L’alimentation, arme du #genre | Cairn.info
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Ce dossier est le fruit d’une rencontre entre trois sociologues et une socio-anthropologue autour du constat suivant : un vide théorique caractérise le croisement des champs du genre et de l’ #alimentation dans le monde francophone. L’appel à contribution lancé en 2014 par le Journal des anthropologues avait pour objectif de sonder ce vide et de permettre l’émergence de questionnements inédits et de données susceptibles d’alimenter le peu d’études empiriques disponibles sur le sujet. Nous espérions, par cet appel, « essayer de savoir et de faire savoir ce que l’univers du savoir ne veut pas savoir », selon la formulation de Bourdieu (1997 : 14).
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Les études sur l’alimentation et les études sur le genre ont plusieurs points communs [1]
[1] Jarty J., Fournier T. « Mise en perspective des problématiques...
. Elles ont dû extraire leurs objets de la gangue naturaliste où la pensée commune – et savante – les tenait (non, l’alimentation ne sert pas qu’à combler des besoins vitaux ; non, les catégories « hommes » et « femmes » ne sont pas données par la nature). Elles sont par constitution transdisciplinaires. Et elles entendent rendre compte dans toute sa complexité du fonctionnement de politiques sociales qui cherchent à s’ignorer comme telles (Lapeyre, 2014). À tous ces titres, elles ont rencontré des résistances académiques majeures.
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Aujourd’hui en France, elles constituent des champs émergeants, et toutes deux font partie des axes prioritaires du CNRS. Mais ces axes restent étrangers l’un à l’autre. L’absence de connexion est très visible. La thématique de l’alimentation est quasiment absente de l’Introduction aux études sur le genre disponible en France ; les auteur-e-s y consacrent seulement un encart dans leur chapitre sur la socialisation (Bereni et al., 2012 : 119), constitué par un extrait de La Distinction de Bourdieu. Les études sur l’alimentation, de leur côté, n’ont pas pour cadre de référence le corpus théorique des études sur le genre. Si le sexe est régulièrement pris en compte comme variable sociologique, les données sont davantage interprétées au travers de la grille de lecture fournie par la sociologie de la famille (Bélorgey, 2011), hormis quelques travaux qui tentent de la dépasser (voir par exemple Corbeau, 2004 ; Fournier, 2012). Et les tensions sont particulièrement saillantes entre les études sur le genre et les recherches sur la famille, ces dernières n’ayant pas pour point de départ la question théorique des inégalités – particulièrement celles produites au sein de l’institution familiale (Ferrand, 2004).