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  • La FAA pourrait autoriser la remise en vol du Boeing 737 MAX avant l’été
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/la-faa-pourrait-autoriser-la-remise-en-vol-du-boeing-737-max-avant-l-ete-8


    Crédits : Lindsey Wasson

    La direction de l’aviation civile américaine (FAA) a indiqué aux compagnies aériennes américaines exploitant le MAX qu’elle pourrait approuver la remise en service du 737 MAX plus tôt que la date prévue par Boeing, soit avant mi-2020.

    L’administration de l’aviation civile américaine (FAA) a indiqué vendredi aux compagnies aériennes américaines exploitant le MAX (American Airlines, Southwest Airlines et United Airlines) qu’elle pourrait approuver la remise en service du 737 MAX avant la date prévue par Boeing, mi-2020. C’est, selon des sources proches du dossier citées par Reuters et l’AFP, ce qu’a indiqué par téléphone aux compagnies le directeur de la FAA, Steve Dickson. Une personne informée de la teneur de l’un des appels a déclaré que le directeur de la FAA avait indiqué que le calendrier annoncé Boeing était "très prudent La FAA et Boeing évoquent depuis la fin d’année dernière des calendriers différents sur la remise en service du 737 MAX, cloué au sol depuis mars dernier suite à deux catastrophes aériennes en l’espace de cinq mois.

    La FAA change de ton
    Sollicitée, la FAA a confirmé que Dickson avait passé des appels téléphoniques pour « répéter que la FAA n’avait fixé aucun délai pour la finalisation des travaux de certification de l’appareil ». Pour autant, dans un communiqué publié le même jour, la FAA a calmé le jeu par rapport à Boeing et s’est déclarée satisfaite des progrès réalisés par l’avionneur.

     "Alors que la FAA continue de suivre un processus minutieux, l’agence est satisfaite des progrès de Boeing ces dernières semaines en vue de la réalisation d’étapes clé", a-t-elle déclaré. Un changement de ton qui a fait remonter le cours de l’action de Boeing, chahuté par la crainte des investisseurs de voir baisser la production d’un autre appareil, le 787 Dreamliner.

  • Le Boeing 777X commence ses essais en vol avec plus de six mois de retard
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/enfin-une-bonne-nouvelle-pour-boeing-le-777x-a-decolle-838033.html

    Enfin une bonne nouvelle pour Boeing embourbé dans les déboires du B737 MAX. Avec plus de six mois de retard à cause , son 777X, le plus gros bi-réacteur du monde, a décollé ce samedi d’Everett, près de Seattle, pour effectuer son premier vol d’essai. Si la période de certification de se passe bien, l’avion entrera en service début 2021 chez Emirates, contre « mi-2020 » comme cela était initialement prévu.

    Plus de 400 passagers
    Le 777X, qui peut transporter de 350 à 426 passagers, présente un carnet de commandes de 340 unités, principalement de la part de sept grandes compagnies aériennes, dont Emirates, Lufthansa, Cathay Pacific, Singapore Airlines et Qatar Airways. Il est censé concurrencer l’A350 de l’avionneur européen Airbus.

    Le vol inaugural du 777X était initialement prévu à l’été 2019, mais avait dû être repoussé en raison de problèmes avec le nouveau moteur GE9X, fabriqué par General Electric, et de difficultés avec les ailes et la validation des logiciels.

    https://www.youtube.com/watch?v=rNyJbdv2KF4

  • Trump en veut à Boeing de lui gâcher son bilan économique, la compagnie réaffirme sa confiance dans le MAX
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/trump-en-veut-a-boeing-de-lui-gacher-son-bilan-economique-la-compagnie-rea


    Le cabinet IHS Markit anticipe une baisse du PIB de 0,1 point si le 737 MAX reste cloué au sol jusqu’en juin, et de 0,2 point s’il ne vole pas du tout en 2020.
    Crédits : Reuters

    "Boeing, c’est une grande, grande déception pour moi", a indiqué mercredi Donald Trump en marge du Forum économique mondial de Davos. David Calhoun, le nouveau directeur général de Boeing, s’est quant à lui voulu rassurant, en affichant sa confiance dans le 737 MAX et en promettant plus de moyens aux ingénieurs.
    […]
    « C’était, disons jusqu’à il y a un an, l’un des plus grands groupes du monde, et soudainement, plein de choses sont arrivées. Je suis tellement déçu par Boeing, tout cela a eu un énorme impact », a poursuivi le président.
    […]
    « Je crois en cet avion. J’y crois parce que nous l’avons fabriqué. Les pilotes y croient. C’est juste que la procédure d’approbation [des avions] est nouvelle », a défendu M. Calhoun [le nouveau directeur général de Boeing].
    […]
    Sans verser dans un mea culpa, il a fait remarquer que Boeing et les régulateurs n’avaient pas correctement anticipé les réactions des pilotes à un dysfonctionnement du système anti-décrochage MCAS mis en cause dans les deux accidents.

    Le dividende versé aux actionnaires inchangé
    Répétant que la sécurité était la « priorité » de Boeing, David Calhoun a ajouté : « une fois que les pilotes vont se remettre aux commandes [du MAX modifié] et seront en confiance, je suis persuadé que les clients [et les voyageurs] suivront ».

    Il a par ailleurs promis des moyens supplémentaires aux ingénieurs de Boeing, semblant ainsi répondre aux critiques selon lesquelles la culture d’innovation et de sécurité, au cœur de la stratégie de l’entreprise créée il y a 104 ans, avait été écrasée par le souci de satisfaire les marchés financiers et les actionnaires.

    Il sera néanmoins difficile de se débarrasser de cette culture du tout-financier puisque David Calhoun a assuré que le dividende versé aux actionnaires ne serait pas réduit, en dépit de l’explosion des coûts liés aux difficultés du MAX.

  • En parlant de « complot », Carlos Ghosn élude les questions qui fâchent
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/en-parlant-de-complot-carlos-ghosn-elude-les-questions-qui-fachent-837742.


    Collage photos Carlos Ghosn lors de sa conférence de presse au Liban le 8 janvier2020
    Reuters

    Train de vie fastueux, vols privés en jet, « réunion de famille » à Versailles... Renault et Nissan attendent toujours des justifications de leur ancien patron, actuellement réfugié au Liban.

    suit liste de turpitudes imputées à CG. Ça dézingue ferme…
    (rien que le choix de photos - je n’ai pas laissé la légende originale, mais le nom du fichier jpeg… :-)

  • Le cauchemar continue pour Boeing : le 737 MAX ne revolera pas avant cet été
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/le-cauchemar-continue-pour-boeing-le-737-max-ne-revolera-pas-avant-cet-ete


    Reuters

    Le constructeur a fait savoir mardi qu’il n’espérait pas obtenir l’autorisation de remettre en service son 737 MAX avant la mi-2020, un délai revu à la hausse par rapport à l’estimation que le constructeur retenait jusque-là.

    Comme plusieurs compagnies américaines l’avaient anticipé, Boeing a annoncé ce mardi que le 737 MAX ne revolera pas avant mi-2020, soit 15 mois après le début de son immobilisation en mars à l’issue deux accidents ayant fait 346 morts.

    « Nous sommes en train d’informer nos clients et nos sous-traitants que nous estimons actuellement que la levée de l’interdiction du 737 MAX ne commencera qu’à partir de mi-2020 », a déclaré le constructeur américain en expliquant ce nouveau report par « l’examen rigoureux que les autorités de l’aviation civile appliquent, avec raison, à chaque étape de l’inspection » de l’avion.

    Pour la direction générale de l’aviation civile américaine, la FAA (Federal Administration Aviation) a indiqué qu’elle n’avait pas encore fixé de calendrier.
    « La priorité de la FAA est la sécurité », a expliqué le régulateur aérien.

    Les premières informations sur la prolongation de l’interdiction de vol du MAX ont fait chuter de plus de 5% l’action Boeing et conduit à sa suspension temporaire vers 19H12 GMT à Wall Street. Quand la cotation a repris une quarantaine de minutes plus tard, le titre était toujours en baisse, et a fini sur un recul de 3,33%.

    La facture devrait encore grimper pour Boeing, estiment les analystes financiers, qui évaluent à un milliard de dollars par jour le manque à gagner. Elle s’élève actuellement à 9,2 milliards de dollars mais le directeur général David Calhoun, aux commandes depuis le 13 janvier, devrait annoncer un nouveau chiffre, lors de la publication des résultats annuels, le 29 janvier prochain.

    Boeing cherche actuellement à emprunter au moins dix milliards de dollars pour faire face à l’explosion des coûts, dont l’indemnisation de ces compagnies aériennes et des sous-traitants ainsi qu’à la compensation des familles des victimes.

    Petite éclaircie pour Boeing. Après des mois de retard, notamment en raison de problèmes avec le nouveau moteur GE9X, le B777X, un avion pouvant transporter plus de 400 passagers fera son premier vol d’essai ce jeudi. Si la certification se passe bien, il pourrait entrer en service en 2021.

  • Renault-Nissan : Carlos Ghosn a-t-il été le si bon patron qu’il prétend ?
    (où La Tribune assaisonne généreusement le «  grand patron  »…)
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/renault-nissan-carlos-ghosn-a-t-il-ete-le-si-bon-patron-qu-il-pretend-8371


    Crédits : MOHAMED AZAKIR

    Exilé au Liban après avoir fui la justice japonaise, l’ancien patron de Renault et Nissan, fustige ses successeurs les rendant responsables de la chute des résultats. En réalité, le bilan de Carlos Ghosn à la tête de Renault, mais également à la tête de l’Alliance, est moins flatteur qu’il ne le prétend...

    Rarement, un homme n’avait orchestré un tel battage médiatique autour de sa situation personnelle et juridique. Et encore moins, quand il s’agit de celui qui reste un fugitif... Le marathon des interviews menés par Carlos Ghosn depuis mercredi dernier est un véritable cas d’école. La mise en scène de sa personne, le choix des journalistes, les choix éditoriaux de certains titres qui ont privilégié l’aspect spectaculaire à sa cavale plutôt que le fond du dossier... Tout est sujet à débat.

    Mais dans ce brouhaha, un aspect interpelle : le bilan particulièrement flatteur que Carlos Ghosn s’attribue en tant que patron de Renault, de Nissan et de l’Alliance.

    Jean-Dominique Senard traité « d’incompétent »
    Lors de sa conférence de presse, mercredi 9 janvier, la première depuis son évasion du Japon, Carlos Ghosn a tout simplement tiré à boulets rouges sur ses successeurs. Affirmant avoir laissé à Hiroto Saikawa, PDG de Nissan, « une entreprise rentable, forte de 20 milliards de dollars de cash ». 

    Il s’en est également pris à Jean-Dominique Senard, qu’il accuse d’avoir abîmé l’Alliance Renault-Nissan avec des mots particulièrement durs : « franchement, il n’y a plus d’Alliance », a-t-il lâché avant de mettre en cause la méthode : « il semble que toutes les décisions soient prises par consensus. J’ai géré ces entités pendant 17 ans, je peux vous dire que le consensus ne fonctionne pas, il faut forcer les gens pour avoir des synergies ». « Cela fait peur quand vous avez des gens pas compétents », a-t-il adressé à l’endroit de celui qui a été parachuté patron de Renault en janvier 2019, alors qu’il achevait son mandat à la tête de Michelin. Et de prendre en témoin les marchés : « le cours de Bourse de Nissan a baissé de 10 milliards de dollars » depuis son arrestation, a-t-il déclaré.

    Sans parler de sa victimisation, lui qui aurait été pris en étau entre les intérêts politiques de l’État français, premier actionnaire de Renault, et les velléités nationalistes d’un Nissan pressé de retrouver sa « japonité ».

    Une stratégie de volume
    Dès lors, Carlos Ghosn se donne-t-il le beau rôle ? Si le redressement de Nissan, lors de sa reprise par Renault en 1999, est incontestable (et incontesté), son bilan réel à la tête de Renault fait débat.

    Sur le papier, les résultats de Renault lui sont pourtant favorables. Le constructeur automobile français n’a cessé de battre ses records de vente, année après année. En 2018, le groupe Renault a vendu 3,9 millions de voitures dans le monde, soit pratiquement un million d’unités supplémentaires en dix ans. Le groupe a également largement accéléré son internationalisation en consolidant ses positions sur plusieurs marchés émergents comme l’Amérique Latine, la Turquie, le Maghreb, la Russie et l’Inde. Le lancement en Chine est en revanche un échec, mais qui est surtout la conséquence d’un mauvais « timing », puisque le marché chinois s’est brutalement retourné au moment où Renault avait commencé son déploiement...

    En réalité, Renault a eu le vent en poupe en raison du rattrapage des ventes après la crise de 2009. Au même moment, le groupe a bénéficié de l’impact favorable de ses nouveautés comme c’est traditionnellement le cas quand un constructeur sort de nouveaux modèles. Renault a en effet déroulé un plan produit totalement rénové avec de nouveaux codes stylistiques notamment sous la houlette de Laurens Van den Acker. La marque au losange a saturé le marché de nouveaux modèles ; jusqu’à trois par an.

    Les fondamentaux structurellement affaiblis
    Cette stratégie volume a été portée par Carlos Ghosn tambour battant... En réalité, cette stratégie a dissimulé un affaiblissement critique des fondamentaux de Renault, telle une lame de fond. Renault a totalement raté la marche de la montée en gamme du marché. Ce qui a impacté la baisse de la valeur résiduelle des produits Renault au moment où les offres de location longue durée, favorisées par des taux d’intérêts très bas, ont pris une place prépondérante sur le marché du neuf.

    Car si le renouvellement du design a été un succès (redevenu premier motif d’achat de la marque), sur la qualité perçue, Renault a pris beaucoup de retard, y compris sur son compatriote Peugeot. Renault n’a pas su recréer un univers de marque qui aurait permis aux clients d’aller chercher les meilleurs niveaux de finition. Pire que cela, le Français a collectionné les flops sur les segments supérieurs : Espace, Koleos, Talisman, Scenic... Le Kadjar, lui, a fait deux fois moins de volumes que son concurrent de chez Peugeot, le 3008, et surtout, il n’était pas disponible en finition haut-de-gamme...

    Au final, la croissance des ventes du groupe Renault ont surtout été le fait des modèles d’entrées de gamme. D’ailleurs, les ventes de la seule marque Renault ont à peine augmenté entre 2008 et 2018. Avec 2,5 millions d’unités, la marque a gagné 100.000 immatriculations alors qu’à l’échelle du groupe, le volume supplémentaire de véhicules dépasse le million d’unités sur cette période. La croissance du groupe a donc été essentiellement portée par Dacia, une marque certes très rentable, mais sur des échelles de prix très inférieures au potentiel des segments supérieurs... Autrement dit, la part des ventes de la marque Renault dans le total du groupe est passé de 87% en 2008 à 64% en 2018. Et encore, cette part serait encore plus faible en excluant les modèles Dacia vendus sous la marque Renault et attribués à la marque au losange dans les calculs.

    Résultat, au premier semestre 2019, la marge opérationnelle de Renault était de deux points inférieure à celle de PSA (hors Opel), alors même qu’il profite de 5 milliards d’euros de synergies avec Nissan. En outre, le groupe a d’ores et déjà annoncé en novembre que la marge opérationnelle pour l’année 2019 serait moins bonne qu’annoncée... Enfin, la chute des cours sur les titres Renault et Nissan avaient commencé avant l’arrestation de son patron. Quelques mois auparavant, le titre du français s’échangeait autour de 98 euros, contre 67 euros la veille de son arrestation.

    Le bilan de Carlos Ghosn à la tête de Renault est donc très discutable. Il a mené une stratégie de volumes très offensive, utile pour gagner des parts de marché dans les pays émergents, mais qui n’a pas été vertueux d’un point de vue de la rentabilité.

    Chez Renault, il y a eu une prise de conscience. Les deux derniers lancements de la marque, la Clio et le Captur, ont tous les deux intégré cette volonté de monter en gamme. Les designers ont travaillé la planche de bord et les matières afin de gagner en qualité perçue. Ils ont également modernisé leur système de connectivité.

    Même sur la voiture électrique, dont Renault a été à l’avant-garde et souvent mis au crédit de Carlos Ghosn pour sa prise de risque, le bilan est contrasté. Certes la Zoé est l’une des voitures électriques les plus vendues en Europe, mais Renault n’a pas su creuser l’écart et semble désormais à la remorque du marché. Les concurrents ont ainsi lancé des gammes électriques autrement plus ambitieuses avec notamment des SUV 100% électrique à l’image de Peugeot, DS ou encore Volkswagen.

    Le cumul des mandats de l’Alliance
    Enfin, dernier point essentiel, la panne de l’Alliance contre laquelle Carlos Ghosn n’a cessé de pester en l’attribuant à Hiroto Saikawa. D’après lui, le japonais a monté l’affaire avec les procureurs japonais dans le seul but de neutraliser l’Alliance et un projet de fusion. Avant d’attribuer la responsabilité de cette déchéance à la mauvaise méthode de Jean-Dominique Senard.

    En réalité, Carlos Ghosn est le seul responsable de la chute de l’Alliance. Son management, sa méthode qui a consisté à concentrer les pouvoirs et à neutraliser les contre-pouvoirs à travers une organisation pyramidale, en cumulant les postes de PDG (PDG de Renault, de Nissan, puis président de Mitsubishi) a sciemment mis l’Alliance dans une situation de dépendance autour de sa seule personne, et ce, malgré les critiques. Il a fallu que le gouvernement français exige un plan de succession pour que Carlos Ghosn s’y attelle... Soit trop tard, soit en se contentant de promesses incantatoires. En tout état de cause, Carlos Ghosn n’a préparé ni sa succession, ni la pérennité de l’Alliance au-delà sa propre personne. La chute de celle-ci était donc inéluctable dès lors que son patron n’était plus aux manettes. La stratégie qui consiste à saturer les médias de communication ne résiste pas à l’épreuve des faits.

  • Souveraineté : la France en état d’urgence absolue (1/11)
    https://www.latribune.fr/economie/france/souverainete-la-france-en-etat-d-urgence-absolue-1-13-836790.html


    Crédits : Christian Hartmann

    Face aux appétits américains et aux ambitions chinoises et russes, Paris a-t-il les moyens de protéger son autonomie de décision, et de la retrouver dans des domaines clés comme le numérique ? Il y va de sa responsabilité.

    La France est en guerre. Une guerre qui ne fait pas de morts mais qui laisse à la fin de chaque bataille perdue un champ de ruines industriel. Une guerre qui a pour enjeu la souveraineté de notre pays, soit l’autonomie de décision de la France en matière technologique et numérique. Cette guerre concerne également les domaines juridique, de la défense, de l’approvisionnement énergétique, de la protection des fleurons nationaux. Elle doit être menée non pour fossiliser et isoler la France mais parce que les États-Unis, qui se veulent le gendarme du monde, souhaitent tout contrôler et ainsi vassaliser leurs alliés.

    Résultat, une course-poursuite s’est engagée entre Washington et ses principaux concurrents, notamment la Chine et à un degré moindre la Russie, qui veulent étendre leur zone d’influence. Le monde est redevenu un vaste jeu de Monopoly.

    • Souveraineté juridique : la soumission de la France aux lois américaines (2/11)
      https://www.latribune.fr/economie/france/souverainete-juridique-la-soumission-de-la-france-aux-lois-americaines-2-1


      Crédits : Carlo Allegri

      Avec le Patriot Act, puis le Cloud Act, la France a perdu une partie de sa souveraineté juridique, balayée par les lois extraterritoriales américaines. Mais une volonté de reconquête se fait désormais jour.

      Le constat est implacable, la France a perdu depuis l’instauration par les États-Unis du Patriot Act en 2001 une partie de sa souveraineté juridique. La cause : les lois extraterritoriales américaines, qui ont contraint les entreprises françaises et du monde entier à se soumettre au droit américain grâce à des liens parfois très ténus (paiement en dollars par exemple) avec les États-Unis. En dépit de la loi Sapin 2 de décembre 2016, la France - tout comme l’Europe - n’a jusqu’ici rien pu faire pour s’y opposer vraiment... alors même que les États-Unis se sont servis du droit comme « d’une arme de destruction dans la guerre économique » qu’ils mènent contre le reste du monde, a affirmé le député Raphaël Gauvain, qui a remis en juin 2019 un rapport sur la reconquête de la souveraineté de la France au Premier ministre. Dans un entretien à La Tribune, le député LREM martèle qu’il y a une « véritable instrumentalisation de cette procédure au service de l’économie et des entreprises américaines ».
      […]
      Le RGPD interpelle déjà les entreprises américaines, comme s’en est aperçue Marie-Laure Denis [présidente de la Cnil] : « J’ai pu constater à quel point les entreprises américaines étaient intéressées par l’affirmation européenne d’une législation extraterritoriale ». Car quoi qu’il arrive, les États-Unis ne respecteront que l’épreuve de force. La France semble y être prête, mais l’Europe des 28 le veut-elle ?

    • « Washington a organisé un pillage des données des entreprises françaises » Raphaël Gauvain (3/11)
      https://www.latribune.fr/economie/france/washington-a-organise-un-pillage-de-donnees-des-entreprises-francaises-rap


      "Les Etats-Unis empêchent l’Europe et les entreprises européennes de commercer librement. C’est une atteinte très, très grave à notre souveraineté" (Raphaël Gauvain, député LREM).
      Crédits : DR

      Selon le député LREM de Saône-et-Loire Raphaël Gauvain, auteur du rapport sur les lois extraterritoriales américaines, les États-Unis empêchent les entreprises européennes de commercer librement. Il nous livre ses pistes pour en sortir.

      LA TRIBUNE - Votre rapport sur les lois extraterritoriales américaines, publié à l’été 2019, est-il un coup de poing tapé sur la table contre ces procédures extrajudiciaires ?
      *RAPHAËL GAUVAIN -
      Je n’ai pas été le premier à le dire. Il y a eu, avant moi, le rapport Lellouche-Berger, qui était le premier cri d’alarme. À l’issue de plus de 250 auditions, il y a eu vraiment un constat partagé : une instrumentalisation de ces procédures extrajudiciaires par les pouvoirs publics américains. Sur les 24 plus grosses condamnations du DoJ, le ministère de la Justice américain, dans des affaires de corruption, 14 concernent des entreprises européennes. En revanche, les entreprises américaines sont la plupart du temps épargnées et il n’y a aucune poursuite engagée contre des entreprises russes et chinoises. Ce qui montre bien qu’il y a une véritable instrumentalisation de cette procédure au service de l’économie et des entreprises américaines. L’objectif du rapport était également d’apporter des solutions très concrètes pour rétablir notre souveraineté judiciaire et mieux protéger nos entreprises dans le cadre de ces procédures.

      Mais ce type de dossier se résout au niveau politique, surtout avec les États-Unis, non ?
      Le rapport n’a pas vocation, ni ambition d’apporter une solution à la totalité de la problématique de l’extraterritorialité américaine. C’est sûrement une réponse qui doit être engagée au niveau politique français et sans doute au niveau européen. Cela va être le défi des prochains mois, des prochaines années. Le général de Gaulle disait qu’il faut regarder les Américains « droit dans les yeux ».

      Que pouvez-vous apporter aux entreprises françaises prises dans ces procédures ?
      Nous proposons des instruments pour que nos entreprises puissent se défendre dans ces procédures. Car elles sont vulnérables. Nous préconisons trois pistes d’action, dont la modernisation de la loi de 1968, qui n’est pas une loi de blocage, mais une loi d’aiguillage. Cette modernisation doit imposer aux autorités publiques américaines de passer par les voies de la coopération judiciaire internationale. L’objectif est de remettre l’État entre les entreprises et les pouvoirs publics américains afin de faire respecter un certain nombre de garanties inscrites dans des traités. Il faut absolument les imposer pour que nos entreprises ne se retrouvent pas seules face aux autorités publiques américaines, qui ont organisé un système de pillage de données des entreprises françaises. Il y a aussi des risques de fuite d’informations stratégiques des entreprises françaises vers les États-Unis.

      Pourtant cette loi n’était même pas respectée par les Américains...
      ...On s’est effectivement posé la question s’il fallait conserver cette loi de 1968 qui était tombée en désuétude. En 2007, les Américains avaient même réussi à la contourner. Mais nous avons voulu la rendre effective pour que les Américains la respectent. Cela passe par l’augmentation de l’amende encourue, qui doit passer de 18.500 euros à près de 3 millions d’euros pour les entreprises qui ne respectent pas cette loi. Celle-ci interdit à toute entreprise française de communiquer directement des documents aux pouvoirs publics étrangers sans passer par les voies de la coopération. Si une entreprise y porte atteinte, elle est condamnée pénalement.

      Mais les entreprises françaises ne sont-elles pas placées entre le marteau et l’enclume ?
      C’est un instrument qui reste à manier avec délicatesse et intelligence parce que l’on place effectivement nos entreprises entre le marteau et l’enclume. Elles ont des demandes des autorités publiques américaines avec des sanctions à la clé et, nous, on leur impose de passer par les voies de la coopération judiciaire internationale.

      Vous préconisez de protéger les avis juridiques des entreprises. Pourquoi et pour quels objectifs ?
      Nous nous sommes rendu compte en faisant du droit comparé que la France était le seul pays au monde qui ne protégeait pas les avis juridiques de ses entreprises. Dans plusieurs négociations entre le ministère de la Justice américain et les entreprises françaises, on s’est rendu compte que le DoJ avait entre ses mains ces avis juridiques. Ils servent de conseils ou d’alertes sur des affaires en cours pour que les dirigeants puissent prendre leur décision de manière éclairée. À partir du moment où ces conseils ne sont pas protégés, le DoJ s’en sert pour accuser les entreprises de leur connaissance sur les risques encourus.

      Pourquoi ne pas faire évoluer le droit de l’avocat en entreprise ?
      En France, il y a des blocages. Des services d’enquêteurs considèrent que cela pourrait porter atteinte à l’efficacité des enquêtes. Il faut donc mettre en place un système qui permette une protection sans porter atteinte à celle-ci. Ce qui n’est pas du tout le cas dans les autres pays, notamment aux États-Unis où ces avis sont protégés. Cela n’empêche pas les enquêtes d’aboutir. Mais nous devons rassurer en France.

      Cela dit, la protection des avis juridiques n’a pas sauvé les entreprises allemandes, par exemple, d’énormes amendes du DoJ...
      Bien sûr. Ce n’est en aucun cas une règle qui permettra d’arrêter les enquêtes, ni les condamnations. C’est juste donner à nos entreprises une arme supplémentaire pour se défendre dans ce type de procédure. Le DoJ a utilisé ces avis contre des entreprises françaises. Si l’avis n’avait pas été communiqué, cela n’aurait pas empêché la condamnation, mais réduit l’ampleur de la condamnation.

      Comment peut-on lutter contre le Cloud Act ?
      Le Cloud Act donne la possibilité aux autorités publiques américaines de recueillir dans le cadre d’investigations les pièces, en s’adressant non pas directement aux entreprises françaises, mais en passant par des services de cloud, donc par les Gafa. Tout cela sans prévenir, bien sûr, les entreprises françaises, et quand bien même les serveurs seraient situés sur le territoire français. On voit bien que c’est un pas de plus vers l’extraterritorialité et un contournement complet de la coopération judiciaire internationale.

      Que proposez-vous ?
      Nous proposons de créer un conflit de loi, qui va peser sur les Gafa. D’un côté, ils sont tenus par les autorités américaines de leur communiquer les pièces sur les entreprises françaises et, de notre côté, on leur interdit de les communiquer. On leur conseille de passer par les voies de la coopération judiciaire internationale. Et si les Gafa n’obtempèrent pas, on les sanctionnera et on les sanctionnera très durement. Dans ce cadre, on propose d’étendre la sanction prévue par le RGPD, qui est à hauteur de 4 % du montant du chiffre d’affaires mondial, aux personnes morales. On les met entre le marteau et l’enclume.

      Des pays comme l’Inde ou encore la Russie envisagent d’imiter les États-Unis en mettant en place des lois extraterritoriales. Faut-il le craindre ?
      S’il y a une multiplication de ces procédures, cela va tuer le commerce international. C’est, bien sûr, une menace. Les États-Unis ont trouvé cette arme juridique, qui a commencé à se développer après les attentats du 11 septembre 2001. Une arme qui a pris de l’ampleur après la crise financière. Pour les États-Unis, les lois extraterritoriales sont plus qu’une arme dans la guerre économique : ils ont trouvé une arme pour se projeter dans le monde entier, réguler le commerce mondial à leur propre profit, sans envoyer un seul GI. Car cela va désormais au-delà des affaires de corruption, avec le régime de sanctions qu’ils imposent au monde entier. Cela a été le cas avec l’Iran où, là, le combat éthique est complètement mis de côté.

      C’est-à-dire ?
      Dans la lutte contre la corruption, les Américains ont mis en avant le combat éthique de la lutte contre la corruption en disant : « On fait le ménage parce que vous ne le faites pas ». La France y a répondu en mettant en place la loi Sapin 2. Cet argument ne marche absolument plus avec les sanctions unilatérales : ils empêchent l’Europe et les entreprises européennes de commercer librement. C’est une atteinte très, très grave à notre souveraineté. Il faut donc une réponse politique.

    • Souveraineté numérique : les nuages noirs s’amoncellent (4/11)
      https://www.latribune.fr/technos-medias/souverainete-numerique-les-nuages-noirs-s-amoncellent-4-13-836810.html


      –Les autorités françaises travaillent sur une solution de « cloud de confiance » afin de contrer la mainmise américaine sur les données.
      Crédits : Reuters_

      Non seulement l’Europe est tributaire des services internet des géants américains du Net, qui siphonnent les données des citoyens et des entreprises, mais ses réseaux télécoms suscitent désormais la convoitise des Chinois.

      C’est un fait : le Vieux Continent est devenu une colonie numérique des géants américains du Net. Ces dernières années, les particuliers sont devenus accros au réseau social Facebook et à Google pour les mails et la recherche en ligne. Les entreprises affichent la même addiction. Elles sont devenues dépendantes d’Amazon Web Services, le service cloud de référence du mastodonte de Jeff Bezos, ou d’Azure, celui de Microsoft. Comme le décrit Pierre Bellanger, le PDG de Skyrock, l’Europe s’est muée en « garde-manger » numérique des États-Unis. Et les Gafa n’en restent pas là : ils capitalisent sur leur puissance et sur leur incroyable force financière pour développer des services qui relevaient jusqu’alors du monopole exclusif des États. Le plus emblématique d’entre eux est sans nul doute le projet de monnaie numérique de Facebook, le fameux Libra.

      L’épouvantail du Cloud Act américain
      Dans un rapport publié en octobre 2019, le Sénat tirait la sonnette d’alarme concernant cette perte importante de souveraineté pour la France, laquelle a désormais des conséquences très concrètes. Son rapporteur, Gérard Longuet, prend en exemple la récente taxe française sur les services numériques. « En décidant de faire cavalier seul sur la taxation des géants du numérique, pour répondre à un objectif qu’on ne peut lui reprocher, celui de rétablir l’équité fiscale entre les entreprises, la France s’expose aux représailles américaines, constate le sénateur. Cette menace est d’ailleurs l’une des illustrations les plus frappantes des limites de la souveraineté française vis-à-vis des acteurs du numérique ».

      Outre l’aspect fiscal, c’est surtout le siphonnage d’un grand nombre de données des citoyens et des entreprises par les géants américains qui affole les pouvoirs publics. « Nous sommes confrontés à une loi américaine, le Cloud Act, qui inquiète les entreprises européennes, constate Thomas Courbe, le patron de la Direction générale des entreprises (DGE). La réalité, c’est que cette loi est problématique parce qu’elle permet [pour des motifs de sécurité nationale, ndlr] un accès direct aux données, y compris celles des entreprises, quelle que soit leur localisation, sans possibilité de contrôle par un juge européen. Cet accès aux données est sans limite, notamment d’un point de vue quantitatif, et il est effectué à l’insu de l’entreprise concernée comme de l’État ».

      En réponse au Cloud Act, avec le souci de reprendre au moins le contrôle des données les plus importantes, la France soutient une solution de « cloud de confiance ». « Il y a une pertinence à soutenir une offre européenne, explique Thomas Courbe. À la demande du ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, nous y travaillons avec les industriels. L’idée est d’apporter des solutions qui ne seraient pas généralistes, mais concerneraient les données sensibles des entreprises ». Il n’empêche que, pour beaucoup, l’Europe a pris trop de retard dans le cloud, et disposer d’une vraie solution souveraine relève de l’utopie. Certains industriels, comme Thales, misent plutôt sur le chiffrement afin de protéger les données stockées hors du territoire national.

      Des inquiétudes sur l’essor de Huawei
      Reste que, pour avoir la main sur les données, un cloud souverain ne suffit pas. Il convient d’avoir également la maîtrise des réseaux, vitaux pour la circulation des données. Sur ce front, l’essor de Huawei, devenu numéro un des équipements télécoms devant les européens Ericsson et Nokia, préoccupe le Vieux Continent. Le groupe de Shenzhen, qui s’est taillé une grosse part des réseaux 4G en Europe, veut se renforcer avec l’arrivée de la 5G. Mais certains États, dont la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, redoutent d’être trop dépendants d’une technologie chinoise, et craignent que celle-ci ne soit utilisée comme un cheval de Troie par Pékin pour écouter les communications.

      Dans un domaine tout aussi stratégique, la France s’efforce de préserver son avantage dans le secteur des câbles sous-marins, essentiels pour les communications intercontinentales. L’exécutif veut impérativement conserver dans son giron l’activité du champion Alcatel Submarine Networks, que Nokia a récupéré en 2015 lors du rachat d’Alcatel. Pourquoi ces câbles sous-marins sont-ils aussi importants ? Notamment parce qu’"en France 80% du trafic national part aux États-Unis, relevait Pierre Bellanger lors d’une intervention à l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), en novembre 2019. Une coupure de trafic, à ce niveau de dépendance, à ce niveau d’optimisation des processus par les données, est une interruption de nation. C’est le bouton off du pays".

      Le démantèlement des GAFA en question
      À l’instar de la France, plusieurs États européens appellent Bruxelles à prendre enfin en compte les enjeux de souveraineté numérique. L’idée est d’abord de réviser l’antitrust, et de « n’avoir aucun tabou sur la question du démantèlement des grands acteurs d’Internet », comme le souhaitait Sébastien Soriano, le président de l’Arcep, le régulateur français des télécoms, dans nos colonnes en septembre dernier. « Le fait qu’un acteur comme Google ait pu racheter la régie publicitaire DoubleClick, le système d’exploitation Android, qui lui donne une position prépondérante dans le mobile, ou YouTube, est absolument incroyable quand on y réfléchit a posteriori », renchérissait-il.

      En outre, beaucoup plaident pour une régulation forte des géants du numérique. « Pour ces acteurs, il faut, au-delà des règles de la concurrence, prévoir des éléments de régulation permettant d’assurer le bon fonctionnement des marchés, souligne Thomas Courbe. Il y a des situations où certains sont très dominants, et bénéficient des effets de réseaux propres à Internet. C’est un champ important de la souveraineté numérique puisqu’il y a des enjeux de captation de la valeur économique. Il faut remettre de l’équité sur ces marchés ». Ce qui ne sera pas, c’est peu dire, chose facile.

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      CÂBLES SOUS-MARINS : ASN, CETTE PEPITE QUE NOKIA NE VEUT PLUS LÂCHER
      Le géant finlandais des télécoms ne veut plus se défaire d’Alcatel Submarine Networks, entré en sa possession lors du rachat d’Alcatel en 2015. Cette situation préoccupe le gouvernement, qui tient à conserver cette activité dans le giron français.

      C’est un serpent de mer. Au sens propre et au sens figuré. Aujourd’hui, Nokia ne veut plus se séparer d’Alcatel Submarine Networks (ASN), le champion français des câbles sous-marins, qu’il a récupéré en 2015 lors de son rachat d’Alcatel. À l’époque, le géant finlandais des télécoms n’avait que peu de considération pour cette activité. Il voulait la vendre, l’estimant trop éloignée de son cœur de métier. Mais la donne a changé. L’appétit des Gafa pour les câbles sous-marins, conjugué à l’expertise d’ASN dans les équipements de pointe (les équipements optiques), a convaincu Nokia de garder l’industriel sous sa coupe. L’ennui, c’est que le champion français des câbles sous marins est éminemment stratégique aux yeux de l’État, qui dispose d’un droit de regard sur une vente d’ASN depuis le rachat d’Alcatel.

      À Bercy, les troupes sont mobilisées. Hors de question de laisser filer cette activité hors du giron français. Les câbles sous-marins sont considérés comme essentiels pour la souveraineté du pays. Il faut dire que ces infrastructures, souvent méconnues du grand public, sont cruciales pour le bon fonctionnement d’Internet et de l’économie. 99% des communications intercontinentales transitent par ces artères qui reposent au fond des mers. Ce qui explique qu’elles soient dans le collimateur des militaires et des espions.

      Diversifier l’actionnariat
      Ces dernières années, l’exécutif a élaboré de nombreux montages destinés à racheter ASN. Toutes les tentatives ont échoué. Le gouvernement mène à présent des discussions visant à diversifier l’actionnariat du groupe. Celles-ci pourraient déboucher sur un tour de table entre Nokia, Bpifrance et Orange. Mais rien ne dit que ces négociations aboutiront. Interrogé à ce sujet début décembre, Stéphane Richard, le PDG d’Orange, a déclaré « que le cadre a été posé avec BPI pour être l’actionnaire français d’ASN ». Toutefois, poursuit le dirigeant, il reste une « grande inconnue » : « Je ne sais toujours pas ce que Nokia veut faire d’ASN... »

      Pour la France, disposer d’une autonomie dans les câbles sous-marins est crucial. Avec ASN, elle veut garder une capacité industrielle à fabriquer, à déployer et à réparer des câbles. Il s’agit d’un atout important si le pays a tout simplement besoin de davantage de capacité. Ou si jamais, lors d’un conflit, une puissance étrangère décidait de couper l’une de ces artères pour grandement perturber les communications. « ASN nous permet de ne pas être dépendants d’une technologie étrangère pour construire les câbles qui vont écouler nos données », résume Jean-Luc Vuillemin, président d’Orange Marine, mais aussi chargé de la division Réseaux et services internationaux d’Orange, la division chargée de la stratégie et des participations dans les consortiums et achat de capacité des câbles sous-marins pour le groupe.

      En ayant la main sur ces infrastructures, la France se prémunit aussi contre certains risques d’espionnage. « Les câbles sous­-marins constituent un élément d’un enjeu de souveraineté majeur : celui de la protection et de la défense des données générées par les entreprises et les internautes français, souligne Jean-Luc Vuillemin. En gar­dant la maîtrise des points d’atterris­sement de nos câbles sous­-marins, nous nous prémunissons contre tout risque ou tentative d’ingérence. » Le dirigeant fait notamment référence aux révélations d’Edward Snowden. En 2013, l’ex-consultant de la NSA a indiqué que la collecte massive de données par le gouvernement américain, via les pro- grammes Upstream et Tempora, a été effectuée à partir des câbles sous-marins, notamment transatlantiques. La France, d’ailleurs, a aussi développé des outils pour capter une partie des communications internationales pour sauvegarder ses intérêts. En 2015, L’Obs a révélé l’existence d’un décret secret qui aurait autorisé, depuis 2008, la DGSE à écouter les communications des câbles sous-marins.

    • L’Europe, « garde-manger » numérique des États-Unis (5/11)
      https://www.latribune.fr/economie/france/l-europe-garde-manger-numerique-des-etats-unis-5-11-836951.html


      Pierre Bellanger, le patron et fondateur de Skyrock.
      Crédits : Reuters

      Auteur de « La Souveraineté numérique », Pierre Bellanger déplore la subordination européenne face au « cyber-empire américain ». Il livre ses préconisations pour lever cette tutelle.

      Le 16 mai 2019, il était le premier expert entendu par la Commission d’enquête du Sénat sur la souveraineté numérique. Et pour cause : cela fait des années que Pierre Bellanger étudie la question. L’auteur de La Sou­veraineté numérique (Stock, 2014) a été l’un des premiers à parler de ce sujet. Et à le définir : « La souveraineté numé­rique est la maîtrise de notre présent et de notre destin tels qu’ils se manifestent et s’orientent par l’usage des tech­nologies et des réseaux infor­matiques », affirmait le patron et fondateur de Skyrock, dès 2011, dans la revue Le Débat. Pour Pierre Bellanger, la France et l’Europe ne sont plus, et depuis longtemps, souverains sur la Toile.

      L’Hexagone est, déplore-t-il, devenu le vassal d’un « cyber­-empire », celui des États-Unis et de ses géants du Net. En témoigne la folle percée des applications américaines, auxquelles sont devenus accros les Français et leurs entreprises. L’Europe, d’après Pierre Bellanger, s’est montrée naïve. Elle a été « sidérée par le développement du réseau », a t-il affirmé lors d’un récent discours à l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ). « Elle y a vu des anges (business angels), des nuages et des licornes, _poursuit-il. _Elle y a vu des startups, des tee­-shirts, des likes et des smileys. Elle n’y a pas vu des machines de guerre en crois­sance exponentielle : une dyna­mique protéiforme associant de façon symbiotique opéra­teurs privés et fonds publics. »

      Un déclassement sur la scène mondiale
      Résultat, l’Europe a « choisi la subordination, la provinciali­sation et la colonisation » vis- à-vis des États-Unis, déclare Pierre Bellanger. Elle s’est transformée en « garde­-manger » numérique du pays de l’Oncle Sam, enchaîne-t-il, « à l’instar de cette Afrique dis­putée par les puissances européennes du XIXe siècle ». Tout ça « parce que nous voulions juste jouer à Candy Crush ! » s’étrangle le dirigeant. Les mots sont forts, les comparaisons volontairement piquantes, parfois provocantes. C’est que, pour le patron de Skyrock, cette addiction aux services des Gafa mène à toute vitesse au déclassement de l’Europe sur la scène mondiale. « La souverai­neté numérique est aussi impor­tante que la souveraineté nucléaire, affirme Pierre Bellanger. Sans cette maîtrise, nous serions devenus une nation sous tutelle. »

      À ses yeux, c’est rien de moins que l’autonomie et l’indépendance de la France et de l’Europe qui sont en jeu. « Dans le cadre d’une tension entre puis­sances, l’une d’elles peut frap­per l’autre en utilisant l’arme de la dépendance techno­logique, rappelle-t-il. Du jour au lendemain, les logiciels, les systèmes d’exploitation, les processeurs et autres équipe­ments informatiques d’une nation peuvent être suspendus par une autre. » Et l’actualité récente donne raison à Pierre Bellanger : début décembre, la Chine n’a-t-elle pas demandé à ses administrations de se séparer, d’ici à trois ans, de ses logiciels et matériels informatiques étrangers, et notamment américains ? Une mesure perçue comme une réponse aux interdictions de la Maison Blanche concernant l’entreprise Huawei, le champion des smartphones et des télécoms de l’Empire du Milieu.

      Reprendre la main sur les données
      Comment, dans ce contexte, l’Europe peut-elle retrouver sa souveraineté numérique perdue ? Et se repositionner favorablement vis-à-vis des États-Unis, mais aussi des deux autres prétendants à sa couronne que sont la Chine et la Russie ? Pour Pierre Bellanger, l’État doit commencer par reprendre la main sur les données des citoyens et des entreprises français. Le patron de Skyrock juge que ces données doivent être considérées, juridiquement, comme « bien commun souverain » : elles doivent être « régies par nos lois, localisées sur notre terri­toire, chiffrées par nos proto­coles, transitant par des télé­communications sous nos lois, alimentant des algorithmes assujettis à nos règles et dispo­sant, comme le dollar, de pro­tections internationales, garanties par nos chiffrements souverains ». Cela permettrait de mettre fin au pillage des données européennes par les géants du Net. In fine, « les données seraient stockées sur notre territoire, et en sorti­raient chiffrées », poursuit Pierre Bellanger. Quant à l’impôt, « il sera prélevé là où les données, sous notre droit, sont collectées ».

      Enfin, le patron de Skyrock appelle à un changement global de notre politique numérique. « Il nous faut passer d’une vision d’économie tradi­tionnelle à une économie de guerre cyber, affirme-t-il. Nous devons quitter l’écume libérale qui nous est présentée comme motrice de cette mutation numérique et comprendre qu’elle est portée par de colos­saux investissements d’État, tout à la fois en provenance de l’armée et du renseignement. [...] Il n’y a pas de Silicon Valley, hier comme aujourd’hui, sans l’apport considérable de l’ar­mée américaine et de ses déri­vés en recherche, ressources et carnets de commandes. »

      "Les grandes socié­tés américaines ont été aidées"
      Pierre Bellanger en veut pour preuve l’essor et la réussite des Gafa : « Les grandes socié­tés américaines ont été aidées par l’appareil d’Etat et le renseignement. Un grand réseau social nomi­natif [Facebook, ndlr] a brûlé un milliard d’euros avant d’avoir un plan d’affaires : ce sont les données qui en fai­saient la valeur. » Selon lui, la France et l’Europe ne doivent pas avoir d’états d’âme à soutenir, via des investissements publics ou militaires, certains secteurs clés, comme l’intelligence artificielle ou l’informatique quantique. C’est cette recette, souligne-t-il, qui a permis par exemple au célèbre campus israélien de Beer-Sheva de devenir une référence mondiale dans le domaine de la cybersécurité et d’attirer, de manière massive, les capitaux étrangers.

    • Souveraineté : des monopoles régaliens emportés par l’ouragan numérique (6/11)
      https://www.latribune.fr/economie/france/souverainete-des-monopoles-regaliens-emportes-par-l-ouragan-numerique-6-13


      Les Gafam, dont la capitalisation boursière dépasse les 4.000 milliards de dollars, veulent aujourd’hui faire main basse sur la monnaie.
      Crédits : Reuters

      Monnaie, identification, sécurité nationale… En s’attaquant aux prérogatives des États, les géants du numérique font table rase de presque tout ce que l’ancien monde a bâti. Un processus en partie irréversible.

      Avec l’irruption des nouvelles technologies, un ouragan dévastateur est en train de remettre en question certains monopoles d’État, pourtant très anciens, comme le privilège de battre la monnaie, avec l’arrivée des crypto-monnaies (bitcoin, Libra de Facebook...). C’est aussi le cas de l’authentification des personnes et de la sécurité intérieure, qui dépendent de plus en plus des géants du numérique. Qui cherche par ailleurs encore aujourd’hui du travail seulement à Pôle emploi ? Les chômeurs se précipitent de plus en plus sur les applications américaines comme Viadeo, LinkedIn, Monster...

      Une tendance en partie irréversible
      L’heure est grave. L’État a enfin sonné le tocsin pour sauvegarder ses monopoles. « Les nouvelles technologies ont progressivement permis à des acteurs privés de rivaliser avec les États, en assumant des fonctions faisant historiquement et sans conteste jusqu’alors l’objet de monopoles régaliens », a ainsi asséné en mai 2019 au Sénat la dirigeante du Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN), Claire Landais. Le sujet est pris très au sérieux au plus haut niveau de l’État français. Des réflexions sont engagées pour trouver les solutions les plus adéquates mais aussi les plus efficaces afin de préserver l’autonomie en matière de monopoles régaliens, dont certains se confondent même avec l’idée d’État.

      Des prérogatives grignotées, bousculées, attaquées et momifiées par des acteurs privés maîtrisant les technologies numériques. Au point qu’il ne semble plus y avoir de retour en arrière possible, estime-t-on au plus haut sommet de l’État. « Cette tendance est en partie irréversible, ce qui ne signifie pas qu’il faille renoncer à en organiser les modalités », a confirmé Claire Landais lors de son audition au Sénat. C’est désormais aux États d’arbitrer entre ce qu’ils peuvent (et non plus souhaitent) préserver et ce qu’ils devront déléguer à des acteurs privés de façon encadrée.

      Battre monnaie, un nouvel enjeu de souveraineté
      Les Gafam, dont la capitalisation boursière correspond à plus de deux fois celle du CAC 40 et dépasse les 4.000 milliards de dollars, veulent aujourd’hui faire main basse sur la monnaie. « Le risque de voir ces entreprises battre monnaie n’est pas nul », a assuré en mai devant le Sénat le secrétaire général de l’Institut de la souveraineté économique, Bernard Benhamou. Aujourd’hui, les crypto-monnaies ou les monnaies virtuelles ne dépendent pas d’un État, elles échappent même de plus en plus au contrôle régalien. Les nouvelles e-monnaies comme Tether, TrustToken, Paxos, Libra vont-elles remplacer le dollar, l’euro, le yuan, le yen et déferler sur la planète ? Avec quels risques ?

      D’autres géants, américains ou asiatiques, pourraient développer à leur tour leur propre monnaie et fragiliser le système financier mondial. La réponse des grands pays a été claire. « Le rôle des ministres des Finances du G7 est de prendre des décisions en la matière pour éviter qu’une monnaie digitale vienne concurrencer les monnaies souveraines », a assuré en septembre le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire.

      Attitude de méfiance vis-à-vis de Libra
      La création, en 2019, de la monnaie virtuelle Libra de Facebook a été un électrochoc, qui a généré une prise de conscience planétaire. « L’ambition la plus forte réside dans l’affirmation selon laquelle le Libra serait une monnaie privée mondiale », a noté le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. Depuis, le Libra a subi un tir de barrage très nourri. Le président de la Fed, la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, a estimé que ce projet suscitait de sérieuses interrogations. C’est également le cas du gouverneur de la Banque de France, qui a estimé que « ce type d’ambition ne peut que susciter une attitude de méfiance ».

      « Je ne puis accepter qu’une entreprise privée se dote de cet instrument de souveraineté d’un État qu’est la monnaie », a bombardé de son côté le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire. Et de noter que, « dans des États ayant une monnaie faible, Libra pourrait parfaitement se substituer à ces monnaies souveraines : en Argentine, dont la monnaie, le peso, a connu des dévaluations successives très fortes et une évasion monétaire majeure, ce serait sans aucun doute le cas ». Bruno Le Maire a également évoqué des problèmes de sécurité (lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment). Enfin, il considère que Libra présente « un risque systémique - Facebook n’est pas une PME avec 45 clients, il a 2 milliards d’utilisateurs ». Un discours qui tranche totalement avec celui de Cédric O, secrétaire d’État chargé du Numérique auprès... du ministre de l’Économie et des Finances : « Je ne vois pas de risque de dépossession de la souveraineté monétaire des États dans la présentation du projet (Libra,ndlr])telle qu’elle a été faite ».

      Au final, les ministres des Finances du G7 ont conclu, en octobre, leur sommet à Washington en affirmant qu’il n’y aurait pas de crypto-monnaie sans une réglementation adaptée. Libra, ainsi que tout autre projet de même nature, devra se plier à l’ensemble des règles applicables en matière financière, au niveau national ou international. Facebook, qui pourrait séduire les 1,7 milliard de personnes dans le monde exclues du système bancaire, montre patte blanche. « Il est hors de question d’instaurer cette monnaie sauvagement, ou avant d’avoir obtenu les autorisations nécessaires. En effet, nous entrons dans un secteur où la culture de la régulation est très forte, et nous n’avons aucune raison de ne pas suivre cette régulation », a expliqué en juillet dernier devant le Sénat le responsable des affaires publiques de Facebook, Anton’Maria Battesti.

      Identité numérique : les réseaux sociaux veulent évincer l’Etat
      Entre les États et les réseaux sociaux, une course-poursuite s’est engagée sur le thème de l’identification officielle, historiquement un monopole de l’État et « aujourd’hui de plus en plus contesté par les géants du numérique », selon le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner. « Les États ne sont aujourd’hui plus, de fait, les seuls à pouvoir délivrer des titres attestant de l’identité de quelqu’un : de grands acteurs privés comme les réseaux sociaux, au premier rang desquels Facebook, jouent dorénavant le rôle de fournisseurs d’identité », confirme Claire Landais, la dirigeante du SGDSN.

      Ainsi, les réseaux sociaux jouent le rôle de fournisseurs d’identité pour des utilisations non sensibles... pour le moment. C’est notamment le cas de Facebook Connect, qui permet à un site Web de proposer à ses visiteurs d’utiliser leur compte Facebook pour s’identifier. Avec succès, puisque de très nombreux sites marchands l’utilisent. « Le risque est réel que, sans réponse des États, de telles solutions puissent, à moyen terme, devenir de fait les identités numériques d’usage, évinçant le rôle des pouvoirs publics », a-t-elle averti.

      Les Etats européens contre-attaquent
      L’Europe et la France ont apporté d’ores et déjà certaines réponses. L’État français a répliqué en encadrant la fourniture d’identité, via un article de la loi pour une République numérique en octobre 2016 : la fourniture d’identité numérique doit répondre à un cahier des charges établi par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi). Un programme interministériel chargé de l’identité numérique, hébergé par le ministère de l’Intérieur, a été mis en place pour conduire le chantier de la future carte d’identité numérique. L’État a également lancé la plateforme FranceConnect, un système d’identification et d’authentification offrant un accès universel aux administrations en ligne.

      Parallèlement, le ministère de l’Intérieur est actuellement en train de tester une application pour smartphone qu’il a développée avec l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). Elle permet à tout particulier qui décide de l’utiliser de prouver son identité sur Internet de manière sécurisée, à l’aide de son smartphone et de son passeport ou de son titre de séjour. Enfin, au niveau européen, il serait envisagé de faire évoluer le règlement eIDAS (transactions électroniques), qui pourrait être étendu à une reconnaissance et à une interopérabilité des identités numériques dans les États de l’Union européenne.

      La sécurité intérieure trop dépendante des acteurs du numérique
      Comment assurer la sécurité intérieure française sans l’aide des acteurs du numérique ? Impossible aujourd’hui, de l’aveu de Claire Landais : « L’efficacité de nos services d’enquête judiciaire et de renseignement repose dorénavant sur des technologies numériques pour lesquelles les offres nationale et européenne sont lacunaires, ce qui nous conduit à dépendre d’offres étrangères, par exemple pour le traitement de données massives et l’acquisition de capacités vulnérabilités informatiques ».

      L’exemple le plus frappant reste l’appel d’offres de la Direction générale de la sécurité intérieure portant sur le traitement des données, gagné en 2016 par Palantir, pourtant créé par un fonds d’investissement de la CIA. C’est pour cela que la France travaille à un service alternatif. Lancé en 2017 par la Direction générale de l’armement (DGA), le programme Artemis (Architecture de traitement et d’exploitation massive de l’information multisource) a pour objectif de trouver une solution souveraine de traitement massif de données à travers un partenariat innovant, avec Thales, Sopra Steria, Atos et Capgemini. L’Anssi y consacre également une part substantielle de ses moyens et entretient à cet égard des liens de confiance étroits avec la DGA.

      Dans ces trois domaines (monnaie, authentification des personnes et sécurité nationale), tout n’est pas encore joué sur les liens et les confrontations entre géants du numérique et États. Mais ces derniers restent sur la défensive et, surtout, ont déjà perdu des pans de souveraineté.

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      ENCADRÉS

      UN « FAR-WEB » SANS SHÉRIF ?
      Qui doit riposter face à une cyberattaque ? L’entreprise attaquée ou bien l’État où est localisée l’entreprise ? Jusqu’ici, ce droit était un monopole régalien. Aujourd’hui, ce n’est plus tout à fait le cas. « Certains acteurs, essentiellement étasuniens, remettent en cause le monopole des États dans l’usage de la violence légitime », constate la dirigeante du Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN), Claire Landais. Ces acteurs font la promotion d’une doctrine offensive face aux attaques (hack back) en se fondant sur « une interprétation discutable », selon le SGDSN.

      Des ripostes qui peuvent aller au-delà de la simple protection de leurs systèmes d’information. Elles peuvent engendrer des risques : erreur d’attribution, dommage collatéral et riposte incontrôlée. Permettre à des acteurs privés de mener des actions offensives est « de nature à aggraver l’instabilité du cyberespace », affirme Claire Landais. Dans ce cadre, la France recommande au niveau international l’interdiction de riposter. Mais que pèse la France au niveau international ?

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      QUAND LA DGSI SE DOPE A L’AMERICAIN PALANTIR
      Rebelote ! En fin d’année dernière, la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI) a décidé de rempiler avec Palantir. Les services de renseignement ont signé un nouveau contrat de trois ans, jusqu’en 2022, avec le spécialiste californien de l’analyse des données. La collaboration entre la DGSI et cette startup, qui a vu le jour à ses débuts grâce au financement de la CIA, date de 2016. Les services français se sont convertis à cette solution américaine dans le sillage des attentats du 13 novembre 2015 pour lutter contre le terrorisme. Mais l’initiative a suscité l’inquiétude de nombreux parlementaires, qui y voient une menace pour la souveraineté de la France. Qui plus est dans un domaine des plus sensibles.

      Guillaume Poupard, le patron de l’Agence nationale pour la sécurité des systèmes d’information (Anssi), ne cache pas, depuis longtemps, son inquiétude à ce sujet. « On peut certes s’interroger sur certains logi­ciels comme ceux de Palantir, affirmait-il en mars 2018 à la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale. De même, l’ombre de la suite Micro­soft plane à chaque fois que l’on parle de logiciels souverains. » Palantir a, en outre, été le partenaire de Cambridge Analytica, une société britannique spécialisée dans la communication stratégique reconnue responsable d’un détournement massif de données personnelles en 2018.

      Les logiciels, un point faible de la France
      « Faire appel à eux [Palantir, ndlr] revient à déléguer une par­tie de nos fonctions stratégiques à une entreprise étrangère », a fait observer en mai devant le Sénat Bernard Benhamou, le secrétaire général de l’Institut de la souveraineté numérique. Pourquoi diable, dans ce contexte, la DGSI a-t-elle remis le couvert ? Parce qu’il n’existe toujours pas de solution française efficace. « Nous n’avons pas le choix. Nous pre­nons ce qui est sur le marché », a commenté à L’Express une source haut placée, qui souligne l’importance de Palantir pour déjouer des attaques terroristes. La France pourtant tenté de développer une alternative. En octobre 2018, un groupe de 22 entreprises françaises, réunissant des grands groupes et des startups, se targuait pourtant d’avoir développé « une offre plus élar­gie que celle de Palantir ». Celle-ci n’a, visiblement, pas fait l’affaire.

      Il y a deux ans, Guillaume Poupard ne cachait d’ailleurs pas son « pessimisme » sur la capacité de la France à développer une solution maison. « En toute objectivité, le développement logiciel n’est pas le point fort de la France, déplorait-il. Il ne l’a jamais été. » Bref, en l’absence de solution souveraine, la DGSI en est donc réduite à multiplier les garde-fous pour utiliser Palantir. Cette plateforme est donc exploitée « sur un réseau fermé et crypté » appartenant aux services de renseignement, précisent deux sources à l’AFP. Il est utilisé « sous le contrôle et la responsabilité des équipes », ajoutent-elles. Avant de promettre qu’"aucune don­née ne sort des fichiers". Dans ce cas de figure, « l’essentiel est de disposer d’une architecture globale qui permette d’utiliser ces logiciels de manière précau­tionneuse », résumait Guillaume Poupard devant les députés. « _Il va de soi qu’il faut par exemple déconnecter les logiciels Palantir qui per­mettent d’effectuer des recherches dans les données, car il est hors de question que l’éditeur de Palantir ait accès aux données opérationnelles traitées par le logiciel », ajoutait-il. Il faut bien composer avec les moyens du bord. Pierre Manière

    • Huawei, un loup dans la bergerie des télécoms européennes (7/11)
      https://www.latribune.fr/economie/france/huawei-un-loup-dans-la-bergerie-des-telecoms-europeennes-7-11-836995.html


      Ren Zhengfei, le fondateur et chef de file de Huawei.
      Crédits : Aly Song / Reuters

      Devenu l’équipementier le plus puissant du monde, le géant chinois s’est taillé une place de choix dans les réseaux mobiles du Vieux Continent. Plusieurs États, dont la France, veulent désormais limiter son influence.

      Avec Nokia et Ericsson, l’Europe possède deux cadors des équipements télécoms. Ces deux champions, au rayonnement mondial, ont permis au Vieux Continent d’assurer sa souveraineté dans le domaine très sensible des infrastructures de réseaux mobiles. Mais la percée fulgurante de Huawei a rebattu les cartes. Le groupe de Shenzhen n’a cessé, ces dernières années, de tailler des croupières à ses rivaux européens. Aujourd’hui, Huawei est devenu l’équipementier le plus puissant du monde. Selon le cabinet IHS Markit, le dragon chinois possède 31% du marché des infrastructures mobiles, devant le suédois Ericsson (27%) et le finlandais Nokia (22%).

      En Europe, de nombreux opérateurs privilégient désormais Huawei pour déployer leurs réseaux mobiles. À commencer par Deutsche Telekom, le plus gros acteur du Vieux Continent, qui utilise des équipements du groupe chinois sur plus de la moitié de ses infrastructures. En France, SFR et Bouygues Telecom recourent également à Huawei sur respectivement 47% et 52% de leurs réseaux. Dans l’Hexagone, « Huawei est rentré timidement au temps de la 3G, constate Alexandre Iatrides, analyste chez Oddo BHS. Mais c’est avec la 4G qu’ils se sont considérablement renforcés. »

      "Avec les Chinois, ça marche mieux"
      Comment expliquer ce choix ? En juin 2016, lors d’une audition au Sénat, Patrick Drahi, le propriétaire et chef de file d’Altice, la maison mère de SFR, n’y allait pas par quatre chemins. « Les Chinois sont très compétents, on les a sous­ estimés, bombardait-il. Aujourd’hui, dans le mobile, on m’a dit qu’il faut acheter fran­çais, et j’achète français. Sauf qu’avec les Chinois, je m’excuse de vous le dire, ça marche mieux. Ils ne sont pourtant pas moins chers : Alcatel [l’équipementier français qui a été racheté par Nokia début 2016, ndlr] fait les mêmes prix. Mais [avec Huawei], ça marche mieux. C’est triste à dire... » S’il y a vingt ans, Huawei se contentait de copier plus ou moins bien les produits européens, cette période est révolue. À présent, celui-ci dispose de plus de chercheurs que Nokia et Ericsson, et façonne des équipements reconnus, d’un point de vue technologique, comme les meilleurs.

      Pour faire son nid sur le marché des équipements télécoms, le groupe chinois a longtemps joué la mélodie des prix bas. Une politique commerciale ultra-agressive rendue possible par les largesses de Pékin. C’est ce que souligne Jean-François Dufour, directeur du cabinet DCA Chine-Analyse, dans son ouvrage Made by China : Les secrets d’une conquête industrielle (Dunod, 2012). Certaines entreprises stratégiques chinoises ont bénéficié d’un « système massif de subventions indirectes, grâce aux énormes lignes de crédit, qui alimentent leurs budgets de recherche et de prospection com­merciale, consenties par les banques d’État, relève-t-il, citant un rapport confidentiel de la Commission européenne. Huawei aurait ainsi bénéficié en 2009 de facilités de trésorerie à hauteur de 30 milliards de dol­lars, alors que son chiffre d’af­faires pour cette année se situait à hauteur de 20 milliards. »

      « La montée en puissance de Huawei a eu lieu au début des années 2000, se rappelle pour sa part Sébastien Sztabowicz, analyste chez Kepler Cheuvreux. Le groupe est arrivé en cassant les prix. Il était large­ment subventionné par l’État chinois, ce qui lui permettait de supporter des niveaux de ren­tabilité assez faibles. Huawei avait un pouvoir énorme sur le financement. Dans les pays émergents, en Afrique notam­ment, Huawei offrait aux opé­rateurs télécoms des conditions de financement particulière­ment attractives avec des prix très inférieurs à la concurrence. Dans certains pays, ils ont capté la quasi­ totalité du marché. »

      L’UE face à une concurrence féroce
      Cette stratégie s’est avérée diaboliquement destructrice pour les équipementiers européens. Pour Sébastien Sztabowicz, « les avertisse­ments sur résultats d’Alcatel, au milieu des années 2000, sont directement imputables à l’agressivité de Huawei sur le marché des réseaux ». Durement touchés par cette concurrence, conjuguée à des errements stratégiques, les équipementiers européens ont multiplié d’énormes plans sociaux. Chez Alcatel-Lucent, à partir de 2013, plus de 10.000 postes ont été supprimés avant le rachat du groupe par Nokia. Aujourd’hui, ce dernier est toujours en difficulté et continue de tailler dans ses effectifs. Ericsson, pour sa part, va certes mieux depuis un an. Mais il en a payé le prix fort, en supprimant plus de 20.000 emplois en trois ans.

      Bruxelles a sa part de responsabilité. « Les politiques n’ont pas bien géré ce dossier », juge Sébastien Sztabowicz. La pression de la régulation et la politique de la concurrence de l’UE ont certes profité aux consommateurs, qui payent beaucoup moins cher leurs abonnements. Mais cela a mécaniquement réduit les marges des opérateurs. Dans ce contexte, beaucoup ont vu dans Huawei un moyen de les préserver. Au moins en partie.

      Des préoccupation sur la sécurité des réseaux
      À l’heure actuelle, alors que la 5G commence à être déployée, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et d’autres pays européens ne veulent plus dérouler le tapis rouge à Huawei. Depuis des mois, certains réfléchissent à des mesures visant à interdire ou à limiter le groupe chinois. Un argument revient systématiquement : celui de la sécurité des réseaux. Selon certains services de renseignement, les produits de Huawei constitueraient un risque, car ils pourraient servir de cheval de Troie à Pékin pour espionner ou interrompre les communications.

      C’est ce que clame Washington, qui a banni Huawei et son compatriote ZTE du marché américain de la 5G. En France, les inquiétudes à l’égard du groupe chinois ne datent pas d’hier. Jusqu’à présent, des règles informelles existaient, et interdisaient aux opéra- teurs de déployer des équipements Huawei dans certaines infrastructures sensibles (les « cœurs de réseaux »), à Paris, et près des lieux de pouvoir. Mais un autre argument, plus économique lui, revient aussi : la volonté de limiter la part de marché de Huawei dans les réseaux, et d’éviter qu’il décroche trop de contrats.

      La carotte et le bâton
      Ces préoccupations ont notamment poussé la France à se doter, l’été dernier, d’une nouvelle loi visant à assurer la sécurité des réseaux mobiles. Celle-ci oblige les opérateurs à demander le feu vert de l’exécutif pour tout déploiement d’équipements et de logiciels. Le gouvernement a beau clamer qu’il ne cible pas Huawei et que ce dernier est le bienvenu, il s’est, dans les faits, doté d’une arme de choix pour interdire ou limiter son empreinte dans le pays. Cette situation préoccupe énormément les opérateurs, qui appellent depuis des mois l’exécutif à expliciter clairement sa doctrine à l’égard du groupe chinois. Chassé du marché de la 5G aux États- Unis, lesquels ne ménagent pas leurs efforts pour bouter Huawei hors d’Europe, le groupe de Shenzhen mène de son côté un intense lobbying pour garder sa place sur le Vieux Continent.

      Le groupe, qui hurle que les soupçons d’espionnage sont infondés, manie parfois la carotte. Liang Hua, le président du groupe, a récemment indiqué qu’il souhaitait acheter pour 4 milliards de dollars de composants et d’équipements en France. Le dirigeant a évoqué également la possibilité d’ouvrir une usine en Europe. Mais, en parallèle, la Chine manie aussi le bâton. Mi-décembre, l’ambassadeur chinois à Berlin s’est montré très menaçant. En cas d’interdiction de Huawei outre-Rhin, Pékin pourrait, a-t-il laissé entendre, s’en prendre à la puissante industrie automobile allemande, dont la Chine est le premier marché. Dur, dur, désormais, de préserver sa souveraineté dans les télécoms.

    • Souveraineté défense : la France reste tributaire des États-Unis (8/11)
      https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/souverainete-sur-le-plan-militaire-la-france-reste-tributaire-des-etats-un


      Les drones MALE (Medium Altitude Long Endurance) américains, les fameux Reaper de l’armée de l’air française, sillonnent le ciel africain, mais avec toutes les contraintes opérationnelles imposées par les États-Unis... en attendant un jour l’arrivée de l’Eurodrone, un drone MALE développé par la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie.
      Crédits : OMAR SOBHANI

      La France est l’une des rares nations à maîtriser une grande partie des compétences nécessaires pour se lancer la première dans un conflit. Mais afin d’y parvenir, elle doit s’appuyer très souvent sur son allié américain.

      Devenue une puissance moyenne depuis le début du XXe siècle, la France est loin d’être aujourd’hui souveraine sur le plan opérationnel. Elle a souvent besoin d’alliés, et plus particulièrement des États-Unis. C’est notamment le cas pour entrer en premier sur un théâtre d’opérations (Opex), puis conduire dans la durée des opérations extérieures. Il n’en demeure pas moins qu’elle détient encore un large spectre de compétences très rares au niveau international, aussi bien sur le plan capacitaire qu’opérationnel, comme ses armées le démontrent chaque jour dans la bande sahélo-saharienne. En 2013, dans le cadre de l’opération Serval, la France a d’ailleurs été capable de porter très rapidement secours au Mali, tout près de tomber face à une coalition de djihadistes.

      Mais ce tour de force a été réalisé dans un environnement permissif, où les dénis d’accès étaient quasi absents, sinon inexistants, et, qui plus est, avec le soutien capacitaire discret des États-Unis dans le transport aérien. Les Américains ont également fourni de substantiels moyens de renseignement. Aujourd’hui encore sur le plan capacitaire, les drones MALE (Medium Altitude Long Endurance) américains, les fameux Reaper de l’armée de l’air française, sillonnent le ciel africain, mais avec toutes les contraintes opérationnelles imposées par les États-Unis... en attendant un jour l’arrivée de l’Eurodrone, un drone MALE développé par la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie.

      Des capacités opérationnelles insuffisantes
      La France n’est plus capable d’aller seule au combat comme l’a démontré l’opération Harmattan en Libye, lancée en mars 2011 dans le cadre d’une coalition internationale (Unified Protector dans le cadre de l’OTAN) à laquelle participaient également les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni. Le premier jour des opérations, l’armée française a engagé une vingtaine d’aéronefs, dont huit Rafale, deux Mirage 2000-5 et deux Mirage 2000D. Pour le chef d’état-major de l’armée de l’air d’alors, le général Jean-Paul Paloméros, Harmattan a démontré « la capacité d’autonomie » de la France « à entrer en premier » dans un environnement semi-permissif. Et ce, avec un temps de préparation très rapide. Cette opération a permis de constater « le grand savoir-faire des armées françaises et leur capacité à agir en interarmées, même si elle a révélé un certain nombre de limites, notamment celles de l’outil militaire britannique », avait expliqué à l’époque le ministre de la Défense d’alors, Gérard Longuet.

      Mais, au final, cette opération a également « mis en évidence pour Washington à la fois les capacités militaires de ses alliés, notamment la France, et leurs insuffisances capacitaires, notamment en termes d’ISR [Intelligence, surveillance, reconnaissance, ndlr], de ravitailleurs en vol et d’avions de transport », selon une étude de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) portant sur les retours d’expérience de la crise libyenne. Ainsi, 80 % des missions de ravitaillement en vol ont été effectuées par des avions ravitailleurs américains. Et surtout, nul ne peut ignorer l’importance de l’action des Américains au début des opérations, les frappes de missiles Tomahawk ayant détruit des centres de commandement névralgiques et des centres de défense anti-aérienne.

      Déni d’accès, la France interdite de vol ?
      En dépit de sa volonté politique persistante d’entrer en premier sur un conflit, la France a eu la confirmation en Libye qu’elle n’avait pas toutes les capacités opérationnelles pour le faire seule. Face à la course technologique et à l’intensité des nouveaux conflits, la France se réarme. Car après des années de sous-investissements, elle a été rattrapée par de graves lacunes capacitaires. C’est vrai entre autres avec les dispositifs de déni d’accès qui prolifèrent un peu partout aux frontières de l’Europe et de la Méditerranée ainsi qu’en Asie-Pacifique. L’accroissement de la portée et de la vélocité des missiles, comme le démontre la Russie avec le missile hypersonique Avangard, les combinaisons de capteurs multiples et la mise en réseau offrent aujourd’hui des capacités de déni d’accès très difficiles à contrer.

      La Russie et la Chine, ainsi que les pays qui achètent des matériels russes ou chinois, peuvent mettre en œuvre des moyens de déni d’accès contraignant les avions de combat français à rebrousser chemin. Il est donc impératif pour la France de se doter de capacités en matière de SEAD (Suppression of Enemy Air Defence), « un champ qui a été largement désinvesti par la France et ses partenaires européens depuis la fin de la guerre froide, engendrant d’importantes lacunes capacitaires », rappelle une étude de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Ainsi, avec le retrait du missile AS-37 Martel en 1999, Paris n’a plus aujourd’hui de moyens dédiés à la SEAD.

      Pour autant, la France, dans le cadre d’opérations internationales combinées, est l’une des rares nations européennes à parvenir encore à tirer son épingle du jeu. Cela a été le cas avec l’opération Hamilton [frappes aériennes menées en Syrie en avril 2018]. « Nous avons acquis de l’expérience, notamment face au déni d’accès et sur la manière dont il est possible de passer au travers de défenses constituées de systèmes sol-air, de chasseurs et de brouilleurs GPS, a expliqué en mai 2019 le chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Philippe Lavigne. Nous avons aussi acquis des connaissances concernant ce brouillage. On dispose également de retours d’expérience sur la capacité à commander et à planifier ce type d’opérations aux côtés d’alliés, et notamment aux côtés des Américains ».

      Mais sans eux, que peut faire la France dans un environnement non permissif ? D’autant que la France reste très dépendante pour le moment du GPS américain. En attendant la mise en service opérationnelle du PRS (Public Regulated Service) de l’européen Galileo, la majorité des systèmes d’armes français sont synchronisés et naviguent grâce au GPS, en vertu d’un accord bilatéral avec les États-Unis.

      Une nation-cadre mais jusqu’à quand ?
      D’une façon générale, la France a-t-elle les reins financiers assez solides pour courir plusieurs objectifs à la fois en dépit d’un important effort de défense lancé par Emmanuel Macron ? Entre les défis technologiques de rupture à relever, la défense du territoire national (métropole, territoires ultramarins et zone économique exclusive) et la correction de certaines lacunes capacitaires (drone MALE, avions-ravitailleurs, transport logistique et stratégique, satellites télécoms en nombre insuffisant, protection des satellites...), le champ est vaste. Trop vaste ? A côté de ces lacunes capacitaires, 
      le ministère des Armées investit dans des moyens incroyables. Fin 2019, il a confié à Thales et Dassault Aviation le programme Archange (Avion de Renseignement à CHArge utile de Nouvelle GEnération) visant à renforcer les capacités de renseignement d’origine électromagnétique sur les théâtres d’opérations.

      Pour l’heure, Paris s’accroche encore à un modèle complet, qui lui apporte une légitimité pour générer des partenariats et assurer son rôle de nation-cadre, en particulier pour ce qui relève des aptitudes militaires à haute valeur ajoutée détenues par quelques rares puissances. Cela lui permet également de conserver sa capacité à être nation-cadre au cours d’opérations internationales en assumant la responsabilité de la planification, du commandement et du contrôle d’une opération militaire. Un objectif ambitieux jusqu’ici tenu, mais jusqu’à quand ? Car les ruptures technologiques n’ont jamais été aussi rapides et nombreuses comme l’intelligence artificielle, la physique quantique, « l’homme augmenté » (neuroscience), la cyber, les missiles hypervéloces, les armes à énergie dirigée, les nanotechnologies...

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      ENCADRÉ

      Itar, l’épée de Damoclès américaine sur les ventes d’armes françaises
      Quatre lettres inquiètent fort les industriels de la défense : Itar (International Traffic in Arms Regulations). Pourquoi ? Si un système d’armes contient au moins un composant américain sous le régime de la réglementation américaine Itar - évolutive bien sûr -, les États-Unis ont le pouvoir d’en interdire la vente à l’export à un pays tiers. Or beaucoup de sociétés françaises et européennes intègrent des composants américains, notamment électroniques, dans de nombreux matériels, tout particulièrement dans les domaines aéronautique et spatial. « Notre dépendance à l’égard des composants soumis aux règles Itar est un point critique », avait reconnu en mai 2011 à l’Assemblée nationale le PDG de MBDA, Antoine Bouvier. Washington a d’ailleurs frappé MBDA d’un veto en lui interdisant l’exportation du missile de croisière Scalp vers l’Égypte et le Qatar.

      Ce n’est pas la première fois que les États-Unis jouent avec les nerfs de la France. En 2013, ils avaient déjà refusé une demande de réexportation aux Émirats arabes unis de composants made in USA nécessaires à la fabrication de deux satellites espions français (Airbus et Thales). La visite de François Hollande aux États-Unis en février 2014 avait permis de régler positivement ce dossier. Une nouvelle encoche à la souveraineté française. Mais pour ne plus être contraint par la réglementation Itar, la France a entrepris un travail de « désITARisation » de ses systèmes d’armes. La France sera « extrêmement attentive à ce que nos équipements de demain n’aient pas ou aient une moindre sensibilité aux composants étrangers, notamment pour ITAR », avait précisé dans une interview à La Tribune la ministre des Armées, Florence Parly
      .
       C’est déjà le cas avec les futurs missiles air-air MICA-NG, qui seront prêts en 2025. Ils seront ITAR Free. Mais ce sera un travail au très long cours et qui ne pourra pas tout régler.

    • Souveraineté technologique : les huit défis de la France (9/11)
      https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/souverainete-technologique-les-huit-defis-de-la-france-9-11-837010.html


      La France a décidé de moderniser sa dissuasion nucléaire dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM) et de consacrer un effort budgétaire significatif d’environ 25 milliards d’euros sur la période 2019-2023.
      Crédits : ministère des Armées

      Dans la course à la maîtrise des technologies de rupture, la France n’a pas décroché mais l’effort budgétaire sera colossal pour qu’elle conserve encore une certaine autonomie de décision.

      Financièrement, la France va-t-elle pouvoir suivre le train d’enfer que génèrent les ruptures technologiques, dont certaines émergent déjà et bouillonnent (intelligence artificielle, missiles hypervéloces, armes à effet dirigé...) tandis que d’autres balbutient encore (physique quantique, neurosciences...) ? Quelles seront les compétences maîtrisées par la base industrielle et technologique de défense française (BITD) à l’aube de ces ruptures technologiques ? Et que sera le champ de bataille 4.0 (robots, nanotechnologies...) ?

      Dans cette course à la maîtrise des technologies de rupture, la France n’a pas décroché - loin s’en faut - mais l’effort budgétaire sera colossal pour qu’elle conserve encore une certaine autonomie de décision, donc sa souveraineté déjà fortement ébranlée. Car derrière les États-Unis et la Chine, qui se disputent le leadership mondial, et, à un degré moindre, la Russie, elle fait partie d’un deuxième peloton de pays (Grande-Bretagne, Allemagne...) qui poursuivent leurs investissements dans ces nouvelles technologies. La France investit donc dans l’innovation de rupture pour préserver une supériorité opérationnelle.

      1/ Le nucléaire, une arme à moderniser d’urgence
      Mais avant de maîtriser ces nouvelles technologies, la France ne doit pas oublier de conserver des technologies acquises depuis des décennies comme la dissuasion nucléaire, qui lui ont procuré un poids diplomatique dans l’arène internationale. Elle sera d’ici peu, avec le Brexit, le seul pays membre de l’Union européenne à posséder cette arme. Sur la dissuasion, les deux grandes tendances dans les neuf pays dotés de l’arme nucléaire sont l’affirmation de postures opaques et la modernisation des arsenaux nucléaires pour casser les défenses antimissiles et anti-aériennes de plus en plus performantes (hypervélocité). 

      La France a décidé elle aussi de moderniser sa dissuasion nucléaire dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM) et de consacrer un effort budgétaire significatif d’environ 25 milliards d’euros sur la période 2019-2023. La composante aéroportée pourrait à partir de 2035 mettre en œuvre un missile hypersonique emporté par un avion de combat, un porteur lourd ou un drone furtif.

      2/ Les redoutables missiles hypervéloces
      Le développement de vecteurs hypervéloces va conférer une avance militaire considérable à un club restreint d’États détenteurs. Des armements hypersoniques capables d’évoluer à des vitesses supérieures ou égales à Mach 5. Ce serait déjà le cas de la Russie, qui a annoncé fin décembre avoir mis en service son premier régiment de missiles hypersoniques Avangard, capables de porter aussi bien des charges conventionnelles que nucléaires à une vitesse incroyable de Mach 20, selon l’agence Tass.

      Outre la Russie, quatre pays disposent de programmes connus de recherche et de développement d’armements hypersoniques : les États-Unis (Conventional Prompt Global Strike), la Chine, l’Inde et la France (missile air-sol nucléaire ASN4G). En Europe, la France, en grande partie grâce à l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera), garde une avance technologique dans le domaine de l’hypervélocité. Sous la maîtrise d’œuvre d’Ariane Group, un démonstrateur de planeur hypersonique devrait voler d’ici à fin 2021.

      3/ L’intelligence artificielle, la nouvelle bosse des maths françaises
      « Celui qui maîtrisera l’intelligence artificielle (IA) dominera le monde », a déclaré le président russe, Vladimir Poutine. Les grandes puissances militaires (États-Unis, Chine, Russie) travaillent déjà à l’intégration d’unités robotisées armées alors que les plus grands experts ne sont pour le moment pas capables d’expliquer l’IA dite de « boîte noire » ni encore moins de la certifier. L’immaturité des techniques de l’IA ne fait vraiment pas peur à ces puissances, notamment aux Américains. La France n’est pas en retard, selon les experts. Car l’IA s’appuie sur les mathématiques appliquées et l’informatique, deux domaines de recherche où la France est reconnue par son excellente école de mathématiques et ses organismes de recherche et universités.

      En mars 2018, à la suite du rapport du mathématicien et député Cédric Villani, Emmanuel Macron a présenté son programme destiné à faire de la France un des leaders mondiaux de l’intelligence artificielle. Avec des atouts mais aussi des vulnérabilités (aucun géant du numérique), la France reste bel et bien dans la course. C’est ce que résume très bien le ministre de l’Economie Bruno Le Maire : « l’intelligence artificielle est un très vaste sujet, qui fait appel à des moyens considérables. Nous avons, certes, des atouts en la matière, mais ceux-ci sont disputés par les grands acteurs ».

      4/ La physique quantique, mère de toutes les ruptures technologiques ?
      « Ce sujet peut tout révolutionner, il s’agit d’une véritable rupture. Il est donc impératif de s’y intéresser, d’autant plus que la France dispose d’excellentes filières en mathématiques et en physique », estime dans une interview accordée à La Tribune le patron de l’Agence de l’innovation de défense, Emmanuel Chiva. Les principaux enjeux de l’ordinateur quantique pour la France sont de trois ordres, a résumé le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale : un enjeu de souveraineté, résidant dans le maintien de la capacité à protéger correctement les informations sensibles ; un enjeu technologique, avec la possibilité de capitaliser sur une longue tradition d’excellence scientifique française et européenne, afin de se positionner à la pointe de ce nouveau domaine ; un enjeu économique, avec la dynamisation du tissu industriel français et européen sur ces sujets.

      L’ordinateur quantique fournirait une capacité de calcul dont le potentiel pourrait utilement être exploité par les travaux de simulation, par exemple à des fins d’anticipation et de compréhension de phénomènes naturels et biologiques. Les domaines de la physique nucléaire, de la météorologie et de la biomédecine seraient en particulier concernés. Tout comme les services de renseignement pour gérer les énormes flux de données interceptées.

      5/ La cybersécurité, l’arme asymétrique
      Après avoir pris du retard dans la maîtrise du cyberespace, la France a, semble-t-il, largement rattrapé son retard. Ses capacités d’action et de protection sont « de très bon niveau », a assuré en juin dernier devant le Sénat le chef d’état-major des Armées, le général François Lecointre. Et ce ne sont pas que des mots, comme le montre la victoire lors de l’exercice international Locked Shields en 2019, un exercice majeur de cyberdéfense organisé par l’Otan et réunissant plus de 30 nations. L’arme cyber participe à l’autonomie stratégique de la France, donc à sa souveraineté. La France, qui a fait évoluer sa doctrine, est capable de lancer des cyber-attaques soit en appui d’une opération conventionnelle, soit pour neutraliser un adversaire.

      6/ Vers des armes à énergie dirigée
      L’apparition d’armes à énergie dirigée pourrait bien être l’amorce de la prochaine révolution militaire. Une arme capable de propager sur une cible, à la vitesse de la lumière, un faisceau d’ondes électromagnétiques (laser ou microondes), le cas échéant avec une grande directivité (arme laser). Une « munition » très low cost au-delà de son développement : selon l’US Navy, le coût d’un tir est de l’ordre de l’euro, alors que celui d’un missile anti-aérien par exemple est de l’ordre du million d’euros. La Chine et les États-Unis sont les pays les plus en pointe dans ce domaine. La France, qui poursuit ses travaux dans ce domaine, semble un peu plus en retrait que sur les sujets précédents.

      Pour autant, elle n’est pas du tout démunie. L’entreprise CILAS, qui réalise les amplificateurs laser du Laser Mégajoule (LMJ), est l’un des réels atouts de la France. « C’est CILAS qui est amené à faire des lasers de puissance pour notre défense spatiale », explique-t-on à La Tribune. Cette PME, filiale d’ArianeGroup et d’Areva, travaille sur le développement d’un laser depuis le sol ou d’un laser embarqué sur des capacités spatiales pour neutraliser les capacités ennemies si nécessaire.

      7/ Les neurosciences, de la S.F à la réalité…
      Le défi est de parvenir à « l’homme augmenté », capable de dépasser ses limites biologiques grâce à l’amélioration artificielle de ses capacités. La France se classe au troisième rang européen, derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne, et au septième rang mondial pour la recherche en neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie et organes des sens. Ce qui intéresse fortement la défense. Le ministère des Armées a lancé en mars 2018 le projet Man Machine Teaming (MMT), qui explore la possibilité de développer un système aérien cognitif. Ainsi Dassault Aviation et Thales s’intéressent notamment à la façon dont les pilotes pourront communiquer avec une intelligence artificielle dans le cockpit du futur (interface homme-machine). Ce programme est important pour le Scaf (système de combat aérien du futur).

      8/ Les nanotechnologies, indispensables à la souveraineté
      Sans nanotechnologie, point de salut pour la souveraineté de la France, qui détient deux acteurs clés sur son sol, STMicroelectronics, premier fabricant européen de semi-conducteurs, et Soitec. La sécurité d’approvisionnement des composants reste et restera indispensable afin de créer une filière industrielle de confiance pour la conception et la réalisation des composants électroniques. C’est pour cela que la France a lancé le plan Nano 2022 pour conserver la maîtrise de certaines technologies clé, et pour maintenir en Europe et en France des acteurs stratégiques, comme STMicroelectronics et Soitec pour certaines applications comme l’intelligence artificielle embarquée notamment. Sur les nanotechnologies, la France investit 800 millions d’euros sur la table et l’Europe 100 millions. « La dépendance ne peut pas être un problème traité isolément par la défense, mais doit intégrer tous les acteurs industriels, et être envisagée à l’échelle européenne », a estimé la ministre des Armées, Florence Parly.

      En matière de nanotechnologies, STMicroelectronics, située près de Grenoble, est parmi les meilleures entreprises mondiales du secteur et fournit ses composants à tous les grands acteurs du numérique. "Dans ce domaine, qui combine étroitement le logiciel et le physique - au point que l’on parle de systèmes cyberphysiques, nous pensons être en mesure de faire émerger des champions sur ce marché naissant, notamment sur la partie matérielle de cette industrie, alors que nous aurons des difficultés à rivaliser en matière d’intelligence artificielle pure", a assuré en juin devant la commission d’enquête du Sénat le directeur général des entreprises, commissaire à l’information stratégique et à la sécurité économique, Thomas Courbe.

    • La France va enfin riposter au pillage de ses pépites industrielles. Trop tard ? (10/11)
      https://www.latribune.fr/economie/france/la-france-va-enfin-riposter-au-pillage-de-ses-pepites-industrielles-trop-t


      Une turbine à gaz en construction, en 2014, à l’usine GE de Belfort. Le ministère de la Justice américaine est soupçonné d’avoir mené une enquête pour corruption à l’encontre d’Alstom pour favoriser la prise de contrôle de la branche Energie de l’entreprise par GE.
      Crédits : Reuters

      De la vente controversée d’Alstom à GE au passage de Technip sous la coupe de l’américain FMC, nombreux sont les groupes stratégiques français passés sous pavillon étranger. Face à ce dépeçage, l’exécutif tente de reprendre la main.

      La liste est longue. On ne compte plus le nombre de fleurons stratégiques et de pépites technologiques qui sont passés, ces dernières années, sous pavillon étranger. Parmi les disparitions les plus notables, il y a celle de Pechiney. Le champion français de l’emballage et de l’aluminium a été racheté en 2003 par le canadien Alcan, lequel s’est fait avaler, en 2007, par le géant minier anglo-australien Rio Tinto. En 2006, c’est Arcelor, le sidérurgiste européen, qui filait, au terme d’une OPA hostile, dans l’escarcelle du géant indien Mittal pour plus de 18 milliards d’euros. En 2016, c’est le fleuron des équipements télécoms Alcatel qui atterrit chez Nokia. Avec cette emplette, le groupe finlandais fait aussi main basse sur Alcatel Submarine Networks, le champion des câbles de communication sous-marins.

      Citons enfin Technip, un cador de l’ingénierie pétrolière. Celui-ci est passé en 2017 sous la coupe du texan FMC Technologies, deux fois plus petit que lui. L’opération a été bouclée au terme d’une « fusion entre égaux » qui s’est soldée, dans les faits, par une absorption du champion français. Trois ans plus tard, la nouvelle entité va être scindée en deux. Mais les Américains doivent conserver les stratégiques activités sous-marines, dont l’essentiel provient du groupe français...

      L’électrochoc du deal Alstom-GE
      Reste qu’un deal, en particulier, a fait figure d’électrochoc : celui du rachat de la branche Énergie d’Alstom par General Electric (GE) pour près de 13 milliards d’euros en 2014. Avec cette emplette, le groupe américain a récupéré des activités précieuses et stratégiques pour la France dans les turbines à gaz et à vapeur, l’éolien en mer et les réseaux électriques. L’opération a suscité de très vives critiques dans la sphère politique, notamment parce qu’elle revient à confier la maintenance des turbines des réacteurs nucléaires français à un acteur étranger.

      L’armée et les services de renseignement ont aussi déploré cette vente. En février 2018, Alain Juillet, ex-directeur du renseignement à la DGSE et président de l’Académie de l’intelligence économique, n’a pas caché, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, tout le mal qu’il pensait de l’opération : « Dans le cas d’Alstom, nous avons vendu aux Américains la fabrication des turbines des sous-marins nucléaires, de sorte que l’on ne peut plus produire en France de tels sous-marins sans une autorisation américaine, a-t-il fustigé. C’est une perte de souveraineté absolue ».

      Macron très critiqué
      Emmanuel Macron a été très critiqué dans sa gestion du dossier, puisque c’est lui qui a donné le feu vert au deal, le 5 novembre 2014, alors qu’il était ministre de l’Économie. Le député LR Olivier Marleix a même soupçonné un « pacte de corruption » qui aurait pu, dans cette affaire, bénéficier à l’actuel locataire de l’Élysée. Une enquête est aujourd’hui menée par le Parquet national financier (PNF), qui doit lever le voile sur le rôle d’Emmanuel Macron. En outre, le ministère de la Justice américaine (DoJ) est soupçonné d’avoir mené une enquête pour corruption à l’encontre d’Alstom (qui s’est soldée par une amende de 772 millions de dollars) pour favoriser la prise de contrôle de l’entreprise. C’est ce que soutient Frédéric Pierucci, un ancien dirigeant du groupe, qui a passé deux ans en prison aux États-Unis dans le cadre de cette affaire. « Ce n’est pas une conjecture, les preuves matérielles sont là », canardait-il en janvier 2019 dans un entretien à Marianne.

      De manière générale, le DoJ est régulièrement accusé, sous couvert de mener des enquêtes anti-corruption, de servir aux États-Unis de bras armé dans leur guerre économique, en particulier lorsqu’ils lorgnent des groupes étrangers. Avant sa vente à FMC, Technip a d’ailleurs fait l’objet d’une offensive du DoJ, laquelle s’est soldée par le paiement d’une amende de 338 millions de dollars en 2010. « Il y a une véritable instrumentalisation de cette procédure au service de l’économie et des entreprises américaines », constate le député Raphaël Gauvain (LREM), auteur d’un rapport sur les lois et mesures à portée extraterritoriale.

      Le choix de coller au modèle anglo-saxon
      Comment un tel pillage industriel a-t-il pu se produire ? Pourquoi les pouvoirs publics n’ont-ils pas su protéger les intérêts du pays ? Beaucoup fustigent le manque de vision industrielle, depuis les années 1990, de la classe économique et politique. Pour le journaliste Jean-Michel Quatrepoint, qui a notamment dirigé L’Agefi et La Tribune, le problème est profond. Il découle, selon lui, du choix de « coller au modèle anglo­-saxon », dans le contexte d’une économie qui se financiarisait à toute vitesse. En adoptant ce modèle, « le plus grave est que nous avons pri­vilégié la macroéconomie au détriment de la microéconomie », expliquait-il en décembre 2017, lors d’une audition à l’Assemblée nationale.

      Il en veut pour preuve la disparition du ministère de l’Industrie, qui a été absorbé par Bercy au sein du gouvernement Jospin, en 1997. Résultat : « Les services de Bercy, l’Inspection des finances et la direction du Trésor ont pris l’ascendant idéologique sur ceux qui s’occupaient de l’industrie française, constate Jean-Michel Quatrepoint. Cela a eu une conséquence majeure : les compétences industrielles ont disparu du ministère de l’Économie ».

      Une prise de conscience de l’Etat français ?
      Aujourd’hui, l’exécutif se dit décidé à réagir et à mettre les moyens pour défendre ses intérêts souverains. « Depuis un an, nous avons renforcé la protection de nos actifs stratégiques », affirme Thomas Courbe, le chef de la Direction générale des entreprises (DGE). Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron, une nouvelle cartographie des grands groupes, startups et laboratoires de recherche stratégiques a vu le jour, afin de mieux les protéger contre les menaces extérieures. Pour les défendre, une nouvelle organisation interministérielle a aussi été mise en place. « Concernant les entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD), nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère des Armées et la Direction générale de l’armement, _précise Thomas Courbe. _Nous procédons ainsi avec tous les ministères qui sont en relation avec des sociétés stratégiques, par exemple ceux de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, de la Santé, du Transport et de l’Énergie, ou de l’Agriculture ».

      En parallèle, le gouvernement renforce, depuis un an, le dispositif de contrôle des investissements étrangers en France (IEF). Les technologies dites « critiques » - dont la cybersécurité, l’intelligence artificielle, les semi-conducteurs ou le stockage de l’énergie - font l’objet d’une attention particulière des pouvoirs publics. En outre, le gouvernement peut désormais bloquer une acquisition dès lors que la participation envisagée par un investisseur étranger porte sur un minimum de 25% du capital, contre 33% auparavant. Pas sûr, toutefois, que ces initiatives soient suffisantes pour préserver les domaines les plus stratégiques face aux offensives, de plus en plus féroces, des États-Unis ou de la Chine.

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      ENCADRÉS

      LATÉCOÈRE, UN NOUVEL ACTIF INDUSTRIEL CROQUÉ PAR UN AMÉRICAIN
      Latécoère, ou un gâchis à la française... Une vraie spécialité ces dernières années. À la fin des années 2000, le groupe toulousain devait être le pivot de la consolidation de la filière aérostructure en rachetant les activités d’Airbus sous l’œil bienveillant de l’État français pour créer un groupe de taille mondiale. Mais tout a déraillé en raison notamment de la fragilité financière du moment de Latécoère, Airbus (EADS à l’époque) renonçant en 2008 à lui vendre ses activités, qui, depuis, ont été regroupées au sein de Stelia Aerospace. Plus de dix ans plus tard, l’équipementier toulousain, également spécialisé dans les systèmes d’interconnexion, finit dans les bras d’un fonds d’investissement américain pourtant plutôt spécialisé dans la hightech, Searchlight, un temps lié au puissant fonds KKR. Ce fonds américain détient désormais 65,55 % du capital de Latécoère. Très clairement un semi-échec pour Searchlight, qui souhaitait au départ détenir 100 % de sa proie.

      Surtout, Latécoère passe sous la bannière étoilée avec tous les inconvénients que cela suppose pour la souveraineté française d’un groupe qui travaille sur des programmes aussi sensibles que le Rafale, l’A400M, les satellites militaires français (harnais) et, surtout, le missile nucléaire M51. L’ombre de la réglementation américaine Itar pourrait planer une nouvelle fois sur tous ces programmes militaires, dont certains sont des fers de lance de l’industrie française à l’exportation. Sans compter la problématique extrêmement sensible de la confidentialité sur la dissuasion française et de l’avance de Latécoère sur la technologie photonique très prometteuse (aéronautique, défense...) du Li-Fi (Light Fidelity), qui a un débit cent fois plus rapide que les Wi-Fi existants.

      Des députés montent au créneau
      Et cela se passe mal. Fin novembre, dix-sept députés ont écrit au Premier ministre pour lui demander d’avoir une "approche souveraine" sur les ventes de Photonis et de Latécoère. En vain pour l’équipementier aéronautique. Le PDG de Dassault Aviation Eric Trappier a jugé excessives les inquiétudes sur Latécoère. "Le risque souveraineté n’existe pas sur Latécoère, il existe en général. Il faut des règles", a-t-il estimé en début d’année. Une déclaration qui va dans le sens de la PDG de Latécoère. Yannick Assouad, qui a un passé très américain (PDG d’Honeywell Aerospace, diplômée de l’Institut technologique de l’Illinois), a expliqué dans une interview à L’Usine nouvelle que « la lettre d’engagement signée par Searchlight, confidentielle », aborde les questions concernant ces programmes de défense. Et de dire que "l’État a bien joué son rôle pour protéger ce qui doit l’être. En tant que dirigeante de Latécoère, je mettrai un point d’honneur à respecter ces engagements".

      Mais, selon nos informations, Searchlight traîne déjà les pieds pour remplir certains de ses engagements. Ainsi, l’État a demandé à Searchlight, au titre du contrôle des investissements étrangers en France (procédure IEF), qu’il prenne un chevalier blanc français, qui aura son agrément. Cet investisseur doit détenir au moins 10 % du capital et des droits de vote de Latécoère et sera son œil au conseil d’administration. L’État lui a soufflé le nom de Tikehau Capital. Mais, selon nos sources, Searchlight aurait l’intention d’organiser des enchères pour trouver un partenaire et amortir son investissement. Mais la mère de toutes les batailles sera la sortie de Searchlight, dans cinq ans environ. L’État français a-t-il déjà pris des mesures pour empêcher une vente à un industriel non désiré ?

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      NEXEYA, CLS, PHOTONIS... UNE GESTION AU CAS PAR CAS
      A côté d’opérations comme la vente de Morpho à Advent, la cession de la PME HGH à Carlyle ou le rachat de Latécoère par Searchlight, la France a également su prendre des initiatives pour mieux protéger sa base industrielle et technologique de défense (BITD). L’exemple le plus édifiant reste la vente de Nexeya par ses actionnaires historiques au groupe allemand Hensoldt, détenu par le fonds américain KKR. Le ministère des Armées a imposé aux actionnaires de Nexeya d’exclure de la vente l’activité spatiale (Nexeya Space) ainsi que certaines activités de défense liées à la souveraineté française. Soit 36 millions d’euros de chiffre d’affaires (200 salariés). Ces activités considérées comme critiques ont été dans un premier temps distinguées des autres activités de Nexeya, puis rassemblées dans une nouvelle société baptisée Hemeria, principalement spécialisée dans les nanosatellites. 

      CLS, un actif qui file en Belgique
      La Compagnie nationale à portefeuille (CNP), société d’investissement belge du groupe Frère, qui se propose de racheter une participation majoritaire du capital de la pépite technologique CLS (Collecte Localisation Satellites), a dû déposer, fin novembre, un dossier à la Direction générale des entreprises (DGE) dans le cadre de la procédure des investissements étrangers en France (IEF). Si tout se passe bien, la procédure devrait durer deux mois minimum à compter du dépôt du dossier. L’État français, qui aurait pu imposer un acheteur français - la banque Rothschild était sur les rangs -, a laissé filer cet actif en Belgique. Il faut cependant préciser que le Centre national d’études spatiales (CNES) devrait rester actionnaire à hauteur de 35 % de l’opérateur des célèbres balises Argos.

      Après quelques hésitations, l’État français a entrepris par ailleurs de trouver un actionnaire français de référence à Photonis, qui fournit les forces spéciales de tous les pays de l’OTAN. Mis en vente par le fonds Ardian, ce leader mondial de la conception et de la fabrication de tubes d’intensification d’image de pointe pour les militaires intéresse très fortement des groupes américains notamment. Après avoir vainement tenté de convaincre Thales et Safran de racheter Photonis, l’État a récemment sollicité d’autres industriels français. La fin de l’histoire reste à écrire. Ainsi, quand la France veut, elle choisit de s’en donner les moyens. C’est une simple question de volonté politique. Avec le renforcement de la procédure IEF, l’État dispose, via la Direction générale des entreprises, d’une palette d’outils plus large pour préserver ses pépites et ses entreprises stratégiques lors d’une opération de contrôle par un investisseur étranger.

      Pas de « Proxy Agreement » français
      Mais pas question pour le moment d’envisager une solution de type « Proxy Agreement » à la française, à l’image de ce qu’impose l’administration américaine à des investisseurs étrangers lors d’un rachat d’une société considérée comme stratégique pour les États-Unis. Un dispositif qui limite drastiquement les droits de l’investisseur étranger au sein même de sa société gérée par trois administrateurs américains, qui eux-mêmes désignent les dirigeants de la société.

    • « À Bruxelles, il y a un changement d’état d’esprit sur les enjeux de souveraineté » (Thomas Courbe) (11/11)
      https://www.latribune.fr/economie/france/a-bruxelles-il-y-a-un-changement-d-etat-d-esprit-sur-les-enjeux-de-souvera


      Pour Thomas Courbe, il faut des acteurs français, ou, à défaut, européens, dans certains domaines stratégiques.
      Crédits : DR

      Le patron de la DGE revient sur la politique nouvelle du gouvernement visant à protéger les grands groupes et les pépites industrielles et technologiques françaises des appétits étrangers.

      LA TRIBUNE - Comment la France protège-t-elle ses entreprises et ses pépites des groupes étrangers ?

      THOMAS COURBE - La DGE, sous l’autorité de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, a mis en place une stratégie nouvelle. Désormais, notre politique de développement économique, industriel et de soutien à l’économie est étroitement corrélée à la politique de sécurité et de souveraineté économiques. C’est la raison pour laquelle, à l’occasion de ma nomination, les postes de commissaire à l’information stratégique et à la sécurité économique et de directeur général des entreprises ont été fusionnés. Depuis un an, nous avons renforcé la protection de nos actifs stratégiques. De grandes entreprises faisaient déjà l’objet de l’attention des pouvoirs publics, mais nous avons inclus d’autres acteurs importants, comme les laboratoires de recherche ou les startups.

      Avez-vous une cartographie de ces acteurs ?
      Absolument. Et c’est nouveau. Nous avons élaboré une cartographie précise de l’ensemble des actifs stratégiques que nous souhaitons particulièrement protéger. Celle-ci est mise à jour au quotidien. Elle n’est pas publique. Mais l’enjeu porte plutôt sur les plus petites entreprises. Certaines PME peuvent avoir beaucoup de valeur, et il faut les avoir identifiées elles aussi pour être en mesure de mieux les protéger contre tout type de menace.

      Revenons sur un cas ancien. Beaucoup estiment qu’en 2014 la vente de l’équipementier télécoms Alcatel au finlandais Nokia a constitué une perte de souveraineté pour la France. Qu’en dites-vous ?
      Ce qui est sûr, c’est que les équipements télécoms sont clairement un secteur stratégique, ils représentent un fort enjeu en matière de souveraineté économique et de souveraineté au sens large. Avec la 5G et l’arrivée des véhicules autonomes, de l’hôpital connecté, des usines connectées, les enjeux de sécurité des réseaux mobiles sont beaucoup plus sensibles. C’est la raison pour laquelle la secrétaire d’État Agnès Pannier-Runacher a défendu la loi d’août 2019, pionnière en Europe, qui permettra de vérifier en amont les logiciels et les équipements 5G.

      Reste que nous n’avons plus d’équipementier français...
      Il est clair que nous avons besoin d’équipementiers télécoms en Europe. Dans notre vision de la souveraineté économique, nous estimons que dans certains domaines stratégiques il faut des acteurs français. Dans d’autres, en revanche, nous pouvons nous contenter d’acteurs européens. L’essentiel, c’est qu’il y ait bien, toujours, des groupes européens présents. Dans un secteur différent mais tout aussi stratégique, celui des batteries pour les véhicules électriques, c’est par exemple ce qui nous pousse à financer, avec l’Allemagne, l’émergence d’un acteur européen. L’idée est d’associer le français Saft, qui a la maîtrise technologique de la conception des batteries, et un constructeur automobile, PSA, qui sait produire en masse. Nous avons besoin de la combinaison de ces deux expertises pour créer un nouvel acteur industriel européen dans ce domaine.

      Mais le risque, c’est qu’un acteur, lorsqu’il n’est plus français, puisse se faire racheter par une puissance non européenne. On prête par exemple aux Américains la volonté de mettre la main sur l’équipementier suédois Ericsson...
      Le débat actuel montre que tout le monde juge que les équipements télécoms sont stratégiques. La Chine a des équipementiers, l’Europe aussi, et les États-Unis se rendent compte qu’ils n’en ont plus.

      Quelles activités sont particulièrement menacées ? Et pouvez-vous tirer un premier bilan du renforcement du dispositif sur les investissements étrangers en France (IEF), qui a élargi, en janvier 2019, le contrôle de l’État sur les investissements étrangers dans les secteurs sensibles ?
      Notre nouvelle politique nous permet d’avoir plus de remontées que par le passé. Nous cernons mieux les marques d’intérêt qu’il peut y avoir à l’égard d’entreprises que l’on veut protéger. Parmi les domaines qui suscitent le plus d’appétence, il y a l’intelligence artificielle et le stockage de données. Nous avons d’ailleurs ajouté ces secteurs dans le règlement IEF. Il y a aussi la microélectronique, un secteur technologique clé pour l’économie.

      L’ennui, c’est qu’il y a des domaines où la France n’est plus souveraine. La DGSI vient de renouveler son contrat avec Palantir, le spécialiste américain de l’analyse des données...
      Notre démarche est d’identifier les domaines où il est crédible d’avoir une offre française compétitive. Elle n’a de sens que si on reconnaît que ce n’est pas le cas partout. Dans l’intelligence artificielle, par exemple, notre ambition est de positionner la France au même niveau que les États-Unis ou la Chine. Cette stratégie doit avoir une dimension européenne, et nous vou- lons la développer dans des marchés particuliers, où nous avons des atouts. Sur l’IA embarquée, qui est un secteur d’avenir, nous pouvons être leader.

      À Bruxelles, les enjeux de souveraineté sont-ils une priorité ?
      Il y a un vrai changement d’état d’esprit de l’Europe sur ces sujets. Ces dernières années, nous avons assisté à des évolutions qui étaient impensables il y a cinq ans, avec notamment le règlement sur le filtrage des investissements étrangers. Aujourd’hui, sur les chaînes de valeur stratégiques, l’Europe considère qu’il est légitime que les États aident leurs industriels à émerger. C’est notamment le cas pour les batteries des voitures électriques. En juillet 2019, la Commission a également déclaré qu’il était possible d’exclure des offres de pays extra-européens sur les marchés publics, en faisant le lien avec sa communication du mois de mars sur la Chine.

      Avoir une loi de blocage européenne, et pas seulement française, ce serait fabuleux...
      Oui, et cela reste notre horizon. Mais en attendant, nous avons en France une loi qui date de 1968, et que nous souhaitons rendre plus effective et plus efficace, dans le cadre de la réflexion menée par le député Gauvain, notamment en définissant mieux ce que sont les informations sensibles des entreprises. Nous poussons aussi pour avoir un tel texte au niveau européen. Mais il faut reconnaître que nous n’avons pas encore réussi à convaincre nos partenaires européens comme nous l’avons fait, par exemple, sur le règlement sur les investissements étrangers.

      Le gouvernement a surpris dans la gestion du cas Latécoère. Dans le cadre d’une procédure IEF, le fonds américain qui souhaite racheter le groupe doit désormais s’associer à un investisseur français s’il veut l’emporter. Cette manœuvre, inédite, peut-elle être généralisée ?
      Tous les dossiers se traitent au cas par cas. Le règlement IEF nous permet d’avoir un éventail de solutions large lorsqu’un investisseur étranger veut prendre le contrôle d’un actif stratégique.

      La politique de la concurrence de l’UE ne nuit-elle pas à la souveraineté économique ? Le blocage de la fusion entre Alstom et Siemens par Bruxelles a été, sous ce prisme, très critiqué, au regard de la montée en puissance de la China Railway Rolling Stock Corporation (CRRC), le numéro un mondial des équipements ferroviaires...
      Nous militons clairement pour une autre politique de la concurrence. Cet été, nous avons proposé avec l’Allemagne et la Pologne une révision de la politique européenne de concurrence, notamment sur le contrôle des concentrations et sur les plateformes numériques. L’idée n’est pas de renverser la table. Cette politique est un atout pour le marché intérieur, et a bénéficié au consommateur. Toutefois, il faut désormais mieux tenir compte du fait que les entreprises européennes font face à des concurrents chinois et américains très soutenus par leurs gouvernements. Certaines adaptations sont nécessaires pour y faire face. Les récentes déclarations de Margrethe Vestager sur les évolutions de la politique de concurrence européenne sont d’ailleurs un signal très positif en ce sens.

      (on remarquera que ThC ne répond jamais aux différents constats de perte de souveraineté industrielle passés-

  • Lait : la compétitivité de la filière française fragilisée par les faibles prix payés aux agriculteurs
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/agroalimentaire-biens-de-consommation-luxe/la-filiere-laitiere-francaise-championne-de-la-competitivite-836699.html


    Le principal problème posé par la forte compétitivité du lait français est qu’elle met en lumière une distorsion de marché. La rentabilité de la filière s’appuie notamment sur la faiblesse des prix payés aux agriculteurs par les trois plus grands acteurs, ce qui remet sérieusement en question la durabilité du modèle.
    Crédits : Stephane Mahe

    La concentration de l’industrie laitière, à l’origine de la paupérisation des producteurs de lait, place paradoxalement la France en tête des pays les plus compétitifs du monde selon une étude de France Agrimer.

    La filière du lait en France aurait le plus d’avantages compétitifs que tous les autres pays producteurs, selon une nouvelle étude réalisée par le cabinet de conseil Agrex pour France Agri Mer.

    Une affirmation qui peut étonner, tant les producteurs de lait sont à la peine. Les prix de vente de la plupart des lait produits en France ne permettent pas aux éleveurs de rentrer dans leurs frais. Leur détresse est telle que les producteurs laitiers sont les plus touchées par le suicide, comme l’a montré l’étude de la Mutualité sociale agricole en septembre dernier.

    Et c’est bien tout le paradoxe de cette situation. Car parmi les atouts de la France relevés par l’étude, la concentration de l’offre laitière aux mains de trois industriels, Lactalis, Sodiaal et Eurial, qui ont poids croissant avec plus 52 % du marché en 2018, est une des raisons de cette forte compétitivité. Cette concentration est aussi à l’origine de la paupérisation des producteurs de lait.

    #Ah_qu'en_termes_galants_ces_choses-là_sont_dites
    #oligopole

  • Crise du 737 MAX : Boeing va indemniser American Airlines
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/crise-du-737-max-boeing-va-indemniser-american-airlines-836546.html


    Depuis le début de la crise du 737 MAX, les compagnies ont dû annuler des centaines de milliers de vols.
    Crédits : Jacky Naegelen

    Sans préciser le montant ou la nature des indemnisations obtenues de Boeing, American Airlines a indiqué qu’elle allait distribuer 30 millions de dollars à ses salariés dans le cadre du programme interne de répartition des bénéfices.

    American Airlines a annoncé, lundi, avoir trouvé un accord avec Boeing sur le montant des indemnisations que doit lui verser l’avionneur afin de compenser le manque à gagner subi du fait de l’immobilisation du 737 MAX depuis mars 2019.

    Boeing a par ailleurs commencé à affecter à d’autres sites une partie des 3.000 employés touchés par la suspension de la production de cet avion vedette, selon un courrier interne consulté par l’AFP.

    Sans préciser le montant ou la nature des indemnisations obtenues de Boeing, American Airlines, qui exploitait 24 avions 737 MAX avant leur interdiction de vol suite aux accidents de Lion Air et d’Ethiopian Airlines ayant fait 346 morts au total, a indiqué qu’elle allait distribuer 30 millions de dollars à ses salariés dans le cadre du programme interne de répartition des bénéfices. 

    Ce faisant, la première compagnie aérienne américaine emboîte le pas à sa compatriote et rivale Southwest, qui a annoncé mi-décembre distribuer 125 millions de dollars à ses salariés après un accord avec Boeing.

  • Sucre, le doux mensonge
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/agroalimentaire-biens-de-consommation-luxe/sucre-le-doux-mensonge-746141.html

    REPLAY [Arte] Comment, depuis les années 1970, l’industrie agroalimentaire a oeuvré pour augmenter les doses de sucre dans nos assiettes, avec à la clé un problème majeur de santé publique : obésité, diabète et maladies cardiaques se répandent à travers le monde, notamment chez les enfants. Cette enquête dévoile les mensonges de l’industrie sucrière et les recours possibles pour enrayer l’épidémie.

    C’est en épluchant les archives internes de la Great Western Sugar Company, l’un des fleurons de l’industrie sucrière américaine, que la dentiste Cristin Kearns a fait une découverte de taille, exposée fin 2012 dans le magazine américain « Mother Jones » : dans les années 1970, l’industrie mondiale du sucre a mis au point une stratégie délibérée de conquête, visant à inclure toujours plus de saccharose dans l’alimentation quotidienne mondiale et à en dissimuler sciemment les risques sanitaires.

    Quarante ans durant, l’Association américaine du sucre et ses homologues d’autres continents ont réussi à faire prospérer un empire lourd de plusieurs milliards et à transformer les habitudes alimentaires à l’échelle planétaire. Conséquence de la nouvelle addiction qu’ils ont su généraliser, l’obésité, le diabète et les maladies cardiaques se répandent à travers le monde, notamment chez les enfants.

    Le lobby du sucre est désormais au banc des accusés. Sa ligne de défense, jusqu’ici, ne bouge pas d’un iota : il exige de ses détracteurs toujours davantage de preuves de la nocivité du sucre. Des manœuvres qui rappellent celles de l’industrie du tabac pour retarder coûte que coûte l’application des décisions politiques. Alors que l’industrie, la recherche et les pouvoirs publics se mènent une lutte de plus en plus dure, la bombe à retardement sanitaire approche de l’explosion... Cette enquête dévoile les mensonges de l’industrie sucrière et les recours possibles pour enrayer l’épidémie.

  • Boeing Announces Leadership Changes - Dec 23, 2019
    https://boeing.mediaroom.com/2019-12-23-Boeing-Announces-Leadership-Changes

    New Leadership to Bring Renewed Commitment to Transparency and Better Communication With Regulators and Customers in Safely Returning the 737 MAX to Service

    Boeing announced today that its Board of Directors has named current Chairman, David L. Calhoun, as Chief Executive Officer and President, effective January 13, 2020. Mr. Calhoun will remain a member of the Board. In addition, Board member Lawrence W. Kellner will become non-executive Chairman of the Board effective immediately. 

    The Company also announced that Dennis A. Muilenburg has resigned from his positions as Chief Executive Officer and Board director effective immediately. Boeing Chief Financial Officer Greg Smith will serve as interim CEO during the brief transition period, while Mr. Calhoun exits his non-Boeing commitments.

    The Board of Directors decided that a change in leadership was necessary to restore confidence in the Company moving forward as it works to repair relationships with regulators, customers, and all other stakeholders.

    Under the Company’s new leadership, Boeing will operate with a renewed commitment to full transparency, including effective and proactive communication with the FAA, other global regulators and its customers.

    On behalf of the entire Board of Directors, I am pleased that Dave has agreed to lead Boeing at this critical juncture,” Mr. Kellner said. He added, “Dave has deep industry experience and a proven track record of strong leadership, and he recognizes the challenges we must confront. The Board and I look forward to working with him and the rest of the Boeing team to ensure that today marks a new way forward for our company.

    Mr. Calhoun said, “I strongly believe in the future of Boeing and the 737 MAX. I am honored to lead this great company and the 150,000 dedicated employees who are working hard to create the future of aviation.”

  • La Russie dévoile « Dôme », son bouclier spatial anti-missile
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/contre-la-force-de-l-espace-de-trump-moscou-devoile-dome-son-bouclier-spat


    Le ministère de la Défense de la Russie a présenté ce mercredi des détails sur son système de défense spatiale.
    Crédits : Ministère de la Défense de la Russie

    Selon des documents présentés mercredi par l’état-major russe aux attachés militaires étrangers en poste à Moscou et visibles sur des photographies diffusées sur le site internet du ministère de la Défense, le système de la Russie est destiné à détecter depuis l’espace le lancement de missiles balistiques, leur trajectoire et la zone visée. Trois satellites d’alerte précoce « Toundra » ont déjà été mis en orbite dans le cadre de ce programme en 2015, 2017 et 2019.

    Moscou a dévoilé mercredi de menus détails de son bouclier spatial anti-missile, dont les contours restent encore mystérieux, au lendemain du vote du Congrès américain pour créer la force de l’Espace voulue par Donald Trump.

    Ce système destiné à détecter depuis l’espace le lancement de missiles balistiques, leur trajectoire et la zone visée, a reçu le nom de « #Koupol » (#купол, « Dôme » en français ), selon des documents présentés mercredi par l’état-major russe aux attachés militaires étrangers en poste à Moscou et visibles sur des photographies diffusées sur le site internet du ministère de la Défense.

    Trois satellites d’alerte précoce « Toundra » ont déjà été mis en orbite dans le cadre de ce programme en 2015, 2017 et 2019. La composition complète du « Koupol », qui se veut l’équivalent du système américain SBIRS, n’est pas connue.

  • EDF présente son plan pour sortir la filière du nucléaire de l’impasse
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/edf-presente-son-plan-pour-sortir-la-filiere-du-nucleaire-de-l-impasse-835


    La mise en oeuvre de ce plan, baptisé « excell », sera supervisée par un « délégué général à la qualité industrielle et aux compétences », qui rendra directement compte au PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, et qui disposera d’un budget spécifique de 100 millions d’euros pour 2020-2021.
    Crédits : DR

    Le plan répond au rapport d’audit très critique sur le chantier du réacteur EPR de Flamanville présenté en octobre par Jean-Martin Folz. Il « doit permettre de créer les conditions d’un regain de confiance dans la filière nucléaire française », espère le PDG d’EDF Jean-Bernard Lévy.

    EDF a présenté ce vendredi un plan destiné à améliorer la filière industrielle nucléaire, et va nommer un responsable chargé de son application, en réponse à un rapport accablant sur le chantier de l’EPR de Flamanville. La mise en oeuvre de ce plan, baptisé « #excell », sera supervisée par un « délégué général à la qualité industrielle et aux compétences », qui rendra directement compte au PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, a indiqué l’électricien dans un communiqué. Disposant d’un budget spécifique de 100 millions d’euros pour 2020-2021, sa vocation est de renforcer la qualité industrielle, les compétences et la gouvernance des grands projets nucléaires.

    La présentation du plan fait suite à un rapport d’audit de l’ex-patron du constructeur automobile PSA Jean-Martin Folz sur le chantier du réacteur EPR de Flamanville dans la Manche. Remis fin octobre au gouvernement, il avait dressé un tableau sans concession de cet « échec pour EDF ». Le gouvernement avait dans la foulée exigé un plan d’action pour remettre la filière d’aplomb, alors que la France envisage la construction de nouveaux EPR à l’avenir.

    Un effort pour le recrutement et la formation de soudeurs
    Lancé en 2006, et devant initialement entrer en service en 2012 pour un coût de 3,3 milliards d’euros, la construction à Flamanville du premier réacteur français de troisième génération a multiplié les déboires. Son démarrage est désormais prévu fin 2022 et son coût a été réévalué à 12,4 milliards d’euros.

    Pour améliorer la qualité industrielle, EDF veut notamment mieux sélectionner et contrôler ses fournisseurs. Une « qualification des procédés de fabrication et des outils de traçabilité renforcés » seront aussi mis en oeuvre pour les opérations les plus sensibles. Du côté des compétences, il y aura par exemple un effort pour le recrutement et la formation de soudeurs, alors que les derniers problèmes de Flamanville proviennent de soudures défectueuses.

    Enfin concernant la gouvernance des grands projets, le PDG d’EDF « présidera un comité stratégique chargé de valider les données initiales du projet, de définir ses objectifs, ses coûts et ses délais, d’en valider les engagements financiers et d’approuver les principaux contrats ».

    « Le plan #excell doit permettre de créer les conditions d’un regain de confiance dans la filière nucléaire française et de répondre aux difficultés décrites dans le rapport de Jean-Martin Folz », espère ainsi Jean-Bernard Lévy.

  • La gendarmerie recherche désespérément des blindés pour remplacer ses VBRG antédiluviens
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/la-gendarmerie-recherche-desesperement-des-blindes-pour-remplacer-ses-vbrg


    Des VAB de l’armée de Terre pourrait être gendarmisés (Crédits : Ministère des armées)

    Après avoir souhaité lancer un programme de nouveaux véhicules blindés, la gendarmerie pourrait rénover tout ou partie de son parc de blindés et en obtenir d’autres des forces armées. Une solution beaucoup plus économique.

    La gendarmerie trépigne. Elle veut, et le plus rapidement possible, de nouveaux blindés, de préférence rénovés, pour remplacer ses « antiquités ». « Le VBRG est né avec la 4L », a d’ailleurs rappelé le 10 octobre à l’Assemblée nationale le général Richard Lizurey, alors encore directeur général de la gendarmerie nationale. Mais pourquoi rénover de très vieux VBRG (véhicules blindés à roues de la gendarmerie) entrés en service en 1974 ? La raison en est simple, le prix. « On s’achemine plus vers cette solution que vers l’achat de blindés neufs, qui pourraient coûter très cher et qui n’existent pas sur étagères en tant que tels, avait expliqué le 9 octobre au Sénat le général Richard Lizurey. L’idée est de diviser par quatre ou cinq au moins leur coût d’acquisition ».

    « Nous avons 84 engins blindés opérationnels, la moitié en outre-mer et la moitié en métropole, a précisé l’ancien patron de la gendarmerie. Depuis décembre 2018, nous avons vu que cela pouvait présenter un intérêt dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre. Dans le cadre de l’élaboration du livre blanc (qui doit être prêt début 2020, ndlr), nous cherchons à déterminer si et dans quelles conditions il est possible de renouveler la flotte actuelle des véhicules blindés ».

    Au départ, la gendarmerie envisageait le nec plus ultra avec le développement d’un programme de véhicules blindés de nouvelle génération. Mais les gendarmes sont très vite revenus à la réalité surtout face à leurs limites budgétaires : « C’est devenu hors de portée budgétaire et peu souhaitable, car on ne va pas engager un programme pour 84 véhicules blindés », a confirmé à l’Assemblée nationale le général Richard Lizurey. La gendarmerie s’est donc résolue à rénover deux types de blindés, tout ou partie de ses VBRG ainsi que des VAB cédés par l’armée de Terre. Dans ce cadre, le général Richard Lizurey prévoyait de faire rénover "six ou sept matériels chaque année pendant quatre ou cinq ans, selon l’ancien patron de la gendarmerie. Nous disposerions ainsi au bout de cette période d’une flotte de 84 véhicules blindés qui pourraient repartir pour trente, quarante ou cinquante ans".

  • Le comble européen ou quand l’Europe finance la recherche des Israéliens, Turcs, Américains...
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/defense-si-si-l-europe-finance-la-recherche-des-groupes-concurrents-aux-eu


    Les groupes israéliens, dont Elbit Systems, ont reçu 1,7 milliard d’euros de financements européens de la part de l’UE.
    Crédits : Matthieu Sontag via Wikipedia (CC-BY-SA)

    Stupéfiant !? L’Union européenne finance des programmes de recherche et d’innovation de groupes israéliens, turcs, américains ou encore suisses et norvégiens. Des groupes qui sont en retour de plus en plus redoutables sur le marché communautaire et sur le grand export.

    Cela parait incroyable et pourtant les données sont là, très froides. L’une des annexes de l’étude de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) portant sur « la stratégie des entreprises étrangères en Europe », qui s’appuie sur les statistiques de l’Union européenne (UE), est pour le moins inattendue : l’Europe finance des programmes de recherche (excellence scientifique, primauté industrielle et défis sociétaux) au profit de groupes étrangers, qui y ont accès le plus légalement du monde en tant que membres associés au même titre que les groupes européens. Et pourtant ces groupes sont très souvent les rivaux directs et redoutables de groupes européens... en Europe et sur le grand export. L’UE ne tire-t-elle pas une balle sur ses champions européens ?

    Car c’est une véritable auberge espagnole pour tous ces groupes étrangers basés dans une quinzaine de pays. Ils ont déjà pu largement piocher dans les crédits du 7ème programme cadre de recherche et développement technologique (4,14 milliards sur un total de 50,5 milliards d’euros sur la période 2007-2013), puis dans ceux d’Horizon 2020 (2,85 milliards au 20 septembre 2018 sur les 79 milliards d’euros couvrant la période 2014-2020). Soit deux des plus grands programmes de recherche au monde financés par des fonds publics, eux-mêmes alimentés par l’argent des contribuables européens. Au total, une part de 10% du montant du PCRDT a été allouée à des Etats associés et à des Etats tiers, contre 8% pour H2020.

    Suisse, Israël et Norvège dans le top 3
    Quels sont les pays qui en profitent le plus ? Les groupes suisses font une razzia sur les financements européens : 43% des montants distribués aux Etats associés au titre du 7eme PCRDT (2 milliards au total) et 33% dans le cadre de H2020 (1 milliard d’euros). Soit un joli pactole de 3 milliards au total. Les groupes israéliens ont également très bien compris tout l’intérêt que pouvaient avoir ces fonds de recherche européens. Et cela a bien marché pour eux puisqu’ils ont ravi la deuxième place du podium : 875,1 millions au titre du 7eme PCRDT, puis 704,1 millions dans le cadre de H2020. Soit un total de 1,58 milliard d’euros obtenus. Au troisième rang s’est imposée la Norvège qui talonne Israël avec 1,54 milliard de subsides reçus de l’UE. Suivent ensuite la Turquie (333,9 millions d’euros) et... les Etats-Unis (127,6 millions d’euros). Des pays qui pourtant s’équipent pour certains comme Israël principalement de matériels militaires « Made in USA » et qui n’offrent pas les mêmes conditions de financements aux groupes européens.
    […]
    Elbit et IAI chassent les financements européens
    Pragmatiques et opportunistes, les groupes israéliens, en particulier Elbit Systems et IAI, qui sont au fil du temps devenus de redoutables concurrents des groupes de défense en Europe et à l’export, sont de grands chasseurs de financements européens. Au cours des vingt dernières années, les groupes israéliens ont reçu 1,7 milliard d’euros de financements européens. En contrepartie, Israël a de son côté financé ces programmes à hauteur de 1,4 milliard d’euros. Elbit Systems et IAI sont en quête de financements de l’UE dans des projets « °liés aux domaines spatial, sécurité, transport et ICT (technologies de l’information et de la communication, ndlr), en position de participant mais aussi de coordinateur° », expliquent les deux auteurs, Hélène Masson et Kevin Martin.

    Selon l’étude de la FRS, « 21.300 entités israéliennes ont soumis des projets, dont 3.080 ont été retenus, impliquant 4.435 participants. Parmi ces derniers, on compte 2.450 chercheurs académiques, 1.270 chercheurs travaillant en entreprises et 175 dans d’autres secteurs ». Israël peut au final « se targuer d’un positionnement réussi dans le FP7 et H2020 », se situant respectivement au 17ème et au 15ème rang des Etats bénéficiaires. En outre, les différentes entités israéliennes impliquées ont coordonné respectivement 779 et 502 projets sur les deux périodes.

    Concernant la participation d’Israël à H2020, l’accord d’association garantissant son admissibilité à des financements a été signé in extremis en juin 2014 après de nombreux mois de négociations. « L’UE a imposé de nouvelles conditions qui stipulent que les participants opérant dans des colonies juives ne sont pas autorisés à demander un financement, a précisé la FRS. Au cours des discussions, Israël avait souligné qu’en l’absence d’accord, l’impact serait majeur pour le financement de la recherche nationale (réduction de 40% des financements) ». En attendant, les groupes israéliens poursuivent leur montée en puissance grâce en partie à l’Union européenne. Un gag ? Non. Et dire que certains organismes de recherche européens très pointus font l’objet de restrictions budgétaires…

  • Airbus refuse le système de roulage électrique des avions de Safran
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/airbus-refuse-le-systeme-de-roulage-electrique-des-avions-de-safran-834514


    Crédits : Reuters

    Le projet d’installer un petit moteur électrique sur le train d’atterrissage principal des A320 Neo, dans le but de faire rouler les avions, moteurs éteints, sur le tarmac des aéroports, tombe à l’eau. Airbus a décidé de ne pas l’installer. Ce système aurait permis de réduire les émissions de CO2.

    « Je suis surpris et déçu ». Philippe Petitcolin, le directeur général de Safran, n’a pas caché sa déception ce lundi devant la presse. Airbus a refusé son projet d’"#e-taxiing" (pour roulage électrique), qui aurait permis de faire rouler les avions de l’aérogare jusqu’à la piste de décollage avec les moteurs éteints, grâce à un petit moteur électrique installé sur le train d’atterrissage principal. Ce concept aurait permis d’économiser environ 4% des émissions de CO2 sur des vols court-courriers d’une heure environ (pour les compagnies qui ne font pas déjà le roulage avec un seul moteur).
    […]
    Alimenté par l’APU (Auxiliary Power Unit), qui fournit de l’énergie à bord des avions quand les moteurs sont arrêtés, ce moteur électrique aurait permis à l’avion de se déplacer sur toutes les voies de roulage d’un aéroport. De quoi générer des économies substantielles sur les aéroports encombrés où il n’est pas rare de voir des avions circuler 40 minutes sur les taxiways avant de pouvoir décoller (voire plus). Des temps de roulage qui peuvent être multipliés par... 14, les A320 effectuant jusqu’à 14 cycles par jour (décollages et atterrissages).
    […]
    Safran avait uniquement étudié ce concept avec Airbus. Boeing n’était pas intéressé. En raison d’un train d’atterrissage très condensé sur ses B737, il n’y a pas suffisamment de place pour installer un tel équipement.

  • Monsanto admet avoir répandu un pesticide interdit
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/agroalimentaire-biens-de-consommation-luxe/monsanto-admet-avoir-repandu-un-pesticide-interdit-833729.html

    Cet insecticide, appelé parathion méthyl, a été pulvérisé en 2014 sur des semences de maïs et d’autres cultures à Hawaï. Le géant agrochimique a accepté de payer 10 millions de dollars de pénalités.

    Le géant agrochimique Monsanto a plaidé jeudi « coupable » d’avoir illégalement utilisé un pesticide interdit et hautement toxique dans l’un de ses sites de recherche à Hawaï, acceptant de payer 10 millions de dollars de pénalités.

    Cet insecticide, appelé parathion méthyl et substance active dans le Penncap-M, a été pulvérisé en 2014 sur des semences de maïs et d’autres cultures sur le site de Valley Farm, reconnaît la filiale de Bayer dans des documents reçus par un tribunal fédéral d’Honolulu.

    Le parathion méthyl est interdit aux Etats-Unis par l’Agence de protection de l’environnement depuis 2013 et depuis 2003 dans l’Union européenne.

    « Le comportement illégal dans cette affaire a constitué une menace pour l’environnement, pour les populations environnantes et les employés de Monsanto », a déclaré Nick Hanna, procureur fédéral pour la Californie du centre, qui a supervisé le dossier.

    Monsanto avait notamment dit à ses employés qu’ils pouvaient pénétrer dans les champs traités au parathion méthyl une semaine seulement après la pulvérisation, alors qu’il savait que le délai aurait dû être de 31 jours.

    Les autorités fédérales avaient d’abord cherché à inculper Monsanto pour des faits de nature criminelle mais selon des médias américains, elles ont finalement accepté de négocier des accusations moins lourdes après une intervention des avocats de la multinationale auprès du ministère de la Justice.

    Conformément à l’accord de « plaider coupable », Monsanto doit payer une amende criminelle de six millions de dollars et verser quatre millions de dollars aux autorités d’Hawaï.

    (à l’exception du chapeau, c’est moi qui graisse)

  • Faute de budget, le GIGN va perdre la capacité de descente en corde lisse d’un hélicoptère
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/faute-de-budget-le-gign-va-perdre-la-capacite-de-descente-en-corde-lisse-d


    Le seul entraînement qui n’est pas réalisable par les moyens de gendarmerie, c’est la descente en corde lisse, a fait observer l’ancien directeur général de la gendarmerie nationale, le général Richard Lizurey.
    Crédits : GIGN

    Depuis un peu plus d’un an, le GIGN ne peut plus s’entraîner pour des raisons financières avec le Groupement interarmées d’hélicoptères. Pour 500.000 euros...

    Pour 500.000 euros seulement, le GIGN, mondialement connu, ne peut plus s’entraîner à descendre en corde lisse d’un hélicoptère. Ce qui est problématique pour cette unité d’élite, qui doit logiquement savoir intervenir à partir d’un hélicoptère dans les conditions les plus difficiles. "Nous sommes en train de perdre la capacité de descente en corde lisse d’un hélicoptère de manœuvre par le GIGN car il faut un entraînement récurrent. Cela représente une dépense de 500.000 euros et nous nous heurtons à une limite budgétaire", a expliqué début octobre à l’Assemblée nationale l’ancien patron de la gendarmerie, le général Richard Lizurey.

    « Pour ce qui est de la capacité de descente en corde lisse, c’est bien évidemment erroné, les entraînements avec les hélicoptères légers du @Forcesaeriennes répondant très largement aux besoins de maintien des capacités individuelles des hommes du #GIGN et des AGIGN (les antennes GIGN en France et en outre-mer, ndlr) », a réagi le commandant du GIGN dans un tweet publié dimanche.

    Depuis un peu plus d’un an, le GIGN ne peut plus effectivement s’entraîner pour des raisons financières avec le GIH (groupement interarmées d’hélicoptères), dont pourtant il en a la responsabilité. Et le GIGN ne dispose pas d’alternative pour l’entraînement. Le GIH avait été créé en 2006 pour favoriser la projection du GIGN en vue de protéger les centrales nucléaires, à l’époque où n’existaient pas les pelotons de sécurité et de protection des centrales (PSPG), créés en 2009.
     
    Un blocage financier
    Pourquoi une telle situation incroyable ? Le seul entraînement qui n’est pas réalisable par les moyens de gendarmerie, c’est la descente en corde lisse, a fait observer l’ancien directeur général de la gendarmerie nationale. Or, les armées considèrent que la gendarmerie nationale, qui a été rattachée en 2009 au ministère de l’Intérieur, doit rembourser les coûts résultant de l’emploi par le GIGN de sept Puma du GIH (cinq hélicoptères de l’armée de Terre et deux de l’armée de l’air) pour les missions d’entraînement.

    Faute de paiement, les armées ont donc suspendu la participation du GIH aux missions d’entraînement du GIGN. Ce qui fragilise les compétences aéromobiles de ce dernier, notamment dans le cadre d’une opération de grande ampleur. De son côté, le RAID prend lui en charge le financement des heures de vol effectuées dans le cadre de sa préparation opérationnelle. « La raison en est indigne puisqu’il s’agit d’un conflit financier sur la prise en charge budgétaire de la préparation opérationnelle des unités d’élite de la gendarmerie », ont regretté deux députés Jean-Jacques Ferrara et Christophe Lejeune dans un rapport d’information.

    « En ce qui concerne les hélicoptères utilisés au profit de la gendarmerie, le règlement de certaines sommes dues par le ministère de l’intérieur est attendu, et nous sommes en discussion avec la place Beauvau sur ce point, a expliqué la ministre des Armées Florence Parly lors de son audition début octobre à l’Assemblée nationale. (...) Une chose est certaine, c’est que lorsqu’il y a des dettes, celles-ci doivent être apurées, comme le veut l’adage selon lequel les bons comptes font les bons amis - or les gendarmes sont nos amis... »

    Les deux rapporteurs envisagent trois explications : « soit le ministère des Armées ne devrait pas attendre de prise en charge financière de ces heures ; soit des oppositions internes à la DGGN (Direction générale de la gendarmerie nationale, ndlr) conduisent à pénaliser le GIGN ; soit il a été décidé, au sein du ministère de l’Intérieur, de réserver au RAID la capacité d’emploi du GIH, notamment en raison de l’implantation territoriale du GIGN au travers de ses antennes ».

  • Pourquoi l’armée de l’air a du mal à fidéliser ses aviateurs
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/pourquoi-l-armee-de-l-air-a-du-mal-a-fideliser-ses-aviateurs-831708.html


    Crédits : Ministère des Armées

    Pourquoi ces départs de plus en plus nombreux ? "Cela peut s’expliquer par des surcharges de travail, des absences prolongées du domicile dues aux sous-effectifs et aux multiples engagements, ainsi que par des aspirations différentes des nouvelles générations, plus volatiles", a avancé le chef d’état-major de l’armée de l’air (CEMAA). Il a donc pointé du doigt "l’évolution de la société et des modes de vie". Le général Philippe Lavigne, dont le sujet des ressources humaines est au cœur de ses priorités, a donc besoin de disposer d’hommes et de femmes bien formés, en nombre nécessaire et suffisant. "Ainsi, la population des mécaniciens militaires est structurante pour les opérations et fait l’objet de toute mon attention. J’ai évalué à environ 11.150 mécaniciens le seuil minimal pour maintenir notre capacité", a-t-il précisé.

    Parallèlement au plan famille lancé par la ministre des Armées Florence Parly, l’armée de l’air a mis en place le projet DRHAA 4.0 afin de moderniser les politiques d’attractivité et de fidélisation de l’institution. "Le défi est de taille", a reconnu le CEMAA. "Il s’agit de passer de « l’incitation au départ » au « lien au service », de la « gestion par flux » à la « gestion des compétences »", a-t-il expliqué. Dans ce cadre, l’armée de l’air a pris en compte "l’évolution de la société et des modes de vie, grâce aux crédits du plan famille". Par exemple, une crèche va être ouverte à Bordeaux-Mérignac et des bâtiments d’hébergement vont être construits sur la base d’Orléans.

    La reconnaissance des spécificités d’emploi des aviateurs doit être également prise en compte au travers d’indemnités liées à des spécialités exposées. "Un gros travail a déjà débuté en 2019 par la création de la prime ATOM pour les militaires mettant en œuvre des armements nucléaires et d’une prime de lien au service pour toute catégorie de militaires agissant dans des conditions particulières", a souligné le général Philippe Lavigne. Ce travail va se poursuivre dans la perspective de la nouvelle politique des rémunérations militaires prévue pour 2022 "en ciblant des spécialités critiques dont le déficit fragiliserait la réalisation de nos missions de souveraineté", a averti le CEMAA.

    L’Armée de l’air manque de bras, volants et rampants.

  • Recyclage : à Paris aussi, le tri du plastique devient plus simple
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/recyclage-a-paris-aussi-le-tri-du-plastique-devient-plus-simple-802964.htm

    En 2019, au moins un aspect de la vie quotidienne des Parisiens sera plus simple. Depuis le 1er janvier, tous les emballages sont en effet admis dans la « poubelle jaune » des immeubles de la capitale, consacrée au tri. Alors que jusqu’en 2018, elle n’accueillait que bouteilles et flacons en plastique, emballages en métal, papiers et briques en carton, elle s’ouvre dorénavant aussi au sacs et aux films jetables, aux barquettes et aux pots de yaourt, ainsi qu’aux capsules de café, gourdes de compote, plaquettes de médicaments, paquets de chips, couvercles et bouchons.

    https://www.liberation.fr/checknews/2019/01/24/les-nouveaux-dechets-jetes-dans-les-poubelles-de-tri-a-paris-pourront-ils

    #wishcycling ?