• Cirque. Sous le chapiteau étoilé des Romanès, les chats s’envolent | L’Humanité
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    La famille Romanès au grand complet présente son nouveau spectacle, Les nomades tracent les chemins du ciel. Un instant de bonheur et d’émerveillement pour petits et grands.

    Depuis que la Mairie de Paris les a installés, pour ne pas dire relégués, square Parodi, dans le très chic 16e arrondissement de l’ouest de la capitale, une légende urbaine colportée par certains de ses habitants raconte que, depuis l’arrivée des Romanès, les matous du quartier ont disparu. Les Romanès les voleraient… Alexandre Romanès préfère en rire. D’ailleurs, il précise que, non seulement ils volent les chats, mais ils les mangent. Et les matous du 16e sont bien meilleurs à croquer que les chats faméliques qui traînent ailleurs dans Paris. Et de prévenir les habitants des alentours que, bientôt, ils vont s’en prendre aux chiens !

    Cette anecdote, aussi stupide qu’elle puisse paraître, en dit long sur ces vieilles rengaines qui ont la peau aussi dure que les couches de bêtises amoncelées depuis des lustres. Autrefois voleurs de poules ; aujourd’hui voleurs de chats… Surtout, bonnes gens, ne changez rien. Tant pis pour vous ! Ne changez rien à vos bondieuseries et n’allez pas vous balader du côté du cirque, on ne sait jamais, vous pourriez tacher vos visons et… aimer le spectacle de ces Gitans !
    Un no man’s land où le rêve est à portée de main

    Les nomades tracent les chemins du ciel, qui sont-ils, ces nomades ? Des artistes, des fildeféristes, jongleurs, contorsionnistes, danseuses et musiciens. Des colporteurs d’histoires, des illusionnistes qui, l’instant d’un spectacle, vous emportent quelque part entre ciel et terre, dans un no man’s land où le rêve est à portée de main. Soulever le rideau du chapiteau des Romanès, c’est oublier la grisaille, la tristesse des visages croisés dans le métropolitain. Lorsque Alexandre donne le top départ, l’orchestre se lance dans des mélodies endiablées, tandis que les filles font virevolter leurs immenses jupes à fleurs qu’elles déploient comme des ailes de papillon. Toute la troupe est là, qui vient, comme il se doit, saluer et remercier le spectateur d’être là, avant même de jouer son propre numéro. Il y a Alin, Rose-Reine, Aude, Laura, Ariadna, Sorin, Irina, Augustin, Betty. Les musiciens. Délia la Tigresse et Alexandre. Les uns tournent jusqu’à en avoir le tournis ; les autres tutoient les étoiles ; celle-ci défie les lois de l’apesanteur… Un clown-jongleur lance haut des chapeaux melons. L’une danse sur le fil. Telle autre se déplie, corps pop-up qui s’étire à l’infini. Voici la femme-papillon qui se lance dans une danse de derviche jusqu’à la transe et que son corps s’enflamme…

    Tout est beau, généreux. Rien de performatif mais de la poésie à l’état brut, des sensations à fleur de peau qui provoquent des émotions enfantines que l’on croyait perdues, des odeurs d’antan où les petits cirques allaient dans des endroits improbables. De nos jours, tout est fait pour leur chercher querelle. Les Romanès parlent poésie, et l’administration leur rétorque formulaires à remplir en 10 000 exemplaires. Évidemment, il manque toujours un papier. C’est fou ce que les sans-papiers doivent dégainer de papiers : des papiers pour circuler, pour stationner, pour respirer… Mais pour rêver, Alexandre Romanès écrit. Des poèmes en prose, des haïkus gitans, des mots en liberté qui disent la vie, l’amour, l’effronterie des filles et la niaiserie des garçons. Dans le Luth noir, son dernier recueil, Alexandre évoque le temps qui passe et avoue parfois sa lassitude devant la cruauté du monde qu’il aime tant. « On devrait prendre soin du cœur comme on prend soin d’un beau livre qu’on ouvre délicatement et qu’on cache », écrit-il. On pourrait décliner cette maxime à l’infini, peut-être prendrions-nous davantage soin de ceux qui nous entourent ou de ces passants qui passent ; de l’arbre dans la ville et des enfants qui jouent. Comme au cirque. On joue, pour de vrai et pour de faux. La musique ponctue les émotions, redonne du souffle aux artistes et réchauffe le cœur du spectateur. Parfois, on dirait du Coltrane, du free totalement free qui épouse les méandres des numéros. Ici, les chats font du trapèze. Piki, le chat sauvage, refuse de sauter dans le cerceau. Il n’est pas un toutou. Piki tient tête à Alexandre, celui qui fut le plus grand dresseur de fauves de sa génération, et fait le mort quand ça lui chante. Alors tous les autres chats de la tribu Romanès s’avancent sur la piste. Façon chat. Sauf le noir, le seul de son espèce, noir comme un corbeau. Celui-là se promène en liberté, fait irruption au milieu des numéros, passe entre les jambes des musiciens mais jamais ne se laisse attraper. Il préfère s’envoler, disparaître d’un pas tranquille et se retourner : la tribu Romanès est au complet, le spectacle peut commencer !

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