C’est en France, le 19 août 1839, qu’est officiellement inventée la photographie par Louis Daguerre, décorateur parisien. À Paris, la Société Française de Photographie est créée en 1854. Une certaine Mme Breton, habitante de Rouen, y est inscrite dès 1857. C’est la deuxième femme à y figurer.
Longtemps, on ne connaît presque rien de Mme Breton, recensée comme l’une des premières femmes photographes dans le registre de la Société Française de Photographie (SFP). Seules quatre photos d’elle étaient conservées à la SFP à Paris, des tirages issus d’une exposition qu’elle avait effectuée en 1861 avec une adresse à Rouen.
Mais en 2022, Guy Pessiot, historien rouennais, aidé de sa fille, a décidé d’enquêter en partant d’une photo rare, peut-être le premier autoportrait de l’histoire.
Premier autoportrait féminin de l’histoire ?
Il y a une dizaine d’années, Guy Pessiot achète sur internet un lot de photos anciennes. Quatorze clichés sur papier salé, des photos de la cathédrale de Rouen, du port, parmi lesquelles un portrait de femme avec une indication manuscrite : « Mme Quibel, fervente de photographie, vers 1860, femme de M. Quibel, adjoint au maire de Rouen, il exerçait une profession dans le négoce. »
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« Tout est parti de là, est-ce que Mme Quibel n’est pas Mme Breton ? C’est une photo rare, on peut considérer que c’est le premier autoportrait féminin de l’histoire, c’est peut-être le premier selfie », explique l’historien.
Une véritable enquête pour retrouver la trace de Mme Breton
Pendant des mois, la fille de Guy Pessiot, passionnée de généalogie, va donc contacter des dizaines de municipalités pour retrouver la trace du mariage entre une Mme Breton et un M. Quibel… Un acharnement qui va payer.
C’est finalement dans le 18ème arrondissement de Paris, en 1869, qu’elle retrouve l’acte de mariage entre Françoise Romaine Breton et Pierre Alexandre Quibel. Une découverte qui permet donc de connaître enfin le visage de Mme Breton, de lui attribuer 14 clichés supplémentaires et de retracer le parcours de cette pionnière.
Elle est née en 1809 à Vienne. On trouve sa trace à Rouen pour la première fois en 1828, avec l’acte de naissance de sa fille naturelle Alexandrine, qui décédera deux semaines plus tard. Couturière, elle déclare alors s’appeler Françoise Romaine Stéphanie Breton pour la première fois.
« La qualité de ses photos peut rendre envieux les hommes »
C’est donc à Paris qu’on retrouve sa piste, à la Bibliothèque Nationale, qui abrite aujourd’hui la Société Française de Photographie. Ce n’est qu’en 1857 qu’elle apparaît comme photographe, sous le nom de Mme Breton (ou parfois Le Breton). Elle est alors la deuxième femme à adhérer à la Société française de photographie, après Louise Leghait, la première française.
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Longtemps, la Société française de Photographie conservera les seules photos connues de Mme Breton. Quatre clichés issus des expositions qu’elle y a effectuées dès 1861, car celle qui signe alors Stéphanie Breton participe aux grandes expositions de l’époque.
Elle sera présente à Londres, aux expositions universelles de Paris, la presse dit alors que « la qualité de ses photos peut rendre envieux les hommes ».
Comment s’est-elle formée ?
Mme Breton vit alors au 128 rue des Charettes à Rouen. Dans les almanachs de la ville, on la trouve comme peintre. À l’époque, les premiers photographes exercent généralement deux types de professions, peintres ou pharmaciens.
Guy Pessiot pense qu’elle aurait pu être formée par Gustave Le Gray. « Il a formé beaucoup de jeunes photographes dont Maxime Ducamp qui a accompagné Balzac en Egypte. Il avait une sorte d’école et il se pourrait que Mme Breton ait fait partie de ses élèves. »
Des photos de paysages, surtout
À l’époque les photographes immortalisent surtout des paysages, car ils sont contraints par un temps de pose long. Parmi les photos connues de Mme Breton, on trouve donc des clichés du port, de la cathédrale, des rues de Rouen.
Guy Pessiot a également identifié aux Archives Départementales de Seine Maritime deux vues du musée des Antiquités qui peuvent lui être imputées. Elles étaient jusque-là attribuées à un M. Bretony… À tort, il s’agit des seules archivées de Mme Breton dans les collections officielles.
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Mais c’est à Paris qu’est conservée sa photo star. Un cliché artistique du château de Franqueville, aujourd’hui détruit.
Une photo présentée au musée de l’Orangerie pour l’exposition Mais qui a peur des femmes photographes puis au Muma du Havre en 2024, qui permet à son autrice de jouir d’une reconnaissance mondiale comme l’une des premières femmes photographes.
On n’a pas encore tout dit sur Mme Breton.
Guy Pessiot
« On n’a pas encore tout dit sur Mme Breton. Il y a encore du travail à faire, j’espère pouvoir y participer », explique de son côté Guy Pessiot. Aujourd’hui, seuls 22 des clichés de Mme Breton sont connus, de nombreux restent sans doute encore à découvrir. Affaire à suivre...