous reviendrons dans notre prochain article à la fois sur les résultats de la recherche et sur notre analyse de cette censure dangereuse.
     
    Voici cette intervention :
     
    Un « bricolage méthodologique » au service d’un objet complexe  
    Tenter, comme nous avons tenté de le faire, de saisir le processus du « devenir extrémiste violent » ou la « mécanique de l’extrémisme violent » est une épreuve redoutable dont on ne sort pas entièrement indemne en dépit des protections et garde-fous absolument nécessaire mais toujours insuffisant que nous pouvons et que nous avons posés. L’épreuve en question n’est, en effet, rien de moins que la confrontation à l’innommable et à l’impensable : des enfants envisageant de tuer et de se tuer. Une partie de nos enfants en arrive donc à réduire leur champ des possibles qu’à une seule unique perspective mortifère. Face à une telle épreuve nous avons formalisée de manière transdisciplinaire quelques éléments de postures méthodologiques dès l’enclenchement de notre expérience. Celles-ci avaient pour vocation et objectifs de nous écarter des tentations par soucis de protection à savoir : la tentation de recycler sur notre objet des savoirs acquis pour d’autres objets ; la tentation de la mise en typologie inadéquate à des trajectoires aussi diverses et aussi complexes ; la tentation de la recherche de la causalité unique ou déterminante ; la tentation du choix d’un système de conceptualisation définitif. Sans être exhaustif nous pouvons formaliser ces postures méthodologiques comme suit :
     
    1. Notre première posture est celle de l’humilité. Nous sommes devant un objet et un chantier entièrement inédit sur lequel le champ des savoirs existant nous dit peu de chose quelle que soit la science sociale ou humaine mobilisée. La prétention au savoir préexistant sur un tel objet est heuristiquement inefficace, elle produit de la cécité et de la surdité aux bruits et aux vacarmes de notre réel contemporain inédit et elle rend indisponible à l’écoute d’une souffrance qui n’a plus de mots pour se dire. Le pari était dans l’Inversion de la RA en AR.
    2. Notre seconde posture fut celle du refus de l’essentialisation. Nous ne sommes pas en présence d’un groupe humain homogène, ahistorique, sans mouvement et sans interactions avec les autres groupes sociaux. Nous sommes bien en présence de sujets divers ayant été et s’étant bricolés à partir d’une histoire, d’un héritage, d’épreuves, de rencontres et de non rencontres, etc. Bref ces enfants, nos enfants, sont une production « made in France » constituant un analyseur de notre société et de ses failles, de notre protection de l’enfance et de ses limites, de notre système éducatif et de ses manques, etc.
    3. Notre troisième posture fut celle du choix du déséquilibre. Notre objet et sa complexité nous confronte aux limites de chacune de nos disciplines. La réalité sociale qui affleure avec de tels objets ne se laisse pas découper dans les frontières de chaque discipline. Il fallait donc que chacun d’entre nous accepte de sortir de sa zone de confort pour entrer, non pas dans un mélange désordonné des disciplines mais dans l’acceptation d’une alternance permanente entre les disciplines. Le pari était de rester sociologue ou psychologue par moment tout en soumettant les résultats et questionnements acquis aux autres approches disciplinaires. Il est vrai que nous avions un point d’appuis préalable pour ce faire. Tous les membres de l’équipe pluridisciplinaire ont croisé Frantz Fanon dans le processus de formation intellectuel, dans la fabrique de leur subjectivité, dans le choix de leurs sujets d’étude. Or ce dernier est sans doute, un des penseurs qui a le plus maintenu l’interrogation permanente pluridisciplinaire tout en étant centré en permanence sur son approche scientifique.

    Sur la base de ces postures que vous trouverez détaillés dans le rapport intermédiaire et le rapport final de l’étude nous nous sommes donné quelques repères méthodologiques provisoires. Ces repères étaient en effet, tout comme nos concepts d’ailleurs, comme pouvant évoluer à l’épreuve de l’avancée de notre travail d’investigation. Ces repères étaient conçus comme des hypothèses en mutation ouvertes sur la remise en cause en fonction de l’écoute du réel et de sa complexité.
    Le premier repère méthodologique était le refus d’une centration sur l’offre de « djihadisme » pour nous intéresser à la demande de « djihadisme ». Nous ne sommes pas en présence de sujet ayant simplement été contaminé par « un virus extérieur » qu’il s’agirait d’éradiquer pour régler le problème. L’offre quand elle a existée a rencontré une demande préexistante que nous voulions tenter de comprendre dans toutes ses dimensions. Cette offre a même fréquemment été recherchée et parfois longuement avant d’avoir été trouvée. La centration unilatérale sur l’offre, encore souvent trop fréquente en sciences sociales empêche d’aborder notre objet en termes de « processus de devenir extrémiste violent ». Pour paraphraser Simone de Beauvoir nous pourrions dire que l’on ne nait pas « extrémiste violent, on le devient ». Formulé ainsi, cela peut sembler une banalité mais c’est alors une banalité trop souvent oubliée.

    Notre second repère a constitué en la distinction permanente des notions de causalité et de déclencheur tant dans l’analyse de chacune des trajectoires que dans la l’analyse transversale constituant notre recherche. Les évènements ou rencontres déclencheurs actualisent et accélèrent des processus préexistant, donnent chair à des tendances déjà-là, coagulent des mouvements profonds déjà présent antérieurement.

    Notre troisième repère méthodologique a été la vieille et classique distinction hégélienne trop souvent oubliée entre apparence et essence, forme et fond. Cela nous a conduits à une posture de méfiance à l’égard des approches privilégiant le facteur religieux. Nous n’avons rencontrés que très peu le religieux en général et l’Islam en particulier et nous avons rencontrés fréquemment un mode spécifique du religieux en général et de l’islam en particulier ayant comme fonction de soigner, de combler, de raccrocher, de soutenir. C’est la raison pour laquelle nous avons adoptée dès le début une démarche comparative avec d’autres extrémismes violents et nos séjours de confrontations au Brésil, au Canada et aux USA sont venus confirmer nos convictions.

    Notre quatrième posture méthodologique se résume dans la figure de l’iceberg. Les jeunes avec lesquels nous avons vécu cette expérience constituée, selon nous, le haut d’un iceberg porté par une base beaucoup plus large constituée par une partie non négligeable de notre jeunesse caractérisée par une fragilisation insoutenable des assises et des stabilités individuelles, familiales et sociales. C’est dire l’ampleur du chantier de prévention qui s’ouvre, selon nous, à l’issue de cette recherche. C’est dire également l’ampleur des mutations que nos institutions doivent parcourir pour apporter à temps les espaces de consolidation dont cette jeunesse a besoin. Les jeunes rencontrés font ainsi fonction d’analyseur, non pas de l’ensemble de la jeunesse mais da sa partie désaffiliée. Ils sont également, selon nous, un analyseur de nos institutions de jeunesse (éducation nationale, protection de l’enfance et bien d’autres.

    Ces repères étant posés nous pouvions alors opérer les choix de méthode de recueil des données, d’entrée dans les trajectoires et d’ordonnancement de ceux-ci. Nous pouvons restituer ces choix comme suit :
    • Le choix de la rencontre signifiante du sujet : Il s’agissait pour nous de partir de lui et sa non-demande, de ses besoins et non des besoins de notre recherche, de ses temporalités et non des nôtres, de ses priorités et non des nôtres. De ce premier choix en découle de nombreux autres : le choix d’une première rencontre avec la compétence psychologique et psychanalytique ; le choix d’une rencontre progressive du reste de l’équipe et des autres compétences scientifiques ; le choix de nous adapter aux espaces et au temps du sujet ; le choix de travailler sur les questions concrètes et/ou matérielles marquant la quotidienneté du sujet ; etc. C’est ce travail de disponibilité qui est, selon nous, créateur des conditions nous permettant l’accès aux trajectoires tant pour construire l’accompagnement que pour mener à bien la recherche. Il s’agissait pour nous de partir du regard incarné pour aller vers le regard distancié pour ensuite construire un aller-retour permanent entre les deux regards.
    • L’interrogation systématique de trois niveaux historiques dans chaque trajectoire. La première histoire interrogée est celle de l’histoire longue et des effets de cette macro-histoire sur les trajectoires familiales. La seconde est celle de la trajectoire familiale, de ses déterminants, de sa connaissance plus ou moins explicite, de ses évènements marquants, de ses bifurcations, etc. La troisième est chronologique et aborde les processus de bricolage identitaire du sujet. Ces histoires sont, bien entendu, en interactions et ce sont ces interactions que nous voulions analyser dans chaque trajectoire d’une part et en termes de récurrences transversales d’autre part.
    • La recherche des données sur les modalités du lien social qui relie le sujet au socius dans le passé, dans le présent et dans l’idéal qu’élabore et que recherche le sujet consciemment ou non. Nos travaux antérieurs sur les jeunes issus des classes populaires dans un contexte de déstabilisation sans précédent de la culture d’affiliation et de socialisation qu’était la culture ouvrière, avait en effet attiré notre attention sur les processus d’affiliation et de désaffiliation. La proportion non négligeables des mal-nommés « convertis » et les crises du lien que révèlent leurs trajectoires sont venues confirmer notre choix.
    • La recherche de données sur les identifications dans l’histoire passée, présente et dans l’idéal du sujet a été une autre orientation. Les identités sont à la fois toujours plurielles et bricolées, contradictoires et en mouvement. Elles constituent un état d’équilibre entre stabilité et mouvement, invariance et mutation, héritage et production de soi. Nous recherchions en conséquence dans chacune des trajectoires les points de tension identitaire éventuel, les moments et évènement de déséquilibre, les facteurs empêchant la stabilisation minimum.

    Le recueil de toutes ces données s’est mis en place en diversifiant au maximum les espaces-temps de collecte et leurs modalités : lors des séances d’accompagnement psychologiques, dans des espaces collectifs, lors des démarches diverses effectués avec le sujet, lors d’entretien sociologiques, etc. De cette façon accompagnement thérapeutique et démarche de recherche se sont alimentés en permanence au prix il est vrai d’un coût humain considérablement plus élevé que dans une recherche classique. Plus élevé en termes de temps et de disponibilité certes mais aussi en termes d’épreuves existentielles pour chacun d’entre nous.

    Ces données recueillies pour chaque trajectoire convergent ensuite vers l’espace d’analyse et d’élaboration qui structure notre recherche. Au sein de cet espace, il est demandé à chaque participant de se centrer sur sa discipline dans un premier temps et de fournir une lecture des données spécialisée disciplinairement. Dans un second temps les analyses disciplinaires sont soumises à l’interrogation des autres disciplines présentes dans l’équipe ou sollicitées de l’extérieur selon les besoins. Progressivement ainsi prend forme une analyse commune résultat de l’ensemble du processus. L’analyse des récurrences entre trajectoire peut alors se mettre en place, de même que la correction de nos concepts et de nos points de méthodes. Pour ne citer qu’un exemple nous avions formalisée initialement le concept de « basculement nihiliste » que nous avions ensuite abandonné ; d’abord du fait que le mouvement progressif est beaucoup plus prégnant dans les trajectoire, qu’il est fait d’essais et d’aller-retour et qu’en conséquence le terme « bascule » est inapproprié ; Ensuite parce que la dimension nihiliste est certes présentes mais au côté d’autres tout aussi prégnantes : altruiste ou recherche de liens par exemple.

    L’analyse transversale des récurrences a également confronté à une analyse seconde de données recueillis à d’autres fins. Ainsi en est-il des données recueillies dans l’expérience mené au lycée avec une classe expérimentale et de celles recueillis dans notre animation de séances de formation à destination des acteurs de terrain sur thème de la dite « radicalisation ». Ces données sont dites seconde parce qu’elles ont été recueillis à d’autres fins : formative dans un cas et dans une logique de prévention dans l’autre. Toutefois la même équipe étant mobilisée pour ces trois pratiques (formation, prévention et accompagnement-recherche) nous avons pu par cette confrontation revisiter nos concepts et nos méthodes à plusieurs reprises au cours de l’expérience.

    La démarche méthodologique que je viens de résumer s’est déployé dans un contexte difficile. Elle allait à contre-courant d’un certain nombre de tendances dans notre société productrices de bruits et d’attentes immédiates auxquelles nous avons due résister. Cela n’a pas été sans difficulté avec notre institution porteuse ayant des exigences nous semblant parfois contradictoires avec les conditions posées par nous pour notre recherche. Nous avons due également résister à l’attente de résultats exploitables en termes de ce qui est mal nommé « déradicalisation » rapidement alors même que nous étions persuadés que nous étions devant un objet complexe nécessitant la durée pour commencer à être intelligible. Nous avons due enfin apprendre à travailler en pluridisciplinarité sans jamais confondre celle-ci avec la simple juxtaposition d’approches disciplinaires. A l’issue de cette expérience nous ne pouvons qu’en appeler à la mobilisation de tous tant les souffrances humaines des enfants que nous avons rencontrées, de nos enfants sont importantes.

    Je cède maintenant la parole à ma collègue Elisa pour restituer comment s’incarne concrètement notre approche complexe dans les interactions sociales avec le sujet accompagné.

     
    Source : Le blog de S. Bouamama https://bouamamas.wordpress.com/2019/07/14/propos-sur-un-colloque-censure-le-revelateur-dune-fascisation-r
    et Investigaction https://www.investigaction.net/fr/propos-sur-un-colloque-censure-le-revelateur-dune-fascisation-rampan

    #Saïd_Bouamama #anti_racisme #répression #resistances #antifascisme #racisme #répression #antifascisme

  • Belgique : Inégalités salariales entre femmes et hommes : un combat toujours d’actualité Natalia Hirtz - 12 Juillet 2019 - InvestigAction
    https://www.investigaction.net/fr/inegalites-salariales-entre-femmes-et-hommes-un-combat-toujours-dact

    Le 8 mars dernier, l’une des revendications de la première grève des femmes en Belgique portait sur l’égalité salariale. En effet, 53 ans après la grève historique des femmes de la Fabrique Nationale (Herstal), l’écart salarial entre les hommes et les femmes est de 7,6 % en salaire horaire et de 20,6 % en salaire annuel. Quelle a été l’évolution historique de ces inégalités en Belgique et comment expliquer les écarts actuels ?
     

    Si les femmes ont toujours travaillé, la distinction entre travail salarié (c’est-à-dire, du travail partiellement rémunéré [1]) et travail « domestique » (non rémunéré) est l’une des caractéristiques principales du système capitaliste. Durant la période féodale, la famille paysanne (les serfs) travaille une partie de la semaine sur le domaine seigneurial et l’autre partie, dans la sphère dite « domestique ». Durant cette période de l’histoire, la domination masculine est indéniable et il existe bel et bien une division sexuelle du travail, c’est-à-dire qu’hommes et femmes (voir même enfants) ne réalisent pas les mêmes tâches. Avec le salariat, qui s’installe au XVIe siècle en Europe, la division sexuelle du travail est renforcée par la séparation entre travail salarié (masculin) et domestique (féminin). Ce dernier sera non seulement dévalorisé, mais surtout invisibilisé [2]. Les femmes ne seront cependant pas toutes écartées de la sphère salariale qui deviendra l’affaire des plus pauvres d’entre elles. Les travailleuses sont reléguées aux emplois les moins bien valorisés, car considérés comme étant des tâches ne relevant d’aucune qualification acquise, sinon de qualités féminines innées. L’écart salarial augmente. Si au XIVe siècle, les femmes perçoivent la moitié de la paye d’un homme à travail égal, au XVIe siècle elles ne reçoivent qu’un tiers du salaire de leurs homologues masculins [3].

    À partir du XIXe siècle, le travail des femmes en dehors de la sphère domestique est érigé en source de dysfonctionnement et de pathologies sociales. Il est accusé d’entrainer la pauvreté, l’immoralité, la dénatalité et la décadence sociale. Les ouvrières des ateliers sont particulièrement ciblées. En parallèle, le modèle de la famille nucléaire s’impose comme vertu avec au centre, la figure du père, pourvoyeur de revenus, et de la mère, ménagère et pourvoyeuse des soins dans le foyer. La critique du travail salarié des femmes est accompagnée de mesures spécifiques [4]. Le Code civil (1830) donne à la femme mariée le même statut qu’aux mineurs : elle ne peut pas gagner de l’argent, faire des économies ou réaliser des transactions économiques sans la permission de son mari. Pour exercer un travail salarié, elle doit obtenir l’autorisation de son époux. C’est lui qui signe le contrat de travail et qui, jusqu’en 1900, perçoit son salaire. Ce n’est qu’en 1958 qu’une réforme du Code civil supprime la notion de puissance maritale [5].

    Ces mesures précarisent les travailleuses sans pour autant empêcher leur présence dans le monde salarial : à la veille de la Première Guerre mondiale, près d’un employé sur trois est une femme [6]. La discrimination des femmes sur le marché de l’emploi est renforcée durant l’entre-deux-guerres et atteint son apogée durant la crise des années 1930. En 1933 et 1935, le gouvernement diminue les salaires des femmes fonctionnaires et des institutrices ; en 1934, il suspend l’embauche des femmes dans le service public (exception faite du service de nettoyage) [7]. L’arrêté royal de décembre 1934 autorise le ministre du Travail à « contingenter dans chaque branche d’industrie le pourcentage de femmes […] en vue du remplacement éventuel des excédents par des chômeurs involontaires » [8]. En 1935, il interdit le cumul des époux dans la fonction publique. Ces arrêtés royaux provoquent une forte mobilisation féminine et, en 1937, ces mesures sont abrogées. À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement met en place un ensemble de mesures pour encourager le retour des femmes au foyer : la mère au foyer se voit attribuer une allocation (1948-1957), la réforme fiscale introduit le cumul des revenus des époux (1962-1988) [9], pénalisant le travail des femmes et renforçant son statut de salaire d’appoint.

    La proportion des femmes dans la population active ne retrouve son niveau d’avant 1914 (30 %), qu’en 1970 [10]. Elle remonte de manière continue jusqu’à nos jours pour atteindre 36,6 % en 1990 et 47,8 % en 2018 [11]. Ces chiffres n’impliquent pas pour autant la fin des inégalités. En effet, la part des femmes sur le marché de l’emploi augmente dans un contexte marqué par la progression des contrats précaires, des emplois flexibles et, comme développé dans les articles de B. Bauraind et d’A. Dufresne (dans ce numéro), d’une réduction de la part salariale dans le revenu national ainsi que des réductions de dépenses publiques (ce qui aura de forts impacts sur les femmes, responsables des soins au sein de la famille).

    L’écart salarial entre hommes et femmes s’est progressivement réduit, en particulier grâce au combat des femmes. Et c’est plus précisément les ouvrières de la Fabrique Nationale Herstal qui, avec leur grève de 1966, ont marqué un tournant important dans l’histoire des inégalités salariales, et par conséquent dans l’histoire des femmes.
     
    La grève des ouvrières de la FN Herstal
    Lors de la signature du Traité de Rome (1957), instituant la Communauté économique européenne, le principe de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes devient une « valeur » fondatrice des institutions européennes. Or, le Traité de Rome vise une intégration économique entre les pays signataires [12], non une union politique ou sociale. À ce titre, les enjeux sont multiples. Parmi les six pays signataires, la France réclame un article portant sur l’égalité salariale entre femmes et hommes. En effet, contrairement à certains de ses partenaires, la France avait adopté des dispositions législatives diminuant cet écart [13]. Elle craint de ce fait une ouverture à la concurrence du marché défavorable pour les secteurs à forte main-d’œuvre féminine [14].

    Le Traité de Rome établit un délai de 5 ans aux pays signataires pour instaurer l’égalité salariale. Or, 10 ans après sa signature, en Belgique comme ailleurs, aucune loi n’a été adoptée pour contrecarrer ces inégalités. Ce n’est que par les négociations salariales que les travailleuses pouvaient espérer une hausse de leurs revenus. Dans le secteur des fabrications métalliques, les négociations signées en 1962 ramenaient l’écart des salaires à 15 %, c’est-à-dire que les femmes gagnaient 85 % du salaire des hommes. En 1966, une nouvelle convention est en cours de négociation pour les années 1966-1968. Les discussions sont difficiles et elles visent une réduction des écarts, mais pas une disparition des inégalités. C’est dans ce contexte que le 16 février 1966, 3.000 ouvrières de la FN Herstal entament une grève en revendiquant « À travail égal, salaire égal ». En effet, la direction de la FN attend la conclusion de l’accord national avant de lancer les négociations au sein de l’entreprise et affirme qu’à la FN, il n’existe pas de distinction entre les hommes et les femmes. Or, les compétences des femmes y sont sous-évaluées, elles sont payées à la production et sont exclues de toute possibilité de promotion interne [15].

    Le 18 février, un projet d’accord sectoriel est conclu prévoyant un rattrapage des salaires étalé sur deux ans, pour atteindre 90 %, puis 93 % et enfin 96,7 %. Cet accord ne représente que 20 % de l’augmentation exigée par les femmes de la FN. Elles décident donc de continuer la grève. Dès la fin de la deuxième semaine de grève, faute de pièces, plus de 5.000 hommes sont mis en chômage technique. Le conflit fait tache d’huile dans d’autres usines du pays et dépasse les frontières. Le 25 avril, des délégations belges et européennes participent à la marche sur Liège en soutien aux grévistes [16]. Un comité « À Travail égal, salaire égal » est lancé pour soutenir la grève et dénoncer plus largement les discriminations sexistes.

    Le 4 mai, après 12 semaines de grève, syndicats et direction signent un accord. Les femmes obtiennent une augmentation salariale moindre que celle revendiquée, mais supérieure à celle proposée au départ par la direction. L’accord n’inclut pas les demandes concernant les conditions de travail et introduit la lutte contre l’absentéisme des femmes. Mais, au-delà de la question concernant les conquêtes immédiates, cette grève est devenue l’une des plus importantes de l’histoire de la Belgique. Non seulement par sa durée, mais surtout par ses répercussions sociales et politiques. La mobilisation des ouvrières a propulsé sur la scène belge, mais aussi internationale, la revendication de l’égalité salariale. Ce combat aura des répercussions jusqu’au parlement européen où une réunion extraordinaire est organisée pour évaluer l’application de l’article 199 du Traité de Rome concernant l’égalité salariale. En Belgique, les organisations syndicales sont poussées à repenser la place des femmes au sein de leurs structures et dans les négociations collectives. Enfin, cette grève accélère la publication de l’arrêté royal du 24 octobre 1967, qui sépare la réglementation du travail des enfants de celle des femmes adultes. Le principe de l’égalité salariale défini par le Traité de Rome est confirmé, mais sans donner de repères interprétatifs concernant ce qu’on entend par « travail de valeur égale ». C’est l’une des raisons pour lesquelles, comme nous le verrons plus loin, les inégalités salariales persistent. Enfin, l’arrêté royal ouvre le droit aux actions en justice pour cause d’inégalité salariale. Cependant, les syndicats ne feront jamais usage de cet outil juridique pour mettre en œuvre l’égalité salariale [17].
     
    La grève des ouvrières de Bekaert-Cockerill (Fontaine-L’Évêque)
    Le 3 novembre 1982, les 31 ouvrières de la fabrique de clous et de fils d’acier Bekaert-Cockerill, entament une grève. Elles protestent contre la signature d’une convention imposant la réduction du temps de travail des femmes.
     
    En effet, quelques mois plus tôt, en avril, ouvriers et ouvrières entament une grève contre un plan de restructuration. Après 9 semaines de grève et devant l’échec des négociations, la commission paritaire régionale réunit son bureau de conciliation. Les négociations débouchent sur un accord signé par les deux parties (syndicale et patronale) avec la caution du conciliateur social, représentant du ministère du Travail. Seules les femmes seront touchées par la restructuration : 28 ouvrières (non-chefs de ménage) doivent passer à mi-temps. En effet, lors des négociations, tous les efforts se sont concentrés sur la sauvegarde des emplois masculins, ce qui en dit long sur la conception de l’emploi des femmes en tant que salaire d’appoint [18].
     
    Tant la Direction de l’entreprise que les responsables syndicaux et le représentant du ministère du Travail décident d’ignorer la loi de 1978, qui impose l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans le cadre de l’emploi et des relations économiques en général. Pour les ouvrières, cet accord implique de passer d’un contrat à durée indéterminée à temps plein à un contrat à mi-temps valable pour la durée de la convention, perdant donc, aussi, les avantages sociaux liés à leur ancienneté [19]. Le 18 octobre, le syndicat organise une assemblée générale (AG) pour valider la convention. Les ouvrières dénoncent une discrimination scandaleuse : les postes des femmes seront remplacés par des hommes. Elles demandent à leurs « camarades » de rejeter cette convention, mais très peu d’hommes se solidarisent [20]. Sur les 226 personnes présentes à l’AG, 60 votent contre (toutes les femmes et seulement 29 hommes), 40 s’abstiennent et 126 hommes votent à faveur de la convention, décidant ainsi du sort des ouvrières. La convention est signée et la solidarité ouvrière, brisée [21]. Mais, loin de se laisser abattre, le 3 novembre, les femmes partent en grève, sans le soutien des syndicats, qui considèrent leurs revendications (d’égalité) trop « extrémistes ». Certaines d’entre elles installent un piquet de grève. Mais elles ne parviennent pas à retenir leurs camarades hommes, qui décident de reprendre le travail. Après 20 jours de grève, la convention est abandonnée et une nouvelle convention est signée. Cette fois-ci, 13 femmes seront licenciées. Et ce seront plus précisément celles qui ont participé aux piquets de grève [22]. Elles seront remplacées par 23 hommes.
     
    L’ouverture du marché de l’emploi aux femmes… comme armée de réserve et avec un salaire d’appoint  
    C’est le contexte de la fin des années 1960 marqué par une pénurie de main-d’œuvre et une forte conflictualité sociale qui pousse le gouvernement à encourager l’entrée des femmes dans le salariat. Ainsi, le Plan du travail de 1971-1975 vise à faciliter la combinaison du travail salarié et de la vie de famille pour les femmes, tout en les orientant massivement vers des secteurs d’activité dits féminins. Le contrat de travail à temps partiel est présenté comme un outil privilégié à cette fin. L’État investit dans la création de crèches [23].

    La crise structurelle qui surgit en 1973 [24] et les politiques mises en place pour y répondre marquent un point d’inflexion dans l’organisation du travail. Le retour des femmes sur le marché de l’emploi se passe donc dans un contexte de blocage salarial, d’augmentation du chômage et de multiplication des emplois précaires [25]. En outre, l’ouverture du salariat aux femmes ne concerne que certains secteurs considérés comme « féminins » et donc moins bien rémunérés. La multiplication des contrats à temps partiel s’impose au nom de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale des femmes (toujours tenues pour seules responsables du bien-être familial). Elles sont ainsi massivement considérées comme une main d’œuvre d’appoint ne méritant donc qu’un salaire d’appoint. Et c’est précisément cette question qui sera soulevée et combattue par une nouvelle grève historique : celle des ouvrières de l’usine Bekaert-Cockerill.
     
    La persistance des inégalités salariales
    De nos jours, des scandales comme celui qui fut mis en lumière par les ouvrières de Bekaert-Cockerill semblent peu probables. Cependant, lorsqu’on observe les statistiques, on s’aperçoit que le travail des femmes continue à être considéré comme un travail d’appoint et donc payé comme tel. En effet, si on aborde le salaire d’un point de vue collectif, on observe qu’en 2014 (dernières données statistiques pour la Belgique), l’écart salarial entre les hommes et les femmes est de 7,6 % en salaire horaire brut moyen et de 20,6 % en salaire annuel brut moyen (ce qui s’explique par une différence de temps de travail, nous y reviendrons plus bas) [26]. Alors que les femmes sont actuellement plus instruites et plus diplômées que les hommes, elles sont moins payées, plus exposées aux exclusions de chômage [27] et bien plus pauvres quand vient le temps de la retraite, car à moindre salaire, moindre pension. Sans prendre en considération les régimes de pension extralégaux (ce qui ferait augmenter cet écart [28]), la pension moyenne des femmes est 24,8 % inférieure à celle des hommes.
     
    Tableau 1. Évolution des écarts salariaux hommes-femmes entre 2010 et 2014
    Voir l’article https://www.investigaction.net/fr/inegalites-salariales-entre-femmes-et-hommes-un-combat-toujours-dact 

    D’autres inégalités relevant de la division internationale du travail  
    Le salaire exprime non seulement une division sociale et sexuelle du travail, mais aussi une division internationale du travail. L’inégalité salariale selon l’origine nationale des travailleur.euse.s, manque dans cette analyse. En effet, la discrimination sur le marché de l’emploi frappe encore plus fortement les migrant.e.s. Mais tout.e.s ne connaissent pas le même sort : les Allemand.e.s, les Françai.se.s, les États-Unien.ne.s et les Néerlandai.se.s qui travaillent en Belgique gagnent en moyenne plus que les Belges (notamment les hommes). Au contraire, les personnes de nationalité hors UE-27 (hormis les États-Unien.ne.s) accusent un important écart salarial par rapport aux Belges. Les salaires horaires bruts sont les plus faibles pour les travailleur. euse. s originaires des pays du Maghreb et du reste de l’Afrique, et ils le sont encore plus pour les femmes originaires de ces pays qui gagnent respectivement 10 % et 8 % de moins que leurs compatriotes masculins [29].
     
    L’écart salarial en salaires horaires  
    Comment expliquer que malgré une loi interdisant les discriminations salariales, les femmes gagnent 8 % en moins que les hommes par heure de travail ? En effet, cet écart est dû notamment aux discriminations directes et indirectes (les femmes sont majoritairement concentrées dans des emplois moins bien rémunérés).

    Dans nos sociétés, certains emplois sont considérés comme plus qualifiés que d’autres, et donc mieux rémunérés. Au tournant du XXe siècle, les salaires échappent largement aux négociations collectives. Les hiérarchies salariales suivent divers critères comme l’âge ou le sexe. Les femmes constituent donc une catégorie à part. Avec l’essor des conventions collectives, dans l’entre-deux-guerres, des grilles salariales sont élaborées selon la qualification et la pénibilité. Les débats sont ardus quant à la manière de mesurer la qualification. La reconnaissance d’une qualification est le fruit de rapports de force et de négociations entre représentants syndicaux et patronaux, représentés par des hommes. Ces négociations, officialisées par des conventions collectives, reflètent donc des hiérarchisations sociales dont celles concernant le genre. Les métiers masculins sont les premiers à être requalifiés, alors que le travail « féminin » sera largement considéré comme relevant de qualités féminines innées et donc, non qualifié. Ainsi, même au sein d’un même secteur, les emplois considérés plus qualifiés sont souvent largement masculins, comme c’est le cas pour le secteur du nettoyage où les hommes sont concentrés là où les salaires sont plus élevés tels que le nettoyage industriel ou le lavage de vitres.

    Il en va de même pour la reconnaissance de la pénibilité dont la notion est largement définie en fonction de critères masculins. Les facteurs de risques encourus par les femmes demeurent donc occultés, comme les gestes répétitifs ou les tâches liées au nettoyage et aux services à la personne [30].

    Mais le fait qu’hommes et femmes n’occupent pas les mêmes emplois n’explique pas tout. À l’intérieur d’un même secteur, on observe également des écarts de salaire entre hommes et femmes. Ceci s’explique par ce qu’on appelle des « discriminations directes » s’appuyant sur des stéréotypes que certain.e.s croient dépassés. L’un d’entre eux concerne la maternité, ou plutôt le soupçon de maternité. Celui-ci constituerait une des sources principales de discrimination à l’embauche (des postes mieux rémunérés), mais aussi aux promotions et à l’attribution des primes. En effet, la maternité irait de pair avec l’absentéisme, une moindre mobilité et donc, de moins bonnes performances.

    Il est certain que les mères sont plus nombreuses que les pères à prendre des congés pour s’occuper des enfants et, comme elles prennent en charge la majorité du travail domestique, elles sont donc moins « disponibles » que les hommes pour ce qui concerne leur carrière professionnelle. Cependant, une étude menée en France, comparant les salaires entre des hommes et des femmes qui n’ont jamais interrompu leur carrière et qui ont entre 39 et 49 ans (à priori, ne présentant plus la probabilité de maternité), montre que les hommes gagnent en moyenne 17 % en plus que les femmes. En effet, même celles qui ne sont pas mères restent soupçonnées de moindre performance que les hommes [31]. Elles ont donc moins accès aux promotions et aux primes.

    Comme le montre le tableau 2, les compensations salariales individuelles ne font que renforcer ces discriminations, maintes fois voilées par des opinions pointant des complexes relevant des femmes elles-mêmes (sensées ne pas oser négocier leur salaire) plutôt que des discriminations directes.


     
    L’interruption de carrière liée à la maternité est aussi un facteur explicatif de l’écart salarial. Les femmes cumulent moins d’ancienneté, ce qui a des répercussions sur leur possibilité de promotion sur un marché de l’emploi où elles sont en désavantage par rapport aux hommes.

    Enfin, si on observe l’écart salarial en fonction du statut, on remarque que chez les employé.e.s l’écart salarial s’élève à 22 % ; parmi les ouvrier.e.s, il est de 19 % alors que chez les fonctionnaires contractuel.le.s il n’est que de 2 %, et qu’il est même négatif chez les fonctionnaires statutaires (-5 %). Dans ce sens, le chiffre global de l’écart salarial de 8 % cache des différences significatives en fonction du statut [32]. En effet, étant donné les réglementations existantes contre les discriminations, l’État devrait être exemplaire. Cependant, cette égalité salariale s’accompagne d’une inégalité statutaire : alors qu’il y a autant de travailleuses que de travailleurs dans la fonction publique, seuls 48 % des femmes sont des fonctionnaires statutaires contre 61 % des hommes. Inversement, elles sont surreprésentées parmi le personnel contractuel [33]. Enfin, si dans le secteur privé les écarts sont plus importants, c’est notamment parce que, outre les discriminations indirectes, les compensations salariales individuelles favorisent les discriminations directes. Dans ce sens, la tendance à la sous-traitance des emplois publics et l’augmentation des fonctionnaires contractuel.le.s ne peuvent qu’accroître les inégalités salariales.
     
    L’écart salarial en salaires annuels
    Si on observe l’écart salarial sur une base annuelle, il se creuse encore. Au bout d’une année, les femmes gagnent 21 % en moins que les hommes. Cet écart s’explique par la surreprésentation des femmes dans l’emploi à temps partiel. En effet, en 2014, 43,9 % des travailleuses occupent un temps partiel, contre 9,6 % des travailleurs. Les raisons pour lesquelles les femmes travaillent à temps partiel ne sont pas les mêmes que celles des hommes. Selon l’enquête sur les forces de travail, pour 49 % des travailleuses à temps partiel, la combinaison entre vie professionnelle et vie privée constitue la raison principale de ce « choix », alors que cette même raison n’est invoquée que pour 23 % des hommes travaillant à temps partiel [34].

    Graphique 1. Écarts de salaires horaires bruts moyens (en €) et écarts salarial entre emplois à temps plein et à temps partiel et selon le sexe (2014)

    



    Enfin, que ce soit pour les hommes ou pour les femmes, les travailleur.euse.s à temps partiel occupent majoritairement des emplois moins bien rémunérés que les travailleur.euse.s à temps plein. Dans ce sens, les femmes qui travaillent à temps partiel cumulent deux désavantages majeurs : en tant que femmes et en tant que travailleuses à temps partiel (voir graphique 1). De plus, l’écart des salaires correspondant aux contrats de travail à temps plein et à temps partiel a crû ces dernières années en Belgique. Ceci a un impact majeur sur l’écart salarial entre les hommes et les femmes. De cette façon, si entre 2010 et 2014, les écarts de salaires ont légèrement diminué, l’écart salarial calculé sur base annuelle diminue bien plus lentement que celui basé sur les salaires horaires (voir tableau 1).
     
    Les hiérarchies sociales exprimées dans les salaires
    Les rapports salariaux sont des rapports d’exploitation, car le salaire n’est jamais égal à la valeur créée par le.s travailleur.euse.s. Le salariat s’est constitué sur la base même du surtravail, une partie de la valeur créée par le travailleur qui ne lui est pas reversée. Et dans ce même mouvement, il a impliqué une division entre un travail considéré comme « producteur » (de richesses) et un travail considéré comme « reproducteur » (de la force de travail, c’est-à-dire, des travailleur.euse.s). Les femmes ont été reléguées à ce travail dit « reproductif », considéré comme n’étant pas créateur de valeur et donc, non rémunéré.

    Loin d’être des victimes passives, le combat des femmes pour l’égalité (politique, sociale, sexuelle et économique) n’est pas neuf. Mais, dans une société patriarcale, leurs revendications tardent à être reconnues. Si depuis les années 1970, elles sont appelées à participer massivement au monde salarial, c’est plus pour servir de laboratoire à la précarisation de l’ensemble du salariat que comme travailleuses à part entière. Cependant, leur entrée dans des espaces plus reconnus par cette société (capitaliste et patriarcale) a facilité leur organisation et leur visibilité, accélérant de la sorte la reconnaissance de leurs revendications. Le combat n’est pas terminé. Le chemin est encore long pour parvenir à une égalité femmes-hommes. Égalité qui, bien évidemment, n’empêchera pas d’autres inégalités, propres à une société divisée en classes sociales. Néanmoins, l’égalité des salaires impliquerait une moindre exploitation du travail salarié des femmes, mais aussi une transformation plus globale des rapports de genre, dont le salaire n’en est qu’une expression. En ceci, la grève féministe internationale convoquée le 8 mars dans plus d’une quarantaine de pays marquera surement un tournant dans l’histoire de cette lutte.

    Notes
    [1] . Nous reprenons le concept défini par K. Marx. Dans ce sens, le travail salarié est un travail fourni pour autrui en échange d’un salaire qui est toujours inférieur à la valeur apportée par ce travail. Le profit de l’employeur vient de la partie de travail non payé. Ce temps travaillé gratuitement est désigné comme « exploitation ». Karl Marx, « Le Capital. Livre I », Éditions sociales, 2016.
    [2] . Lire à ce propos, Silvia Federici, « Point zéro : propagation de la révolution. Salaire ménager, reproduction sociale, combat féministe », Racine de iXe, 2016 et « El patriarcado del salario », Fabricantes de sueños, Madrid, 2018. Pour une synthèse sur les rapports de genre durant la période de formation du capitalisme, Natalia Hirtz « Le sauvage, le vagabond et la sorcière. Aux racines du capitalisme », Gresea Échos n°95, 2018.
    [3] . Silvia Federici, « Caliban et la sorcière. Femmes, corps et accumulation primitive », Ed. Entremonde. Senonevero, 2017.
    [4] . Éliane Gubin et Claudine Marissal dans, Éliane Gubin et Catherine Jacques (dir.), « Encyclopédie d’histoire des femmes. Belgique, XIXe-XXe siècles », Ed. Racine, 2018, pp. 559-563.
    [5] . Le Code civil belge (et ses reformes) est disponible dans http://www.droitbelge.be/codes.asp#civ.
    [6] . Éliane Gubin dans, Éliane Gubin et Catherine Jacques (dir.) 2018, op.cit. p. 570.
    [7] . Éliane Gubin et Claudine Marissal, 2018 op.cit.
    [8] . Éliane Vogel-Polsky, « La construction sociosexuée du droit du travail en Belgique », dans, Yota Kravaritou, « Le sexe du droit du travail en Europe », Kluwer Law International, 1996.
    [9] . Éliane Gubin et Claudine Marissal, 2018 op.cit.
    [10] . Éliane Gubin, 2018, op.cit, p.573.
    [11] . Estimation modélisée, Organisation internationale du travail, https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SL.TLF.CACT.FE.ZS.
    [12] . La CEE fut fondée par l’Italie, la France, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et l’Allemagne de l’Ouest.
    [13] . À propos de ces dispositifs législatifs en France, lire, Rachel Silvera « Un quart en moins. Des femmes se battent pour en finir avec les inégalités de salaires », La Découverte, 2014.
    [14] . Hélène Périvier, « Le Traité de Rome et l’égalité », 2017, https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/le-traite-de-rome-et-legalite
    [15] . Marie-Thérèse Coenen, « La grève des femmes de la FN en 1966. Une première en Europe, POL-HIS, 1991.
    [16] . Ibid.
    [17] . Marie-Thérèse Coenen, « Comment faire une société égalitaire quand l’inégalité est partout ? Les leçons de la grève des travailleuses de la FN », https://www.carhop.be/images/societe_egalitaire_2016.pdf.
    [18] . Éliane Vogel-Polsky, « La construction socio-sexuée du droit du travail en Belgique », dans, Yota Kravaritou, « Le sexe du droit du travail en Europe », Kluwer Law International, 1996.
    [19] . Ibid.
    [20] . Écouter l’émission « Un jour dans l’info : Femmes des années 80 ». RTBF dans https://www.rtbf.be/info/societe/detail_un-jour-dans-l-info-femmes-des-annees-80?id=9999497
    [21] . Éliane Vogel-Polsky, 1996, op. cit.
    [22] . Émission RTBF, op. cit.
    [23] . Éliane Gubin et Claudine Marissal, 2018 op.cit.
    [24] . Si on observe la croissance réelle du PIB mondial depuis 1950 jusqu’à nos jours, on remarque, à partir de 1973, une croissance globale moins forte à celle de la période antérieure (1950-1973) ainsi que l’apparition des crises (conjoncturelles) successives et de plus en plus profondes. https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/ny.gdp.mktp.kd.zg
    [25] . Voir les articles précédents de ce même numéro : A.Dufresne, pour le blocage salarial, C. Leterme pour le chômage et B. Bauraind pour ce qui concerne la réorganisation du monde du travail.
    [26] . Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, « L’écart salarial entre les femmes et les hommes en Belgique Rapport 2017 », http://statbel.fgov.be/sites/default/files/2017-12/Rapport%20Ecart%20salarial%202017.pdf Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2017, op. cit.
    [27] . La réforme sur la limitation du droit à l’allocation de chômage d’insertion et la diminution de la limite d’âge (voir l’article de C. Leterme, dans ce même numéro) a mené à des exclusions massives dont 2/3 sont des femmes. Vie féminine, « La précarité des femmes en chiffres », 2015, http://www.viefeminine.be/IMG/pdf/La_precarite_des_femmes_en_chiffres.pdf
    [28] . Ceci se doit au fait que12 % d’hommes et 9 % de femmes bénéficient d’un régime de pension extralégal. De plus, la contribution patronale moyenne pour les femmes est 37 % inférieure à celle des hommes.
    [29] . Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2017, op. cit.
    [30] . Voir Mélanie Mermoz, « Compte pénibilité. La santé des femmes dans l’angle mort », L’Humanité Dimanche, février 2016 ; Cécile Andrzejewski « Invisible pénibilité du travail féminin » ; Le Monde Diplomatique, décembre 2017 ; ou Laurent Vogel, « Femmes et maladies professionnelles. Le cas de la Belgique », ETUI, 2011.
    [31] . Dominique Meurs, Ariane Pailhé et Sophie Ponthieux « Enfants, interruptions d’activité des femmes et écart de salaire entre les sexes », Revue de l’OFCE, 2010. Cité dans Rachel Silvera, 2014, Op.cit.
    [32] . Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2017, Op. cit.
    [33] . Ibid.
    [34] . Ibid.

    Source : http://www.gresea.be/Inegalites-salariales-entre-femmes-et-hommes

    #Histoire #Femmes #Ouvrières #Salaires #travail #luttes #discriminations #discriminations_salariales #égalité #exploitation #capitalisme

  • Travail forcé et exploitation coloniale : souvenons-nous Olivier Lecour Grandmaison - 10 Mai 2019 - Investigaction
    https://www.investigaction.net/fr/travail-force-et-exploitation-coloniale-souvenons-nous

    Légitimé et défendu, sous la Troisième République, par de nombreux hommes politiques, juristes et professeurs d’université notamment, le travail forcé a, sous différentes formes, été la règle dans les possessions françaises jusqu’à son abolition tardive le 11 avril 1946. Rares sont ceux qui, comme la philosophe Simone Weil, ont dénoncé « les déportations massives » des « indigènes » et le recours meurtrier au travail forcé en Afrique française et en Indochine.

    « L’exploitation [coloniale] a été perpétrée si souvent (…) avec une telle cruauté, par l’homme blanc sur les populations arriérées du monde, qu’on fait preuve (…) d’une insensibilité totale si on ne lui accorde pas la place d’honneur chaque fois que l’on parle du problème colonial. »
    Karl Polanyi (1944)

    Le 11 avril 1946, après de nombreux atermoiements, l’Assemblée nationale constituante votait enfin la proposition de loi de Félix Houphouët-Boigny tendant à la suppression « immédiate » du travail forcé dans les colonies françaises.

    Quelques jours auparavant, ce député était intervenu à la tribune pour dénoncer la situation des « indigènes » toujours soumis à des formes exceptionnelles et particulièrement brutales d’exploitation. Usant d’une anaphore qui lui a permis de brosser un tableau précis des pratiques coloniales, il déclarait : « il faut avoir vu ces travailleurs usés, squelettiques, couverts de plaies, dans les ambulances ou sur les chantiers ; il faut avoir vu ces milliers d’hommes rassemblés pour le recrutement, tremblant de tout leur corps au passage du médecin chargé de la visite ; il faut avoir assisté à ces fuites éperdues (…) vers la brousse ; (…) il faut avoir vu ces théories d’hommes, de femmes, de filles, défiler silencieusement, le front plissé, le long des chemins, qui mènent au chantier. (…) L’indigène ne peut plus comprendre ni admettre ce servage, cent cinquante après la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et cent ans après l’abolition de l’esclavage. »

    Précision essentielle : ce travail forcé – tâches de construction, transport de marchandises, entretien des agglomérations… – est imposé de façon autoritaire et souvent violente aux autochtones qui n’ont commis ni crime ni délit. En effet, les hommes et les femmes visés ne sont pas des individus condamnés à une peine privative de liberté prononcée par un tribunal, à laquelle viendrait s’ajouter celle des travaux forcés ; cette obligation concerne les populations civiles de l’empire dont les membres sont « sujets indigènes », soit l’écrasante majorité des individus. Légitimé et défendu, sous la Troisième République, par de nombreux hommes politiques, juristes et professeurs d’université notamment, le travail forcé a, sous différentes formes, été la règle dans les possessions françaises jusqu’à son abolition tardive le 11 avril 1946.

    Ainsi fut construit, par exemple, le chemin de fer destiné à relier Brazzaville à Pointe-Noire, sur la côte atlantique. Bilan de cet “exploit”, réputé témoigner de la glorieuse « mise en valeur » du Congo français : 17000 morts « indigènes » pour la réalisation des 140 premiers kilomètres et un taux de mortalité sur ce chantier de 57% en 1928. Qui a livré ce dernier chiffre ? Un anticolonialiste farouche ? Non, le ministre des Colonies, André Maginot, dans une déclaration faite devant une commission ad hoc de la Chambre des députés. L’entreprise chargée des travaux ? La Société de construction des Batignolles dont la prospérité est en partie liée aux nombreux contrats remportés dans les possessions françaises. Son héritier et successeur n’est autre que le groupe bien connu aujourd’hui sous le nom de SPIE-Batignolles. En 2013, Jean Monville, ancien PDG de ce groupe, rappelait benoîtement « la fierté de ce qu’on avait fait dans le passé, de notre professionnalisme et de notre engagement dans nos “aventures” d’outre-mer ». (Le Monde, 21 mai 2013). Nul doute, les descendants de ceux qui sont morts à l’époque apprécieront la délicatesse de ces propos.

    Réformé mais jamais véritablement supprimé, le travail forcé a ainsi perduré sous la Troisième République, le régime de Vichy et dans les colonies passées aux côtés de la France libre. A preuve, les orientations soutenues par Félix Éboué, gouverneur général de l’Afrique équatoriale française, pendant la Seconde Guerre mondiale. Souvent présenté comme un grand humaniste, qui a toujours défendu les droits de l’homme, Éboué, comme la majorité de ses pairs, ne s’est jamais prononcé dans ses écrits pour l’abolition immédiate du travail forcé. De même les résistants prestigieux qui, à partir du 30 janvier 1944, se réunissent à Brazzaville pour définir la politique à mettre en œuvre dans les territoires d’outre-mer.

    Inaugurée par le général de Gaulle, cette conférence doit prendre une décision relativement à cette forme particulière de labeur. En raison de « l’effort de guerre », les représentants de la France libre, rassemblés dans la capitale du Congo français, décident de prolonger le travail forcé pour une durée de cinq ans ! En métropole, ils n’ont de cesse de dénoncer le Service du travail obligatoire (STO) établi par les autorités de Vichy le 16 février 1943 ; dans les colonies, ils trouvent normal d’imposer aux « indigènes » de vingt à vingt-cinq ans reconnus aptes, mais non incorporés à l’armée, un Service obligatoire du travail (SOT). Subtilité des sigles et triomphe du relativisme politico-juridique. De là ces indignations sélectives et hexagonales cependant que dans les possessions ultra-marines la condamnation cède le pas à l’acceptation.

    Rares sont ceux qui, comme la philosophe Simone Weil, ont dénoncé « les déportations massives » des « indigènes » et le recours meurtrier au travail forcé en Afrique française et en Indochine. En dépit de ses protestations, exprimées dès 1943 alors qu’elle a rejoint la Direction de l’Intérieur de la France libre dans la capitale du Royaume-Uni, S. Weil n’a pas été entendue. Tout comme André Gide et Albert Londres une quinzaine d’années auparavant. Voilà qui aide à comprendre les lenteurs de l’Assemblée nationale constituante à la Libération.

    Joli tableau, n’est-il pas, de la très glorieuse colonisation française toujours présentée, par de nombreux contemporains, comme une entreprise généreuse destinée à apporter la civilisation aux peuples qui en ignoraient jusque-là les bienfaits. Cette sinistre réécriture de l’histoire prospère avec la caution de quelques faiseurs de livres – A. Finkielkraut, P. Bruckner et E. Zemmour, notamment – qui prennent leur ignorance et leurs audaces prétendues pour de brillantes découvertes. Ils n’hésitent pas à se dire amis de la connaissance et de la vérité ; sur ces sujets, comme sur beaucoup d’autres, ils ne sont que de vulgaires idéologues qui traitent les faits établis en chiens crevés. Demeurent de pauvres écholalies qui réhabilitent un discours impérial-républicain forgé sous la Troisième République. Audaces intellectuelles ? Stupéfiante régression et grand retour du roman national.

    Source : Le Blog d’Olivier Lecour Grandmaison https://blogs.mediapart.fr/olivier-le-cour-grandmaison/blog

    #esclavage #france #exploitation #Congo_français #déportation #SPIE-Batignolles #STO #SOT #roman_national #Simone_Weil (la Philosophe)

  • Ces rapports de policiers qui ruinent les versions officielles de leur hiérarchie Pierrick Tillet - 30 Mars 2019 - Le monde du Yéti
    https://yetiblog.org/archives/16390
    https://www.investigaction.net/fr/ces-rapports-de-policiers-qui-ruinent-les-versions-officielles-de-le

    Signe alarmant pour le pouvoir, les policiers de base n’hésitent plus à contredire les versions officielles présentées par les autorités et à faire fuiter leurs rapports dans les médias.

    https://www.youtube.com/watch?v=bIgqwlVHqJg

    On se souvient de la blessure à l’œil de Jérôme Rodrigues lors de l’acte 11 du 26 janvier. La version officielle voulait qu’il ait été touché par les éclats d’une grenade de désencerclement et non par un tir tendu de LBD 40… jusqu’à ce qu’un policier reconnaisse https://www.europe1.fr/societe/le-gilet-jaune-jerome-rodrigues-blesse-a-loeil-un-policier-reconnait-avoir-f dans son rapport avoir bien fait usage de son lanceur de balle de défense sur le lieu et dans le créneau horaire correspondant à la blessure du « Gilet jaune ».

    Lors de « l’accident » survenu à Geneviève Legay lors de l’acte 19 du 23 mars, c’est encore un rapport de police https://www.lexpress.fr/actualite/societe/genevieve-legay-un-rapport-de-police-remet-en-cause-la-version-officielle_2 , mystérieusement parvenu à Mediapart, qui a saccagé la version officielle https://yetiblog.org/archives/16316 défendue par le président de la République et le procureur de Nice, contraignant ce dernier à revenir sur ses déclarations précédentes :

    «  Ce dont on est sûr à la vue des images, pixels par pixels, c’est qu’elle n’a pas été touchée par les forces de police, par un bouclier ou par un homme  » Jean-Michel Prêtre, procureur de Nice, le 25 mars.
    «  Les blessures de Madame Legay résultent de l’action d’un fonctionnaire de police  » Jean-Michel Prêtre, le 29 mars dans une interview à Nice matin. https://www.nicematin.com/faits-divers/le-procureur-de-la-republique-admet-quun-policier-a-provoque-la-chute-de-

    Un mal-être policier de plus en plus criant et ouvertement exprimé
    Cette pagaille dans les déclarations officielles des autorités ne témoigne pas d’un amateurisme approximatif de celles-ci, mais plus gravement d’un mal-être de plus en plus profond chez certains éléments des forces de l’ordre devant les consignes qu’on leur demande d’appliquer. Au point de faire fuiter leurs rapports dans les médias.

    Sans même parler des suicides – plus de vingt depuis le début 2019 – qui reflètent un malaise encore plus profond dans les rangs policiers, on rappellera aussi les actes d’insubordination sur les lieux de manifestations – comme ce CRS frappant son supérieur hiérarchique http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2019/02/25/97001-20190225FILWWW00193-gilets-jaunes-un-policier-frappe-son-superieur-a- à Toulouse en plein acte 15 – et on notera les témoignages concordants https://yetiblog.org/archives/16338 rapportant les propos de policiers de base excédés par les ordres reçus après la « bavure » dont fut victime Geneviève Legay :

    «  Les mecs qui nous ont mis les menottes avaient honte ! Les gendarmes étaient dépités, et nous ont dit : “C’est Souchi… on peut rien dire, mais faites le nécessaire, vous avez son nom.”  Tous les flics avec qui on a parlé en GAV [garde à vue] nous ont supplié de faire quelque chose contre Rabbah Souchi :  “On peut rien dire mais vous, vous pouvez” » (un street-medic de Nice le 23 mars).

    #police #violences_policiéres #Femme #remords

  • Quoi qu’il en soit, Trump ne quittera pas la Syrie et l’Afghanistan Stephen Gowans - 2 Janvier 2019 - Investigaction
    https://www.investigaction.net/fr/117672

    Il ne fait que transférer le fardeau sur les alliés et compter davantage sur les mercenaires

    Le retrait annoncé des troupes américaines de #Syrie et la diminution des troupes d’occupation en #Afghanistan ne correspondent très probablement pas à l’abandon par les #États-Unis de leurs objectifs au #Moyen-Orient, mais bien plutôt à l’adoption de nouveaux moyens pour atteindre les buts que la politique étrangère américaine vise depuis longtemps. Plutôt que de renoncer à l’objectif américain de dominer les mondes arabe et musulman par un système colonialiste et une occupation militaire directe, le président #Donald_Trump ne fait que mettre en œuvre une nouvelle politique – une politique basée sur un transfert plus important du fardeau du maintien de l’#Empire sur ses alliés et sur des soldats privés financés par les monarchies pétrolières.

    Le modus operandi de Trump en matière de relations étrangères a été constamment guidé par l’argument que les alliés des États-Unis ne parviennent pas à peser leur poids et devraient contribuer davantage à l’architecture de la sécurité américaine. Recruter des alliés arabes pour remplacer les troupes américaines en Syrie et déployer des #mercenaires (appelés par euphémisme des fournisseurs de sécurité) sont deux options que la Maison-Blanche examine activement depuis l’année dernière. De plus, il existe déjà une importante présence alliée et mercenaire en Afghanistan et le retrait prévu de 7000 soldats américains de ce pays ne réduira que marginalement l’empreinte militaire occidentale.

    Le conflit entre le secrétaire américain à la Défense #Jim_Mattis et Trump quant à leurs visions du monde est perçu à tort comme l’expression d’opinions contradictoires sur les objectifs américains plutôt que sur la manière de les atteindre. Mattis privilégie la poursuite des buts impériaux des États-Unis par la participation significative de l’armée américaine tandis que Trump favorise la pression sur les alliés pour qu’ils assument une plus grande partie du fardeau que constitue l’entretien de l’empire américain, tout en embauchant des fournisseurs de sécurité pour combler les lacunes. Le but de Trump est de réduire la ponction de l’Empire sur les finances américaines et d’assurer sa base électorale, à qui il a promis, dans le cadre de son plan « #America_First », de ramener les soldats américains au pays.

    Fait significatif, le plan de Trump est de réduire les dépenses des activités militaires américaines à l’étranger, non pas comme fin en soi mais comme moyen de libérer des revenus pour l’investissement intérieur dans les infrastructures publiques. De son point de vue, les dépenses pour la république devraient avoir la priorité sur les dépenses pour l’#Empire. « Nous avons [dépensé] 7 mille milliards de dollars au Moyen-Orient », s’est plaint le président américain auprès des membres de son administration. « Nous ne pouvons même pas réunir mille milliards de dollars pour l’infrastructure domestique. »[1] Plus tôt, à la veille de l’élection de 2016, Trump se plaignait que Washington avait « gaspillé 6 trillions de dollars en guerres au Moyen-Orient – nous aurions pu reconstruire deux fois notre pays – qui n’ont produit que plus de terrorisme, plus de mort et plus de souffrance – imaginez si cet argent avait été dépensé dans le pays. […] Nous avons dépensé 6 trillions de dollars, perdu des milliers de vies. On pourrait dire des centaines de milliers de vies, parce qu’il faut aussi regarder l’autre côté. » [2]

    En avril de cette année, Trump « a exprimé son impatience croissante face au coût et à la durée de l’effort pour stabiliser la Syrie » et a parlé de l’urgence d’accélérer le retrait des troupes américaines. [3] Les membres de son administration se sont empressés « d’élaborer une stratégie de sortie qui transférerait le fardeau américain sur des partenaires régionaux ». [4]

    La conseiller à la Sécurité nationale, #John_Bolton, « a appelé Abbas Kamel, le chef par intérim des services de renseignement égyptiens pour voir si le Caire contribuerait à cet effort ». [5] Puis l’#Arabie_ saoudite, le #Qatar et les Émirats arabes unis ont été « approchés par rapport à leur soutien financier et, plus largement, pour qu’ils contribuent ». Bolton a également demandé « aux pays arabes d’envoyer des troupes ». [6] Les satellites arabes ont été mis sous pression pour « travailler avec les combattants locaux #kurdes et arabes que les Américains soutenaient » [7] – autrement dit de prendre le relais des États-Unis.

    Peu après, #Erik_Prince, le fondateur de #Blackwater USA, l’entreprise de mercenaires, a « été contactée de manière informelle par des responsables arabes sur la perspective de construire une force en Syrie ». [8] À l’été 2017, Prince – le frère de la secrétaire américaine à l’Éducation #Betsy_De_Vos – a approché la Maison Blanche sur la possibilité de retirer les forces étasuniennes d’Afghanistan et d’envoyer des mercenaires combattre à leur place. [9] Le plan serait que les monarchies pétrolières du golfe Persique paient Prince pour déployer une force mercenaire qui prendrait la relève des troupes américaines.

    En avril, Trump a annoncé : « Nous avons demandé à nos partenaires d’assumer une plus grande responsabilité dans la sécurisation de leur région d’origine. » [10] La rédaction en chef du Wall Street Journal a applaudi cette décision. Le plan de Trump, a-t-il dit, était « la meilleure stratégie » – elle mobiliserait « les opposants régionaux de l’Iran », c’est-à-dire les potentats arabes qui gouvernent à la satisfaction de Washington en vue du projet de transformer « la Syrie en un Vietnam pour l’Ayatollah ». [11]

    En ce moment, il y a 14 000 soldats américains reconnus en Afghanistan, dont la moitié, soit 7 000, seront bientôt retirés. Mais il y a aussi environ 47 000 soldats occidentaux dans le pays, y compris des troupes de l’#OTAN et des mercenaires (14 000 soldats américains, 7 000 de l’OTAN [12] et 26 000 soldats privés [13]). Diviser la contribution étasunienne de moitié laissera encore 40 000 hommes de troupes occidentales comme force d’occupation en Afghanistan. Et la réduction des forces américaines peut être réalisée facilement en engageant 7000 remplaçants mercenaires, payés par les monarques du golfe Persique. « Le retrait », a rapporté The Wall Street Journal, « pourrait ouvrir la voie à un plus grand nombre d’entrepreneurs privés pour assumer des rôles de soutien et de formation », comme le souligne « la campagne de longue date d’Erik Prince ». Le Journal a noté que le frère de la secrétaire à l’Éducation « a mené une campagne agressive pour convaincre M. Trump de privatiser la guerre ». [14]

    La démission de Mattis a été interprétée comme une protestation contre Trump, qui « cède un territoire essentiel à la Russie et à l’Iran » [15] plutôt que comme un reproche à Trump de se reposer sur des alliés pour porter le fardeau de la poursuite des objectifs étasuniens en Syrie. La lettre de démission du secrétaire à la Défense était muette sur la décision de Trump de rapatrier les troupes américaines de Syrie et d’Afghanistan et insistait plutôt sur « les alliances et les partenariats ». Elle soulignait les préoccupations de Mattis sur le fait que le changement de direction de Trump n’accordait pas suffisamment d’attention au « maintien d’alliances solides et de signes de respect » à l’égard des alliés. Alors que cela a été interprété comme un reproche d’avoir abandonné le fer de lance américain en Syrie, les Kurdes, Mattis faisait référence aux « alliances et aux partenariats » au pluriel, ce qui indique que ses griefs vont plus loin que les relations des États-Unis avec les Kurdes. Au contraire, Mattis a exprimé des préoccupations cohérentes avec une plainte durable dans le milieu de la politique étrangère américaine selon laquelle les efforts incessants de Trump pour faire pression sur ses alliés afin qu’ils supportent davantage le coût du maintien de l’Empire aliènent les alliés des Américains et affaiblissent le « système d’alliances et de partenariats » qui le composent. [16]

    L’idée, aussi, que la démission de Mattis est un reproche à Trump pour l’abandon des Kurdes, est sans fondement. Les Kurdes ne sont pas abandonnés. Des commandos britanniques et français sont également présents dans le pays et « on s’attend à ce qu’ils restent en Syrie après le départ des troupes américaines ». [17] Mattis semble avoir été préoccupé par le fait qu’en extrayant les forces américaines de Syrie, Trump fasse peser plus lourdement le poids de la sécurisation des objectifs étasuniens sur les Britanniques et les Français, dont on ne peut guère attendre qu’ils tolèrent longtemps un arrangement où ils agissent comme force expéditionnaire pour Washington tandis que les troupes américaines restent chez elles. À un moment donné, ils se rendront compte qu’ils seraient peut-être mieux en dehors de l’alliance américaine. Pour Mattis, soucieux depuis longtemps de préserver un « système global d’alliances et de partenariats » comme moyen de « faire progresser un ordre international le plus propice à la sécurité, à la prospérité et aux valeurs [des États-Unis], le transfert du fardeau par Trump ne parvient guère à « traiter les alliés avec respect » ou à « faire preuve d’un leadership efficace », comme Mattis a écrit que Washington devrait le faire dans sa lettre de démission.

    Le président russe #Vladimir_Poutine a accueilli l’annonce de Trump avec scepticisme. « Nous ne voyons pas encore de signes du retrait des troupes américaines », a-t-il déclaré. « Depuis combien de temps les États-Unis sont-ils en Afghanistan ? Dix-sept ans ? Et presque chaque année, ils disent qu’ils retirent leurs troupes. » [18] Le #Pentagone parle déjà de déplacer les troupes américaines « vers l’#Irak voisin, où environ 5000 soldats étasuniens sont déjà déployés », et qui ‘déferleront’ en Syrie pour des raids spécifiques ». [19] Cette force pourrait aussi « retourner en Syrie pour des missions spéciales si des menaces graves surgissent » [20] ce qui pourrait inclure les tentatives de l’armée syrienne de récupérer son territoire occupé par les forces #kurdes. De plus, le Pentagone conserve la capacité de continuer de mener des « frappes aériennes et de réapprovisionner les combattants kurdes alliés avec des armes et du matériel » depuis l’Irak. [21]

    Trump n’a jamais eu l’intention d’apporter à la présidence une redéfinition radicale des objectifs de la politique étrangère américaine, mais seulement une manière différente de les atteindre, une manière qui profiterait de ses prouesses autoproclamées de négociation. Les tactiques de négociation de Trump n’impliquent rien de plus que de faire pression sur d’autres pour qu’ils paient la note, et c’est ce qu’il a fait ici. Les Français, les Britanniques et d’autres alliés des Américains remplaceront les bottes étasuniennes sur le terrain, avec des mercenaires qui seront financés par les monarchies pétrolières arabes. C’est vrai, la politique étrangère des États-Unis, instrument pour la protection et la promotion des profits américains, a toujours reposé sur quelqu’un d’autre pour payer la note, notamment les Américains ordinaires qui paient au travers de leurs impôts et, dans certains cas, par leurs vies et leurs corps en tant que soldats. En tant que salariés, ils ne tirent aucun avantage d’une politique façonnée par « des #élites_économiques et des groupes organisés représentant les intérêts des entreprises », comme les politologues Martin Gilens et Benjamin I. Page l’ont montré dans leur enquête de 2014 portant sur plus de 1700 questions politiques américaines. Les grandes entreprises, concluaient les chercheurs, « ont une influence considérable sur la politique gouvernementale, tandis que les citoyens moyens et les groupes fondés sur les intérêts des masses n’ont que peu d’influence ou pas d’influence du tout ». [22] Autrement dit, les grandes entreprises conçoivent la politique étrangère à leur avantage et en font payer le coût aux Américains ordinaires. 

    C’est ainsi que les choses devraient être, selon Mattis et d’autres membres de l’élite de la politique étrangère américaine. Le problème avec Trump, de leur point de vue, est qu’il essaie de transférer une partie du fardeau qui pèse actuellement lourdement sur les épaules des Américains ordinaires sur les épaules des gens ordinaires dans les pays qui constituent les éléments subordonnés de l’Empire américain. Et alors qu’on s’attend à ce que les alliés portent une partie du fardeau, la part accrue que Trump veut leur infliger nuit est peu favorable au maintien des alliances dont dépend l’Empire américain. 

    Notes :
    1. Bob Woodward, Fear : Trump in the White House, (Simon & Shuster, 2018) 307.

    2. Jon Schwarz, “This Thanksgiving, I’m Grateful for Donald Trump, America’s Most Honest President,” The Intercept, November 21, 2018.

    3. Michael R. Gordon, “US seeks Arab force and funding for Syria,” The Wall Street Journal, April 16, 2018.

    4. Gordon, April 16, 2018.

    5. Gordon, April 16, 2018.

    6. Gordon, April 16, 2018.

    7. Gordon, April 16, 2018.

    8. Gordon, April 16, 2018.

    9. Michael R. Gordon, Eric Schmitt and Maggie Haberman, “Trump settles on Afghan strategy expected to raise troop levels,” The New York Times, August 20, 2017.

    10. Gordon, April 16, 2018.

    11. The Editorial Board, “Trump’s next Syria challenge,” The Wall Street Journal, April 15, 2018.

    12. Julian E. Barnes, “NATO announces deployment of more troops to Afghanistan,” The Wall Street Journal, June 29, 2017.

    13. Erik Prince, “Contractors, not troops, will save Afghanistan,” The New York Times, August 30, 2017.

    14. Craig Nelson, “Trump withdrawal plan alters calculus on ground in Afghanistan,” The Wall Street Journal, December 21, 2018.

    15. Helene Cooper, “Jim Mattis, defense secretary, resigns in rebuke of Trump’s worldview,” The New York Times, December 20, 2018.

    16. “Read Jim Mattis’s letter to Trump : Full text,” The New York Times, December 20, 2018.

    17. Thomas Gibbons-Neff and Eric Schmitt, “Pentagon considers using special operations forces to continue mission in Syria,” The New York Times, December 21, 2018.

    18. Neil MacFarquhar and Andrew E. Kramer, “Putin welcomes withdrawal from Syria as ‘correct’,” The New York Times, December 20, 2018.

    19. Thomas Gibbons-Neff and Eric Schmitt, “Pentagon considers using special operations forces to continue mission in Syria,” The New York Times, December 21, 2018.

    20. Gibbons-Neff and Schmitt, December 21, 2018.

    21. Gibbons-Neff and Schmitt, December 21, 2018.

    22. Martin Gilens and Benjamin I. Page, “Testing Theories of American Politics : Elites, Interest Groups, and Average Citizens,” Perspectives on Politics, Fall 2014.
    Traduit par Diane Gilliard
    Source : https://gowans.wordpress.com/2018/12/22/no-matter-how-it-appears-trump-isnt-getting-out-of-syria-and-afgha

  • Le massacre de l’Union Minière à Lubumbashi (9 décembre 1941) Ludo De Witte - 9 Décembre 2018 - Congo Indépendant - Investigaction
    https://www.congoindependant.com/le-massacre-de-lunion-miniere-a-lubumbashi-9-decembre-1941/#_edn5
    https://www.investigaction.net/fr/le-massacre-de-lunion-miniere-a-lubumbashi-9-decembre-1941

    L’Africa Museum de Tervuren rénové, rouvre ce 9 décembre 2018 : voilà l’occasion ou jamais de revenir sur le massacre par l’armée coloniale belge (la « Force Publique »), de travailleurs noirs de l’Union Minière partis en grève en 1941. Ces ouvriers avaient arrêté le travail pour réclamer des salaires décents. Si l’on veut vraiment décoloniser notre espace public et notre histoire collective, on se doit de dire ce qu’a représenté et représente toujours cette entreprise, joyau à l’époque de la Société générale de Belgique, multinationale stratégique toujours en activité aujourd’hui sous le nom d’Umicore. Il convient de parler de l’énormité des profits accumulés par l’Union Minière/Umicore au Congo, et de rappeler que des dizaines de milliers de Congolais les ont payés de leur sueur et de leur sang, parfois de leur vie. Ce devrait être l’une des finalités du musée de Tervuren.

    Avant de raconter l’histoire de ce bain de sang, une suggestion me paraît ici de mise. Il est bon d’écrire l’histoire et encore mieux de la transposer sous une forme adaptée dans un musée, mais pour ancrer durablement dans la mémoire collective des événements autrement révélateurs et symboliques, il est nécessaire de la rendre visible dans l’espace public. A l’époque où l’identification de cadavres de soldats tombés pendant les deux guerres mondiales de 1914-18 et 1940-45 se poursuit et où se poursuit le repérage des fosses communes des victimes de la guerre civile Espagnole (1936-39), pour ne mentionner que ces cas d’espèce, le temps n’est-il pas venu qu’on exige de l’Etat belge et de l’Umicore qu’ils mettent tout en œuvre pour que soient retrouvées les cadavres des ouvriers massacrés dans l’ancien Elisabethville de 1941, et qu’on érige à leur martyre, un monument digne de leur mémoire ? Un lieu de mémoire qui, partant de ce massacre, immortalise le calvaire du peuple congolais au cours de ces années sombres et pénibles ?
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    Ce que la Belgique et ses alliés durant la Deuxième Guerre ont exigé comme effort de la part des Congolais fut impitoyable. Comme je l’écris ailleurs, « Pendant ces années de guerre l’Afrique centrale s’était transformée en un immense camp de forçats au service de l’industrie de guerre alliée[ii]« . Dès le départ, le travail forcé a été à la base de la colonisation, d’abord sous le régime de l’Etat indépendant du Congo, propriété de Léopold II, mais ensuite encore lorsque cet Etat devint une colonie belge en 1908. Le Père Le Grand déclarait au Congrès colonial de 1926 : « La façon dont se font les recrutements dépassent toutes les bornes. On a vu des groupes entiers de Noirs se diriger la corde au cou vers les chantiers et on a vu des chefs médaillés [chefs à la solde de la Colonie] à l’occasion du recrutement faire la chasse à l’homme. Bientôt ils essayeront de s’évader quitte à mourir en hommes plutôt que d’avoir l’impression d’être esclaves[iii]« .

    Durant la guerre, cette situation s’est aggravée. Le nombre de Congolais astreints au travail forcé, est passé de 480.000 à 850.000 doublant donc quasiment. Mais le durcissement de l’exploitation prit encore d’autres formes, impactant la population toute entière. Ainsi le nombre de jours ouvrables durant lesquels chaque Congolais mâle adulte devait se consacrer à des « tâches de la communauté » passa de 60 à 120 jours par an. Quant à la superficie de la culture forcée (coton, manioc, riz, noix de palme), elle se vit tripler de 300.000 à 900.000 ha. Le Père Hulstaert écrit que l’ordre donné par les autorités de gagner la forêt en vue d’y récolter le caoutchouc provoqua » une vague de peur et d’horreur dans les régions de la forêt tropicale, tant la mémoire de la période terrible de la récolte du caoutchouc dans l’Etat indépendant du Congo était restée vive chez beaucoup de gens[iv]«  . La pénurie et la dévaluation du franc congolais, lié au franc belge diminua considérablement le pouvoir d’achat des salariés. C’est ici qu’il convient d’évoquer les événements sanglants de décembre 1941 à l’Union Minière du Haut Katanga.


    Colonie belge 1941 – Gouverneur Maron aux martyrs de l’UMHK à Lumumbashi

    Le premier qui ait étudié ce dossier est Jules Marchal, ancien administrateur colonial belge puis ancien ambassadeur et, à sa retraite, historien-amateur et chercheur. Il se mit à fouiller les archives de son ancien employeur. Jules Marchal découvrit, à sa grande surprise, dans des documents officiels, que la colonisation belge se fondait sur une série de crimes contre les populations qui lui étaient soumises. Scandalisé par ses découvertes, il dépensa tout son temps et toute son énergie à l’étude de centaines de milliers de documents conservés aux Archives Africaines du Département des Affaires Etrangères à Bruxelles. Une bonne douzaine d’ouvrages sont issus de ces recherches, tous couvrant la période 1885-1945. Ils rassemblent les données de base qui permettent de comprendre l’exploitation coloniale, sous Léopold II puis sous l’administration belge.

    Je vais ici largement puiser dans le récit que fait Jules Marchal des évènements de 1941 dans son Travail forcé pour le cuivre et pour l’or[v]. Pour les reconstituer, il se fonde sur le journal d’Amour Maron, gouverneur du Katanga à l’époque. Il en a trouvé une copie dans les archives du Consulat belge à Lubumbashi. J’y ajoute quelques autres données tirées de mes archives personnelles. L’intérêt de tout ceci ne se limite pas à l’année 1941. La gravité du massacre de cette année-là marque à ce point les travailleurs de l’Union Minière, elle les terrorise tant que cela permet d’expliquer pourquoi, dans les décennies qui suivent, ils n’ont joué aucun rôle de premier plan, même pas au temps de la décolonisation, même pas pour organiser des arrêts de travail de quelque envergure. Le texte qui suit est de Jules Marchal, le mien est en italique.

    PRÉLUDE
    A partir de 1928 l’Union Minière fit figure au Congo et en Europe d’employeur modèle, développant pour les travailleurs ses services médicaux et prenant en charge leur formation professionnelle au maniement de l’outillage et à son entretien. [Le directeur général en Afrique de l’Union Minière] Léopold Mottoulle, s’évertua à stabiliser la main d’œuvre africaine. Il s’appliqua à en faire, à travers des services sociaux de pointe, un réservoir d’ouvriers dévoués et industrieux. Il considérait les travailleurs comme de grands enfants, qu’il fallait diriger en bon pater familias, décidant de ce qui était bon pour eux et de ce qui ne l’était pas, fixant le niveau des salaires selon son bon plaisir.

    [Bien que le logement et l’alimentation de base étaient fournis en nature par l’UM, le niveau de ces rémunérations en nature était celui d’un salaire de famine] et il se conçoit que les « grands enfants » n’étaient pas très heureux des décisions dans ce domaine du « père de famille ». Ce fut tout particulièrement le cas à la fin 1941. Le salaire de base (c’est-à-dire celui d’un manœuvre débutant), avait retrouvé, après la chute observée au cours de la crise des années 1930, son niveau de 1930 : 2 francs par jour. A la même époque, depuis le commencement de la Seconde Guerre mondiale, le coût de la vie s’était considérablement élevé. Comme lors de la Première Guerre, la monnaie nationale s’était fortement dépréciée.

    Le 6 novembre 1941, l’administration coloniale du Katanga et la direction de l’Union Minière et de la Sermikat se réunissent à Elisabethville (Lubumbashi). Monseigneur Jean-Félix de Hemptinne, évêque du Katanga, est présent. A l’ordre du jour, une enquête de l’administration coloniale qui démontre que le minimum vital pour un travailleur célibataire, de 939 francs par an au 10 mai 1940, s’est élevé à 1.503 F au 1er août 1941, soit une augmentation de 71%. Le salaire moyen en ville est de 700 F, à comparer au chiffre de 1.503 F de l’enquête. Ceci « peut expliquer dans une certaine mesure la recrudescence des vols », affirme un des participants à la réunion. Sans augmentation de salaires, « des troubles graves » sont à craindre, opine l’évêque de Hemptinne. On se met d’accord sur la nécessité d’une augmentation des salaires de 30 à 40%[vi]. Mais rien n’est mis en œuvre pour la faire appliquer.

    Des années plus tard le journal katangais L’Informateur décrit le caractère explosif de la situation en ces termes : « En avril 1941, l’attention de l’administration est attirée sur l’incidence du renchérissement permanent du coût de la vie, sur l’esprit des indigènes. A cette date, les salaires et traitements des Européens ont été revalorisés dans d’acceptables proportions, tandis que les travailleurs indigènes, à quelques exceptions près, vivent toujours sous le régime du temps de paix. A la Cité comme dans les camps d’organismes tels que l’Union Minière et le BCK, les esprits sont remontés, les meneurs, qui ne sont encore que des péroreurs de carrefour, s’agitent. Les autorités qui sont en contact direct et permanent avec le travailleur doivent consigner dans leurs rapports que les revendications des indigènes sont justifiées. Mais l’administration supérieure continue à faire la sourde oreille »[vii].

    DES GRÈVES ÉCLATENT
    Shituru, situé près de Jadotville (Likasi), avec ses usines de production de cuivre électrolytique et la fonderie de Panda toute proche, constituent à cette époque le complexe industriel le plus important de l’Union Minière. Au mois d’octobre 1941 les ouvriers blancs y avaient débrayé et rapidement eu gain de cause. A l’exemple de cette grève des Blancs, dans la nuit du 2 au 3 décembre, des Africains du camp de Shituru, auxquels se sont joints leurs camarades de Panda, décident de faire grève le 4 au matin pour obtenir une augmentation de leurs salaires. Le 3, au matin, Léon Mutamba, le porte-parole des grévistes, en informe le chef du camp de Shituru. Celui-ci alerte immédiatement la direction générale de la société à Elisabethville, laquelle avise le gouverneur Maron. La direction se déclare dans l’impossibilité de céder face à la menace et obtient du gouverneur qu’il maintienne l’ordre et la discipline chez les travailleurs.

    Se fondant sur la législation par temps de guerre, Maron promulgue le même jour un arrêté réquisitionnant tous les travailleurs, sous peine de cinq ans de prison pour les récalcitrants (…) Le jeudi 4 décembre, avant l’aube, des camions de l’Union minière transportent les soldats de la Force Publique, l’armée de la colonie, jusqu’aux camps. A l’entrée du camp de Shituru, la troupe se heurte à 500 travailleurs, en route pour Panda. Elle les maintient sur place puis les refoule. A Panda elle entoure un groupe massé près de l’école.

    Le directeur général de l’Union Minière, Léopold Mottoulle, tente d’établir le contact avec des groupes de grévistes. Il promet une augmentation de salaire à ceux qui reprendront le travail à 11h, alors que les autres n’obtiendraient rien. Il n’est pas entendu, on lui lance des pierres. Furieux et écœuré par l’attitude de ses « grands enfants », il est accueilli à Panda par les clameurs et les protestations des femmes. Elles se plaignent de l’insuffisance des rations de viande et de poisson. Parmi les équipes de jour de Shituru et Panda, soit 1.800 personnes, 1.400 ouvriers sont en grève. Seuls les recrues et les ouvriers spécialisés travaillent.

    Les officiers blancs de la Force publique, craignant d’être débordés par les grévistes, ordonnent à leurs hommes de faire preuve de sang-froid et de ne pas répondre aux provocations. Ils réclament l’envoi urgent de renforts de Lubumbashi. Le bilan des échauffourées est relativement léger : cinq blessés dont un soldat.

    Il n’y a qu’un seul incident qui tourne au drame lorsque le commandant du bataillon de la Force Publique Cardoen tue un gréviste d’une balle de revolver. Les renforts arrivent par train en début de soirée. Les soldats patrouillent la nuit. Le 5 décembre tout est calme à Shituru et Panda. 85% des membres du personnel se présentent au travail, mais le cœur n’y est pas ; il y a partout de vifs échanges. Au cours des deux journées suivantes, menaces ou rumeurs de grève se multiplient dans plusieurs sièges d’exploitation de l’Union Minière.

    GRÈVE DANS LA CAPITALE DU KATANGA
    Le lundi 8 décembre, les travailleurs débraient à Kambove et à la mine voisine de Shanguluwe. Ils réclament une augmentation de 1,50F par jour au lieu des cinquante centimes proposés. A Kambove les femmes se joignent aux hommes pour se plaindre des rations alimentaires. Le même jour, les menaces de grève se précisent à Luishia et à Kipushi. Deux pelotons sont envoyés à Kipushi. Par ailleurs, le même lundi à la Lubumbashi, la situation se dégrade d’heure en heure à la fonderie et aux camps avoisinants. Mottoulle tient personnellement le gouverneur Maron au courant, après lui avoir dit au matin regretter qu’on n’ait pas agi avec plus de fermeté à Jadotville.

    Le gouverneur prie le major Michel Vincke, le commandant militaire d’Elisabethville, d’envoyer des troupes sur place, afin de disperser les manifestants et d’arrêter les meneurs. Le procureur du roi, Paul Van Arenbergh, et le procureur général, Jean-Marie Devaux, se rendent sur les lieux, de même que le commissaire de district. Van Arenbergh fait arrêter deux meneurs, ce qui fait monter la tension. Les ouvriers se massent devant le bureau du chef de camp et, de la foule, montent des invectives. A 23h Mottoulle téléphone à Maron que la troupe se prépare à faire usage de ses armes. A minuit, les manifestants sont dispersés, après qu’un soldat ait été blessé par le jet d’une brique.

    AU STADE DE FOOTBALL
    Le mardi 9 décembre, à 6h du matin, le gouverneur Maron se rend au camp central de Lubumbashi. Il ordonne aux travailleurs de se rassembler au stade de football et met en place à la tribune un peloton de soldats— démonstration de force. René Marchal, l’administrateur du territoire, est aussi sur place. Confronté aux souffrances des travailleurs, il avait décrété en juin 1941 que tous les employeurs devaient fournir gratuitement le bois de chauffage à leurs travailleurs. Cette initiative, qui équivalait en quelque sorte à une augmentation mensuelle des salaires des travailleurs de 15F, n’avait pas été appréciée par l’administration provinciale. Plus tard, on l’avait obligé à revenir sur cette décision.[viii]

    Selon René Marchal, ce 9 décembre une foule de 1.500 à 2.000 Noirs, hommes, femmes et enfants, est rassemblée sur le terrain de football. L’administrateur territorial, qui parle la langue locale et connaît bien la population noire, est formel : « Les grévistes n’avaient aucune intention belliqueuse. Il s’agissait d’une manifestation pacifique contre la non-adaptation des salaires au coût de la vie. Par contre, l’air résolu de la troupe, et surtout des officiers, de même que l’état de surexcitation du gouverneur Maron me firent appréhender le pire. (…) Maron paraissait avoir perdu le contrôle de ses nerfs. A chaque clameur de la foule, il levait les bras et secouait ses poings en signe de colère. Il ne tenait pas en place ».[ix]

    Après un entretien de Maron avec le numéro 1 de l’Union Minière Jules Cousin, Marchal reçoit du gouverneur cet ordre : « Vous pouvez aller parler aux grévistes, mais je vous défends de leur faire la moindre promesse. Faites-les rentrer chez eux et dites leur qu’après cela on examinera leur problème. Le capitaine De Milde va vous accompagner avec sa compagnie »[x]. Il n’y avait rien de mieux à faire pour que la situation ne dégénère et, pire : envoyer le message aux grévistes qu’ils n’obtiendraient rien, après avoir été sommés de se rassembler au stade de football, accompagnés de leurs familles (la chose avait manifestement suscité des espoirs chez les grévistes), et cela sous la menace de soldats lourdement armés— non avec des fusils, mais des mitraillettes—, dans une ambiance de suspicion réciproque entre travailleurs (dont certains leaders avaient été arrêtés) et soldats (l’un d’eux avait été blessé la veille).

    Maron, Cousin et Mottoulle, l’administration coloniale et les sociétés coloniales : tous voulaient maintenir les ouvriers noirs dans le carcan du paternalisme, pilier de la colonisation belge. Dans l’univers colonial, on ne négocie pas avec ces grands enfants. Plus encore : on ne discute pas avec eux de leurs revendications même si on les considère comme légitimes. Les Noirs devaient se taire, se satisfaire de ce qu’on leur donnait et s’incliner devant les refus qu’on leur opposait. Toutes les tentatives de rébellion — et même la simple expression d’un mécontentement — devaient être réprimées, jamais reconnues !

    « SI L’ON M’AVAIT DONNÉ LE POUVOIR DE NÉGOCIER… »
    L’administrateur de territoire Marchal et son adjoint sont bien reçus par la foule : « Les grévistes s’étaient respectueusement écartés pour nous laisser passer. Tout le monde observa un silence respectueux pour m’écouter ». Les travailleurs avaient ôté leur chapeau : « la foule faisait preuve d’un respect parfait à mon égard », note Marchal. Il leur dit « qu’ils avaient des raisons de n’être pas tout à fait satisfaits, étant donné que le coût de la vie avait augmenté dans de telles proportions qu’il ne leur était plus possible, avec le taux ancien des salaires, de faire face à tous leurs besoins de famille », mais, vu l’état de guerre « que nous avons tous des sacrifices à consentir, que les Européens avaient à supporter des restrictions aussi bien qu’eux (…) Je leur donnai l’assurance que le gouvernement ferait tout son possible pour eux et que l’Union Minière était disposée à leur accorder une augmentation générale »[xi].

    Marchal va plus loin que ce qu’on lui avait permis de dire, mais le résultat est —momentanément — là : « Je terminai en les exhortant tous à rentrer chez eux directement et en les prévenant de l’état de surexcitation de la troupe… » La foule commence à quitter les lieux. Sauf plusieurs leaders qui, croyant que l’administrateur territorial a le mandat pour négocier, insistent. Marchal écrit : « plusieurs meneurs réclamèrent tout d’abord la libération de leurs camarades arrêtés la veille. D’autres réclamèrent une promesse formelle d’augmentation ». Un ouvrier propose une augmentation de 5 francs par jour, une revendication jugée par Jules Marchal comme « pas tellement exagérée ». Cet ouvrier, c’est peut-être Léonard Mpoy, qui est identifié par Jules Marchal dans son livre comme le leader de la grève. L’administrateur territorial conclut : « J’eus l’impression en tous cas qu’une solution rapide du conflit eût pu être réalisée aisément si l’on m’avait donné le pouvoir de négocier avec eux »[xii]. Malheureusement, ce n’est pas le cas…

    LE MASSACRE
    Le Gouverneur Maron s’approche à son tour de la foule et parle aux grévistes. René Marchal observant la scène écrit : « J’eus la conviction qu’il n’existait aucun danger pour personne. Encore une demi-heure de patience et, j’en suis convaincu, les grévistes seraient rentrés chez eux ». C’est alors que le capitaine De Milde, officier de la Force Publique, s’adresse aux grévistes puis leur fait trois sommations. Elles sont énoncées en lingala, la langue officielle de l’armée coloniale ; une langue, dit René Marchal, « que pas un gréviste sur 100 ne comprenait. Les sommations restèrent sans effet. Le capitaine ordonna alors à ses hommes d’avancer baïonnette au canon. Pas un gréviste ne broncha. Les soldats hésitèrent à entrer en action, puis au lieu de piquer avec leurs baïonnettes, ils voulurent faire circuler à coup de crosses de fusils. Aussitôt un des grévistes a voulu s’emparer d’un fusil. Au même instant un coup de feu partit qui déclencha instantanément une fusillade générale qui dura 8, 10, 15 secondes, je ne sais au juste »[xiii].

    La scène est horrible : « Une trentaine de cadavres jonchaient la tribune, des blessés se tortillaient dans les fils de fer barbelés, d’autres agonisaient dans une mare de sang. Une fuite éperdue des rescapés s’ensuivit. (…) la plaine de football se vida rapidement, à l’exception de quelques dizaines d’indigènes qui, sans souci du risque, se précipitèrent au secours des victimes. Des femmes surtout étaient accourues, et jetaient des cris de désespoir en reconnaissant leur mari parmi les tués ». La compagnie se retire, pendant que des infirmiers emportent les blessés sur des brancards vers une ambulance.[xiv] Bilan officiel du massacre : 45 hommes, 2 femmes et 1 enfant tués, 74 blessés. Une cinquantaine de blessés mourront le lendemain, selon le syndicaliste belge Georges Lievens, sympathisant des grévistes[xv]. A midi, à Luishia la troupe se prépare à disperser à nouveau un rassemblement de grévistes. Au même moment les travailleurs de la mine de l’Etoile, descendant sur Elisabethville pour se plaindre également de leur ravitaillement, font demi-tour à la nouvelle de ce qui vient de se produire.

    Devant l’hôpital indigène 3 à 400 personnes attendent dans le calme les nouvelles des blessés. Entre-temps, « le personnel blanc de l’Union Minière décide de protester contre le massacre en organisant une grève de quelques heures ». L’administrateur territorial écrit plus tard : « J’eus l’occasion par la suite de me rendre compte combien les travailleurs indigènes avaient apprécié cette manifestation de sympathie à leur égard »[xvi]. Mais les autorités sont d’un autre avis, car la ségrégation entre Noirs et Blancs est un des piliers du système colonial. Le syndicaliste belge Georges Lievens va faire les frais de cet acte de solidarité.

    LE JOUR D’APRÈS
    Que faire des corps ? Mottoulle propose de les inhumer dans une fosse commune, mais l’administration refuse. Une cinquantaine de détenus de la prison locale sont réquisitionnés pour creuser des tombes individuelles au cimetière de la ville. On désire faire vite, sans les rites habituels des funérailles, loin des familles, parce qu’on craint que cette cérémonie ne provoque de nouveaux désordres. Il fait encore nuit – la nuit du 9 au 10 – quand environ 45 cadavres sont jetés dans deux camions et transportés vers le cimetière, où les détenus achèvent de creuser les dernières tombes. Un détachement de soldats prend position autour des tombes. Le jour se lève — un jour qui « restera sans doute le jour le plus horrible de ma vie », écrit l’administrateur territorial Marchal, qui est présent. « Des miasmes repoussants empestaient l’atmosphère. Des liquides fétides ruisselaient des deux véhicules. Les cadavres gluants glissaient des mains des prisonniers et dégringolaient au sol avec un bruit sourd. Spectacle d’une horreur indescriptible »[xvii]. Sans cérémonie aucune, sans un dernier hommage, et pour les proches et survivants, sans identification de l’endroit où ils sont enterrés : « le mystère règne autour de la sépulture clandestine des cadavres déchiquetés de ces victimes »[xviii].


    Le 9 décembre 1941 à Lubumbashi, martyrs de L’UMHK (Gouverneur Maron)

    Pendant que les corps sont inhumés, le travail reprend dans tous les chantiers et usines de I’Union Minière. La plus grande grève de l’histoire coloniale belge se termine. L’UMHK alloue une somme de 300 francs à la famille de chacune des victimes, se fondant sur le montant semblable habituellement versé en cas de décès d’un travailleur, alors que, en juillet 1941, le tribunal de première instance d’Elisabethville avait accordé une indemnité de 1.000 francs à la famille d’un travailleur de la Gécomines, tué dans un accident de travail. Le bain de sang terrifie les esprits : l’Union Minière en sera quitte avec les grèves de travailleurs africains jusqu’à la fin du Congo Belge.

    LES SUITES
    Le 11 décembre l’Union Minière décide une hausse générale des salaires de 25% et de 50% par rapport à ceux d’octobre. Ainsi le salaire de 2 francs passe à 3 francs, celui de 12 francs à 15 francs. Deux semaines plus tard la hausse est communiquée aux capitas de l’Union Minière. L’administrateur territorial Marchal écrit : « Cette décision n’était que trop justifiée depuis longtemps. Elle arriva malheureusement un peu tard. Ce que je n’ai pu m’expliquer, c’est la mauvaise grâce avec laquelle l’Union Minière se résigna à concéder un réajustement si manifestement impérieux. (…) Il y eut surtout une faute psychologique impardonnable de la part de l’Union Minière et du gouvernement se refusant nettement de mettre quoi que ce soit en œuvre pour rechercher sur place une solution pacifique du conflit, alors que celle-ci eût certainement été trouvée immédiatement par une concession de la plus élémentaire justice ; dans le domaine du réajustement des salaires. (…) la répression de cette grève [fut menée d’une façon] inconsidérée, stupide et criminelle »[xix].

    Il reste à la Justice de condamner nombre de gens appréhendés comme meneurs aux différents sièges d’exploitation et à la Sûreté et au Parquet d’enquêter sur le rôle des syndicalistes blancs, impliqués dans la grève selon Cousin. Les ouvriers blancs avaient cessé le travail immédiatement après le massacre, « pour protester contre l’assassinat dont venaient d’être victimes nos frères noirs », en affirmant « que c’était la Société Générale qui avait fait tirer le gouvernement et que, si la Générale avait fait tirer sur les Noirs, elle le ferait un jour sur nous ». Un groupe d’ouvriers européens avait, en passant devant le bureau de la direction générale de l’UMHK crié « Nous ne voulons plus travailler avec des assassins »[xx]. Le syndicaliste belge Georges Lievens est accusé d’avoir fomenté la grève. Licencié par l’Union Minière, il est condamné le 31 décembre 1941 à 8 jours de prison et à 25 francs d’amende pour injures au procureur Van Aerenbergh, qu’il a accusé d’être vendu à l’administration coloniale et à l’Union Minière. De 1941 à 1944, il erre à travers tout le Congo, pour retourner fin 1944 à Elisabethville, où il se fait engager par le Service des Finances de la ville. Il continue de dénoncer les responsabilités belges dans le massacre, ce qui provoque son licenciement[xxi].

    Près d’une année après le massacre, Maron est promu inspecteur d’État, tout en conservant son poste de gouverneur du Katanga. De très hautes distinctions honorifiques étaient réservées à Amour Maron : commandeur des Ordres du Lion et de Léopold II, officier de l’Ordre de Léopold et de l’étoile africaine, commandeur de l’Ordre du Christ du Portugal, et porteur de l’étoile des services en or[xxii]. Il n’est pas le seul à ne pas avoir pâti du rôle qu’il a joué dans les événements : « Quelques mois après la grève, dans le salon de réception de la résidence du gouverneur, quelques minutes après l’annonce d’une très haute promotion [accordée au capitaine De Milde] par Mr. le ministre [Albert] de Vleeschauwer », écrivit l’administrateur Marchal, j’entendis cette réflexion de la bouche même d’un magistrat : « Tel est le prix du sang de cinquante martyrs »[xxiii].

    ORGANISER L’OUBLI
    Depuis, l’oubli s’organise. L’angoisse d’une population terrorisée par les événements y aide. Cette brutale démonstration de force est complètement occultée par la presse coloniale. Le Courrier d’Afrique, sous le titre « Désordres graves à I’Union Minière », parle « de graves menaces sur la troupe appelée à intervenir pour maintenir l’ordre dans certains centres de l’UMHK ». Un jour, à l’anniversaire de la boucherie, des fleurs sont déposées sur le lieu du drame. Ce geste est très mal vu de l’Union Minière, qui décide de détruire le stade de football. Depuis lors, « le lieu est devenu un terrain inoffensif ; un terrain vague hérissé de quelques herbes où les gosses s’adonnent volontiers à des parties de jeux », peut-on lire dans le journal katangais Mwango-Hebdo, à la fin de l’année 1973.[xxiv]

    La population n’a que de vagues souvenirs des événements, bien que le massacre ait retenti dans la conscience collective. Dans la peinture populaire et dans des récits assez vagues on impute la responsabilité du massacre au gouverneur Maron, qui aurait déclenché le bain de sang en tuant un leader des grévistes[xxv]. Lors d’un séjour à Lubumbashi en 2008, j’ai parlé avec d’anciens ouvriers de l’Union Minière qui n’avaient pas vécu le drame, mais qui furent engagés plus tard par cette société. Jean Munonga (1939) estimait que de 20 à 30 travailleurs avaient été tués ; Kamanda Ngongo (1930) me parla de 30 à 40 morts. Dans Mwango-Hebdo le commis Mulongoi, un survivant du massacre, parle de 120 morts.Plus tard, sous Mobutu, l’ancien PDG de la Gécamines, Mulenda Mbô, voulut ériger un monument aux morts à l’ancien emplacement du stade de football. Une fondation avait été constituée, et un projet de monument élaboré : un ensemble de statues devaient représenter un ouvrier qui travaille, trois autres en grève, et un policier ou un soldat qui les frappe. Mais le projet n’a pas été mené à bonne fin. A l’endroit de la fusillade il y a eu d’abord un dépôt d’immondices. Ensuite on y a installé un atelier de pierres tombales.[xxvi]L

    Notes
    [i] Auteur de L’assassinat de Lumumba (Karthala, Paris, 2000) et de L’ascension de Mobutu (Investig’Action, Bruxelles, 2018). Cet article, qui doit beaucoup au livre de Jules Marchal Travail forcé pour le cuivre et l’or (1999), a donc été rédigé en français par deux Néerlandophones, Marchal et moi-même. José Fontaine a bien voulu en corriger la langue et je l’en remercie infiniment.
    
[ii] L. De Witte, « Congolese oorlogstranen : Deportatie en dwangarbeid voor de geallieerde oorlogsindustrie (1940-1945) », DeWereldMorgen, 9/1/2016.

    [iii] F. Buelens, Congo 1885-1960. Een financieel-economische geschiedenis, p. 239.

    [iv] G. Hulstaert, dans ARSOM, Le Congo belge durant la Seconde Guerre Mondiale, p. 588.

    [v] La grève et le massacre de 1941, dans J. Marchal, Travail forcé pour le cuivre et pour l’or (1999), pp. 196-199.

    [vi] Sous-commission de la main d’œuvre indigène du Katanga, « Compte-rendu de la réunion du 6 novembre 1941 », dact., 4 p., s.d., Archives LDW.
    
[vii] « La tuerie de la Lubumbashi », l’Informateur, 23 février 1946.

    [viii] René Marchal, « La grève indigène du camp de la Lubumbashi et le massacre du 9 décembre 1941 », le 7 janvier 1946, dact., 9 p., Archives LDW.

    [ix] Ibid.

    [x] Ibid.
    
[xi] Ibid.

    [xii] Ibid. Sur Léonard Mpoy, voir Donatien Dibwe dia Mwembu et Bogumil Jewsiewicki, « De la surpolisation à l’antipolitique, quelques remarques en marge de l’histoire du mouvement ouvrier à l’Union minière du Haut-Katanga (UMHK) et à la Gécamines, 1920-1996 », Brood en Rozen, p. 195.

    [xiii] René Marchal, « La grève indigène du camp de la Lubumbashi et le massacre du 9 décembre 1941 », le 7 janvier 1946, dact., 9 p., Archives LDW.

    [xiv] Ibid.
    
[xv] G. Lievens, « Lettre ouverte à Monsieur Rolus, dirigeant de la Main-d’Oeuvre Indigène de l’Union Minière du Haut Katanga », Elisabethville, tract de 2 p., 9 décembre 1947, Archives LDW.
    
[xvi] René Marchal, « La grève indigène du camp de la Lubumbashi et le massacre du 9 décembre 1941 », le 7 janvier 1946, dact., 9 p., Archives LDW.

    [xvii] Ibid.
    
[xviii] G. Lievens, « Lettre ouverte à Monsieur Rolus, dirigeant de la Main-d’Oeuvre Indigène de l’Union Minière du Haut Katanga », Elisabethville, tract de 2 p., 9 décembre 1947, Archives LDW.

    [xix] « Biographie de Lievens G.P. Ses démêlés avec l’Union Minière », Manuscrit, 2 p., Archives LDW.
    
[xx] Info dans G. Lievens, « Lettre ouverte à Monsieur Rolus, dirigeant de la Main-d’Oeuvre Indigène de l’Union Minière du Haut Katanga », Elisabethville, tract de 2 p., 9 décembre 1947, Archives LDW.
    
[xxi] « Biographie de Lievens G.P. Ses démélés avec l’Union Minière », Manuscrit, 2 p., Archives LDW.

    [xxii] Biographie Amour-Emile-Valentin Maron, Biographie Belge d’Outre-Mer, Ac. Royale des Sciences d’Outre-Mer, T. VI, 1968, col. 692-694.

    [xxiii] René Marchal, « La grève indigène du camp de la Lubumbashi et le massacre du 9 décembre 1941 », le 7 janvier 1946, dact., 9 p., Archives LDW.

    [xxiv] Mwango-Hebdo, « Massacre de 1941. Témoignages de rescapés », fin 1973, doc. Archives LDW. Le 30 novembre 1973, le président Mobutu avait évoqué le massacre dans un discours, ce qui était l’occasion pour Mwango-Hebdo de consacrer quelques articles au drame.

    [xxv] « XXXIV. Maron Alphonse, Governor of Katanga. When he massacred the people of the UMHK », in André Yav (compiled and written), « Vocabulaire du ville de Elisabethville : A history of Elisabethville from its beginnings to 1965 », Archives of Popular Swahili, Vol. 4, Issue 4, 2001. Voir aussi « The history of Zaire as told and painted by Tshibumba Kanda Matulu in conversation with Johannes Fabian », First Session, Part 1, Archives of Popular Swahili, Vol. 2, Issue 2, 1998. Dans ces récits le leader tué serait Léonard Mpoy, mais Mpoy a survécu le drame : en 1974 il est interviewé comme témoin du drame dans la revue Mwango : J. Fabian, « Commenting Kalundi’s comments : Notes on the ethnography of translating the ‘Vocabulary of the town of Elisabethville’ », Journal of Language and Popular Culture in Africa, Volume 1, Issue 3, 2001.
    
[xxvi] « La place a servi… » : Donatien Dibwe Dia Mwembu, communication par email, le 16 novembre 2018.

    #Congo #Tervuren #belgique #colonies #esclavage #massacre #terreur #Katanga #mine #minerai #Union_Minière #Umicore #caoutchouc #Jules_Marchal

  • Les gilets jaunes et les « leçons de l’histoire » Gérard Noiriel - 21 novembre 2018 - Le Blog de Gérard Noiriel
    https://noiriel.wordpress.com/2018/11/21/les-gilets-jaunes-et-les-lecons-de-lhistoire

    Dans une tribune publiée par le journal Le Monde (20/11/2018), le sociologue Pierre Merle écrit que « le mouvement des « gilets jaunes » rappelle les jacqueries de l’Ancien Régime et des périodes révolutionnaires ». Et il s’interroge : « Les leçons de l’histoire peuvent-elles encore être comprises ? »

    Je suis convaincu, moi aussi, qu’une mise en perspective historique de ce mouvement social peut nous aider à le comprendre. C’est la raison pour laquelle le terme de « jacquerie » (utilisé par d’autres commentateurs et notamment par Eric Zemmour, l’historien du Figaro récemment adoubé par France Culture dans l’émission d’Alain Finkielkraut qui illustre parfaitement le titre de son livre sur « la défaite de la pensée ») ne me paraît pas pertinent. Dans mon Histoire populaire de la France, j’ai montré que tous les mouvements sociaux depuis le Moyen Age avaient fait l’objet d’une lutte intense entre les dominants et les dominés à propos de la définition et de la représentation du peuple en lutte. Le mot « jacquerie » a servi à désigner les soulèvements de ces paysans que les élites surnommaient les « jacques », terme méprisant que l’on retrouve dans l’expression « faire le Jacques » (se comporter comme un paysan lourd et stupide).

    Le premier grand mouvement social qualifié de « jacquerie » a eu lieu au milieu du XIVe siècle, lorsque les paysans d’Ile de France se sont révoltés conte leurs seigneurs. La source principale qui a alimenté pendant des siècles le regard péjoratif porté sur les soulèvements paysans de cette époque, c’est le récit de Jean Froissart, l’historien des puissants de son temps, rédigé au cours des années 1360 et publié dans ses fameuses Chroniques. Voici comment Froissart présente la lutte de ces paysans : « Lors se assemblèrent et s’en allèrent, sans autre conseil et sans nulles armures, fors que de bâtons ferrés et de couteaux, en la maison d’un chevalier qui près de là demeurait. Si brisèrent la maison et tuèrent le chevalier, la dame et les enfants, petits et grands, et mirent le feu à la maison […]. Ces méchants gens assemblés sans chef et sans armures volaient et brûlaient tout, et tuaient sans pitié et sans merci, ainsi comme chiens enragés. Et avaient fait un roi entre eux qui était, si comme on disait adonc, de Clermont en Beauvoisis, et l’élurent le pire des mauvais ; et ce roi on l’appelait Jacques Bonhomme ».

    Ce mépris de classe présentant le chef des Jacques comme « le pire des mauvais » est invalidé par les archives qui montrent que les paysans en lutte se donnèrent pour principal porte-parole Guillaume Carle « bien sachant et bien parlant ». A la même époque, la grande lutte des artisans de Flandre fut emmenée par un tisserand, Pierre de Coninck décrit ainsi dans les Annales de Gand : « Petit de corps et de povre lignage, il avoit tant de paroles et il savoit si bien parler que c’estoit une fine merveille. Et pour cela, les tisserands, les foulons et les tondeurs le croyoient et aimoient tant qu’il ne sût chose dire ou commander qu’ils ne fissent ».

    On a là une constante dans l’histoire des mouvements populaires. Pour échapper à la stigmatisation de leur lutte, les révoltés choisissent toujours des leaders « respectables » et capables de dire tout haut ce que le peuple pense tout bas. D’autres exemples, plus tardifs, confirment l’importance du langage dans l’interprétation des luttes populaires. Par exemple, le soulèvement qui agita tout le Périgord au début du XVIIe siècle fut désigné par les élites comme le soulèvement des « croquants » ; terme que récusèrent les paysans et les artisans en se présentant eux mêmes comme les gens du « commun », Ce fut l’un des points de départ des usages populaires du terme « commune » qui fut repris en 1870-71, à Paris, par les « Communards ».

    Les commentateurs qui ont utilisé le mot « jacquerie » pour parler du mouvement des « gilets jaunes » ont voulu mettre l’accent sur un fait incontestable : le caractère spontané et inorganisé de ce conflit social. Même si ce mot est inapproprié, il est vrai qu’il existe malgré tout des points communs entre toutes les grandes révoltes populaires qui se sont succédé au cours du temps. En me fiant aux multiples reportages diffusés par les médias sur les gilets jaunes, j’ai noté plusieurs éléments qui illustrent cette permanence.

    Le principal concerne l’objet initial des revendications : le refus des nouvelles taxes sur le carburant. Les luttes antifiscales ont joué un rôle extrêmement important dans l’histoire populaire de la France. Je pense même que le peuple français s’est construit grâce à l’impôt et contre lui. Le fait que le mouvement des gilets jaunes ait été motivé par le refus de nouvelles taxes sur le carburant n’a donc rien de surprenant. Ce type de luttes antifiscales a toujours atteint son paroxysme quand le peuple a eu le sentiment qu’il devait payer sans rien obtenir en échange. Sous l’Ancien Régime, le refus de la dîme fut fréquemment lié au discrédit touchant les curés qui ne remplissaient plus leur mission religieuse, et c’est souvent lorsque les seigneurs n’assuraient plus la protection des paysans que ceux-ci refusèrent de payer de nouvelles charges. Ce n’est donc pas un hasard si le mouvement des gilets jaunes a été particulièrement suivi dans les régions où le retrait des services publics est le plus manifeste. Le sentiment, largement partagé, que l’impôt sert à enrichir la petite caste des ultra-riches, alimente un profond sentiment d’injustice dans les classes populaires.

    Ces facteurs économiques constituent donc bien l’une des causes essentielles du mouvement. Néanmoins, il faut éviter de réduire les aspirations du peuple à des revendications uniquement matérielles. L’une des inégalités les plus massives qui pénalisent les classes populaires concerne leur rapport au langage public. Les élites passent leur temps à interpréter dans leur propre langue ce que disent les dominés, en faisant comme s’il s’agissait toujours d’une formulation directe et transparente de leur expérience vécue. Mais la réalité est plus complexe. J’ai montré dans mon livre, en m’appuyant sur des analyses de Pierre Bourdieu, que la Réforme protestante avait fourni aux classes populaires un nouveau langage religieux pour nommer des souffrances qui étaient multiformes. Les paysans et les artisans du XVIe siècle disaient : « J’ai mal à la foi au lieu de dire j’ai mal partout ». Aujourd’hui, les gilets jaunes crient « j’ai mal à la taxe au lieu de dire j’ai mal partout ». Il ne s’agit pas, évidemment, de nier le fait que les questions économiques sont absolument essentielles car elles jouent un rôle déterminant dans la vie quotidienne des classes dominées. Néanmoins, il suffit d’écouter les témoignages des gilets jaunes pour constater la fréquence des propos exprimant un malaise général. Dans l’un des reportages diffusés par BFM-TV, le 17 novembre, le journaliste voulait absolument faire dire à la personne interrogée qu’elle se battait contre les taxes, mais cette militante répétait sans cesse : « on en a ras le cul » , « ras le cul », « ras le bol généralisé ».

    « Avoir mal partout » signifie aussi souffrir dans sa dignité. C’est pourquoi la dénonciation du mépris des puissants revient presque toujours dans les grandes luttes populaires et celle des gilets jaunes n’a fait que confirmer la règle. On a entendu un grand nombre de propos exprimant un sentiment d’humiliation, lequel nourrit le fort ressentiment populaire à l’égard d’Emmanuel Macron. « Pour lui, on n’est que de la merde ». Le président de la République voit ainsi revenir en boomerang l’ethnocentrisme de classe que j’ai analysé dans mon livre.

    Néanmoins, ces similitudes entre des luttes sociales de différentes époques masquent de profondes différences. Je vais m’y arrêter un moment car elles permettent de comprendre ce qui fait la spécificité du mouvement des gilets jaunes. La première différence avec les « jacqueries » médiévales tient au fait que la grande majorité des individus qui ont participé aux blocages de samedi dernier ne font pas partie des milieux les plus défavorisés de la société. Ils sont issus des milieux modestes et de la petite classe moyenne qui possèdent au moins une voiture. Alors que « la grande jacquerie » de 1358 fut un sursaut désespéré des gueux sur le point de mourir de faim, dans un contexte marqué par la guerre de Cent Ans et la peste noire.

    La deuxième différence, et c’est à mes yeux la plus importante, concerne la coordination de l’action. Comment des individus parviennent-ils à se lier entre eux pour participer à une lutte collective ? Voilà une question triviale, sans doute trop banale pour que les commentateurs la prennent au sérieux. Et pourtant elle est fondamentale. A ma connaissance, personne n’a insisté sur ce qui fait réellement la nouveauté des gilets jaunes : à savoir la dimension d’emblée nationale d’un mouvement spontané. Il s’agit en effet d’une protestation qui s’est développée simultanément sur tout le territoire français (y compris les DOM-TOM), mais avec des effectifs localement très faibles. Au total, la journée d’action a réuni moins de 300 000 personnes, ce qui est un score modeste comparé aux grandes manifestations populaires. Mais ce total est la somme des milliers d’actions groupusculaires réparties sur tout le territoire.

    Cette caractéristique du mouvement est étroitement liée aux moyens utilisés pour coordonner l’action des acteurs de la lutte. Ce ne sont pas les organisations politiques et syndicales qui l’ont assurée par leurs moyens propres, mais les « réseaux sociaux ». Les nouvelles technologies permettent ainsi de renouer avec des formes anciennes « d’action directe », mais sur une échelle beaucoup plus vaste, car elles relient des individus qui ne se connaissent pas. Facebook, twitter et les smartphones diffusent des messages immédiats (SMS) en remplaçant ainsi la correspondance écrite, notamment les tracts et la presse militante qui étaient jusqu’ici les principaux moyens dont disposaient les organisations pour coordonner l’action collective ; l’instantanéité des échanges restituant en partie la spontanéité des interactions en face à face d’autrefois.

    Toutefois les réseau sociaux, à eux seuls, n’auraient jamais pu donner une telle ampleur au mouvement des gilets jaunes. Les journalistes mettent constamment en avant ces « réseaux sociaux » pour masquer le rôle qu’ils jouent eux-mêmes dans la construction de l’action publique. Plus précisément, c’est la complémentarité entre les réseaux sociaux et les chaînes d’information continue qui ont donné à ce mouvement sa dimension d’emblée nationale. Sa popularisation résulte en grande partie de l’intense « propagande » orchestrée par les grands médias dans les jours précédents. Parti de la base, diffusé d’abord au sein de petits réseaux via facebook, l’événement a été immédiatement pris en charge par les grands médias qui ont annoncé son importance avant même qu’il ne se produise. La journée d’action du 17 novembre a été suivie par les chaînes d’information continue dès son commencement, minute par minute, « en direct » (terme qui est devenu désormais un équivalent de communication à distance d’événements en train de se produire). Les journalistes qui incarnent aujourd’hui au plus haut point le populisme (au sens vrai du terme) comme Eric Brunet qui sévit à la fois sur BFM-TV et sur RMC, n’ont pas hésité à endosser publiquement un gilet jaune, se transformant ainsi en porte-parole auto-désigné du peuple en lutte. Voilà pourquoi la chaîne a présenté ce conflit social comme un « mouvement inédit de la majorité silencieuse ».

    Une étude qui comparerait la façon dont les médias ont traité la lutte des cheminots au printemps dernier et celle des gilets jaunes serait très instructive. Aucune des journées d’action des cheminots n’a été suivie de façon continue et les téléspectateurs ont été abreuvés de témoignages d’usagers en colère contre les grévistes, alors qu’on a très peu entendu les automobilistes en colère contre les bloqueurs.

    Je suis convaincu que le traitement médiatique du mouvement des gilets jaunes illustre l’une des facettes de la nouvelle forme de démocratie dans laquelle nous sommes entrés et que Bernard Manin appelle la « démocratie du public » (cf son livre Principe du gouvernement représentatif, 1995). De même que les électeurs se prononcent en fonction de l’offre politique du moment – et de moins en moins par fidélité à un parti politique – de même les mouvements sociaux éclatent aujourd’hui en fonction d’une conjoncture et d’une actualité précises. Avec le recul du temps, on s’apercevra peut-être que l’ère des partis et des syndicats a correspondu à une période limitée de notre histoire, l’époque où les liens à distance étaient matérialisés par la communication écrite. Avant la Révolution française, un nombre incroyable de révoltes populaires ont éclaté dans le royaume de France, mais elles étaient toujours localisées, car le mode de liaison qui permettait de coordonner l’action des individus en lutte reposait sur des liens directs : la parole, l’interconnaissance, etc. L’Etat royal parvenait toujours à réprimer ces soulèvements parce qu’il contrôlait les moyens d’action à distance. La communication écrite, monopolisée par les « agents du roi », permettait de déplacer les troupes d’un endroit à l’autre pour massacrer les émeutiers.

    Dans cette perspective, la Révolution française peut être vue comme un moment tout à fait particulier, car l’ancienne tradition des révoltes locales a pu alors se combiner avec la nouvelle pratique de contestation véhiculée et coordonnée par l’écriture (cf les cahiers de doléances).

    L’intégration des classes populaires au sein de l’Etat républicain et la naissance du mouvement ouvrier industriel ont raréfié les révoltes locales et violentes, bien qu’elles n’aient jamais complètement disparu (cf le soulèvement du « Midi rouge » en 1907). La politisation des résistances populaires a permis un encadrement, une discipline, une éducation des militants, mais la contrepartie a été la délégation de pouvoir au profit des leaders des partis et des syndicats. Les mouvements sociaux qui se sont succédé entre les années 1880 et les années 1980 ont abandonné l’espoir d’une prise du pouvoir par la force, mais ils sont souvent parvenus à faire céder les dominants grâce à des grèves avec occupations d’usine, et grâce à de grandes manifestations culminant lors des « marches sur Paris » (« de la Bastille à la Nation »).

    L’une des questions que personne n’a encore posée à propos des gilets jaunes est celle-ci : pourquoi des chaînes privées dont le capital appartient à une poignée de milliardaires sont-elles amenées aujourd’hui à encourager ce genre de mouvement populaire ? La comparaison avec les siècles précédents aboutit à une conclusion évidente. Nous vivons dans un monde beaucoup plus pacifique qu’autrefois. Même si la journée des gilets jaunes a fait des victimes, celles-ci n’ont pas été fusillées par les forces de l’ordre. C’est le résultat des accidents causés par les conflits qui ont opposé le peuple bloqueur et le peuple bloqué.

    Cette pacification des relations de pouvoir permet aux médias dominants d’utiliser sans risque le registre de la violence pour mobiliser les émotions de leur public car la raison principale de leur soutien au mouvement n’est pas politique mais économique : générer de l’audience en montrant un spectacle. Dès le début de la matinée, BFM-TV a signalé des « incidents », puis a martelé en boucle le drame de cette femme écrasée par une automobiliste refusant d’être bloqué. Avantage subsidiaire pour ces chaînes auxquelles on reproche souvent leur obsession pour les faits divers, les crimes, les affaires de mœurs : en soutenant le mouvement des gilets jaunes, elles ont voulu montrer qu’elles ne négligeaient nullement les questions « sociales ».

    Au-delà de ces enjeux économiques, la classe dominante a évidemment intérêt à privilégier un mouvement présenté comme hostile aux syndicats et aux partis. Ce rejet existe en effet chez les gilets jaunes. Même si ce n’est sans doute pas voulu, le choix de la couleur jaune pour symboliser le mouvement (à la place du rouge) et de la Marseillaise (à la place de l’Internationale) rappelle malheureusement la tradition des « jaunes », terme qui a désigné pendant longtemps les syndicats à la solde du patronat. Toutefois, on peut aussi inscrire ce refus de la « récupération » politique dans le prolongement des combats que les classes populaires ont menés, depuis la Révolution française, pour défendre une conception de la citoyenneté fondée sur l’action directe. Les gilets jaunes qui bloquent les routes en refusant toute forme de récupération des partis politiques assument aussi confusément la tradition des Sans-culottes en 1792-93, des citoyens-combattants de février 1848, des Communards de 1870-71 et des anarcho-syndicalistes de la Belle Epoque.

    C’est toujours la mise en œuvre de cette citoyenneté populaire qui a permis l’irruption dans l’espace public de porte-parole qui était socialement destinés à rester dans l’ombre. Le mouvement des gilets jaunes a fait émerger un grand nombre de porte-parole de ce type. Ce qui frappe, c’est la diversité de leur profil et notamment le grand nombre de femmes, alors qu’auparavant la fonction de porte-parole était le plus souvent réservée aux hommes. La facilité avec laquelle ces leaders populaires s’expriment aujourd’hui devant les caméras est une conséquence d’une double démocratisation : l’élévation du niveau scolaire et la pénétration des techniques de communication audio-visuelle dans toutes les couches de la société. Cette compétence est complètement niée par les élites aujourd’hui ; ce qui renforce le sentiment de « mépris » au sein du peuple. Alors que les ouvriers représentent encore 20% de la population active, aucun d’entre eux n’est présent aujourd’hui à la Chambre des députés. Il faut avoir en tête cette discrimination massive pour comprendre l’ampleur du rejet populaire de la politique politicienne.

    Mais ce genre d’analyse n’effleure même pas « les professionnels de la parole publique » que sont les journalistes des chaînes d’information continue. En diffusant en boucle les propos des manifestants affirmant leur refus d’être « récupérés » par les syndicats et les partis, ils poursuivent leur propre combat pour écarter les corps intermédiaires et pour s’installer eux-mêmes comme les porte-parole légitimes des mouvements populaires. En ce sens, ils cautionnent la politique libérale d’Emmanuel Macron qui vise elle aussi à discréditer les structures collectives que se sont données les classes populaires au cours du temps.

    Etant donné le rôle crucial que jouent désormais les grands médias dans la popularisation d’un conflit social, ceux qui les dirigent savent bien qu’ils pourront siffler la fin de la récréation dès qu’ils le jugeront nécessaire, c’est-à-dire dès que l’audimat exigera qu’ils changent de cheval pour rester à la pointe de « l’actualité ». Un tel mouvement est en effet voué à l’échec car ceux qui l’animent sont privés de toute tradition de lutte autonome, de toute expérience militante. S’il monte en puissance, il se heurtera de plus en plus à l’opposition du peuple qui ne veut pas être bloqué et ces conflits seront présentés en boucle sur tous les écrans, ce qui permettra au gouvernement de réprimer les abus avec le soutien de « l’opinion ». L’absence d’un encadrement politique capable de définir une stratégie collective et de nommer le mécontentement populaire dans le langage de la lutte des classes est un autre signe de faiblesse car cela laisse la porte ouverte à toutes les dérives. N’en déplaise aux historiens (ou aux sociologues) qui idéalisent la « culture populaire », le peuple est toujours traversé par des tendances contradictoires et des jeux internes de domination. Au cours de cette journée des gilets jaunes, on a entendu des propos xénophobes, racistes, sexistes et homophobes. Certes, ils étaient très minoritaires, mais il suffit que les médias s’en emparent (comme ils l’ont fait dès le lendemain) pour que tout le mouvement soit discrédité.

    L’histoire montre pourtant qu’une lutte populaire n’est jamais complètement vaine, même quand elles est réprimée. Le mouvement des gilets jaunes place les syndicats et les partis de gauche face à leurs responsabilités. Comment s’adapter à la réalité nouvelle que constitue la « démocratie du public » pour faire en sorte que ce type de conflit social – dont on peut prévoir qu’il se reproduira fréquemment – soit intégré dans un combat plus vaste contre les inégalités et l’exploitation ? Telle est l’une des grandes questions à laquelle il faudra qu’ils répondent.

    #Vocabulaire #Jacques #Jacquerie #Croquants #Communards #Sans-culottes #dîme #taxes #justice #ethnocentrisme_de_classe #réseaux_sociaux #majorité_silencieuse #BFM #opinion #lutte_populaire #GiletsJaunes #guerre_aux_pauvres

  • La mobilisation des « Gilets jaunes », nouvelle étape des luttes en France Rémy Herrera - 22 Novembre 2018
    https://www.investigaction.net/fr/author/remy-herrera

    C’est une mobilisation de masse profondément nouvelle qui a surgi ces dernières semaines en France : celle des « gilets jaunes » – du nom et de la couleur de la chasuble de haute visibilité (tout automobiliste étant supposé en posséder une à bord de son véhicule et l’utiliser, pour sa sécurité, en cas de nécessité) que portent, en signe de ralliement, des centaines de milliers de Français manifestant leur désapprobation vis-à-vis de l’action du Président Emmanuel Macron.
     


    (Article rédigé le 22 novembre ; une suite est prévue)
     
    Une mobilisation nouvelle par son origine, son ampleur et ses formes de rébellion populaire. Tout a débuté à petite échelle à la fin du mois d’octobre par une simple pétition citoyenne, sans étiquette partisane ni syndicale, sans leaders ni organisations, diffusée sur les réseaux sociaux. Elle réclamait l’annulation de l’augmentation de la taxe sur le carburant récemment décidée par le gouvernement. Quelques jours plus tard, pas loin d’un million de personnes l’avaient signée, et des slogans commençaient à appeler à « bloquer le pays ». Le mouvement de protestation, qui concernait initialement le prix de l’essence et le poids des impôts, s’étendit très rapidement à « la vie chère », au « faible pouvoir d’achat », aux « grands magasins à boycotter », pour se concentrer finalement sur un mot d’ordre, clair : « Macron démission ! ». Le point commun de ces contestations, fusant tous azimuts, était d’exprimer un mal être généralisé, un « ras-le-bol » de la population, un refus des inégalités sociales causées par l’application du projet néolibéral.
     
    Le paroxysme allait être atteint le samedi 17 novembre : quelque 280 000 « gilets jaunes » (selon les chiffres de la police), éparpillés en plus de 2 000 rassemblements sur l’ensemble du territoire français, bloquaient l’accès à des axes routiers névralgiques, péages autoroutiers ou supermarchés. Inexpérimentés pour la plupart, spontanément sortis dans la rue, ils participaient souvent à leur première action – moins de 10 % des manifestations ayant d’ailleurs été déclarées en préfecture. Dans beaucoup de villages des zones rurales, c’était même la toute première fois qu’avait lieu une manifestation. Le bilan de la journée se solda par un mort (une malheureuse femme « gilet jaune » fauchée par une conductrice ayant perdu le contrôle de son véhicule), près de 500 blessés, dont une dizaine grièvement (et 93 policiers), plus de 280 interpellations pour « actes de violence » (en majorité des automobilistes ayant forcé les barrages filtrants)…
     
    À Paris, dans une pagaille indescriptible – et incontrôlable par les forces de l’ordre –, une foule de plusieurs dizaines de milliers de « gilets jaunes », extrêmement hétérogène et absolument inclassable, réunissant de jeunes adultes (avec leurs enfants parfois), des retraités (y compris des grand-mères excédées par la baisse de leurs pensions), des employés de bureau, des ouvriers, des artisans, des motards, des routiers, des chauffeurs de taxi, des fonctionnaires, des aides-soignants, des lycéens, de jeunes entrepreneurs même, des femmes voilées, des jeunes des cités, des rastas, des gens de toutes couleurs et religions, de toutes les couches populaires, déferlaient dans un désordre incroyable sur les Champs-Élysées en chantant La Marseillaise, « Paris, debout, soulève-toi » et, bien sûr… « Macron démission ! ».
     
    De multiples petits groupes de « gilets jaunes », improvisés, arrivant de partout, très mobiles, parvenaient à se frayer un passage et à contourner – sans violence – les lignes de policiers et de gendarmes, débordés de toutes parts. Des barricades étaient improvisées en divers endroits de la capitale, faites de barrières de sécurité, de palettes de bois, de vélos, de tout ce qui traînait sur la chaussée. Des poubelles étaient incendiées. Les boutiques de luxe des beaux quartiers préférèrent fermer leurs portes – bien qu’aucune vitrine n’ait été brisée, ni aucun vol signalé. Ici, on lisait un tag : « Aux armes ! » (paroles de l’hymne national) ; là, on voyait la banderole : « Ni Macron ni fachos, Black Blocage Total » (Total étant la multinationale pétrolière française qui, semble-t-il, ne se serait pas acquittée de ce qu’elle doit au fisc), sur une autre, une guillotine dessinée, sans commentaire ; ailleurs, on entendait : « C’est comme en mai 68 », « Colère », « C’est la guerre », ou encore « Macron au bûcher ! ». Malgré les cordons de CRS, plusieurs milliers de manifestants, pacifiques, mais résolus à se faire entendre, réussissaient à s’engager dans la rue menant au Palais de l’Elysée, avant d’être repoussés par les boucliers, matraques et gaz lacrymogènes des forces de l’ordre, et de finir par se disperser dans le calme. Tout le monde restait abasourdi – « gilets jaunes » et policiers compris. On n’a jamais vu ça…
     
    Le lendemain, les protestations se poursuivaient dans toute la France, et le surlendemain, lundi 19 novembre, les accès à une vingtaine de raffineries de pétrole se trouvaient bloqués. Le 20, à Paris, des voies de chemin de fer de la gare du Nord étaient envahies et les trajets vers l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle ralentis. Dans presque toutes les régions de France, maintes actions de blocages continuaient également d’être menées : à Toulouse, autour de Lyon, à Bordeaux, en Île-de-France, dans le Vaucluse, en Normandie, en Bretagne, dans le Nord, en Corse, et jusqu’aux Départements d’Outre-Mer… Sur l’île de La Réunion (à plus de 9 300 km de Paris), où les inégalités sociales sont criantes, les manifestations virèrent à l’émeute. L’armée y fut appelée en renfort, et le couvre-feu instauré dans les communes les plus remuantes. Sur les réseaux sociaux, les « gilets jaunes » ont déjà prévenu : prochain rendez-vous, le samedi 24 novembre…
     
    Acteur hors pair, sourire en coin et plein de mépris, le Président Macron fait mine d’ignorer ce soulèvement de masse, aussi inédit qu’hétéroclite, mais motivé et déterminé à poursuivre la lutte. Le pourra-t-il longtemps quand les sondages révèlent qu’entre 75 et 85 % des Français disent soutenir les « gilets jaunes » ? Pour l’heure, le Président s’est contenté de prévenir qu’il se montrera « intraitable » face au « chaos »… réunionnais. D’ordinaire si sûr de lui, le Premier Ministre Édouard Philippe est apparu sur la défensive en affirmant que « le gouvernement ne changera pas de cap » et « ne tolérera pas l’anarchie ». Le Ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, surjoue quant à lui la fermeté. Appelé à la rescousse, le Ministre de l’Écologie et de l’Énergie, François de Rugy, déclare, sans rire, que la taxe sur les carburants devrait servir à financer la « transition écologique » – pour combien de centimes d’euro, si la France n’a pas de politique de l’environnement ? L’inquiétude du pouvoir est palpable.
     
    Que la droite et l’extrême-droite essaient de « récupérer » la mobilisation des « gilets jaunes », dépourvue de leaders visibles, est évident. Que les grands médias insistent insidieusement, pour discréditer le mouvement et jeter de l’huile sur le feu, sur de (rarissimes) propos xénophobes ou homophobes tenus lors de ces actions par quelques manifestants (d’ailleurs immédiatement stoppés par leurs propres amis sur place) l’est tout autant. À l’heure du capitalisme sauvage et d’une idéologie dominante qui attise les haines et dresse les uns contre les autres pour tenter de sauver les élites, le peuple qui endure et qui souffre est aussi fait de ces contradictions-là, hélas ; mais c’est justement le rôle des progressistes militants et éclairés que d’être à ses côtés dans les luttes pour montrer à celles et ceux qui s’égarent le chemin de la solidarité et de la fraternité. Faudrait-il que le visage des exploités soit toujours souriant ? Voudrait-on par-dessus le marché que les pauvres qui se battent pour leur survie et leur dignité soient photogéniques ?
     
    Beaucoup plus préoccupant est le fait que les directions des partis et des syndicats de gauche se tiennent – pour l’instant encore, et assez largement – à distance de cette rébellion populaire. Ne comprennent-elles pas que s’ouvre, avec la révolte des « gilets jaunes », la deuxième étape des luttes du peuple français contre la tyrannie néolibérale et pour la justice sociale ? Ne saisissent-elles pas qu’il s’agit de la continuation, sur un mode innovant, combatif, vivant, et une échelle extraordinairement élargie, du même processus de généralisation des mobilisations qui a lancé dans les grèves et manifestations des milliers de camarades syndiqués au printemps dernier ? Ne voient-elles pas que les « gilets jaunes », à leur façon (non sans courage, ni risque et danger) sont décidés à occuper le vide béant laissé par l’abandon par la gauche institutionnalisée, depuis des décennies maintenant, de la défense des intérêts de classes de tous les travailleurs et de l’internationalisme à l’égard des peuples du monde ? Ne savent-elle pas que c’est la lutte des classes qui fait l’histoire ?
     
    Heureusement, les choses peuvent changer. Et ce qui paraît oublié dans les hautes sphères, les bases se chargeront de leur rappeler. Mardi 20 novembre, un premier syndicat de transporteurs annonçait son soutien aux « gilets jaunes ». Le 21 au soir, les actions des électriciens et gaziers reprenaient (si tant est qu’elles aient vraiment cessé depuis juin), en s’intensifiant : plusieurs raffineries et dépôts pétroliers (à Gonfreville-L’Orcher et Oudalle à proximité du Havre, Feyzin en banlieue lyonnaise, La Mède près de Marseille, mais aussi sur d’autres sites, notamment ceux ravitaillant les aéroports de Blagnac [Toulouse] et Saint Exupéry [Lyon]…) se déclaraient en grève. Au même moment, on apprenait que le « capitaine d’industrie » Carlos Ghosn, PDG du groupe automobile français Renault et Président du Conseil d’administration de Nissan, était arrêté et entendu par la justice japonaise pour suspicion de fraude fiscale et détournement de fonds de l’entreprise à des fins personnelles. La révolte d’un peuple contre ce monde-là est-elle si compliquée à comprendre que cela ?

    #GiletJaunes #Rémy_Herrera

  • L’Europe utilisera-t-elle les drones israéliens contre les réfugiés ?

    En matière de sécurité, #Israël en connait un rayon. Ses entreprises sont particulièrement actives sur ce marché lucratif et peuvent démontrer l’efficacité de leurs produits en prenant les Palestiniens comme cobayes. Pour contrôler l’arrivée de réfugiés, l’agence européenne #Frontex s’intéresse ainsi de près au drone #Heron. L’engin a fait ses “preuves au combat” durant l’#opération_Plomb durci. (IGA)

    En septembre, l’Agence de surveillance des frontières de l’Union européenne Frontex a annoncé le démarrage de vols d’essais de drones en #Italie, en #Grèce et au #Portugal. Il y avait une omission majeure dans la déclaration de Frontex : le type de drones testé avait été utilisé auparavant pour attaquer Gaza.

    Certains détails sur les compagnies impliquées dans ces essais ont été publiés plus tôt cette année. Un « avis d’attribution de marché » a révélé qu’#Israel_Aerospace_Industries était l’un des deux fournisseurs sélectionnés.

    Israel Aerospace Industries a reçu 5.,5 millions de dollars pour jusqu’à 600 heures de vols d’essais.

    Le drone qu’Israel Aerospace Industries offre pour la #surveillance maritime s’appelle le #Heron.

    Selon le propre site web de la compagnie, le Heron a « fait ses preuves au combat ». C’est une expression codée signifiant qu’il a été employé pendant trois attaques majeures d’Israël contre Gaza pendant la dernière décennie.

    Après l’opération Plomb durci, l’attaque israélienne sur Gaza de fin 2008 et début 2009, une enquête de Human Rights Watch a conclu que des dizaines de civils avaient été tués par des missiles lancés à partir de drones. Le Heron a été identifié comme l’un des principaux drones déployés dans cette offensive.

    Frontex – qui expulse fréquemment des réfugiés d’Europe – a étudié les #drones depuis un certain temps. Déjà en 2012, Israel Aerospace Industries avait présenté le Heron à un événement organisé par Frontex.

    Par ses vols d’essais, Frontex permet à l’industrie de guerre israélienne d’adapter la technologie testée sur les Palestiniens à des fins de surveillance. Alors que les dirigeants de l’Union européenne professent couramment leur souci des droits humains, l’implication de fabricants d’armes pour surveiller les frontières partage plus que quelques similitudes avec les politiques belliqueuses poursuivies par le gouvernement de Donald Trump aux USA.

    Des opportunités commerciales

    Les entreprises israéliennes bénéficient des décisions prises des deux côtés de l’Atlantique.

    L’année dernière, #Elta – une filiale d’Israel Aerospace Industries – a été engagée pour dessiner un prototype pour le mur controversé que Trump a proposé d’établir le long de la frontière USA- Mexique. Elbit, un autre fabricant israélien de drones, a gagné en 2014 un contrat pour construire des tours de surveillance entre l’Arizona et le Mexique.

    Les mêmes compagnies poursuivent les opportunités commerciales en Europe.

    Elta a été en contact avec divers gouvernements à propos de leur système « de #patrouille_virtuelle des #frontières » – qui est basé sur l’interception des communications téléphoniques des mobiles et l’#espionnage des usagers d’internet. Pour fournir un prétexte à une telle intrusion, la compagnie joue sur la politique de la #peur. Amnon Sofrin, un dirigeant d’Elta qui occupait auparavant une position de premier plan dans l’agence israélienne d’espionnage et d’assassinat du Mossad, a recommandé que l’Europe choisisse en priorité la « #sécurité » plutôt que les libertés civiles.

    L’entreprise israélienne #Magal_Systems cherche aussi des contrats en Europe. Magal a installé ce qu’elle appelle une barrière « intelligente » — livrée avec des capteurs et un équipement avancé de caméras – le long de la frontière d’Israël avec Gaza.

    Saar Koush, jusqu’à récemment le PDG de Magal, a argué que le rôle de l’entreprise dans la mise en place d’un siège des deux millions d’habitants de Gaza leur donnait un argument commercial unique – ou au moins rare. « Tout le monde peut vous donner un très joli Powerpoint, mais peu de gens peuvent vous montrer un projet aussi complexe que Gaza, qui est constamment testé en combat », a dit Koush.

    Apprendre d’Israël ?

    Frontex est en contact avec d’autres entreprises israéliennes.

    En juin de cette année, l’Union européenne a publié une notice montrant que la compagnie israélienne #Windward avait gagné un contrat de près d’ 1 million de dollars pour travailler à un projet d’« analyse maritime » organisé par Frontex. #Gabi_Ashkenazi, un ancien chef de l’armée israélienne, est conseiller à Windward ; #David_Petraeus, qui a commandé les troupes US occupant l’Irak et l’Afghanistan, est l’un de ses investisseurs.

    Dans son rapport annuel 2016, Frontex déclarait que « les premiers pas avaient été faits afin de développer des relations « stratégiques » avec Israël. Frontex a ultérieurement exprimé son intention d’accroître cette coopération d’ici 2020.

    Un point clé est « l’apprentissage mutuel ». Il est plus que probable qu’il s’agisse d’un euphémisme pour échanger des notes sur les tactiques qui devraient être utilisées contre les gens fuyant la pauvreté ou la persécution.

    Israël a une réputation effroyable en ce qui concerne le traitement des réfugiés. Des Africains vivant en Israël ont été sujets à des mauvais traitements racistes de la part des plus hauts niveaux du gouvernement. Benjamin Netanyahou, le Premier ministre, les a étiquetés comme des « infiltrés ».

    Un autre ministre du gouvernement a soutenu que les Africains ne peuvent être considérés comme des humains.

    Selon l’institut de sondage Gallup, Israël est l’un des pays les moins hospitaliers du monde pour les demandeurs d’asile. Malgré sa proximité géographique avec la Syrie, Israël a refusé l’entrée aux victimes de la guerre en cours.

    L’an dernier, Netanyahou a été entendu disant aux dirigeants du groupe de Visegrad (ou Visegrad 4) – la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie – qu’ils devraient fermer leurs frontières aux réfugiés. Il a aussi déclaré qu’Israël joue un rôle important dans la réduction de la migration vers l’Europe et suggéré qu’Israël devrait être récompensé pour cela.

    L’identification d’Israël comme partenaire pour une « coopération stratégique » avec Frontex est inquiétante en soi. Les préparatifs pour utiliser les outils de répression d’Israël contre les réfugiés faisant route vers l’Europe le sont encore plus.

    https://www.investigaction.net/fr/leurope-utilisera-t-elle-les-drones-israeliens-contre-les-refugies

    #surveillance_frontalière #frontières #contrôles_frontaliers #asile #migrations #réfugiés #sécurité #Méditerranée #Heron #Israeli_Aerospace_Industries #Gaza #business

    • #Leonardo deploys its #Falco_EVO_RPAS for drone-based maritime surveillance as part of the Frontex test programme

      Leonardo’s Falco EVO Remotely-Piloted Air System (RPAS), in a maritime patrol configuration, has been deployed from Lampedusa airport (Lampedusa Island) as part of the Frontex surveillance research programme to test its ability to monitor the European Union’s external borders.

      Frontex is exploring the surveillance capability of medium-altitude, long-endurance RPAS as well as evaluating cost efficiency and endurance. Leonardo was selected by the European agency under a service contract tender for drone operations for maritime surveillance across the Italian and Maltese civil airspace. The current agreement provides for 300 flight hours and may be extended into a longer-term agreement.

      Under the deployment, Intelligence, Surveillance and Reconnaissance (ISR) activities are organised by Guardia di Finanza under coordination of the Ministry of Interior and are undertaken by Leonardo from Lampedusa also thanks to the decisive support and collaboration of ENAC and ENAV. Leonardo’s flight crews and maintenance teams are present to support the operations with the Falco EVO, which is equipped with a complete on-board sensor suite including the Company’s Gabbiano TS Ultra Light radar. This configuration allows it to carry out extended-range day and night-time missions.

      “We are proud to be able to demonstrate the capabilities of our Falco EVO to Frontex, the European Border and Coast Guard Agency, which is facing the on-going and evolving surveillance challenges posed by maritime borders. We are ready to leverage our years of experience in drone-based surveillance operations, working with the United Nations and many other international customers,” said Alessandro Profumo, CEO of Leonardo. “I wish to thank all the Italian stakeholders who contributed to this important achievement and I am convinced that this fruitful partnering approach will allow Frontex to define the best possible use for drone-based technologies.”

      The Falco EVO will operate under a “Permit to Fly” issued by the Italian Civil Aviation Authority (ENAC), which authorizes flights in the Italian and Maltese Flight Information Region (FIR)’s civil airspace. The innovative agreement reached with ENAC guarantees compliance with national and international regulations and coordination with relevant authorities. The agreement also provides for close involvement from the Guardia di Finanza as subject matter experts with operational experience in defining mission profiles and ensuring the best operational conditions in which to undertake the 300- hours test programme.

      The Falco EVO configuration being deployed includes a high-definition InfraRed (IR) electro-optical system, a Beyond-Line-Of-Sight (BLOS) satellite data-link system, a new propulsion system based on a heavy-fuel engine, an Automatic Identification System (AIS) and a complete communications relay suite.

      Leonardo is the only European company providing a comprehensive RPAS ISR capability, from the design of each system element all the way through to operations. Today the Company is an international pioneer in the operation of unmanned flights on behalf of civil organizations in “non-segregated”, transnational airspace.

      Under an innovative business model, Leonardo owns and operates its Falco family of RPAS and provides surveillance information and data directly to its customers. This ‘managed service’ model is expected to be an area of growth for Leonardo which is expanding its ‘drones as a service’ offering to customers such as the police and emergency responders in line with the growth path outlined in the Company’s industrial plan.


      https://www.edrmagazine.eu/leonardo-deploys-its-falco-evo-rpas-for-drone-based-maritime-surveillanc

    • Leonardo: il #Falco_Evo inizia i voli per il programma Frontex

      Il Falco Evo, il velivolo a pilotaggio remoto di Leonardo, ha iniziato la campagna di voli in una configurazione specifica per il monitoraggio marittimo, nell’ambito del programma Frontex, finalizzato alla sperimentazione di droni per il controllo delle frontiere esterne dell’Unione europea. Frontex, l’agenzia europea della guardia di frontiera e costiera, sta infatti analizzando la capacità di sorveglianza a media altitudine e lunga persistenza offerta dai velivoli pilotati a distanza, valutando efficienza economica ed efficacia operativa di tali sistemi. Leonardo è stata selezionata a seguito di una gara per un contratto di servizio per fornire attività di sorveglianza marittima attraverso l’uso di droni nello spazio aereo civile italiano e maltese. L’accordo attuale prevede un totale di 300 ore di volo con possibili ulteriori estensioni contrattuali. Le operazioni di sorveglianza e ricognizione effettuate da Leonardo con il Falco Evo vengono pianificate dalla Guardia di Finanza sotto il coordinamento del ministero dell’Interno, con il supporto di Enac, Enav e AST Aeroservizi Società di Gestione dell’aeroporto di Lampedusa, dove si svolgono i voli.
      “Siamo orgogliosi di dimostrare le capacità del Falco EVO all’agenzia europea Frontex e alle Forze di Sicurezza, che affrontano quotidianamente la sfida del controllo e della protezione dei confini marittimi – ha commentato Alessandro Profumo, amministratore delegato di Leonardo -. Leonardo mette a disposizione di questo programma la lunga esperienza acquisita anche grazie alle attività svolte per le Nazioni Unite e molti altri clienti internazionali con i propri sistemi pilotati da remoto”.
      Il Falco Evo opera grazie ad un “Permit to Fly” rilasciato dall’Enac, che autorizza i voli nello spazio aereo civile italiano e maltese. L’accordo innovativo raggiunto con Enac garantisce quindi la conformità alle normative nazionali e internazionali e il coordinamento con le relative autorità. L’attività prevede, inoltre, un forte coinvolgimento della Guardia di Finanza in virtù della significativa esperienza del Corpo nella definizione dei profili di missione, assicurando le migliori condizioni operative per lo svolgimento delle 300 ore di volo programmate. La configurazione del Falco Evo impiegato nel programma include un sistema ottico all’infrarosso ad alta definizione, un collegamento dati satellitari oltre la linea di vista (Beyond-Line-Data-Of-Sight - BLOS), un nuovo sistema di propulsione basato su un motore a combustibile pesante, un sistema di identificazione automatico (Automatic Identification System - AIS) e una suite completa per le comunicazioni. Leonardo è l’unica azienda europea in grado di fornire capacità complete RPAS e ISR, progettando e sviluppando tutti gli elementi che compongono un sistema pilotato da remoto, anche nell’ambito di contratti di servizio per operazioni “unmanned” e tra i pochi player al mondo a poter operare per conto di enti civili in spazi aerei non segregati trasnazionali.

      https://www.trasporti-italia.com/focus/leonardo-il-falco-evo-inizia-i-voli-per-il-programma-frontex/36521

    • Frontex Director meets with Portugal’s Minister of Internal Administration

      The Executive Director of Frontex, the European Border and Coast Guard Agency, met with Portugal’s Minister of Internal Administration and with the National Director of Portuguese Immigration and Border Service (SEF) on Friday to introduce the agency’s liaison officer for Portugal and Spain.

      Frontex is deploying 11 liaison officers to enhance the cooperation between the agency and national authorities responsible for border management, returns and coast guard functions in 30 EU Member States and Schengen Associated Countries.

      In Lisbon, Frontex Director Fabrice Leggeri met with Eduardo Cabrita, Portugal’s Minister of Internal Administration and Cristina Gatões, the National Director of Portuguese Immigration and Border Service (#SEF).

      During his visit to Portugal, Fabrice Leggeri also visited the headquarters of the European Maritime Safety Agency (EMSA) and met with its new Executive Director, Maja Markovčić Kostelac. Frontex and EMSA, along with the European Fisheries Control Agency (EFCA), work together in in the maritime domain to support EU Member States and develop European coast guard functions.

      https://frontex.europa.eu/media-centre/news-release/frontex-director-meets-with-portugal-s-minister-of-internal-administr

  • Novembre 1918 : le drapeau rouge flotte sur Strasbourg Jacques R. Pauwels - 16 Novembre 2018

    https://www.investigaction.net/fr/le-drapeau-rouge-flotte-sur-strasbourg

    http://www.jacquespauwels.net/november-1918-red-revolution-in-strasbourg
    https://www.globalresearch.ca/november-1918-red-revolution-strasbourg/5659993

    L’historien Jacques Pauwels nous rappelle un événement de la fin de la Première Guerre mondiale absent des grandes commémorations pour le centenaire de l’Armistice. Pas étonnant d’ailleurs… En novembre 1918, soldats allemands mutinés et ouvriers établissaient un soviet révolutionnaire en Alsace, instaurant bon nombre de mesures progressistes. Horrifiés, la bourgeoisie locale et les sociaux-démocrates allaient tout faire pour être “libérés”. (IGA)

    Dans le contexte de la révolution qui, en Allemagne, accompagna la défaite en novembre 1918, une situation révolutionnaire apparut en novembre 1918 à Strasbourg, ville appartenant toujours au Reich en ce temps-là. Inspirés par la proclamation d’une « république libre et socialiste » à Berlin par Karl Liebknecht le 9 de ce mois — et la proclamation, dès le 8 novembre, d’une république de soviets bavaroise (Räterepublik) à Munich, des soldats mutinés ainsi que des civils, majoritairement ouvriers, constituèrent un soviet révolutionnaire dans la capitale alsacienne et introduisirent immédiatement toutes sortes de réformes radicalement démocratiques, y compris l’abolition de la censure, des salaires plus élevés, de meilleures conditions de travail, le droit de faire grève et de manifester, etc. En outre, les révolutionnaires déclaraient qu’ils n’avaient « rien de commun avec les États capitalistes [et ne voulaient être] ni Allemands ni Français » mais vivre, à la suite du « triomphe du drapeau rouge », dans une « république d’Alsace-Lorraine » – Republik Elsaß-Lothringen – , libre, démocratique et tolérante sur le plan linguistique. Des drapeaux rouges flottaient sur toute la capitale alsacienne. Or, des mouvements révolutionnaires, sous la forme de soviets ou autres, surgirent simultanément dans bien d’autres villes alsaciennes, notamment Colmar, Mulhouse, Haguenau, Molsheim, Neuf-Brisach, Ribeauvillé, Saverne et Sélestat.


    Mais la bourgeoisie locale, majoritairement germanophone, ainsi que les sociaux-démocrates, furent horrifiés et décidèrent qu’ils préféraient être « français plutôt que rouges » ; ils firent appel aux chefs de l’armée française de « hâter leur entrée à Strasbourg » afin de mettre fin à « la domination des rouges ». Par conséquent, les troupes françaises firent leur entrée dans Strasbourg quelques jours avant la date prévue, à savoir le 22 novembre, renversèrent le soviet et annulèrent toutes les mesures démocratiques qu’il avait prises. Sans tarder, Strasbourg et le reste de l’Alsace (et le Nord de la Lorraine) furent annexés unilatéralement par la France et soumis à un processus draconien de « re-francisation », incluant une prohibition de l’usage de l’allemand et même de l’alsacien dans l’enseignement et les services publics et l’expulsion ou ostracisme des personnes soupçonnées de déloyauté envers la France ; le célèbre Docteur Albert Schweitzer fut l’une des victimes de ce genre de traitement.

    Après leur prétendue libération, les Alsaciens se retrouvèrent donc moins libres qu’auparavant, et ne jouissaient plus de la liberté de parler leur propre langue. Le cas de l’Alsace fournit une preuve supplémentaire que les objectifs de la Grande Guerre, même du côté de la puissance la plus démocratique de l’Europe, la France, n’incluaient pas des idéaux tels que la démocratie, la justice et les principes wilsoniens de l’autodétermination des peuples, et qu’une guerre victorieuse signifiait un recul, un retour vers une politique autoritaire et un triomphe pour les variétés les plus fanatiques du nationalisme.

    Jacques Pauwels est historien, auteur notamment de « 1914-1918 La Grande Guerre des classes », deuxième édition (entièrement refondue, mise à jour et augmentée d’un index), Éditions Delga, Paris, 2016. https://editionsdelga.fr/1914-1918-la-grande-guerre-des-classes
    #Strasbourg #Alsace-Lorraine #guerre #Histoire #Soviet

  • Droites radicales russes : histoire et actualité | Investig’Action

    https://www.investigaction.net/fr/droites-radicales-russes-histoire-et-actualite

    En #Russie, comme en #Ukraine et ailleurs, s’installe une sorte de résignation à l’inévitabilité de la guerre, qui n’était pourtant pas le souhait des majorités, loin de là !

    La Russie bascule-t-elle « à droite » comme le reste de l’Europe ; est-elle même une inspiratrice de ce basculement ? La question vaut-elle d’être posée ? L’#URSS était-elle « à gauche » et dès lors le basculement « à droite » a-t-il eu lieu dès 1989-91 ? Il y a manifestement plusieurs façons d’être « à droite ». Mais le recours à la terminologie occidentale « droite-gauche » est source de malentendus. Les mots n’ont pas le même sens ni la même histoire. À l’époque soviétique, le régime se réclamait de valeurs « de gauche », mais une partie des dissidents également. Les partisans de Boris Eltsine se disaient « de gauche » en 1989 avant de se regrouper quelques années plus tard dans l’ « Union des forces de droite », ce qui semblait plus conforme à leur démarche. Le débat russe s’est davantage polarisé autour des notions de « démocratie-libéralisme » versus « #patriotisme #nationalisme », « libération des mœurs » versus « défense des traditions », « occidentalisme » versus « russité » ou « eurasianité », « globalistes » versus « antiglobalistes ». C’est par mimétisme que les notions « droite-gauche » se sont progressivement imposées, sans que les forces politiques ou les populations s’y reconnaissent pleinement. Nous y avons donc recours « sous toutes réserves ».

    #doite_radicale #extrême-droit #fascisme #poutine

  • La convergence des dominations – Saïd Bouamama Paroles de resistance - 25 Octobre 2018
    https://www.investigaction.net/fr/la-convergence-des-dominations-said-bouamama

    Un débat exceptionnel avec Saïd BOUAMAMA, sociologue et spécialiste des inégalités sociales entre classes, sexes, groupes ethniques, âges et générations. Cherchons ensemble à comprendre ce système d’oppression et ce rapport social de domination.

    https://www.youtube.com/watch?v=tewMlpa4jrM

    Il manque les dernières minutes (5 à 10 min) de l’intervention.

    Source : Paroles de Résistances, Samedi 29 Septembre 2018, au Théâtre en Action, Malvieille, Moulidars