Un dictionnaire définit le pronom « Iel », Jean-Michel Blanquer s’insurge, Elisabeth Moreno y voit un progrès. Le Figaro magazine accuse l’école d’endoctriner les enfants, le ministre de l’Education tarde à réagir.
« Iel Iels : Pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier et du pluriel, employé pour évoquer une personne quel que soit son genre. L’usage du pronom iel dans la communication inclusive. » Depuis que Le Petit Robert a ajouté ce pronom dans sa nouvelle édition, les polémiques vont bon train. A tel point que les responsables du dictionnaire ont dû s’expliquer dans Le Figaro notamment : « On a constaté que ce mot prenait de l’ampleur et nous l’avons intégré » a expliqué Marie-Hélène Drivaud, lexicographe du Petit Robert qui se défend de tout militantisme.
Au singulier l’usage du pronom est revendiqué par les personnes qui se définissent comme non-binaires (ne se reconnaissent dans aucun genre) et au pluriel il enthousiasme celles et ceux qui en ont assez que « le masculin l’emporte » et trouvent absurde de dire « ils » dans une assemblée comptant 99 femmes et un homme.
Bronca dans les rangs des conservateurs. Le député de la majorité présidentielle François Jolivet, jusqu’ici peu connu, estime que les utilisateurs de ces nouveaux vocables sont des « militants d’une cause qui n’a rien de français », le « wokisme ». L’affaire est à ses yeux assez grave pour qu’il saisisse l’Académie française (qui a toujours été hostile à la féminisation des titres et fonctions). L’élu voit en cette mention dans le dictionnaire « le stigmate de l’entrée dans notre langue de l’écriture dite “inclusive”, sans doute précurseur de l’avènement de l’idéologie “woke”, destructrice des valeurs qui sont les nôtres ».
Et la tirade du député a été boostée par le ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports en personne qui a amplifié son message en tweetant son « soutien » au député, ajoutant : « l’écriture inclusive n’est pas l’avenir de la langue française. Alors même que nos élèves sont justement en train de consolider leurs savoirs fondamentaux, ils ne sauraient avoir cela pour référence » a affirmé Jean-Michel Blanquer.
Elisabeth Moreno, la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances ne partage pas l’avis de son collègue de l’Education nationale. Pour elle, « iel » est un progrès. Mardi 17 novembre sur France Info elle demandait : « Que l’on dise que potentiellement, on peut dire ‘iel’, parce que ça vient enrichir la langue et c’est un pronom neutre, pourquoi c’est si choquant ? », a-t-elle interrogé ?
Le ministre de l’Education ne cesse de dénoncer le wokisme. Un courant venu des Etats-Unis signifiant être éveillé à la lutte contre les discriminations- qui a, comme tout courant, ses brebis galeuses. Mais le mot woke est beaucoup utilisé en France par les conservateurs pour disqualifier celles et ceux qui combattent diverses discriminations.
Et quand le Figaro Magazine accuse l’école d’endoctriner « nos enfants », Jean-Michel Blanquer tarde à prendre la défense des enseignants et de l’école dont il est le ministre. La Une du Figaro Magazine du 12 novembre titrée « Comment on endoctrine nos enfants » accuse l’école de « dérive organisée » parce qu’elle prônerait, selon ce journal, « antiracisme » « idéologie LGBT+ » ou « décolonialisme ». De nombreux syndicats d’enseignants s’en sont indignés. Mais lorsque le ministre a été appelé à réagir le 17 décembre au Sénat, il a voulu pointer du doigt la fameuse idéologie woke.
La sénatrice qui l’a interpelé, Laurence Rossignol, a été claire : « je pensais que l’antiracisme et la lutte contre l’homophobie faisaient partie des valeurs universelles, de celles que déclinent la devise de la République Liberté, Egalité et Fraternité » Et elle lui a tendu une perche : « les enseignants ont besoin de vous entendre leur dire que l’antiracisme, la lutte contre l’homophobie sont bien des valeurs que l’école a pour mission de transmettre ». Et la réponse du ministre fut poussive. Après un développement sur les missions de base de l’école et les valeurs qui doivent être transmises avec les parents, il a fini par rappeler que « la lutte contre le racisme, le féminisme, la lutte contre l’homophobie s’intègrent complètement dans la liberté, l’égalité, la fraternité ». S’il a dit très clairement, « je soutiens les professeurs qui sont dans cette transmission des valeurs », il a ajouté un bémol et voulu dénoncer « des courants venus de l’extérieur qui ont une influence » et « ce serait une erreur de ne pas les voir ». Reprenant la parole, Laurence Rossignol l’a remercié pour sa réponse mais a tenu à évoquer les priorités. Certes on peut discuter de ces nouvelles idéologies a-t-elle admis mais rappelant le récent suicide d’une adolescente victime de racisme et d’homophobie, elle a insisté : « aujourd’hui, ce dont il faut d’abord protéger nos élèves, c’est le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie, c’est ce qui les tue. »