« Comme si ta vocation était de me conforter dans la mienne »

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  • @raspa Un (encore) joli billet de Mona Chollet, pour te motiver à lire Beauté Fatale un jour : http://www.la-meridienne.info/Comme-si-ta-vocation-etait-de-me-conforter-dans-la-mienne
    C’est à propos d’un livre d’André Gorz où il parle de son épouse, livre « hommage » sorti un an avant leur décès :

    Un hommage, donc ; mais un hommage au goût amer, dès lors qu’on fait abstraction de la sympathie qu’inspirent la figure de Gorz et cette longue fidélité mutuelle. Leur histoire reprend un schéma trop familier : lui, l’intellectuel en devenir qui écrit fiévreusement ; elle, la compagne dévouée qui croit en lui dès le début, qui lui sert d’assistante, de documentaliste, de conseillère, d’interlocutrice, de relectrice. Elle prend des boulots alimentaires pour contribuer à la subsistance du couple, tandis que lui n’accepte que des emplois en lien avec la vie intellectuelle (il a été journaliste à L’Express et au Nouvel Observateur). Elle fait « monter sa cote » grâce à son charme et à son talent pour « recevoir », tempérant l’austérité de son compagnon solitaire et aidant ainsi sa carrière. Son intelligence et sa culture à elle, décrites par tous les proches du couple, ne serviront qu’à mettre en valeur celles de son mari ; elles n’auront eu qu’une valeur ornementale.

    Ça fait écho à des conversations de ces vacances, des couples au bord de l’explosion justement parce que certaines femmes commencent à ne plus accepter ça, d’être des ornements, des supportrices éternellement bienveillantes, qui suivent leur champion dans sa carrière, gèrent la maison, les enfants et la vie sociale, mais mettent leur propre vie entre parenthèse. (et puis Jackie Kennedy, aperçue dans ma série du moment, femme intelligente et cultivée, avec plein de choses à creuser derrière l’icône glamour de femme de président jeune, sexy et martyr de l’Histoire, qui clairement n’a pas eu la vie facile avec son infernal JFK de mari...).

    L’un des invités de Laure Adler laisse entendre qu’elle ne se reconnaissait pas vraiment dans le portrait qu’il avait dressé d’elle dans ce livre : elle insistait sur le fait que c’était sa vision à lui. Nous ne connaîtrons jamais sa version à elle. En dehors de rares enregistrements de sa voix, tout ce qui reste d’elle sera passé par sa médiation, par son regard à lui.

    C’est un tel gâchis... Mais il y a de telles montagnes de censure et d’autocensure à déplacer pour résoudre ce gâchis... Pour avoir vu une collecteuse de témoignages pour les archives municipales d’une ville de l’agglo s’escrimer (avec bienveillance et patience) à faire parler une vieille femme qui n’avait rien à raconter, sous prétexte que c’était pas intéressant, qu’elle s’était « juste » occupée des 3 enfants du couple (pendant que son mari construisait leur maison avec les Castors, participait à moultes associations, engagements syndicaux etc), je sais à quel point c’est dur, mais ça me désespère. On ne saura pas ce que veut dire élever trois enfants dans cette ville dans l’immédiat après-guerre, dans des maisons autoconstruites par les hommes du quartier... mais pour lesquelles les femmes, qui y passaient ensuite leur journée, n’avait pas été consultées. Il manque au moins la moitié de l’histoire :-( Alors que

    Il nous reste à lire des histoires où les femmes puissent aussi envisager de croire en elles-mêmes.