Genrer l’analyse des droits de propriété

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    Les articles qui suivent abordent le sujet à partir de cas de pays d’Europe (Espagne, France, Grèce) et d’Afrique (Maroc, Cameroun), et des méthodes de la sociologie, de l’anthropologie et du droit, réflexion que l’on pourrait poursuivre en l’élargissant à d’autres lieux, d’autres époques, d’autres regards. Dans « Pour une économie politique genrée des droits de propriété », Fatiha Talahite tente un état des lieux des approches féministes des droits de propriété et de la manière dont la question s’est posée à différents moments de l’histoire. Deux courants, l’un socialiste, l’autre libéral, sont mis en évidence. Le premier est historiquement critique vis-à-vis de la propriété, qu’il tend à assimiler à l’appropriation et l’asservissement des femmes, tandis que le second fait de l’accès des femmes à la propriété individuelle un facteur clé de leur autonomisation. Si en Europe, depuis les débuts de l’Antiquité, existaient des modalités d’accès des femmes à la propriété, les transformations du droit accompagnant l’essor du capitalisme au XIXe siècle consacrent l’exclusion des femmes, notamment des épouses, de la propriété ainsi que de sa gestion. Il faudra attendre la fin du siècle pour que des réformes commencent à lever progressivement ces inégalités, processus très lent et inégal selon les pays.
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    De nos jours, derrière l’égalité juridique formelle, ces inégalités se perpétuent, dissimulées par l’apparente neutralité du droit, marquant une continuité historique dans la domination patrimoniale dont les femmes font l’objet. Sibylle Gollac, dans « Le genre caché de la propriété dans la France contemporaine », montre comment les inégalités de genre face à la propriété sont masquées par les statistiques, dont les sources « saisissent le patrimoine des ménages ou des foyers fiscaux et non des individu∙e∙s », mais aussi par la gestion des formes collectives de propriété, qui tend à léser les femmes. « Après reconstitution de patrimoines individuels, la richesse des femmes s’avère inférieure à celle des hommes ». Celles-ci sont plus fréquemment propriétaires de biens dont elles ne détiennent pas les droits de gestion. « À droit de propriété formellement égal, les rapports de domination entre propriétaires d’un même bien », notamment au sein de la famille, limitent le pouvoir des femmes sur le patrimoine, surtout lorsque celui-ci est important.