• Un accident inédit révèle de graves dysfonctionnements en matière de sûreté nucléaire en France - Basta !
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    En mars 2016, lors d’une opération de remplacement, un générateur de vapeur de 465 tonnes chute en plein cœur de la centrale nucléaire de Paluel, en Normandie. Un accident grave et inédit, qui par miracle ne cause ni blessé grave ni contamination radioactive. Depuis, des experts ont enquêté sur les causes de l’accident. Consulté par Bastamag, leur rapport, dont les conclusions seront résumées aux salariés ce 1er décembre, révèle des dysfonctionnements majeurs dans la préparation et la surveillance du chantier, en grande partie liés au recours massif à la sous-traitance. Des failles inquiétantes, alors que les chantiers de rénovation des centrales vont se multiplier.

    « Ces délais poussent les gens à faire des conneries »

    Ces quatre entreprises ont elles-mêmes fait appel à environ 70 sous-traitants. Ajoutés aux entités EDF mobilisées, cela a rendu très complexe la circulation d’informations. Cette profusion d’acteurs, dont les rôles étaient parfois mal compris par les autres, aurait ainsi créé un climat de confusion, tout en diluant les responsabilités. « C’est tellement compliqué, que l’on ne sait plus qui fait quoi », illustre ainsi un salarié.

    Comment peut-on se passer efficacement des informations dans ces conditions ? D’autant que tout le monde est prié d’aller vite pour respecter les délais irréalistes qui sont imposés. « Dans le nucléaire, pour calculer la durée des chantiers, la direction dit : sans aléas, on peut le faire en tant de jours, explique un agent EDF. Et c’est ce temps là qui est retenu, et que tout le monde s’efforce de respecter. Le problème, c’est que ces délais sont complètement en dehors de la réalité. Il y a toujours des aléas, surtout pour un chantier comme celui du remplacement du GV de Paluel qui constitue une tête de série. » Jamais, auparavant, un générateur d’un réacteur aussi puissant (1300 MW) n’avait été remplacé par EDF [5]. Pourtant le caractère inédit du chantier n’a, à aucun moment, été pris en compte. « Ces délais, reprend un salarié de Paluel, poussent les gens à faire des conneries, c’est évident. En plus, si on ne les respecte pas, on est montré du doigt comme celui qui a retardé le chantier. »

    « Pour nous, tranche un agent de l’ancienne génération, il est impossible de contrôler correctement quelque chose que l’on n’est pas capable de réaliser soi-même. Ce principe nous oppose à la direction depuis très longtemps. Si les personnes qui ont surveillé le chantier du GV à Paluel avaient eu des compétences en levage, elles auraient aussitôt signalé qu’il y avait un problème susceptible d’avoir de graves conséquences. » Car surveiller ne signifie pas se contenter de valider « le respect de procédures normées », « sans avoir à comprendre ou à entrer dans la réalité des activités réalisées », rappellent les experts de l’Aptéis.

    Pire : les compétences détenues par les personnels d’EDF sont ignorées. C’est ainsi que le service levage de la centrale de Paluel, qui compte des techniciens aguerris, n’a pas été sollicité une seule fois pour le chantier de remplacement du générateur. « Le principe de la sous-traitance, c’est qu’ils se débrouillent, sans que l’on intervienne en quoi que ce soit. Même si on sait le faire », grince un agent EDF. Les lanceurs d’alerte internes ne sont pas les bienvenus. « Ils essaient de nous faire passer pour des gens qui se posent trop de questions. On s’inquiéterait trop facilement. On serait "catastrophistes". » Se poser des questions au sein d’une centrale nucléaire, quoi de plus normal...

    « De plus, il est très délicat pour nous de faire remonter ce que nous disent certains salariés sous-traitants sans qu’ils soient identifiés, ajoute Thierry Raymond. C’est très important de les couvrir parce qu’ils ne sont pas protégés. » « Le collègue de chez Orys, qui nous a parlé, a été assigné au ménage pendant plusieurs semaines, avant de quitter l’entreprise via une rupture conventionnelle », rapporte-t-on au sein de la centrale de Paluel. « Avec la chute du générateur, on arrive aux limites de la sous-traitance à tout va, juge Thierry Raymond. Mais on continue quand même. »

    À Paluel, le générateur de vapeur a finalement été sorti du bâtiment réacteur par un sous-traitant néerlandais qui avait postulé, sans succès, pour assurer le chantier de remplacement initial . « Sans doute était-il trop cher », soufflent des salariés. Mais, entre le coût d’une centrale à l’arrêt – un million d’euros par jour – et les surcoûts d’études, de conception, de construction et de manutention d’un matériel de levage adéquat, le chantier de la tranche 2 de Paluel a dépassé le milliard d’euros. Sans oublier les risques encourus par les salariés, sauvés par une « chance extraordinaire » pas vraiment synonyme de « sûreté nucléaire ». A l’heure où l’allongement de la durée de fonctionnement des centrales au-delà des 40 ans se pose, le « grand carénage » commence mal. Étrangement, l’Autorité de sûreté du nucléaire n’a pas souhaité répondre à l’expertise ni écouter sa restitution alors qu’elle est censée rendre son avis sur le prolongement de l’activité des centrales. Ce qui est peu rassurant.

    #Nucléaire #Néo-management #Incompétence

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    Des détails sur l’incident de Paluel.

    En mars 2016, lors d’une opération de remplacement, un générateur de vapeur de 465 tonnes chute en plein cœur de la centrale nucléaire de Paluel, en Normandie

    Causes mentionnées :
    – difficulté à transmettre les informations et à savoir qui fait quoi de part les nombreux sous-traitants (qui sous-traitent…) [Le comble : pas de personnel d’EDF présent au moment de cette manutention]
    – dilution de la responsabilité pour la même raison
    – pression exercée sur les délais
    – avertissements non pris en compte (le palonnier s’était tordu déjà avec les premières manipulations…)

    Et aussi pas mal de chance (pas de blessés, pas de fissure de la cuve, ce qui aurait entrainé des radiations…)

    Des alertes ignorées

    L’accident s’est déroulé lors de la dépose du troisième générateur sur les quatre que compte la tranche 2 de la centrale [6]. À l’intérieur du bâtiment, on avait bien remarqué, au cours du hissage des deux premiers générateurs que le palonnier tanguait dangereusement. L’information avait d’ailleurs circulé au sein de la centrale plusieurs jours avant l’accident, y compris entre des salariés non concernés par le chantier. « On a vraiment insisté sur le fait que le palonnier était tordu. On a remonté l’information », ont confié des salariés aux experts. Dans leur rapport, ces derniers précisent : « Plusieurs de nos interlocuteurs ont en outre laissé entendre que l’information n’était pas seulement remontée aux encadrants de l’équipe de remplacement du GV, mais bien également à la direction du projet à Marseille ainsi qu’à celle de la DIPDE. »

    Les ingénieurs qui pilotent l’opération sont donc censés être au courant des premiers signes de défaillances. Au moment de ces diverses alertes, une réunion se tient au sein de la centrale. « On le sait parce que des salariés nous l’ont rapporté, raconte Thierry Raymond, animateur du collectif nucléaire au sein de la Fédération nationale des mines et de l’énergie de la CGT (FNME). Mais nous n’en avons aucune trace écrite. On ne sait pas qui était là, ni ce qui s’y est dit. »

    Seule certitude : le chantier s’est poursuivi, comme si de rien n’était, jusqu’à ce que le tout s’écroule. « Tout ça, nous le savions, soupire un salarié de Paluel. Mais ce que l’on a découvert avec cette étude, c’est que des gens de la DIPDE savaient avant l’ouverture du chantier qu’il y avait un problème de conception, et que rien n’a été fait ! » Pour Aptéis, la masse de travail des ingénieurs EDF est en cause, de même que l’obligation, là encore, de faire les choses « au plus vite ».

    #nucléaire #sous_traitance #pression