/2018

  • Les écarts de richesse se creusent entre les propriétaires et les locataires, Isabelle Rey-Lefebvre, Le Monde
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/06/06/les-ecarts-de-richesse-se-creusent-entre-les-proprietaires-et-les-locataires

    Entre 1998 et 2015, l’envolée des prix de la pierre a gonflé de 133 % le patrimoine des détenteurs d’un bien immobilier.

    Dans son état des lieux annuel sur les niveaux de vie et le patrimoine des Français, publié mardi 5 juin, l’Insee observe un léger accroissement des revenus mais l’écart de fortune grandit entre ceux qui possèdent un bien immobilier et les autres.

    Le niveau de vie médian des Français atteint, en 2015, 1 692 euros par mois, soit un très léger mieux par rapport à 2014 (+ 0,4 %) sans toutefois retrouver le pouvoir d’achat d’avant-crise. Par niveau de vie, on entend le revenu disponible après impôts et prestations sociales par personne composant le ménage, ou plus précisément par unité de consommation : le premier adulte compte pour une unité, puis 0,5 par personne supplémentaire et 0,3 par enfant de moins de 14 ans. Ainsi, ces 1 692 euros signifient un pouvoir d’achat de 2 538 euros pour un couple sans enfant et de 3 553 euros pour une famille de quatre personnes avec deux enfants de moins de 14 ans.

    Après une baisse continue depuis 2011, les 10 % des ménages les plus aisés ont vu leur pouvoir d’achat repartir à la hausse en 2015 avec au moins 3 125 euros par personne et par mois, soit 1,7 % de mieux. Les 10 % les plus modestes, qui disposent de 905 euros en moyenne par mois, n’engrangent qu’un modeste gain de 0,3 %.

    #richesse #inégalités #revenu #patrimoine

  • Lycéen éborgné par un « super flash-ball » : la condamnation de l’Etat en passe d’être alourdie

    http://www.liberation.fr/france/2018/06/05/lyceen-eborgne-par-un-super-flash-ball-la-condamnation-de-l-etat-en-passe

    En attendant, le rapporteur public – dont les avis sont souvent suivis – a estimé que la « faute » de l’Etat « ne fait aucun doute » dans cette affaire : le lanceur de balles de défense (LBD) 40x46 mm était à l’époque une arme « expérimentale », et la formation de l’auteur du tir était « insuffisante ». « Il ne s’est entraîné que sur des cibles statiques, alors qu’en manifestation les cibles mouvantes sont fréquentes », a déclaré le magistrat. « M. Douillard n’était d’ailleurs pas la personne initialement visée par le tir. »

    http://md1.libe.com/photo/970251-pierre-douillard-un-jeune-homme-blesse-par-un-tir-d-arme-a-balles-s

    L’usage d’une telle arme était par ailleurs « disproportionné » dans la mesure où les manifestants étaient « des lycéens très jeunes », et que la sécurité des policiers n’était « pas gravement menacée » par les jets de projectiles qu’ils recevaient. Il n’est au passage « pas établi » que Pierre Douillard ait lui-même jeté l’un de ces projectiles sur les forces de l’ordre.

    Une partie des dommages doit toutefois rester à sa charge dans la mesure où il est « resté en première ligne » de la manifestation et qu’il « ne s’est pas désolidarisé » des fauteurs de troubles, considère le rapporteur public. Pierre Douillard réclamait en première instance un peu plus de 170 000 euros : décrit comme « brillant » à l’audience, cet élève n’avait pas pu faire la classe préparatoire littéraire qu’il envisageait. Il ne peut en outre « plus suivre ses cours de dessin aux Beaux-Arts », ni s’adonner au cyclisme.

    Agé aujourd’hui de 27 ans, le jeune homme a cofondé depuis à Nantes l’Assemblée des blessé-es par la police, qui regroupe les différents manifestants blessés par les forces de l’ordre lors des mouvements sociaux. Cette « Assemblée » s’est ainsi emparée, récemment, du cas de l’étudiant lillois qui a eu la main arrachée par une grenade des gendarmes sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique).

  • Redonner de la chair à la viande, l’objectif affiché de la filière steak
    http://www.liberation.fr/france/2018/06/04/redonner-de-la-chair-a-la-viande-l-objectif-affiche-de-la-filiere-steak_1

    Amis viandards et autres amateurs de tartares, réjouissez-vous : depuis le 31 mai et jusqu’au 6 juin, les rencontres « Made in Viande » mobilisent, partout en France, 1 200 professionnels (éleveurs, bouchers, acteurs de marchés aux bestiaux, d’ateliers de transformation et d’abattoirs), tous prêts à ouvrir leurs portes, à faire visiter les coulisses, partager leur passion et leur savoir-faire.

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    Mais qu’on ne s’y trompe pas : la consommation de viande en France est loin de s’effondrer. Marc Pagès évoque juste une « érosion » : « Ce qui est plus notable, dit-il, c’est que les gens changent leur type de consommation. » En effet, les achats de viande fraîche accusent une légère baisse mais nos frigos renferment toujours plus de viande sous forme de plats préparés, pizzas, sandwiches, saucisses ou brochettes… sans parler de la viande hachée, devenue omniprésente en l’espace de quelques années. De même, la consommation de viande de volailles a doublé depuis les années 70 et ne cesse de progresser. En 2017, elle est devenue la première viande produite dans le monde, devant le porc.

    Ce tableau plutôt rassurant pour la filière viande s’assombrit quand on connait le poids des produits importés : 44% du poulet consommé en France provient de l’étranger. Il en va de même pour un quart du porc que nous avalons. Un acteur de la filière porcine avançait même, en 2013, devant la commission des affaires économiques, que « 40% de la charcuterie consommée dans notre pays est fabriquée à partir de produits importés »… Pas sûr que ce genre d’informations séduise les adeptes de la bonne chair. Ni les autres, d’ailleurs.

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    Ca m’étonnerais qu’il y ai beaucoup d’abattoires à visité et que les conditions de travail ne soient pas trafiquées pour l’occasion. Je suis étonné d’apprendre qu’il y a 20.000 emplois non pourvus dans cette fillière. Si c’est le cas faudrait pensé à monter les salaires !
    En fait la conso de viande ne baisse pas, les gens sont de plus en plus sarcophages, ils mangent plus de viande de merde et le secteur boucher voudrait les en gaver encore plus.

    #viande #chaire #carnisme #nos_ennemis_les_bêtes

  • PMA : « Si Dieu me permet d’avoir un enfant, peu importe le moyen » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2018/06/01/pma-si-dieu-me-permet-d-avoir-un-enfant-peu-importe-le-moyen_1656031

    Alors que le Comité d’éthique rend son premier rapport mardi, « Libération » a rencontré des croyantes bisexuelles ou lesbiennes en faveur de la procréation médicalement assistée. Parfois soutenues au sein de l’Eglise, malgré le discours du Vatican.

    Dimanche, 11 h 30. Face à l’assemblée de croyants, le prêtre déclame son homélie, commentaire d’extraits de l’Evangile : « Ne regarde pas nos péchés mais la foi de ton Eglise. » C’est la phrase préférée d’Elise, 22 ans, qui assiste chaque dimanche à la messe de Notre-Dame-de-Clignancourt, dans le nord de Paris. « Pour moi, ça résume tout », s’amuse-t-elle. Les interventions du prêtre sont entrecoupées de chants chrétiens qui résonnent dans la nef. Une forte odeur d’encens a investi le lieu de culte.

    Chignon au-dessus de la tête, lunettes à monture pourpre et robe bleu nuit, Elise, « très croyante », connaît par cœur les chants, qu’elle entonne sans fausse note. Dans sa sphère catholique, elle reste discrète sur sa bisexualité, par « peur du regard des autres ». « L’autre jour, on fêtait les cinq ans du mariage pour tous. Dans la même journée, j’ai parlé à la fois à une pote catho qui m’a dit : "OK, tu peux être bi et catho mais tu devrais viser l’abstinence" et à une militante LGBT [lesbiennes, gays, bisexuels et trans, ndlr] qui m’a lancé :"Non mais je ne comprends pas comment tu peux rester catho alors que t’es bi." Ma foi n’est pas acceptée par les #LGBT et ma sexualité n’est pas tolérée par mes coreligionnaires. Je ne me sens à ma place nulle part. » Sur les pages du livret de chants distribué aux paroissiens, en bas à droite, il est écrit « Bonne fête des mères ! » Plus tard, Elise veut des enfants. Si elle ne se voit pas faire sa vie avec une femme, elle se dit farouchement « pro-PMA [procréation médicalement assistée] pour les couples de même sexe ». « Si j’étais amoureuse d’une femme, c’est évident que je ferais une PMA. »

    « Distance »

    Mardi 5 juin, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) rend son premier rapport aux parlementaires à l’issue des états généraux de la bioéthique, qui se sont clos fin avril. Ces discussions qui ont eu lieu un peu partout en France ont beaucoup tourné autour de la PMA. Avec un noyautage certains des militants de la Manif pour tous - un collectif d’associations notamment opposées au mariage homosexuel et à l’homoparentalité - revenue pour l’occasion dans l’arène médiatique. Engagement de campagne d’Emmanuel Macron, l’ouverture de la PMA à toutes devrait faire l’objet d’un projet de loi au Parlement à l’automne. Comme au moment du mariage pour tous, en 2013, les états généraux de la bioéthique ont donné à voir une opposition binaire entre deux camps : militants LGBT sécularisés d’un côté, catholiques conservateurs de l’autre. La réalité est plus nuancée.

    Stéphanie, 30 ans, lesbienne, était « très pratiquante, enfant de messe et très assidue au catéchisme » jusqu’à son coming out. Si elle a « pris des distances avec l’Eglise », elle continue de se définir comme catholique. Entre son homosexualité et sa foi, elle n’a « aucun cas de conscience ». La « version du catholicisme » que lui a inculquée sa famille, celle d’une « religion d’amour et d’accueil du prochain », est à mille lieues du discours de la Manif pour tous. Sur Twitter, l’architecte lyonnaise, brune aux cheveux courts, a créé avec son épouse une page, Demande à tes mères, pour raconter leur vie de mères et celle d’Alix, 2 mois et demi, défendre la PMA pour toutes et « emmerder la Manif pour tous ». Dans l’entourage de Stéphanie, y compris dans sa famille, très croyante, on « accepte complètement la situation et la venue au monde » de sa fille. Elle se souvient avec émotion de la réaction de sa grand-mère le jour de son retour d’Espagne, où elle s’est fait inséminer : « Elle m’a aspergé d’eau bénite qu’elle reçoit de sa paroisse chaque année. »

    Le 25 janvier, dans l’Emission politique de France 2, la Toulousaine Amélie Georgin a défendu face au président du parti Les Républicains, Laurent Wauquiez, l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. Elle a évoqué sa fille Garance, aujourd’hui âgée de 19 mois, portée par sa femme, Annick, après une #PMA à Barcelone. « Cet enfant, on l’éduque avec une volonté de l’ancrer dans des repères. Garance a été baptisée il y a quelques mois de ça au sein de l’Eglise. » « Sachant que Laurent Wauquiez est lui aussi catholique, c’était un clin d’œil, explique la femme de 39 ans. Une façon de lui dire qu’au sein même de ces familles qui seraient à l’origine d’une "perte de repères", il y a des personnes avec des engagements de foi. » Quand elle a voulu faire baptiser Garance, il y a plus d’un an, le prêtre de son église locale s’est montré réticent, cherchant à « écarter » Amélie et posant des « questions venues d’un autre monde sur notre orientation sexuelle ».

    En se rendant dans une autre paroisse en banlieue toulousaine, elle et son épouse ont rencontré le père François, qu’Amélie continue de porter dans son cœur. « On était vraiment en confiance, il n’y avait pas de jugement. » Amélie a un seul regret, qu’elle exprime en riant : « On aurait aimé se marier à l’église. » Elle en a même fait la demande, en vain. Sociologue au Centre national de recherche scientifique (CNRS), Martine Gross a étudié en 2003 les baptêmes religieux au sein des familles homoparentales. Etonnamment, les prêtres qu’elle a interrogés étaient globalement ouverts à l’idée de baptiser l’enfant d’un couple de même sexe. « Dans la religion catholique, il y a deux volets : la doctrine du Vatican, qui considère que l’homosexualité est un désordre moral et que la PMA devrait être interdite, et la tradition de l’accueil pastoral, qui donne aux prêtres une certaine liberté, détaille la sociologue. A partir du moment où les couples ont une volonté sincère d’intégrer leur enfant dans l’Eglise, les prêtres sont prêts à s’adapter et réduire les aspects réprouvés par la doctrine pour mettre en avant d’autres valeurs, comme l’amour ou la fidélité. »

    « Don »

    Nicaise, étudiante rennaise de 24 ans, va à la messe tous les dimanches et observe le jeûne du carême. Depuis six mois, elle est en couple avec une femme musulmane. Elles savent déjà qu’elles veulent avoir des enfants ensemble. « Toutes les deux, on a toujours eu le désir de porter nos enfants. Donc on penche plutôt pour une PMA. En la faisant, je me sentirais accomplie en tant que femme. » Elle n’y voit aucune contradiction avec sa foi : « Si Dieu me permet d’avoir et d’élever un enfant, peu importe le moyen, c’est que c’est un don de sa part. » « Les homosexuels croyants gèrent de différentes manières la tension intérieure liée à leurs deux dimensions identitaires, analyse Martine Gross. Beaucoup s’aménagent une approche personnelle de la religion, en prenant leurs distances avec l’autorité de l’Eglise tout en construisant une relation plus directe avec Dieu. » Parmi les amis chrétiens de Nicaise, aucun ne l’a jamais jugée sur sa sexualité ni ses projets de vie. « Ils laissent à Dieu le pouvoir de juger », selon elle. C’est pourquoi elle ne se reconnaît ni dans le discours de la Manif pour tous ni dans celui de la Conférence des évêques. Le 7 mai au micro de France Inter, Michel Aupetit, l’archevêque de Paris, a fustigé la PMA pour toutes qui selon lui « créera une situation dont les enfants seront victimes », assumant, au passage, être « descendu dans la rue pendant la Manif pour tous ». « Je ne crois pas une seconde que ça reflète ce que pensent l’ensemble des catholiques », commente Amélie. Elle perçoit un profond décalage entre ce discours officiel et l’accueil qu’elle a reçu de sa famille, du curé qui a baptisé sa fille ou encore de la marraine de Garance, fervente pratiquante. Des études récentes démontrent que la conception de la famille des catholiques a évolué. En décembre 2017, un sondage Ifop montrait que 60 % des Français étaient favorables à l’ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes. Chez les catholiques, c’était à peine moins : 56 % approuvaient la mesure, dont un petit 35 % des pratiquants mais 59 % des non-pratiquants.

    « Très mignonne »

    Dans les locaux de l’association LGBT David & Jonathan, dans le XIIe arrondissement de Paris, un immense drapeau arc-en-ciel est accroché au mur. Sur la table basse, le dernier rapport de SOS homophobie côtoie un ouvrage sur les liens entre foi et homosexualité. Depuis 1972, l’association défend une autre vision du christianisme et se bat pour faire accepter les personnes LGBT au sein de la religion. Marianne Berthet-Goichot en est membre depuis 2010. « On essaie de défendre l’idée que l’Eglise est plurielle. Je fais aussi partie de cette Eglise et pourtant je suis lesbienne et maman. »

    En 2013, lors des débats sur le mariage pour tous, elle a eu avec Catherine, sa compagne, une fille par PMA. Dans leur petite paroisse rurale de l’Yonne, elles l’ont très vite fait baptiser. « On avait contacté le prêtre, qu’on connaissait bien. Ça s’est bien passé, comme ça aurait été le cas pour n’importe quelle autre personne de la paroisse. Le prêtre m’a dit : "Moi, j’applique la loi." J’étais en procédure d’adoption de ma fille, puisque dans le cadre d’une PMA on est obligé de passer par l’adoption de son propre enfant. Sur le registre de baptême, il n’a écrit que le nom de ma femme mais a laissé de la place pour rajouter mon nom. Deux mois plus tard, quand je lui ai envoyé l’attestation de mariage, il a ajouté mon nom. J’ai trouvé la démarche très mignonne. »

    Dès 2013, David & Jonathan s’est positionné en faveur de la PMA pour toutes. Fin mai, l’association a publié un communiqué pour contrer les arguments des opposants et « montrer, avec notre regard de chrétien, que ce n’est pas incompatible » avec la religion. « Dans l’Eglise, beaucoup de gens ne comprennent pas que l’homophobie, ce n’est pas uniquement des coups, des insultes, mais aussi la différence de traitement entre un couple homo et un couple hétéro. » Marianne le reconnaît volontiers : « La lutte contre l’#homophobie religieuse, c’est un vaste champ de bataille. »
    Timothée de Rauglaudre

    #homosexualité #lesbiennes #église_catholique #religion

  • Apologie du terrorisme : les demandes de retrait de contenus grimpent en flèche | Amaelle Guiton
    http://www.liberation.fr/france/2018/05/30/apologie-du-terrorisme-les-demandes-de-retrait-de-contenus-grimpent-en-fl

    Le représentant de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) chargé de vérifier les suppressions et blocages ordonnés par la police a rendu son troisième rapport, et tire la sonnette d’alarme sur le manque de moyens alloués au contrôle. Source : Libération

  • Un millionnaire de gauche veut sa « Maison des médias libres » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2018/05/27/un-millionnaire-de-gauche-veut-sa-maison-des-medias-libres_1654566

    Ce projet est porté par une coalition de médias marqués à gauche, se définissant comme « indépendants » (par opposition aux médias détenus par des milliardaires ou des grandes entreprises, type le Monde,les Echos,le Figaro ou Libé). Le « comité de pilotage » regroupe Mediapart, le site d’investigation d’Edwy Plenel, les magazines Alternatives économiques et Politis, la revue d’idées de la « deuxième gauche » Esprit et le site Basta. « Mais une vingtaine d’autres médias sont intéressés », précise d’emblée Agnès Rousseaux, rédactrice en chef de Basta, présente depuis que l’idée a pris forme il y a trois ans.

    Parmi les « partenaires » associés de plus ou moins près, on trouve le groupe So Press (Society,So Foot), la société de production Premières Lignes (Cash Investigation) ou encore les sites Reporterre (écologie) et Arrêt sur images (médias). L’idée de la « Maison des médias libres » ? Faire cohabiter d’ici 2021 ou 2022 l’ensemble de ces rédactions, dans l’espoir que la proximité leur soit bénéfique, financièrement et journalistiquement. En emménageant ensemble, elles pourraient mutualiser certains coûts (studios d’enregistrement, frais courants, cantine…) et s’associer pour monter des coups éditoriaux (enquêtes collaboratives, grands reportages…). D’après les initiateurs, il y aurait assez de place dans le bâtiment pour loger 20 à 25 médias et 400 à 500 journalistes. « On veut en faire un lieu emblématique de la presse indépendante, poursuit Agnès Rousseaux. Mais aussi un lieu ouvert au public, qui favorise l’inclusion des citoyens et développe l’interaction entre les lecteurs et les médias ». Ce projet d’aménagement prévoit l’installation de salles de débat, de projection et d’exposition dans l’ancien « transfo ».

    #journalisme @bastamag @mediapart #mécénat

  • De #Frontex à Frontex. À propos de la “continuité” entre l’#université logistique et les processus de #militarisation

    S’est tenu à l’Université de Grenoble, les jeudi 22 et vendredi 23 mars 2018, un colloque organisé par deux laboratoires de recherche en droit [1], intitulé « De Frontex à Frontex [2] ». Étaient invité.e.s à participer des universitaires, essentiellement travaillant depuis le champ des sciences juridiques, une représentante associative (la CIMADE), mais aussi des membres de l’agence Frontex, du projet Euromed Police IV et de diverses institutions européennes, dont Hervé-Yves Caniard, chef des affaires juridiques de l’agence Frontex et Michel Quillé, chef du projet Euromed Police IV.

    Quelques temps avant la tenue du colloque, des collectifs et associations [3], travaillant notamment à une transformation des conditions politiques contemporaines de l’exil, avaient publié un tract qui portait sur les actions de Frontex aux frontières de l’Europe et qui mettait en cause le mode d’organisation du colloque (notamment l’absence de personnes exilées ou de collectifs directement concernés par les actions de Frontex, les conditions d’invitation de membres de Frontex et Euromed Police ou encore les modes de financement de l’université). Le tract appelait également à un rassemblement devant le bâtiment du colloque [4].

    Le rassemblement s’est donc tenu le 22 mars 2018 à 15h, comme annoncé dans le tract. Puis, vers 16h, des manifestant.e.s se sont introduit.e.s dans la salle du colloque au moment de la pause, ont tagué « Frontex tue » sur un mur, clamé des slogans anti-Frontex. Après quelques minutes passées au fond de la salle, les manifestant.e.s ont été sévèrement et sans sommation frappé.e.s par les forces de l’ordre. Quatre personnes ont dû être transportées à l’hôpital [5]. Le colloque a repris son cours quelques temps après, « comme si de rien n’était » selon plusieurs témoins, et s’est poursuivi le lendemain, sans autres interventions de contestations.

    Au choc des violences policières, se sont ajoutées des questions : comment la situation d’un colloque universitaire a-t-elle pu donner lieu à l’usage de la force ? Plus simplement encore, comment en est-on arrivé là ?

    Pour tenter de répondre, nous proposons de déplier quelques-unes des nombreuses logiques à l’œuvre à l’occasion de ce colloque. Travailler à élaborer une pensée s’entend ici en tant que modalité d’action : il en va de notre responsabilité universitaire et politique d’essayer de comprendre comment une telle situation a pu avoir lieu et ce qu’elle dit des modes de subjectivation à l’œuvre dans l’université contemporaine. Nous proposons de montrer que ces logiques sont essentiellement logistiques, qu’elles sont associées à des processus inhérents de sécurisation et de militarisation, et qu’elles relient, d’un point de vue pratique et théorique, l’institution universitaire à l’institution de surveillance des frontières qu’est Frontex.


    Une démarche logistique silencieuse

    Chercheur.e.s travaillant depuis la géographie sociale et les area studies [6], nous sommes particulièrement attentifs au rôle que joue l’espace dans la formation des subjectivités et des identités sociales. L’espace n’est jamais un simple décor, il ne disparaît pas non plus complètement sous les effets de sa réduction temporelle par la logistique. L’espace n’est pas un donné, il s’élabore depuis des relations qui contribuent à lui donner du sens. Ainsi, nous avons été particulièrement attentifs au choix du lieu où fut organisé le colloque « De Frontex à Frontex ». Nous aurions pu nous attendre à ce que la faculté de droit de l’Université de Grenoble, organisatrice, l’accueille. Mais il en fut autrement : le colloque fut organisé dans le bâtiment très récent appelé « IMAG » (Institut de Mathématiques Appliquées de Grenoble) sur le campus grenoblois. Nouveau centre de recherche inauguré en 2016, il abrite six laboratoires de recherche, spécialisés dans les « logiciels et systèmes intelligents ».

    L’IMAG est un exemple de « zone de transfert de connaissances laboratoires-industries [7] », dont le modèle a été expérimenté dans les universités états-uniennes à partir des années 1980 et qui, depuis, s’est largement mondialisé. Ces « zones » se caractérisent par deux fonctions majeures : 1) faciliter et accélérer les transferts de technologies des laboratoires de recherche vers les industries ; 2) monétiser la recherche. Ces deux caractéristiques relèvent d’une même logique implicite de gouvernementalité logistique.

    Par « gouvernementalité logistique », nous entendons un mode de rationalisation qui vise à gérer toute différence spatiale et temporelle de la manière la plus ’efficace’ possible. L’efficacité, dans ce contexte, se réduit à la seule valeur produite dans les circuits d’extraction, de transfert et d’accumulation des capitaux. En tant que mode de gestion des chaînes d’approvisionnement, la logistique comprend une série de technologies, en particulier des réseaux d’infrastructures techniques et des technologies informatiques. Ces réseaux servent à gérer des flux de biens, d’informations, de populations. La logistique peut, plus largement, être comprise comme un « dispositif », c’est-à-dire un ensemble de relations entre des éléments hétérogènes, comportant des réseaux techniques, comme nous l’avons vu, mais aussi des discours, des institutions...qui les produisent et les utilisent pour légitimer des choix politiques. Dans le contexte logistique, les choix dotés d’un fort caractère politique sont présentés comme des « nécessités » techniques indiscutables, destinées à maximiser des formes d’organisations toujours plus « efficaces » et « rationnelles ».

    La gouvernementalité logistique a opéré à de nombreux niveaux de l’organisation du colloque grenoblois. (a) D’abord le colloque s’est tenu au cœur d’une zone logistique de transfert hyper-sécurisé de connaissances, où celles-ci circulent entre des laboratoires scientifiques et des industries, dont certaines sont des industries militaires d’armement [8]. (b) Le choix de réunir le colloque dans ce bâtiment n’a fait l’objet d’aucun commentaire explicite, tandis que les co-organisateurs du colloque dépolitisaient le colloque, en se défendant de « parler de la politique de l’Union Européenne [9] », tout en présentant l’Agence comme un « nouvel acteur dans la lutte contre l’immigration illégale [10] », reprenant les termes politiques d’une langue médiatique et spectacularisée. Cette dépolitisation relève d’un autre plan de la gouvernementalité logistique, où les choix politiques sont dissimulés sous l’impératif d’une nécessité, qui prend très souvent les atours de compétences techniques ou technologiques. (c) Enfin, Frontex peut être décrite comme un outil de gouvernementalité logistique : outil de surveillance militaire, l’agence est spécialisée dans la gestion de « flux » transfrontaliers. L’agence vise à produire un maximum de choix dits « nécessaires » : la « nécessité » par exemple de « sécuriser » les frontières face à une dite « crise migratoire », présentée comme inéluctable et pour laquelle Frontex ne prend aucune responsabilité politique.

    Ainsi, ce colloque mettait en abyme plusieurs niveaux de gouvernementalité logistique, en invitant les représentants d’une institution logistique militarisée, au cœur d’une zone universitaire logistique de transfert de connaissances, tout en passant sous silence les dimensions politiques et sociales de Frontex et de ce choix d’organisation.

    A partir de ces premières analyses, nous allons tenter de montrer au fil du texte :

    (1)-comment la gouvernementalité logistique s’articule de manière inhérente à des logiques de sécurisation et de militarisation (des relations sociales, des modes de production des connaissances, des modes de gestion des populations) ;

    (2)-comment la notion de « continuité », produite par la rationalité logistique, sert à comprendre le fonctionnement de l’agence Frontex, entendue à la fois comme outil pratique de gestion des populations et comme cadre conceptuel théorique ;

    (3)-comment les choix politiques, opérés au nom de la logistique, sont toujours présentés comme des choix « nécessaires », ce qui limite très fortement les possibilités d’en débattre. Autrement dit, comment la rationalité logistique neutralise les dissentiments politiques.
    Rationalité logistique, sécurisation et militarisation

    --Sécurisation, militarisation des relations sociales et des modes de production des connaissances au sein de l’université logistique

    La gouvernementalité ou rationalité logistique a des conséquences majeures sur les modes de production des relations sociales, mais aussi sur les modes de production des connaissances. Les conséquences sociales de la rationalité logistique devraient être la priorité des analyses des chercheur.e.s en sciences sociales, tant elles sont préoccupantes, avant même l’étude des conséquences sur les modes de production du savoir, bien que tous ces éléments soient liés. C’est ce que Brian Holmes expliquait en 2007 dans une analyse particulièrement convaincante des processus de corporatisation, militarisation et précarisation de la force de travail dans le Triangle de la Recherche en Caroline du Nord aux Etats-Unis [11]. L’auteur montrait combien les activités de transfert et de monétisation des connaissances, caractéristiques des « zones de transfert de connaissances laboratoires-industries », avaient contribué à créer des identités sociales inédites. En plus du « professeur qui se transforme en petit entrepreneur et l’université en grosse entreprise », comme le notait Brian Holmes, s’ajoute désormais un tout nouveau type de relation sociale, dont la nature est très fondamentalement logistique. Dans son ouvrage The Deadly Life of Logistics paru en 2014 [12], Deborah Cowen précisait la nature de ces nouvelles relations logistiques : dans le contexte de la rationalité logistique, les relations entre acteurs sociaux dépendent de plus en plus de logiques inhérentes de sécurisation. Autrement dit, les relations sociales, quand elles sont corsetées par le paradigme logistique, sont aussi nécessairement prises dans l’impératif de « sécurité ». Les travailleurs, les manageurs, les autorités régulatrices étatiques conçoivent leurs relations et situations de travail à partir de la figure centrale de la « chaîne d’approvisionnement ». Ils évaluent leurs activités à l’aune des notions de « risques » -et d’« avantages »-, selon le modèle du transfert de biens, de populations, d’informations (risques de perte ou de gain de valeur dans le transfert, en fonction notamment de la rapidité, de la fluidité, de la surveillance en temps réel de ce transfert). Ainsi, il n’est pas surprenant que des experts universitaires, dont la fonction principale est devenue de faciliter les transferts et la monétisation des connaissances, développent des pratiques qui relèvent implicitement de logiques de sécurisation. Sécuriser, dans le contexte de l’université logistique, veut dire principalement renforcer les droits de propriété intellectuelle, réguler de manière stricte l’accès aux connaissances et les conditions des débats scientifiques (« fluidifier » les échanges, éviter tout « conflit »), autant de pratiques nécessaires pour acquérir une certaine reconnaissance institutionnelle.

    L’IMAG est un exemple particulièrement intéressant de cette nouvelle « entreprise logistique de la connaissance », décrite par Brian Holmes, et qui se substitue progressivement à l’ancien modèle national de l’université. Quelles sont les logiques à l’œuvre dans l’élaboration de cette entreprise logistique de la connaissance ? (1) En premier lieu, et en ordre d’importance, la logistique s’accompagne d’une sécurisation et d’une militarisation de la connaissance. Le processus de militarisation est très clair dans le cas de l’IMAG qui entretient des partenariats avec l’industrie de l’armement, mais il peut être aussi plus indirect. Des recherches portant sur les systèmes embarqués et leurs usages civils, menées par certains laboratoires de l’IMAG et financées par des fonds étatiques, ont en fait également des applications militaires. (2) La seconde logique à l’œuvre est celle d’une disqualification de l’approche politique des objectifs et des conflits sociaux, au profit d’une approche fondée sur les notions de surveillance et de sécurité. A la pointe de la technologie, le bâtiment de l’IMAG est un smart building dont la conception architecturale et le design relèvent de logiques de surveillance. En choisissant de se réunir à l’IMAG, les organisateurs du colloque ont implicitement fait le choix d’un espace qui détermine les relations sociales par la sécurité et la logistique. Ce choix n’a jamais été rendu explicite, au profit de ce qui est réellement mis en valeur : le fait de pouvoir transférer les connaissances vers les industries et de les monétiser, peu importe les moyens utilisés pour les financer et les mettre en circulation.

    Le colloque « De Frontex à Frontex », organisé à l’Université de Grenoble, était ainsi -implicitement- du côté d’un renforcement des synergies entre la corporatisation et la militarisation de la recherche. On pourrait également avancer que la neutralisation de toute dimension politique au sein du colloque (réduite à des enjeux essentiellement juridiques dans les discours des organisateurs [13]) relève d’une même gouvernementalité logistique : il s’agit de supprimer tout « obstacle » potentiel, tout ralentissement « inutile » à la fluidité des transferts de connaissances et aux échanges d’« experts ». Dépolitiser les problèmes posés revient à limiter les risques de conflits et à « fluidifier » encore d’avantage les échanges. On commence ici à comprendre pourquoi le conflit qui s’est invité dans la salle du colloque à Grenoble fut si sévèrement réprimé.

    Les organisateurs expliquèrent eux-mêmes le jour du colloque à un journaliste du Dauphiné Libéré, qu’il n’était pas question de « parler de la politique migratoire de l’Union Européenne ». On pourrait arguer que le terme de « politique » figurait pourtant dans le texte de présentation du colloque. Ainsi, dans ce texte les co-organisateurs proposaient « de réfléchir sur la réalité de l’articulation entre le développement des moyens opérationnels de l’Union et la définition des objectifs de sa politique migratoire [14] ». Mais s’il s’agissait de s’interroger sur la cohérence entre les prérogatives de Frontex et la politique migratoire Union Européenne, les fondements normatifs, ainsi que les conséquences pratiques de cette politique, n’ont pas été appelés à être discutés. La seule mention qui amenait à s’interroger sur ces questions fut la suivante : « Enfin, dans un troisième temps, il faudra s’efforcer d’apprécier certains enjeux de l’émergence de ce service européen des garde-côtes et garde-frontières, notamment ceux concernant la notion de frontière ainsi que le respect des valeurs fondant l’Union, au premier rang desquelles la garantie effective des droits fondamentaux [15] ». Si la garantie effective des droits fondamentaux était bel et bien mentionnée, le texte n’abordait à aucun moment les milliers de morts aux frontières de l’Union Européenne. Débattre de politique, risquer le conflit, comme autant de freins au bon déroulement de transferts de connaissances, est rendu impossible (censuré, neutralisé ou réprimé) dans le contexte de la gouvernementalité logistique. Pendant le colloque, les représentants de l’agence Frontex et d’Euromed Police ont très peu parlé explicitement de politique, mais ont, par contre, souvent déploré, le manque de moyens de leurs institutions, en raison notamment de l’austérité, manière de faire appel implicitement à de nouveaux transferts de fonds, de connaissances, de biens ou encore de flux financiers. C’est oublier -ou ne pas dire- combien l’austérité, appliquée aux politiques sociales, épargne les secteurs de la militarisation et de la sécurisation, en particulier dans le domaine du gouvernement des populations et des frontières.

    Sécurisation et militarisation du gouvernement des populations

    Ainsi, les discussions pendant le colloque n’ont pas porté sur le contexte politique et social plus général de l’Union Européenne et de la France, pour se concentrer sur un défaut de moyens de l’agence Frontex. Rappelons que le colloque a eu lieu alors que le gouvernement d’Emmanuel Macron poursuivait la « refonte » du système des retraites, des services publics, du travail, des aides sociales. Le premier jour du colloque, soit le jeudi 22 mars 2018, avait été déposé un appel à la grève nationale par les syndicats de tous les secteurs du service public. Si l’essentiel des services publics sont soumis à la loi d’airain de l’austérité, d’autres secteurs voient au contraire leurs moyens considérablement augmenter, comme en témoignent les hausses très significatives des budgets annuels de la défense prévus jusqu’en 2025 en France [16]. La loi de programmation militaire 2019-2025, dont le projet a été présenté le 8 février 2018 par le gouvernement Macron, marque une remontée de la puissance financière de l’armée, inédite depuis la fin de la Guerre froide. « Jusqu’en 2022, le budget augmentera de 1,7 milliard d’euros par an, puis de 3 milliards d’euros en 2023, portant le budget des Armées à 39,6 milliards d’euros par an en moyenne, hors pensions, entre 2019 et 2023. Au total, les ressources des armées augmentent de près d’un quart (+23 %) entre 2019 et 2025 [17] ». La réforme de Frontex en 2016 s’inscrit dans la continuité de ces hausses budgétaires.

    Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures créée en 2004, et devenue Agence de garde-frontières et de garde-côtes en 2016, Frontex déploie des « équipements techniques […] (tels que des avions et des bateaux) et de personnel spécialement formé [18] » pour contrôler, surveiller, repousser les mouvements des personnes en exil. « Frontex coordonne des opérations maritimes (par exemple, en Grèce, en Italie et en Espagne), mais aussi des opérations aux frontières extérieures terrestres, notamment en Bulgarie, en Roumanie, en Pologne et en Slovaquie. Elle est également présente dans de nombreux aéroports internationaux dans toute l’Europe [19] ». Le colloque devait interroger la réforme très récente de l’Agence en 2016 [20], qui en plus d’une augmentation de ses moyens financiers et matériels, entérinait des pouvoirs étendus, en particulier le pouvoir d’intervenir aux frontières des Etats membres de l’Union Européenne sans la nécessité de leur accord, organiser elle-même des expulsions de personnes, collecter des données personnelles auprès des personnes inquiétées et les transmettre à Europol.

    Cette réforme de l’agence Frontex montre combien l’intégration européenne se fait désormais en priorité depuis les secteurs de la finance et de la sécurité militaire. La création d’une armée européenne répondant à une doctrine militaire commune, la création de mécanismes fiscaux communs, ou encore le renforcement et l’élargissement des prérogatives de Frontex, sont tous des choix institutionnels qui ont des implications politiques majeures. Dans ce contexte, débattre de la réforme juridique de Frontex, en excluant l’analyse des choix politiques qui préside à cette forme, peut être considéré comme une forme grave d’atteinte au processus démocratique.

    Après avoir vu combien la gouvernementalité logistique produit des logiques de sécurisation et de militarisation, circulant depuis l’université logistique jusqu’à Frontex, nous pouvons désormais tenter de comprendre comment la gouvernementalité logistique produit un type spécifique de cadre théorique, résumé dans la notion de « continuité ». Cette notion est centrale pour comprendre les modes de fonctionnement et les implications politiques de Frontex.
    La « continuité » : Frontex comme cartographie politique et concept théorique

    Deux occurrences de la notion de « continuité » apparaissent dans la Revue Stratégique de Défense et de Sécurité Nationale de la France, parue en 2017 :

    [Les attentats] du 13 novembre [2015], exécutés par des commandos équipés et entraînés, marquent une rupture dans la nature même de [la] menace [terroriste] et justifient la continuité entre les notions de sécurité et de défense.
    [...]
    La continuité entre sécurité intérieure et défense contre les menaces extérieures accroît leur complémentarité. Les liens sont ainsi devenus plus étroits entre l’intervention, la protection et la prévention, à l’extérieur et à l’intérieur du territoire national, tandis que la complémentarité entre la dissuasion et l’ensemble des autres fonctions s’est renforcée.

    La réforme de l’agence Frontex correspond pleinement à l’esprit des orientations définies par la Revue Stratégique de Défense et de Sécurité Nationale. Il s’agit de créer une agence dont les missions sont légitimées par l’impératif de « continuité entre sécurité intérieure et défense contre les menaces extérieures ». Les périmètres et les modalités d’intervention de Frontex sont ainsi tout autant « intérieurs » (au sein des Etats membres de l’Union Européenne), qu’extérieurs (aux frontières et au sein des Etats non-membres), tandis que la « lutte contre l’immigration illégale » (intérieure et extérieure) est présentée comme un des moyens de lutte contre le « terrorisme » et la « criminalité organisée ».

    Des frontières « intérieures » et « extérieures » en « continuité »

    Ainsi, la « continuité » désigne un rapport linéaire et intrinsèque entre la sécurité nationale intérieure et la défense extérieure. Ce lien transforme les fonctions frontalières, qui ne servent plus à séparer un intérieur d’un extérieur, désormais en « continuité ». Les frontières dites « extérieures » sont désormais également « intérieures », à la manière d’un ruban de Moebius. A été largement montré combien les frontières deviennent « épaisses [21] », « zonales [22] », « mobiles [23] », « externalisées [24] », bien plus que linéaires et statiques. L’externalisation des frontières, c’est-à-dire l’extension de leurs fonctions de surveillance au-delà des limites des territoires nationaux classiques, s’ajoute à une indistinction plus radicale encore, qui rend indistincts « intérieur » et un « extérieur ». Selon les analyses de Matthew Longo, il s’agit d’un « système-frontière total » caractérisé par « la continuité entre des lignes [devenues des plus en plus épaisses] et des zones frontalières [qui ressemblent de plus en plus aux périphéries impériales] [25] » (souligné par les auteurs).

    La notion de « continuité » répond au problème politique posé par la mondialisation logistique contemporaine. La création de chaînes globales d’approvisionnement et de nouvelles formes de régulations au service de la souveraineté des entreprises, ont radicalement transformé les fonctions classiques des frontières nationales et la conception politique du territoire national. Pris dans la logistique mondialisée, celui-ci n’est plus imaginé comme un contenant fixe et protecteur, dont il est nécessaire de protéger les bords contre des ennemis extérieurs et au sein duquel des ennemis intérieurs [26] sont à combattre. Le territoire national est pensé en tant que forme « continue », une forme « intérieur-extérieur ». Du point de vue de la logistique, ni la disparition des frontières, ni leur renforcement en tant qu’éléments statiques, n’est souhaitable. C’est en devenant tout à la fois intérieures et extérieures, en créant notamment les possibilités d’une expansion du marché de la surveillance, qu’elles permettent d’optimiser l’efficacité de la chaîne logistique et maximiser les bénéfices qui en découlent.

    Une des conséquences les plus importantes et les plus médiatisées de la transformation contemporaine des frontières est celle des migrations : 65,6 millions de personnes étaient en exil (demandeur.se.s d’asile, réfugié.e.s, déplacé.e.s internes, apatrides) dans le monde en 2016 selon le HCR [27], contre 40 millions à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette augmentation montre combien les frontières n’empêchent pas les mouvements. Au contraire, elles contribuent à les produire, pour notamment les intégrer à une économie très lucrative de la surveillance [28]. La dite « crise migratoire », largement produite par le régime frontalier contemporain, est un effet, parmi d’autres également très graves, de cette transformation des frontières. Évasion fiscale, produits financiers transnationaux, délocalisation industrielle, flux de déchets électroniques et toxiques, prolifération des armes, guerres transfrontalières (cyber-guerre, guerre financière, guerre de drones, frappes aériennes), etc., relèvent tous d’une multiplication accélérée des pratiques produites par la mondialisation contemporaine. Grâce au fonctionnement de l’économie de l’attention, qui caractérise le capitalisme de plateforme, tous ces processus, sont réduits dans le discours médiatisé, comme par magie, au « problème des migrants ». Tout fonctionne comme si les autres effets de cette transformation des frontières, par ailleurs pour certains facteurs de déplacements migratoires, n’existaient pas. S’il y avait une crise, elle serait celle du contrôle de l’attention par les technologies informatiques. Ainsi, la dite « crise migratoire » est plutôt le symptôme de la mise sous silence, de l’exclusion complète de la sphère publique de toutes les autres conséquences des transformations frontalières produites par le capitalisme logistique et militarisé contemporain.

    La réforme de l’agence Frontex en 2016 se situe clairement dans le contexte de cette politique de transformation des frontières et de mise en exergue d’une « crise migratoire », au service du marché de la surveillance, tandis que sont passés sous silence bien d’autres processus globaux à l’œuvre. Frontex, en favorisant des « coopérations internationales » militaires avec des Etats non-membres de l’Union Européenne, travaille à la création de frontières « en continu ». Ainsi les frontières de l’Union Européenne sont non seulement maritimes et terrestres aux « bords » des territoires, mais elles sont aussi rejouées dans le Sahara, au large des côtes atlantiques de l’Afrique de l’Ouest, jusqu’au Soudan [29] ou encore à l’intérieur des territoires européens (multiplication des centres de rétention pour étrangers notamment [30]). Le « projet Euromed Police IV », débuté en 2016 pour une période de quatre ans, financé par l’Union Européenne, dont le chef, Michel Quillé, était invité au colloque grenoblois, s’inscrit également dans le cadre de ces partenariats sécuritaires et logistiques internationaux : « le projet [...] a pour objectif général d’accroître la sécurité des citoyens dans l’aire euro-méditerranéenne en renforçant la coopération sur les questions de sécurité entre les pays partenaires du Sud de la Méditerranée [31] mais aussi entre ces pays et les pays membres de l’Union Européenne [32] ». La rhétorique de la « coopération internationale » cache une réalité toute différente, qui vise à redessiner les pratiques frontalières actuelles, dans le sens de la « continuité » intérieur-extérieur et de l’expansion d’une chaîne logistique sécuritaire.

    « Continuité » et « sécurité », des notions ambivalentes

    En tant qu’appareillage conceptuel, la notion de « continuité » entre espace domestique et espace extérieur, est particulièrement ambivalente. La « continuité » pourrait signifier la nécessité de créer de nouvelles formes de participation transnationale, de partage des ressources ou de solutions collectives. Autrement dit, la « continuité » pourrait être pensée du côté de l’émancipation et d’une critique en actes du capitalisme sécuritaire et militarisé. Mais la « continuité », dans le contexte politique contemporain, signifie bien plutôt coopérer d’un point de vue militaire, se construire à partir de la figure d’ennemis communs, définis comme à fois « chez nous » et « ailleurs ». Frontex, comme mode transnational de mise en relation, relève du choix politique d’une « continuité » militaire. Cette notion est tout à la fois descriptive et prescriptive. Elle désigne la transformation objective des frontières (désormais « épaisses », « zonales », « mobiles »), mais aussi toute une série de pratiques, d’institutions (comme Frontex), de discours, qui matérialisent cette condition métastable. Depuis un registre idéologique, la « continuité » suture le subjectif et l’objectif, la contingence et la nécessité, le politique et la logistique.

    La campagne publicitaire de recrutement pour l’armée de terre française, diffusée en 2016 et créée par l’agence de publicité parisienne Insign, illustre parfaitement la manière dont la notion de « continuité » opère, en particulier le slogan : « je veux repousser mes limites au-delà des frontières ». Le double-sens du terme « repousser », qui signifie autant faire reculer une attaque militaire, que dépasser une limite, est emblématique de toute l’ambivalence de l’idéologie de la « continuité ». Slogan phare de la campagne de recrutement de l’armée de terre, ’je veux repousser mes limites au-delà des frontières’ relève d’une conception néolibérale du sujet, fondée sur les présuppositions d’un individualisme extrême. Là où la militarisation des frontières et la généralisation d’un état de guerre coloniale engage tout un pays (sans pour autant que la distinction entre ennemi et ami soit claire), l’idée de frontière subit une transformation métonymique. Elle devient la priorité absolue de l’individu (selon l’individualisme comme principe sacré du néolibéralisme). La guerre n’est finalement qu’un moyen pour l’individu de se réaliser (tout obstacle relevant du côté de l’ » ennemi »). À la transgression des frontières par le triangle capital-militaire-sécuritaire, se substitue l’image fictive de limites individualisées.

    L’agence Frontex, en plus d’être un dispositif pratique, est aussi prise dans l’idéologie de la « continuité ». L’agence vise principalement à produire des sujets dont les pulsions individuelles se lient, de manière « continue », avec une chaîne logistico-militaire qui vise à « repousser » toute relation sociale et politique vers un espace de « sécurité » silencieux, neutralisé, voire mort. Objectif central des missions de Frontex, la « sécurité » est, tout comme la « continuité », loin d’être un concept clair et transparent. La sécurité dont il est question dans les opérations de Frontex est une modalité de gestion des populations, qui sert à légitimer des états d’exception. La sécurité dans ce cas est faussement celle des personnes. Il s’agit d’une toute autre sécurité, détachée de la question des personnes, qui concerne avant tout les flux de populations et de marchandises, destinée principalement à en garantir la monétisation. La sécurité n’est ainsi pas une fin en soi, en lien avec la liberté ou l’émancipation, mais une opération permettant la capitalisation des populations et des biens. Cette notion fonctionne car précisément elle sème le trouble entre « sécurité des personnes » et « sécurité des flux ». Le type de « sécurité » qui organise les missions de l’agence Frontex est logistique. Son but est de neutraliser les rapports sociaux, en rompant toutes possibilités de dialogues, pour gérer de manière asymétrique et fragmentaire, des flux, considérés à sens unique.

    Concept polyvalent et ambivalent, la « sécurité » devrait être redéfinie depuis un horizon social et servir avant tout les possibilités de créer des liens sociaux de solidarité et de mutualisation d’alternatives. Les partis traditionnels de gauche en Europe ont essayé pendant des décennies de re-socialiser la sécurité, défendant une « Europe sociale ». On peut retrouver dans les causes de l’échec des partis de Gauche en Europe les ferments du couple logistique-sécurité, toujours à l’œuvre aujourd’hui.

    Une des causes les plus signifiantes de cet échec, et ayant des répercussions majeures sur ce que nous décrivons au sujet de Frontex, tient dans l’imaginaire cartographique et historique de l’Europe sociale des partis traditionnels de Gauche. Au début des années 1990, des débats importants eurent lieu entre la Gauche et la Droite chrétienne au sujet de ce que devait être l’Union Européenne. Il en ressortit un certain nombre d’accords et de désaccords. La notion coloniale de « différence civilisationnelle » fit consensus, c’est-à-dire la définition de l’Europe en tant qu’aire civilisationnelle spécifique et différenciée. A partir de ce consensus commun, la Gauche s’écarta de la Droite, en essayant d’associer la notion de « différence civilisationnelle » à un ensemble de valeurs héritées des Lumières, notamment l’égalité et la liberté -sans, par ailleurs, faire trop d’effort pour critiquer l’esclavage ou encore les prédations territoriales, caractéristiques du siècle des Lumières. La transformation de l’universalisme des Lumières en trait de civilisation -autrement dit, concevoir que la philosophie politique universaliste est d’abord « européenne »- s’inscrit dans le registre de la différence coloniale, caractéristique du projet moderne. Le fait de répéter à l’envie que la Démocratie aurait une origine géographique et que ce serait Athènes s’inscrit dans ce projet moderne civilisateur colonial. L’égalité, la liberté, la démocratie s’élaborent depuis des mouvements sociaux, toujours renouvelés et qui visent à se déplacer vers l’autre, vers ce qui paraît étranger. Sans ce mouvement fondamental de déplacement, jamais achevé, qui découvre toujours de nouveaux points d’origine, aucune politique démocratique n’est possible. C’est précisément ce que les partis de Gauche et du Centre en Europe ont progressivement nié. La conception de l’égalité et de la liberté, comme attributs culturels ou civilisationnels, a rendu la Gauche aveugle. En considérant l’Europe, comme un territoire fixe, lieu d’un héritage culturel spécifique, la Gauche n’a pas su analyser les processus de mondialisation logistique et les transformations associées des frontières. Là où le territoire moderne trouvait sa légitimité dans la fixité de ses frontières, la logistique mondialisée a introduit des territorialités mobiles, caractérisées par une disparition progressive entre « intérieur » et « extérieur », au service de l’expansion des chaînes d’approvisionnement et des marchés. Frontex est une des institutions qui contribue au floutage des distinctions entre territoire intérieur et extérieur. Incapables de décoloniser leurs analyses de la frontière, tant d’un point de vue épistémologique, social qu’institutionnel, les partis de Gauche n’ont pas su réagir à l’émergence du cadre conceptuel de la « continuité » entre sécurité intérieure et guerre extérieure. Tant que la Gauche considérera que la frontière est/doit être l’enveloppe d’un territoire fixe, lieu d’une spécificité culturelle ou civilisationnelle, elle ne pourra pas interpréter et transformer l’idéologie de la « continuité », aujourd’hui dominée par la militarisation et la monétisation, vers une continuité sociale, au service des personnes et des relations sociales.

    Sans discours, ni débat public structuré sur ces transformations politiques, les explications se cantonnent à l’argument d’une nécessité logistique, ce qui renforce encore l’idéologie de la « continuité », au service de la surveillance et du capitalisme.

    C’est dans ce contexte que les « entreprises de la connaissance » remplacent désormais l’ancien modèle des universités nationales. Aucun discours public n’est parvenu à contrer la monétisation et la militarisation des connaissances. La continuité à l’œuvre ici est celle de la recherche universitaire et des applications sécuritaires et militaires, qui seraient les conditions de son financement. Le fait que l’université soit gouvernée à la manière d’une chaîne logistique, qu’elle serve des logiques et des intérêts de sécurisation et de militarisation, sont présentées dans les discours dominants comme des nécessités. Ce qui est valorisé, c’est la monétisation de la recherche et sa capacité à circuler, à la manière d’une marchandise capitalisée. La nécessité logistique remplace toute discussion sur les causes politiques de telles transformations. Aucun parti politique, a fortiori de Gauche, n’est capable d’ouvrir le débat sur les causes et les conséquences de la gouvernementalité logistique, qui s’est imposée comme le nouveau mode dominant d’une gouvernementalité militarisée, à la faveur du capitalisme mondialisé. Ces processus circulent entre des mondes a priori fragmentés et rarement mis en lien : l’université, Frontex, l’industrie de l’armement, la sécurité intérieure, la défense extérieure. L’absence de débat sur la légitimité politique de telles décisions est une énième caractéristique de la gouvernementalité logistique.
    Mise sous silence du politique par la rationalité logistique, neutralisation du dissentiment

    Les discours sécuritaires de l’agence Frontex et d’Euromed Police s’accompagnent d’une dissimulation de leurs positionnements politiques. Tout fonctionne depuis des « constats », des « diagnostics ». Ces constats « consensuels » ont été repris par les chercheur.e.s, organisateurs et soutiens du colloque sur Frontex. Les scientifiques, travaillant au sein de l’université logistique et se réunissant pour le colloque à l’IMAG, viennent renforcer les justifications logistiques des actions de Frontex et Euromed Police, en disqualifiant tout débat politique qui permettrait de les interroger.

    Le « constat » d’une « crise migratoire » vécue par l’Union Européenne, qui l’aurait « amené à renforcer les pouvoirs de son agence Frontex », est la première phrase du texte de cadrage du colloque :

    La crise migratoire que vit aujourd’hui l’Union européenne (UE) l’a amenée à renforcer les pouvoirs de son agence Frontex. La réforme adoptée en septembre 2016 ne se limite pas à la reconnaissance de nouvelles prérogatives au profit de Frontex mais consiste également à prévoir les modalités d’intervention d’un nouvel acteur dans la lutte contre l’immigration illégale au sein de l’UE : le corps européen des gardes-frontières et garde-côtes. Cette nouvelle instance a pour objet de permettre l’action en commun de Frontex et des autorités nationales en charge du contrôle des frontières de l’UE, ces deux acteurs ayant la responsabilité partagée de la gestion des frontières extérieures[6].

    Nous souhaitons ici citer, en contre-point, le premier paragraphe d’une lettre écrite quelques jours après les violences policières, par une personne ayant assisté au colloque. Dans ce paragraphe, l’auteur remet directement en cause la dissimulation d’un positionnement politique au nom d’un « constat réaliste et objectif » des « problèmes » auxquels Frontex devraient « s’attaquer » :

    Vous avez décidé d’organiser un colloque sur Frontex, à l’IMAG (Université de Grenoble Alpes), les 22 et 23 mars 2018. Revendiquant une approche juridique, vous affirmez que votre but n’était pas de débattre des politiques migratoires (article du Dauphiné Libéré, 23 mars 2018). C’est un choix. Il est contestable. Il est en effet tout à fait possible de traiter de questions juridiques sans évacuer l’analyse politique, en assumant un point de vue critique. Vous vous retranchez derrière l’argument qu’il n’était pas question de discuter des politiques migratoires. Or, vous présentez les choses avec les mots qu’utilise le pouvoir pour imposer sa vision et justifier ces politiques. Vous parlez de « crise migratoire », de « lutte contre l’immigration illégale », etc. C’est un choix. Il est contestable. Les mots ont un sens, ils véhiculent une façon de voir la réalité. Plutôt que de parler de « crise de l’accueil » et de « criminalisation des exilé.e.s » par le « bras armé de l’UE », vous préférez écrire que « la crise migratoire » a « amené » l’UE à « renforcer les pouvoirs de son agence, Frontex ». Et hop, le tour de magie est joué. Si Frontex doit se renforcer c’est à cause des migrant.e.s. S’il y a des enjeux migratoires, la seule réponse légitime, c’est la répression. Ce raisonnement implicite n’a rien à voir avec des questions juridiques. Il s’agit bien d’une vision politique. C’est la vôtre. Mais permettez-nous de la contester [33].

    « Diagnostiquer » une « crise migratoire » à laquelle il faut répondre, est présenté comme un « choix nécessaire », qui s’inscrit dans un discours sécuritaire mobilisé à deux échelles différentes : (1) « défendre » la « sécurité » des frontières européennes, contre une crise migratoire où les « migrants » sont les ennemis, à la fois extérieurs et intérieurs, et (2) défendre la sécurité de la salle de conférence et de l’université, contre les manifestant.e.s militant.e.s, qui seraient les ennemis du débat « scientifique » (et où le scientifique est pensé comme antonyme du « manifestant.e » et/ou « militant.e »). L’université logistique est ici complice de la disqualification du politique, pour légitimer la nécessité des actions de Frontex.

    Le texte de présentation du colloque invitait ainsi bien plus à partager la construction d’un consensus illusoire autour de concepts fondamentalement ambivalents (crise migratoire, protection, sécurité) qu’à débattre à partir des situations réelles, vécues par des milliers de personnes, souvent au prix de leur vie. Ce consensus est celui de l’existence d’un ’problème objectif de l’immigration » contre lequel l’agence Frontex a été « amené » à « lutter », selon la logique d’une « adhésion aveugle à l’ « objectivité » de la « nécessité historique [34] » et logistique. Or, il est utile de rappeler, avec Jacques Rancière, qu’« il n’y a pas en politique de nécessité objective ni de problèmes objectifs. On a les problèmes politiques qu’on choisit d’avoir, généralement parce qu’on a déjà les réponses. [35] ». Les gouvernements, mais on pourrait dire aussi les chercheur.e.s organisateurs ou soutiens de ce colloque, « ont pris pour politique de renoncer à toute politique autre que de gestion logistique des « conséquences ».

    Les violences policières pendant le colloque « De Frontex à Frontex », sont venues sévèrement réprimer le resurgissement du politique. La répression violente a pour pendant, dans certains cas, la censure. Ainsi, un colloque portant sur l’islamophobie à l’université de Lyon 2 avait été annulé par les autorités de l’université en novembre 2017. Sous la pression orchestrée par une concertation entre associations et presses de droite, les instances universitaires avaient alors justifié cette annulation au motif que « les conditions n’étaient pas réunies pour garantir la sérénité des échanges », autrement dit en raison d’un défaut de « sécurité [36] ». Encore une fois, la situation est surdéterminée par la logistique sécuritaire, qui disqualifie le politique et vise à « fluidifier », « pacifier », autrement dit « neutraliser » les échanges de connaissances, de biens, pour permettre notamment leur monétisation.

    On pourrait arguer que la manifestation ayant eu lieu à Grenoble, réprimée par des violences policières, puisse justifier la nécessité d’annuler des colloques, sur le motif de l’absence de sérénité des échanges. On pourrait également arguer que les manifestant.e.s grenoblois.e.s, se mobilisant contre le colloque sur Frontex, ont joué le rôle de censeurs (faire taire le colloque), censure par ailleurs attaquée dans la situation du colloque sur l’islamophobie.

    Or, renvoyer ces parties dos à dos est irrecevable :

    – d’abord parce que les positions politiques en jeu, entre les opposant.e.s au colloque portant sur l’islamophobie et les manifestant.e.s critiquant Frontex et les conditions du colloque grenoblois, sont profondément antagonistes, les uns nourrissant le racisme et la xénophobie, les autres travaillant à remettre en cause les principes racistes et xénophobes des politiques nationalistes à l’œuvre dans l’Union Européenne. Nous récusons l’idée qu’il y aurait une symétrie entre ces positionnements.

    – Ensuite, parce que les revendications des manifestant.e.s, parues dans un tract publié quelques jours avant le colloque, ne visait ni à son annulation pure et simple, ni à interdire un débat sur Frontex. Le tract, composé de quatre pages, titrait en couverture : « contre la présence à un colloque d’acteurs de la militarisation des frontières », et montrait aussi et surtout combien les conditions du débat étaient neutralisées, par la disqualification du politique.

    Les violences policières réprimant la contestation à Grenoble et l’annulation du colloque sur l’islamophobie, dans des contextes par ailleurs différents, nous semblent constituer les deux faces d’une même médaille : il s’est agi de neutraliser, réprimer ou d’empêcher tout dissentiment, par ailleurs condition nécessaire de l’expression démocratique. La liberté universitaire, invoquée par les organisateurs du colloque et certains intervenants, ne peut consister ni à réprimer par la violence la mésentente, ni à la censurer, mais à élaborer les conditions de possibilité de son expression, pour « supporter les divisions de la société. […] C’est […] le dissentiment qui rend une société vivable. Et la politique, si on ne la réduit pas à la gestion et à la police d’Etat, est précisément l’organisation de ce dissentiment » (Rancière).

    De quelle politique font preuve les universités qui autorisent la répression ou la mise sous silence de mésententes politiques ? Quelles conditions de débat permettent de « supporter les divisions de la société », plutôt que les réprimer ou les censurer ?

    La « liberté universitaire » au service de la mise sous silence du dissentiment

    Les organisateurs du colloque et leurs soutiens ont dénoncé l’appel à manifester, puis l’intrusion dans la salle du colloque, au nom de la liberté universitaire : « cet appel à manifester contre la tenue d’une manifestation scientifique ouverte et publique constitue en soi une atteinte intolérable aux libertés universitaires [37] ». Il est nécessaire de rappeler que le tract n’appelait pas à ce que le colloque n’ait pas lieu, mais plutôt à ce que les représentants de Frontex et d’Euromed Police ne soient pas invités à l’université, en particulier dans le cadre de ce colloque, élaboré depuis un argumentaire où la parole politique était neutralisée. En invitant ces représentants, en tant qu’experts, et en refusant des positionnements politiques clairs et explicites (quels qu’ils soient), quel type de débat pouvait avoir lieu ?

    Plus précisément, est reproché aux manifestant.e.s le fait de n’être pas resté.e.s dans le cadre de l’affrontement légitime, c’est-à-dire l’affrontement verbal, sur une scène autorisée et partagée, celle du colloque. La liberté universitaire est brandie comme un absolu, sans que ne soit prises en compte ses conditions de possibilité. L’inclusion/exclusion de personnes concernées par les problèmes analysés par les chercheur.e.s, ainsi que la définition de ce que signifie « expertise », sont des conditions auxquelles il semble important de porter attention. La notion d’expertise, par exemple, connaît de profonds et récents changements : alors qu’elle a longtemps servi à distinguer les chercheur.e.s, seul.e.s « expert.e.s », des « professionnel.le.s », les « professionnel.le.s » sont désormais de plus en plus reconnu.e.s comme « expert.e.s », y compris en pouvant prétendre à des reconnaissances universitaires institutionnelles telle la VAE (Validation des Acquis de l’Expérience [38]), allant jusqu’à l’équivalent d’un diplôme de doctorat. Là encore il s’agit d’une panoplie de nouvelles identités créées par la transition vers l’université logistique, et une équivalence de plus en plus institutionalisée entre l’ » expertise » et des formes de rémunération qui passent par les mécanismes d’un marché réglementé. Si des « professionnel.le.s » (non-chercheur.e.s) sont de plus en plus reconnu.e.s comme « expert.e.s » dans le champ académique, l’exclusion des personnes dotées d’autres formes de compétences (par exemple, celles qui travaillent de manière intensive à des questions sociales) est un geste porteur de conséquences extrêmement lourdes et pour la constitution des savoirs et pour la démarche démocratique.

    Pour comprendre comment la « liberté universitaire » opère, il est important de se demander quelles personnes sont qualifiées d’ « expertes », autrement dit quelles personnes sont considérées comme légitimes pour revendiquer l’exercice de la liberté universitaire ou, au contraire, l’opposer à des personnes et des fonctionnements jugés illégitimes. C’est précisément là où l’université logistique devient une machine de normalisation puissante qui exerce un pouvoir considérable sur la formation et la reconnaissance des identités sociales. A notre sens, la liberté universitaire ne peut être conçue comme une liberté à la négative, c’est-à-dire un principe servant à rester sourd à la participation des acteurs issu.e.s de la société civile non-universitaire (parmi les manifestant.e.s, on comptait par ailleurs de nombreux étudiant.e.s), des « expert.e.s » issu.e.s de domaines où elles ne sont pas reconnue.s comme tel.le.s.

    « Scientifique » vs. « militant ». Processus de disqualification du politique.

    Ainsi, dans le cas du colloque « De Frontex à Frontex », la scène légitime du débat ne garantissait pas le principe d’égalité entre celles et ceux qui auraient pu -et auraient dû- y prendre part. Les scientifiques ont été présentés à égalité avec les intervenants membres de Frontex et d’Euromed Police IV, invités en tant que « professionnels [39] », « praticiens [40] » ou encore « garants d’une expertise [41] ». Les experts « scientifiques » et les « professionnels » ont été définis en opposition à la figure de « militant.e.s » (dont certain.e.s étaient par ailleurs étudiant.e.s), puis aux manifestant.e.s, assimilé.e.s, après l’intrusion dans la salle du colloque, à des délinquant.e.s, dans une figure dépolitisée du « délinquant ». Si les co-organisateurs ont déploré, après le colloque, que des « contacts noués à l’initiative des organisateurs et de certains intervenants [42] » avec des organisations contestataires soient restés « sans succès », il est important de rappeler que ces contacts ont visé à opposer « colloque scientifique » et « colloque militant », c’est-à-dire un cadre antagoniste rendant le dialogue impossible. Là où le colloque censuré sur l’islamophobie entendait promouvoir l’« articulation entre le militantisme pour les droits humains et la réflexion universitaire [pour] montrer que les phénomènes qui préoccupent la société font écho à l’intérêt porté par l’université aux problématiques sociales, [ainsi que pour montrer qu’] il n’existe pas de cloisonnement hermétique entre ces deux mondes qui au contraire se complètent pour la construction d’une collectivité responsable et citoyenne [43] », les organisateurs du colloque grenoblois ont défendu la conception d’un colloque « scientifique », où le scientifique s’oppose à l’affirmation et la discussion de positions politiques - et ceci dans un contexte hautement politisé.

    Par ailleurs, la liberté universitaire ne peut pas servir de légitimation à l’usage de la force, pour réprimer des manifestant.e.s dont la parole a été disqualifiée et neutralisée avant même le colloque et par les cadres du colloque (dépolitisation, sécurisation). Le passage à l’acte de l’intrusion, pendant une des pauses de l’événement, a servi de moyen pour rappeler aux organisateurs et participant.e.s du colloque, les conditions de possibilité très problématiques à partir desquelles celui-ci avait été organisé, et notamment le processus préalable de neutralisation de la parole des acteurs fortement impliqués mais, de fait, exclus du champ concerné.

    Il ne suffit pas ainsi que des universitaires critiques des actions de Frontex aient été –effectivement- invité.e.s au colloque, en parallèle de « praticiens » de Frontex et Euromed Police, présentés comme des experts-gestionnaires, pour qu’un débat émerge. Encore aurait-il fallu que les termes du débat soient exposés, hors du « réalisme consensuel [44] » entre identités hautement normalisées et logistique qui caractérise le texte d’invitation. Débattre de Frontex, c’est d’abord lutter contre les « illusions du réalisme gestionnaire [45] » et logistique, mais aussi des illusions d’une analyse qui parviendrait à rester uniquement disciplinaire (ici la discipline juridique), pour affirmer que ses actions relèvent de choix politiques (et non seulement de nécessités logistiques et sécuritaires).

    Il est urgent que la liberté universitaire puisse servir des débats où les positionnements politiques soient explicitement exposés, ce qui permettrait l’expression précisément du dissentiment politique. Le dissentiment, plutôt qu’il soit neutralisé, censuré, réprimé, pourrait être entendu et valorisé (le dissentiment indique une orientation pour débattre précisément). La liberté universitaire serait celle aussi où les débats, partant d’un principe d’ » égalité des intelligences [46] », puissent s’ouvrir aux étudiant.e.s, à la société civile non-universitaire (société qui ne saurait pas s’identifier de manière directe et exhaustive avec le marché du travail réglementé), et aux personnes directement concernées par les problèmes étudiés. À la veille des changements historiques dans le marché de travail dûs aux technologies nouvelles, organiser le dissentiment revient ainsi à lutter contre le détournement de l’« expertise » à des fins autoritaires et contre la dépolitisation de l’espace universitaire au nom de la logistique sécuritaire. Il s’agit de rendre possible la confrontation de positions différentes au sein de bouleversements inédits sans perdre ni la démarche démocratique ni la constitution de nouveaux savoirs au service de la société toute entière.

    Pour ce faire, il est nécessaire de rompre avec l’idée de l’existence a priori d’une langue commune. La langue présupposée commune dans le cadre du colloque Frontex a été complètement naturalisée, comme nous l’avons montré notamment dans l’emploi consensuel de l’expression « crise migratoire ». Rendre possible le dissensus revient à dénaturaliser « la langue ». Dans le contexte de la « continuité » intérieur-extérieur et de la transformation des fonctions frontalières, il est important de rappeler que le processus démocratique et les pratiques du dissentiment ne peuvent plus s’appuyer sur l’existence d’une langue nationale standardisée, naturalisée, comme condition préalable. De nouvelles modalités d’adresse doivent être inventées. Il nous faudrait, donc, une politique de la différence linguistique qui prendrait son point de départ dans la traduction, comme opération linguistique première. Ainsi, il s’agit de renoncer à une langue unique et de renoncer à l’image de deux espaces opposés -un intérieur, un extérieur- à relier (de la même manière que la traduction n’est pas un pont qui relie deux bords opposés). Il est nécessaire de réoccuper la relation d’indistinction entre intérieur et extérieur, actuellement surdéterminé par le sécuritaire et le militaire, pour créer des liens de coopération, de partages de ressources, de mutualisation. Parler, c’est traduire, et traduire, ce n’est pas en premier lieu un transfert, mais la création de subjectivités. Le dissentiment n’est pas pré-déterminé, ni par une langue commune, ni par des sujets cohérents qui lui pré-existeraient (et qui tiendraient des positions déjà définies prêtes à s’affronter). Il est indéterminé. Il se négocie, se traduit, s’élabore dans des relations, à partir desquelles se créent des subjectivités. Le dissentiment s’élabore aussi avec soi-même. Ne pas (se) comprendre devient ce qui lie, ce qui crée la valeur de la relation, ce qui ouvre des potentialités.

    Le colloque « De Frontex à Frontex » a constitué un site privilégié à partir duquel observer les manières dont la gouvernementalité logistique opère, animée par des experts qui tentent de neutraliser et militariser les conflits sociaux, et qui exercent un strict contrôle sur les conditions d’accès à la parole publique. Nous avons tenté de montrer des effets de « continuité » entre gouvernementalité logistique et coloniale, en lien avec des logiques de sécurisation et de militarisation, tant dans le domaine de la production des connaissances à l’université que dans celui du gouvernement des populations. Tous ces éléments sont intrinsèquement liés. Il n’y a donc pas de frontière, mais bien une continuité, entre l’université logistique, la sécurité intérieure, l’agence Frontex et les guerres dites de défense extérieure. Les frontières étatiques elles-mêmes, ne séparent plus, mais créent les conditions d’une surveillance continue (presqu’en temps réel, à la manière des suivis de marchandises), au-delà de la distinction entre intérieur et extérieur.

    Les violences policières ayant eu lieu dans la salle du colloque « De Frontex à Frontex » nous amènent à penser que requalifier le dissentiment politique dans le contexte de la rationalité logistique est aujourd’hui dangereux ; faire entendre le dissentiment, le rendre possible, c’est s’exposer potentiellement ou réellement à la répression. Mais plutôt que d’avoir peur, nous choisissons de persister. Penser les conditions d’énonciation du dissentiment et continuer à tenter de l’organiser est une nécessité majeure.

    Jon Solomon, professeur, Université Jean Moulin Lyon 3, Sarah Mekdjian, maîtresse de conférences, Université Grenoble Alpes

    [1] Le CESICE : Centre d’Etudes sur la Sécurité Internationale et les Coopérations Européennes et le CRJ : Centre de Recherches Juridiques de Grenoble.

    [2] voir l’argumentaire du colloque ici : https://cesice.univ-grenoble-alpes.fr/actualites/2018-01-19/frontex-frontex-vers-l-emergence-d-service-europeen-garde

    [3] RUSF, Union départementale CNT 38, CLAGI, CISEM, CIIP, Collectif Hébergement Logement

    [4] Voir le tract ici : https://cric-grenoble.info/infos-locales/article/brisons-les-frontieres-a-bas-frontex-405

    [5] http://www.liberation.fr/france/2018/04/05/grenoble-un-batiment-de-la-fac-bloque_1641355

    [6] Les area studies, qui correspondent plus ou moins en français aux « études régionales », reposent sur la notion d’ « aire », telle que l’on trouve ce terme dans l’expression « aire de civilisation ». Comme le montre Jon Solomon, les « aires », constructions héritées de la modernité coloniale et impériale, se fondent sur la notion de « différence anthropologique », pour classer, hiérarchiser le savoir et la société. La géographie a participé et participe encore à la construction de cette taxinomie héritée de la modernité impériale et coloniale, en territorialisant ces « aires” dites « culturelles » ou de « civilisation ».

    [7] Voir la description de l’IMAG sur son site internet : « Le bâtiment IMAG a pour stratégie de concentrer les moyens et les compétences pour créer une masse critique (800 enseignants-chercheurs, chercheurs et doctorants), augmenter les synergies et garantir à Grenoble une visibilité à l’échelle mondiale. L’activité recherche au sein de ce bâtiment permettra également d’amplifier fortement les coopérations entre les acteurs locaux qui prennent déjà place dans l’Institut Carnot grenoblois ’logiciels et systèmes intelligents’ et dans le pôle de compétitivité Minalogic pour atteindre le stade de la recherche intégrative. [...] Nous voulons construire un accélérateur d’innovations capable de faciliter le transfert des recherches en laboratoire vers l’industrie”, https://batiment.imag.fr

    [8] Le laboratoire Verimag indique ainsi sur son site internet travailler, par exemple, en partenariat avec l’entreprise MBDA, le leader mondial des missiles. Voir : http://www-verimag.imag.fr/MBDA.html?lang=en

    [9] « Quelques minutes avant l’incident, Romain Tinière, professeur de droit à l’Université et membre de l’organisation du colloque, faisait le point : « L’objet du colloque n’est pas sur la politique migratoire de l’Union européenne. On aborde Frontex sous la forme du droit. On parle de l’aspect juridique avec les personnes qui le connaissent, notamment avec Frontexit. Pour lui, le rassemblement extérieur portait atteinte à « la liberté d’expression » », Dauphiné Libéré du 23 mars 2018.

    [10] Texte de présentation du colloque, https://cesice.univ-grenoble-alpes.fr/actualites/2018-01-19/frontex-frontex-vers-l-emergence-d-service-europeen-garde

    [11] https://brianholmes.wordpress.com/2007/02/26/disconnecting-the-dots-of-the-research-triangle

    [12] Cowen Deborah, The Deadly Life of Logistics-Mapping Violence in Global Trade, Minneapolis, London, University of Minnesota Press, 2014.

    [13] « En tant que juristes, nous avons logiquement choisi une approche juridique et réunis les spécialistes qui nous paraissaient en mesure d’apporter des regards intéressants et différents sur les raisons de la réforme de cette agence, son fonctionnement et les conséquences de son action, incluant certains des collègues parmi les plus critiques en France sur l’action de Frontex » (lettre de « mise au point des organisateurs » du colloque, 27 mars 2018), disponible ici : https://lunti.am/Lettre-ouverte-aux-organisateurs-du-colloque-de-Frontex-a-Frontex.

    [14] Voir le texte de présentation du colloque, https://cesice.univ-grenoble-alpes.fr/actualites/2018-01-19/frontex-frontex-vers-l-emergence-d-service-europeen-garde

    [15] Ibid.

    [16] Lors de son discours aux armées le 13 juillet 2017, à l’Hôtel de Brienne, le président Emmanuel Macron a annoncé que le budget des Armées serait augmenté dès 2018 afin d’engager une évolution permettant d’atteindre l’objectif d’un effort de défense s’élevant à 2 % du PIB en 2025. « Dès 2018 nous entamerons (une hausse) » du budget des Armées de « 34,2 milliards d’euros », expliquait ainsi Emmanuel Macron.

    [17] https://www.defense.gouv.fr/content/download/523152/8769295/file/LPM%202019-2025%20-%20Synth%C3%A8se.pdf

    [18] Voir le texte de présentation de Frontex sur le site de l’agence : https://frontex.europa.eu/about-frontex/mission-tasks

    [19] Ibid.

    [20] « Le règlement adopté le 14 septembre 2016 « transforme celle qui [était] chargée de la « gestion intégrée des frontières extérieures de l’Union » en « Agence européenne de garde-côtes et de garde-frontières’. Cette mutation faite de continuités met en lumière la prédominance de la logique de surveillance sur la vocation opérationnelle de Frontex. [...]’. La réforme de Frontex a aussi consisté en de nouvelles dotations financières et matérielles pour la création d’un corps de gardes-frontières dédié : le budget de Frontex, de 238,69 millions d’euros pour 2016, est prévu pour atteindre 322,23 millions d’euros à l’horizon 2020. ’Cette montée en puissance est assortie d’un cofinancement par les États membres de l’espace Schengen établi à 77,4 millions d’euros sur la période 2017-2020’, auxquels il faut ajouter 87 millions d’euros pour la période 2017-2020 ajoutés par l’Union Européenne, répartis comme suit : - 67 millions d’euros pour financer la prestation de services d’aéronefs télépilotés (RPAS ou drones) aux fins de surveillance aérienne des frontières maritimes extérieures de l’Union ; - 14 millions d’euros dédiés à l’achat de données AIS par satellite. Ces données permettent notamment de suivre les navires. Elles pourront être transmises aux autorités nationales.

    [21] Longo Matthew, The Politics of Borders Sovereignty, Security, and the Citizen after 9/11”, Cambridge, Cambridge University Press, 2017

    [22] Ibid.

    [23] Amilhat Szary, Giraut dir., Borderities and the Politics of Contemporary Mobile Borders, Palgrave McMillan, 2015

    [24] Voir : http://www.migreurop.org/article974.html

    [25] Longo Matthew, The Politics of Borders Sovereignty, Security, and the Citizen after 9/11”, Cambridge, Cambridge University Press, 2017, p. 3

    [26] Voir sur la notion d’ennemi intérieur, l’ouvrage de Mathieu Rigouste, L’ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine, Paris, La Découverte, 2009.

    [27] Voir le rapport global 2016 du HCR –Haut Commissariat aux Réfugiés- : http://www.unhcr.org/the-global-report.html

    [28] Voir à ce sujet l’ouvrage de Claire Rodier, Xénophobie business, Paris, La Découverte, 2012.

    [29] Voir notamment : https://www.lacimade.org/wp-content/uploads/2017/10/Externalisation-UE-Soudan.pdf

    [30] Voir notamment http://closethecamps.org ou encore http://www.migreurop.org/article2746.html

    [31] « Les pays partenaires du projet sont la République Algérienne Démocratique et Populaire, la République Arabe d’Egypte, Israël, le Royaume de Jordanie, le Liban, la Lybie, la République Arabe Syrienne, le Royaume du Maroc, l’Autorité Palestinienne et la République de Tunisie », https://www.euromed-police.eu/fr/presentation

    [32] https://www.euromed-police.eu/fr/presentation

    [33] Extrait de la « lettre ouverte aux organisateurs du colloque ‘De Frontex à Frontex’ » disponible ici : https://lundi.am/Lettre-ouverte-aux-organisateurs-du-colloque-de-Frontex-a-Frontex

    [34] Rancière Jacques, Moments politiques, Interventions 1977-2009, Paris, La Fabrique éditions.

    [35] Ibid.

    [36] Voir : https://www.mediapart.fr/journal/france/051017/un-colloque-universitaire-sur-l-islamophobie-annule-sous-la-pression?ongle

    https://www.mediapart.fr/journal/fr...

    [37] Voir la lettre de « mise au point des organisateurs » du colloque, diffusée le 27 mars 2018, et disponible ici : https://lundi.am/Lettre-ouverte-aux-organisateurs-du-colloque-de-Frontex-a-Frontex

    [38] Voir par exemple pour l’Université Grenoble Alpes : https://www.univ-grenoble-alpes.fr/fr/grandes-missions/formation/formation-continue-et-alternance/formations-diplomantes/validation-des-acquis-de-l-experience-vae--34003.kjsp

    [39] « Le colloque a été organisé « en mêlant des intervenants venant à la fois du milieu académique et du milieu professionnel pour essayer de croiser les analyses et avoir une vision la plus complète possible des enjeux de cette réforme sur l’Union » (texte de présentation du colloque).

    [40] « En tant que juristes, nous avons logiquement choisi une approche juridique et réunis les spécialistes qui nous paraissaient en mesure d’apporter des regards intéressants et différents sur les raisons de la réforme de cette agence, son fonctionnement et les conséquences de son action, incluant certains des collègues parmi les plus critiques en France sur l’action de Frontex. Pour ce faire, il nous a paru essentiel de ne pas nous cantonner à l’approche universitaire mais d’inclure également le regard de praticiens » (lettre de « mise au point des organisateurs » du colloque, 27 mars 2018, disponible ici : https://lundi.am/Lettre-ouverte-aux-organisateurs-du-colloque-de-Frontex-a-Frontex).

    [41] « Certaines personnes [ont été] invitées à apporter leur expertise sur le thème du colloque » (lettre de « mise au point des organisateurs » du colloque, 27 mars 2018, disponible ici https://lundi.am/Lettre-ouverte-aux-organisateurs-du-colloque-de-Frontex-a-Frontex).

    [42] Voir la lettre de « mise au point des organisateurs » du colloque, 27 mars 2018, disponible ici : https://lundi.am/Lettre-ouverte-aux-organisateurs-du-colloque-de-Frontex-a-Frontex

    [43] Voir : https://www.mediapart.fr/journal/france/051017/un-colloque-universitaire-sur-l-islamophobie-annule-sous-la-pression?ongle

    https://www.mediapart.fr/journal/fr...

    [44] Rancière Jacques, Moments politiques, Interventions 1977-2009, Paris, La Fabrique éditions.

    [45] Ibid.

    [46] Ibid.

    https://lundi.am/De-Frontex-a-Frontex-a-propos-de-la-continuite-entre-l-universite-logistique-e

    –-> Article co-écrit par ma collègue et amie #Sarah_Mekdjian

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  • Militants promigrants : « Notre réaction, c’est la solidarité et on nous réprime pour nos idéaux »
    François Carrel, Libération, le 24 mai 2018
    http://www.liberation.fr/france/2018/05/24/militants-promigrants-notre-reaction-c-est-la-solidarite-et-on-nous-repri

    « Nous sommes en colère. Nous ne baisserons pas la tête, malgré la répression. On cherche à faire peur aux personnes solidaires des migrants, mais nous n’avons pas peur. » Une semaine avant leur procès qui se tiendra le 31 mai à Gap (Hautes-Alpes), Bastien, 26 ans, et Théo, 24 ans, deux Suisses de la région de Genève, ont décidé de s’exprimer devant la presse, jeudi à Annemasse, petite ville haut-savoyarde proche de Genève. Ils sont poursuivis pour avoir « facilité ou tenté de faciliter l’entrée irrégulière en France » de migrants, des « faits commis en bande organisée » selon le parquet de Gap et passibles d’une peine de dix ans de prison, de 750 000 euros d’amende et d’interdiction du territoire français.

    Le 22 avril, ils avaient participé à une marche de militants engagés promigrants, au col de Montgenèvre, sur la frontière franco-italienne, en réaction au happening de militants d’extrême droite de Génération identitaire organisé au même moment sur le col voisin de l’Echelle. En se mêlant à cette manifestation improvisée, une vingtaine de migrants avaient pu passer la frontière. Bastien et Théo, ainsi qu’une Italienne de 24 ans, Eleonora, avaient été interpellés à l’issue de la marche. Présentés devant les juges en comparution immédiate, ils avaient obtenu le report de leur procès mais avaient été placés en détention provisoire, aux Baumettes à Marseille. Leurs avocats avaient obtenu leur libération onze jours plus tard, sous strict contrôle judiciaire, avec obligation de résider en France et l’interdiction de s’exprimer sur les réseaux sociaux. Ils avaient reçu le soutien d’un millier de personnalités françaises, suisses et italiennes, toutes signataires d’un texte de l’écrivain italien Erri de Lucas.

    « Nous sortons du silence, pour alerter sur ce que nous avons vu. La situation aux frontières est désastreuse », précisent Théo et Bastien, expliquant que si « la répression est dure à vivre pour nous, elle l’est encore plus pour les migrants ». « Notre séjour en prison a amplifié notre détermination », précise Bastien, mais c’est surtout la situation à la frontière qui révolte les deux jeunes au discours anticapitaliste assumé : « La répression de la solidarité avec les migrants est une honte, alors que des vies sont en jeu. Nous, Européens, passons cette frontière sans la voir, mais les migrants, eux, y meurent. Génération identitaire et la police ont une responsabilité. Dernièrement, deux personnes sont mortes, dont une qui se serait noyée en voulant échapper à la police. Il ne nous est pas possible de rester impassibles face à ça », insiste Théo.

    Deux corps de migrants ont effectivement été découverts près de Briançon ces dernières semaines. Le 9 mai, une jeune Nigériane de 20 ans, Blessing Matthew, a été retrouvée noyée dans la Durance. Le réseau d’aide aux migrants de Briançon est affirmatif : la jeune femme, après avoir passé la frontière et peu avant sa disparition, avait été poursuivie en pleine nuit et sans succès par la police. Une enquête pour « recherche des causes de la mort » est en cours sous la direction du parquet de Gap. Le 18 mai, le corps d’un homme noir a été découvert dans un bois sous le col de Montgenèvre, « mort d’épuisement » selon le collectif local Tous migrants qui s’appuie là encore sur le témoignage d’un de ses compagnons d’infortune. Une autre enquête a été ouverte par le parquet. « Notre réaction, c’est la solidarité, et on nous réprime pour nos idéaux, ajoute Théo. Le fait de fermer les yeux sur les délits de Génération Identitaire et de nous mettre aux Baumettes parce qu’on a fait une marche solidaire montre la partialité du parquet de Gap ! C’est deux poids deux mesures, il y a un réel acharnement contre nous. Nous avons été pris comme boucs émissaires, de façon arbitraire. »

    A l’issue de la conférence de presse, Bastien avoue : « Nous ne sommes pas très à l’aise avec le fait de nous mettre en avant quand d’autres sont directement concernés… Mais cela nous est tombé dessus ! » Sa mère, Laurence Stauffer-Cart, dit, sereine : « Bastien est cohérent, authentique, il ne triche pas. Théo et lui ont à mes yeux beaucoup de mérite de ne pas s’arrêter à leur petite cause et de prendre le risque de dire ce qu’ils doivent dire. Ils ne peuvent faire autrement que de s’offusquer et de crier leur souhait de plus de justice, d’un monde qui soit bon. Ils ont tout mon soutien ». Le 31 mai devant le tribunal de Gap, leurs avocats seront accompagnés pour plaider leur cause du pénaliste Henri Leclerc, avocat entre autres de la Ligue des droits de l’homme.

    #France #Italie #migrants #Frontière_sud-alpine #frontières #Briançon #fascistes #police #violence_policière #antifas #résistance #Hautes-Alpes #asile #migrations #réfugiés #parcours_migratoires #montagne #aintnomountainhighenough

    Voir la compilation ici :
    https://seenthis.net/messages/688734

  • Lycée Arago : « On a voulu faire de nous un exemple » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2018/05/24/lycee-arago-on-a-voulu-faire-de-nous-un-exemple_1654001

    Parents, camarades et enseignants se sont rassemblés, jeudi, devant le tribunal pour accueillir les lycéens sortant de garde à vue, après 36 heures éprouvantes.

    « Libérez nos camarades ! » Devant le #tribunal de grande instance (#TGI) de Paris, c’est sous les applaudissements et en chantant que, jeudi après-midi, élèves, étudiants, parents, enseignants et syndicats ont accueilli les jeunes placés en garde à vue mardi, à l’issue de la manifestation à l’appel des syndicats de la fonction publique et rejointe par les étudiants mobilisés contre la loi ORE et des cheminots contre la réforme du rail. Un important comité d’accueil qui n’a pas hésité à narguer les forces de l’ordre en jouant sous leur nez à « 1,2,3 soleil ».

    Enlacée par plusieurs de ses amis, Anna, 20 ans, étudiante à Nanterre, a été l’une des premières à ressortir du tribunal : « On m’a convoquée à un procès en octobre. » Motif : « intrusion non autorisée dans un établissement scolaire commise en réunion dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement. » Epuisée, elle raconte : « A la fin de la manifestation [de mardi], on a entendu un appel à soutenir les lycéens en bloquant le lycée Arago de manière pacifique. On a sonné et le gardien nous a ouvert la porte. Très vite, on a été encerclés par les CRS. On a alors commencé à bloquer les escaliers et à monter dans les étages. Les CRS ont forcé une porte, et là ça a commencé à être la panique. On s’est barricadés dans une salle, ils ont déboulé dans la pièce et ont attrapé une personne par la gorge. »Les jeunes ont alors l’idée de s’asseoir et de dégainer leurs smartphones pour filmer la scène. L’initiative calme immédiatement les forces de l’ordre.

    Mise en examen.
    L’étudiante poursuit : « On a été encerclés comme du bétail dans la cour. Les CRS nous ont dit que si on les suivait, il n’y aurait pas de suite. Ils nous ont fouillés et palpés avant de nous faire monter dans des bus. » Débutent alors plusieurs heures difficiles : « On était parqués dans ce bus, sans pouvoir aller aux toilettes, boire ou manger. Certains n’en pouvaient plus et ont uriné à l’intérieur. » Jade (1), 16 ans, en seconde dans un lycéen parisien, a été mise en examen pour les mêmes motifs. Elle ajoute : « On y est restés près de cinq heures. On était plus de 60, tous les uns sur les autres. On avait à peine assez d’air pour respirer. Je ne savais même pas que j’étais en garde à vue, on nous avait dit qu’on nous laisserait sortir si on obéissait. A ce moment-là, je pouvais encore entrer en contact avec mes proches, ce qui me rassurait. Mais dès 3 heures du matin, je n’ai fait qu’être déplacée de cellule en cellule jusqu’à passer devant le tribunal. Je n’avais qu’une hâte, sortir. J’étais seule, sans rien pour m’occuper, à part dormir… C’est vraiment aberrant, ce qui s’est passé. On n’a fait que me répéter de ne plus faire de manifestations, ce n’est pas pour autant que je vais arrêter. » Son père, Thomas (1) : « On va saisir le Défenseur des droits et j’appelle personnellement à la démission de Jean-Michel Blanquer et de Gérard Collomb. Cette mise en examen, c’est une mesure politique. Le juge, gêné, nous a affirmé qu’elle était requise par le procureur. » Anna ne compte pas en rester là : « On a voulu faire de nous un exemple pour stopper la mobilisation des jeunes, mais je vais continuer à me mobiliser, même davantage. J’ai été choquée par le dispositif déployé, l’agressivité des forces de l’ordre et les conditions de détention. »

    Inquiétude.

    Devant le TGI, Sophie, mère d’un ado de 17 ans du lycée Voltaire, peine à contenir son émotion : « On a eu des nouvelles lorsqu’il était dans le lycée, puis dans le bus. On est allés rue de l’Evangile [XVIIIe arrondissement] où les cars étaient, en espérant qu’ils les laisseraient partir. Sans succès. On a appris à 5 heures du matin qu’il était déplacé dans un commissariat, sans nous dire le lieu. L’attente a été terriblement longue et angoissante. On n’a su qu’à 19 h 30 où il était et je n’ai pas pu lui parler depuis l’interpellation. Certains parents n’ont même pas été prévenus. On n’avait jamais vu ça en France. » La prof d’histoire-géo à Voltaire Marianne Cabaret-Rossi se mobilise : « Dans mon établissement, deux tiers des élèves sont en attente sur #Parcoursup. Le blocus est un moyen qu’ils ont trouvé pour montrer leur inquiétude. On veut les empêcher de s’exprimer, on pense que la répression va marcher, mais il y aura un retour de bâton. » A noter que selon ses confrères d’#Arago, contrairement à ce qui a été notifié par la proviseure dans un mail aux parents, aucun dégât important n’a été constaté. Seule une fenêtre aurait été brisée.
    L’étudiante poursuit : « On a été encerclés comme du bétail dans la cour. Les CRS nous ont dit que si on les suivait, il n’y aurait pas de suite. Ils nous ont fouillés et palpés avant de nous faire monter dans des bus. » Débutent alors plusieurs heures difficiles : « On était parqués dans ce bus, sans pouvoir aller aux toilettes, boire ou manger. Certains n’en pouvaient plus et ont uriné à l’intérieur. » Jade (1), 16 ans, en seconde dans un lycéen parisien, a été mise en examen pour les mêmes motifs. Elle ajoute : « On y est restés près de cinq heures. On était plus de 60, tous les uns sur les autres. On avait à peine assez d’air pour respirer. Je ne savais même pas que j’étais en garde à vue, on nous avait dit qu’on nous laisserait sortir si on obéissait. A ce moment-là, je pouvais encore entrer en contact avec mes proches, ce qui me rassurait. Mais dès 3 heures du matin, je n’ai fait qu’être déplacée de cellule en cellule jusqu’à passer devant le tribunal. Je n’avais qu’une hâte, sortir. J’étais seule, sans rien pour m’occuper, à part dormir… C’est vraiment aberrant, ce qui s’est passé. On n’a fait que me répéter de ne plus faire de manifestations, ce n’est pas pour autant que je vais arrêter. » Son père, Thomas (1) : « On va saisir le Défenseur des droits et j’appelle personnellement à la démission de Jean-Michel #Blanquer et de Gérard #Collomb. Cette mise en examen, c’est une mesure politique. Le juge, gêné, nous a affirmé qu’elle était requise par le procureur. » Anna ne compte pas en rester là : « On a voulu faire de nous un exemple pour stopper la mobilisation des jeunes, mais je vais continuer à me mobiliser, même davantage. J’ai été choquée par le dispositif déployé, l’agressivité des forces de l’ordre et les conditions de détention. »
    (1) Les noms ont été modifiés.
    Marlène Thomas

    Bien sûr que cette garde à vue collective est faire pour l’exemple et pour empêcher la moindre contestation de prendre de l’ampleur. Mais le "On n’avait jamais vu ça en France" de la part d’une parent d’élève est complètement à côté de la plaque. Si on estime que tous les quartiers populaires et autres cités peuplées de noirs et d’arabes ne font pas partie de la France, c’est peut-être vrai mais dans les cités c’est un traitement fréquent réservé aux jeunes parfois dès le collège et depuis longtemps. Alors c’est comme les violences policières, quand on s’aperçoit que ce qui était jusqu’à présent réservé au lumpen prolétariat arrive même aux enfants de cadre (lycée parisien quand même) ben on commence à faire la gueule.
    Et on s’aperçoit que c’est une loi de 2009 proposée par Estrosi (http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion1641.asp) qui voyait des hordes de barbares déferler partout (prenez le temps de juste lire les motifs, c’est très connoté) qui sert à justifier ces mises en examen.
    La morale c’est que toute loi destinée au départ à criminaliser une minorité aura vocation à être utilisée contre n’importe qui au moment où le pouvoir en a besoin (c’est comme le fichage ADN). Dans les cités on est déjà passé à autre chose avec les lois contre les terroristes, euh les islamistes, non les barbus, enfin je veux dire les musulmans, bref… les noirs et les arabes. Et ça craint carrément.

    https://www.politis.fr/articles/2018/05/reprimes-pour-lexemple-38864
    #garde_à_vue #répression #sélection

  • Que reproche-t-on a Parcoursup ?

    Les éléments contestés sont notamment :
    – Le fait que les formations choisissent dorénavant les étudiants et non plus les étudiant·e·s qui choisissent leur formation. C’est donc l’introduction officielle de la sélection à l’Université.
    – Le fait que les critères de sélection propres à chaque formation sont opaques et éventuellement problématiques éthiquement.
    – Le fait que les étudiant·e·s ne peuvent plus hiérarchiser leurs choix comme dans #APB, ce qui généralise l’incertitude y compris stratégiques même pour les élèves ayant eu des réponses positives mais pas à la formation qui a leur préférence.
    – Le manque de moyens des formations pour réellement étudier les différents éléments du dossier, notamment les informations qualitatives (lettre de motivation, fiche avenir).
    – Le fait que les éléments du dossier dépendent du lycée, voire des enseignant·e·s, du type de notation. L’évaluation sur laquelle est basée la sélection est donc en partie arbitraire et le baccalauréat, évaluation nationale, intervient après le classement algorithmique des candidat·e·s.
    – Les dysfonctionnements induits comme la tentation pour certaines formations moins prisées de pratiquer l’overbooking.
    – Le fait que le réel problème, “l’insuffisance de places et de moyens”, disparait des analyses médiatiques et du traitement politique alors même que le boom démographique des générations 2000 était (pré)visible depuis au moins leur arrivée en petite section de maternelle, il y a 15 ans…

    Comment les élèves ont été classés dans Parcoursup (Faïza Zerouala, Médiapart)
    https://www.mediapart.fr/journal/france/220518/comment-les-eleves-ont-ete-classes-dans-parcoursup

    Si le ministère a rendu public l’algorithme de classement, les critères utilisés en amont dans les universités pour ordonner les dossiers restent opaques.

    Parcoursup, une certaine vision de la société (Louise Tourret, Slate.fr)
    http://www.slate.fr/story/162111/parcoursup-certaine-vision-societe

    L’ancien algorithme attribuait les places en fonction du classement des élèves et des places disponibles. Tout le monde n’était pas content, des élèves étaient en attente au moment de passer le bac ; il y a eu des tirages au sort pour certaines filières. Les mécontents et mécontentes étaient minoritaires, mais ce choix de sélection, avec le hasard comme juge de paix, a largement scandalisé.
    Le nouveau système met tous les acteurs dans une logique totalement différente.
    […]
    Du côté des universités, Parcoursup instaure, en creux, une sorte de sélection en obligeant les facs à regarder qui s’inscrit dans leurs cursus. Sans beaucoup de moyen et sans beaucoup de transparence parfois, celles-ci ont mis en place leur propre système de classement.
    […]
    Parcoursup n’est finalement qu’un avater de la numérisation de notre société. Tout était censé être plus simple mais tout est plus compliqué pour les individus, vous, moi, nos enfants. Il faut se conformer à un mode d’organisation numérique et s’y adapter en étant non pas plus réflexif mais plus connecté, et surtout, plus patient. Parcoursup est pleinement un outil contemporain : c’est nous qui nous adaptons à la « machine » au système, et devons en fluidifier le fonctionnement.
    […]
    En organisant ainsi l’orientation et donc la vie des élèves, l’institution prend une énorme responsabilité. Et en montant au front pour défendre leur plateforme, les ministres Vidal et Blanquer ont surtout défendu une vision du monde, une manière d’organiser la vie et l’avenir.

    #éducation #post-bac #Parcoursup #orientation #éducation_supérieure #algorithme #sélection

    • En guise de complément, il y a d’autres éléments problématiques :

      – Le moins évident, mais le plus criant, et qui commence à se faire sentir dans les lycées et aussi dans les écoles, c’est la gestion « à l’élève près » : on ferme des classes ou des sections une année parce qu’il manque des élèves, on ne permet plus les dédoublements. Lorsque les effectifs augmentent, bizarrement, les « structures » qui, il y a quelques années encore, évoluaient aussi dans ce sens-là, sont bloquées, et on dit aux établissements : « débrouillez-vous avec les moyens qu’on vous a donnés ».

      Au lycée, il y a deux types de filières : les filières « contingentées » (on dit « sélectives » dans parcoursup, mais c’est la même chose : cela concerne des filières très demandées ou où la partie technique/pratique nécessite de limiter le nombre d’élèves sur des TP), et les filières non contingentées, où un établissement est supposé accueillir tout le monde. Jusqu’à présent, si un établissement avait soudain une forte demande dans une filière non contingentée, on ouvrait une classe (mon établissement a ainsi régulièrement oscillé entre une et deux 1ères scientifiques). Le cas s’est produit plus récemment pour la filière littéraire, et on nous a mis face au dilemme suivant : accepter d’avoir 40 élèves dans une classe, ou refuser des élèves motivé.e.s par des options proposées exclusivement dans notre lycée (mais pas contingentées).
      C’est visiblement la même logique qui domine désormais à l’université, où un effectif maximal est prévu partout, alors qu’avant, on créait des groupes de TD en plus (avec les moyens qui allaient avec).

      – Dans les deux cas, on nous sort l’argument de « la fluidité des parcours », on nous explique que l’élève doit choisir un projet en adéquation avec ses capacités, au risque d’échouer. Quand je vois comme il est parfois difficile, en 2nde, de savoir ce que va donner la scolarité d’un(e) élève en première, et à quel point la motivation et le plaisir qu’il/elle aura à venir au lycée le matin sont déterminants, je m’interroge sur les critères des résultats scolaires, majoritairement retenus dans parcoursup, pour classer les candidat.e.s, faute de moyens humains pour lire et étudier les éléments qualitatifs (lettre de motivation, fiche avenir...) comme tu le disais.

      La « fluidité des parcours », c’est un joli mot qui recouvre en réalité une violence inouïe qui est qu’on case les élèves/étudiant.e.s plus hésitant.e.s ou qui ont eu le malheur de vouloir se réorienter non pas où ils/elles veulent aller, mais là où il reste de la place. C’est l’élève qui doit être fluide... Ce sera aussi le cas avec Parcoursup et la fameuse commission supposée en bout de course proposer aux candidat.e.s qui n’ont eu que des « non » des places là où il en restera.

      – cela nous amène au troisième point de friction de parcoursup, que tu évoques ci-dessus : APB avait beaucoup de défauts, et le tirage au sort n’était pas une solution acceptable pour les filières en tension. Mais l’algorithme qui soutenait le tout reposait sur le principe de l’amélioration maximale du vœu obtenu par rapport au classement établi par les candidat.e.s. Parcoursup ne fonctionne plus ainsi et ça va conduire à énormément d’orientations par défaut : https://zestedesavoir.com/billets/2527/reflexions-sur-parcoursup
      Certes, on se félicite au ministère que 458 376 candidat.e.s aient reçu au moins un « oui » parmi leurs vœux. Dans la plupart des cas, il s’agit de vœux par défaut. On peut s’en convaincre en voyant que 3 jours après le début de la moulinette seuls 82 377 élèves ont accepté une proposition. Dans le même temps, on a 30 000 jeunes sur le carreau (entre les « non » partout et celles et ceux qui ont déjà démissionné de la passerelle : futur.e.s services civiques, ou cadeau pour toutes les formations privées hors de prix).

      – L’autre aberration, qui existait déjà avec APB, est que les candidats sont classé.es par « groupes » dans l’application. Pour avoir été aussi en commission de classement, cela signifie qu’on choisit les critères de sélection selon les groupes (par exemple, la filière d’origine). Si on a 24 places à attribuer pour une classe de BTS, on va par exemple classer les candidats en trois groupes (terminale générale et technologique, terminale bac pro, « autres ») et déterminer combien d’élèves on prendra dans chaque catégorie. Dans « autres », on va à la fois avoir des profils « fantaisistes », mais également des profils d’élèves très motivé.es, qui ont parfois fait une année d’étude dans le supérieur, ou qui se réorientent de façon pertinente. Sauf qu’on ne sait lesquel.les veulent véritablement venir dans la formation. Alors on limite le nombre de candidat.es qu’on accepte et qui viennent du groupe « autres ». Il n’y a qu’à lire les témoignages sur le Hashtag #parcoursup de twitter pour comprendre comment on interdit à cette génération le droit à l’erreur.

      – ça panique sévèrement dans les lycées. Les jeunes sont plongé.es dans une angoisse pas possible juste avant le bac, sont souvent déçu.es, découragé.es. Ils et elles ont bien compris qu’on n’avait pas lu leurs belles lettres qu’il avait fallu pourtant écrire, en pesant chaque mot à cause de la limite de 1500 caractères. Beaucoup commencent à parler de redoubler pour pouvoir avoir mieux. Sauf que, cf premier élément évoqué ci-dessus, on ne pourra pas reprendre tout le monde.

      – Enfin la dimension perverse du système est de dire en temps réel, jour après jour, à celles et ceux qui sont sur liste d’attente, combien de candidat.e.s il reste devant eux. Présenté comme un dispositif transparent et humain, cela induit le sentiment d’être mis en concurrence les un.e.s avec les autres, et augmente pour les candidat.e.s loin dans les listes d’attente le sentiment d’être nul.le. Encore une fois, les réactions sur Twitter sont éloquentes, avec les références grinçantes à Hunger Games, les propositions de désistement moyennant finance (sur le ton de l’humour, mais tout de même...). Finalement, c’est une guerre des nerfs qui est en train de se jouer, pour savoir qui renoncera en premier à ses vœux.

    • L’analyse d’une sociologue https://www.lesinrocks.com/2018/05/24/actualite/parcoursup-nest-pas-seulement-dans-la-selection-mais-dans-lexclusion-111

      Ce système a-t-il des effets – dissuasifs ou incitatifs – sur les vœux formulés par les lycéens, sur les filières qu’ils choisissent ?

      Oui, c’est quelque chose qui a été anticipé par de nombreux sociologues qui travaillent sur les trajectoires scolaires et la construction des choix d’orientation, notamment à l’entrée dans l’enseignement supérieur. On sait déjà qu’il y a beaucoup de mécanismes d’auto-élimination et d’autocensure, notamment chez les filles et les élèves issus de milieux populaires. Même si nous ne disposons pas encore des données, on peut faire l’hypothèse que le système Parcoursup a tendance à accroître ces phénomènes. Quand vous devez justifier vos choix par des lettres de motivation – même si elles ne sont pas lues –, vous devez vous sentir légitimes. Le système APB permettait à des élèves un peu plus faibles en termes scolaires de tenter des filières, et il y avait plus de choix possibles : là il n’y en a plus que dix. Les sociologues Milan Bouchet-Vala et Marie-Paule Couto ont ainsi observé qu’avec Parcoursup, il y a moins de vœux formulés dans les licences publiques d’université, et plus de vœux dans les filières sélectives, type BTS, notamment dans des académies comme Créteil, où les élèves sont plus défavorisés. Cela semble dire que ces élèves ne se sentent pas légitimes à aller à l’université, et qu’ils ne formulent même pas de vœux dans ces filières.

    • Pendant ce temps-là, au rectorat de Créteil, on recrute du #contractuel pour les commissions académiques supposées aider les candidats recalés par Parcoursup. Les CO-PSY, en train de disparaître, apprécieront. Puisqu’on vous dit que tout avait été prévu ! D’après le tableau de bord de ce matin, on a en tout environ 60 000 candidats sur le carreau (en comptant seulement les démissionnaires et les refusés partout), dont 24 076 refusés. 6 284 candidats ont déjà saisi les fameuses commissions académiques. https://biep-recrute.talent-soft.com/offre-de-emploi/imprimer-fiche-emploi-gestionnaire-des-commissions-academi

  • Parcoursup : « Sept refus et trois "en attente", j’ai encore rien dit à mes parents » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2018/05/23/parcoursup-sept-refus-et-trois-en-attente-j-ai-encore-rien-dit-a-mes-pare

    Élèves, profs, enseignants-chercheurs… Tous sont en première ligne face à la réforme de l’accès à l’enseignement supérieur, qui se met en place à toute vitesse. « Libération » leur donne la parole pour qu’ils racontent les bouleversements en cours. Aujourd’hui, Salem, 17 ans.

    Aujourd’hui, Salem, 17 ans, en terminale ES au lycée Jean Dautet, à La Rochelle

    « Sur dix vœux, j’ai sept refus et on m’a mis sur liste d’attente pour les trois autres vœux dans des universités. J’avais demandé des DUT d’informatique et de techniques de commercialisation. Et l’université, en droit et en informatique. Être sur liste d’attente pour des facs, c’est quand même affolant.

    Je ne suis pas un élève très mauvais, ni très bon, je suis un élève moyen qui donne de lui-même, ma moyenne générale tourne autour de 10-12. J’ai de bonnes notes en maths et mes appréciations sont bonnes. J’ai juste raté un trimestre sur deux ans.

    Je n’appréhendais pas vraiment l’arrivée des réponses, d’ailleurs je ne me suis pas précipité à 18 heures pour voir ce qu’il en était, puisque je m’étais dit que j’allais être accepté au moins dans une université sans difficulté. J’espérais même avoir une chance d’être sur liste d’attente pour les DUT, même si je ne suis pas prioritaire pour ces formations. Là, c’est un « non » catégorique. J’aurais aimé avoir un entretien au moins pour montrer ma motivation et qu’ils se basent sur autre chose que des notes et des appréciations.

    Je n’ai pas encore annoncé la nouvelle à mes parents. Ils vont percevoir ça comme un échec scolaire et j’ai peur qu’ils soient déçus. On se projette dans le futur et quand on n’a rien, le retour à la réalité est plutôt désagréable. Je garde l’espoir de remonter dans la liste d’attente et d’être accepté dans une des universités. Beaucoup ont demandé des facs en roue de secours, donc des places vont se libérer, mais ça m’énerve de savoir que même si je suis accepté, c’est par défaut.

    J’ai vu qu’on pouvait voir sa place sur les listes d’attente. Pour la fac de droit, je suis 598e sur 1040 (pour 300 places), pour celle d’informatique 355e sur 532 (pour 140 places disponibles) et la troisième en informatique à Pau 236e sur 251 (pour 30 places disponibles). Cela donne une idée, mais finalement ça m’inquiète encore plus. Le système est d’autant plus pervers que les réponses arrivent avant le bac. J’ai déjà un ami qui m’a dit que ça le décourageait. Ceux qui ont été acceptés, ça les motive bien sûr à décrocher le diplôme, mais quand on essuie des refus, qu’on est en attente, c’est plutôt l’inverse.

    Ça perturbe également nos révisions. Je trouve ça complètement ridicule de regarder sans cesse sur Parcoursup pour voir si on a gagné des places ou non. Certains ont envie de réviser, de se débarrasser de ça et d’avoir l’esprit tranquille. En plus, c’est contraignant, si on est accepté, mais qu’on n’a pas validé notre choix [dans les 7 jours, ndlr], on peut se retrouver sans rien. Du coup, on va être obligé de regarder tous les jours.

    Le plus angoissant est de se dire : "Si je n’ai rien à la fin de la semaine, qu’est-ce que je fais l’an prochain ?" Je sais qu’on peut avoir des réponses jusqu’en septembre, mais c’est angoissant. J’aimerais passer un été tranquille. »
    Marlène Thomas

    Tout ça veut donc dire, contrairement aux annonces officielles (mais on a l’habitude de leurs mensonges érigés en technique de communication), qu’un postulant peut tout à fait se retrouver sans aucune solution et n’être accepté nulle part même quand il met des vœux pour des formations à l’université.
    #parcoursup #enseignement_supérieur #sélection #discrimination #éducation

    • « Être sur liste d’attente pour des facs, c’est quand même affolant »...
      étant enseignant-chercheur a l’université, j’évite de lire ce que les lycéens disent de l’université (ou « la fac »), sinon j’ai vraiment l’impression de travailler dans la benne a ordures de l’enseignement supérieur...

    • « Benne à ordures » c’est fort mais de fait, comme tout le système post bac a été organisé jusqu’à présent pour qu’il n’y ait pas de sélection à l’université et qu’en plus le budget par étudiant est très bas comparé à ceux de toutes les autres filières, ben forcément ça n’incite pas à la valorisation de l’enseignement dans la tête des étudiants. Mais ce n’est pas en faisant une sélection inique que ça rendra l’université plus attractive. En plus, à partir du 2ème cycle, là ça s’inverse comme si un système qui ne sélectionne pas n’était pas valorisant, idée que je trouve profondément réactionnaire.

  • #Iran : l’#UE a lancé la procédure pour bloquer les #sanctions américaines - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2018/05/18/iran-l-ue-a-lance-la-procedure-pour-bloquer-les-sanctions-americaines_165

    « La levée des sanctions liées au #nucléaire est une part essentielle du JCPOA. L’Union européenne s’engage pour mitiger l’impact des sanctions américaines sur les entreprises européennes et prend des mesures pour maintenir la croissance du commerce et des relations économiques entre l’UE et l’Iran qui ont débuté quand les sanctions ont été levées », souligne la Commission.

    Cette loi dite « de blocage » permet aux entreprises et tribunaux européens de ne pas se soumettre à des réglementations sur des sanctions prises par des pays tiers et stipule qu’aucun jugement décidé par des tribunaux étrangers sur la base de ces réglementations ne saurait s’appliquer dans l’UE.

    L’exécutif européen a également lancé la procédure pour permettre à la Banque européenne d’investissement (BEI) de soutenir les investissements européens en Iran, en particulier pour les petites et moyennes entreprises.

    Le Parlement européen et le Conseil (les Etats membres) ont deux mois pour s’opposer à ces mesures.

    « La procédure peut être interrompue si les circonstances politiques ne justifient plus l’adoption des mesures », précise l’exécutif européen.

  • Annie Métais, voyage au bout de son « enfer » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2018/05/16/annie-metais-voyage-au-bout-de-son-enfer_1650592

    Mardi, la cour d’assises des Bouches-du-Rhône va juger cette psychologue et ancienne cadre de la Banque de France pour le meurtre de son ex-mari en 2010. Soutenue par ses enfants, elle raconte une vie de terreur au côté d’un homme aux accès de violences destructeurs.

    Le carrelage de la cuisine est posé. Il reste les joints à faire, les peintures, le jardin à déblayer… Et tout l’étage à finir. Les ouvriers ont pris du retard, alors, jour et nuit, depuis des semaines, Annie Métais met la main au chantier. Tout doit être terminé avant le 22 mai. Ce jour-là, la psychologue de 61 ans est attendue devant les assises des Bouches-du-Rhône. Elle doit y être jugée pour le meurtre de Jacques Métais, son ex-mari et père de ses trois enfants.

    Les faits remontent au 25 septembre 2010. Ce soir-là, sur son catamaran amarré à Bandol, près de Toulon, Jacques Métais meurt étouffé des mains de son ex-femme. Un instant auparavant,il avait les siennes autour de son cou, tentant de l’étrangler après une violente dispute qui a viré au corps à corps. Des tentatives de strangulation, il y en a eu d’autres durant leurs quinze ans de vie commune. Comme souvent dans ses phases maniaques aiguës, Jacques Métais avait beaucoup bu, déliré, insulté son épouse, avant de l’attaquer physiquement. Ce soir-là, dit Annie Métais, c’était lui ou elle. Ce sera Jacques. Pour Annie, désormais, c’est à la justice de décider.

    Cocktail Molotov

    L’ordonnance de mise en accusation ne la ménage pas. Le juge d’instruction valide le récit de la dispute qui tourne mal, mais détaille ensuite comment Annie Métais a enveloppé le corps de son ex-mari avant de le jeter en mer, lesté d’une ancre, puis ses mensonges aux enquêteurs après la découverte du cadavre, dans la rade de Marseille. « Manipulatrice », « sang-froid glaçant », « intelligence supérieure et narcissisme… » Si l’ordonnance confirme les violences de son ex-époux, Annie Métais n’a pas le profil de la « victime idéale ». Sa beauté sévère, son regard bleu perçant, sa maîtrise des mots : les apparences jouent contre elle. « Je sais », renvoie-t-elle tristement. Elle n’aura que deux jours et demi de procès pour raconter aux jurés ce que ne dit pas ce meurtre. La maladie qui saborde le quotidien, la violence, la peur pour les enfants, le renoncement, puis la séparation et une vie, enfin tranquille, qui s’effondre brutalement un soir, parce qu’il fallait sauver sa peau, affirme Annie Métais. « J’aimerais que les jurés puissent comprendre que ce qui m’est arrivé aurait pu arriver à n’importe qui, espère-t-elle. Que personne ne peut prédire ce qu’il aurait fait ou pas fait, soumis à la même histoire que moi. »

    L’histoire d’Annie et de Jacques Métais débute en 1988, dans les couloirs de la Banque de France à Paris. La jeune cadre, déjà mère d’un petit Jonathan, tombe sous le charme de ce veuf brillant qui élève seul ses trois filles depuis le suicide de sa femme, un an plus tôt. Un premier enfant, Samuel, naît de leur amour. Ce n’est que quatre ans après, enceinte de Jonas, qu’elle épouse Jacques et s’installe avec lui. La première alerte, raconte-t-elle, survient très vite. Au rez-de-chaussée de leur immeuble, un bar fait résonner sa musique sous les fenêtres de Jonas, âgé de 3 mois. Jacques, survolté, décide de jeter un cocktail Molotov sur l’établissement. Découvrant le bidon d’essence, sa femme le cache. Ivre de rage, il lui ordonne de le rendre. « J’ai dit non, dit Annie Métais. Et là, il m’a étranglée. Il a serré très fort jusqu’à ce que je cède. » Il finit par jeter son cocktail.« J’ai pensé que c’était un accident… mais je me suis tout de même mise en mode "chien de garde", pour les enfants. »

    Dès lors, la famille vit au rythme de la maladie du père, diagnostiqué maniaco-dépressif. Tantôt sombrant dans une dépression profonde, cloîtré, mutique, tantôt dans une surexcitation aiguë, buvant à outrance, claquant l’argent du ménage et jouant avec sa vie. Annie : « Il pouvait rouler ivre à contresens, provoquer plus fort que lui… Dans ces phases maniaques, on est Dieu… On a des idées délirantes et on s’attaque à quiconque viendrait s’y opposer. Et c’était moi. » Car elle lui tient tête. D’abord pour les enfants, « pour ne pas banaliser cet exemple paternel ». Et parce que les réactions de son mari sont imprévisibles. « Ce n’était pas une violence permanente, insiste-t-elle. Pour un même acte, il pouvait partir dans un éclat de rire ou dans une rage folle. Parfois, ça passait. Parfois non. »

    Entre-deux-crises

    Quand la rage l’emporte, la famille est en première ligne. Annie Métais évoque des flots d’insultes, des menaces de mort dans le meilleur des cas, des attaques à la tronçonneuse ou à la hache quand la situation dégénère. « J’ai eu peur une bonne partie de mon enfance, confirme Jonathan, 32 ans aujourd’hui. Pour ma mère surtout, qui subissait les violences les plus graves. Pour nous aussi. Gamins, on a eu des certificats médicaux qui ne sont pas jolis à voir… » Souvent, il faut fuir par la fenêtre, se réfugier la nuit à l’hôtel. La police est régulièrement alertée. Jacques Métais fait même de la prison, des séjours en psychiatrie. « Il y a eu des réponses, concède Jonathan, mais pas assez fermes. Et puis ma mère retirait souvent ses plaintes… Quand on n’a pas vécu ça, on ne peut pas comprendre. Elle pensait qu’elle allait le sauver. » Pendant des années, Annie Métais se raccroche à ces entre-deux-crises, quand son mari révèle « son vrai lui ». Dans l’espoir né de ces parenthèses, elle décide de quitter la Banque de France pour installer la famille à Meyreuil, dans la campagne aixoise. Mais le Sud n’apaise rien. La bipolarité de Jacques Métais, qu’il refuse de soigner, le coupe de toute relation sociale. Ses trois filles aussi, plus tard, rompront tout contact. Son épouse finit par capituler : en 2006, le couple se sépare et Jacques part s’installer aux Baléares.

    Mensonge

    A Meyreuil, c’est le soulagement. Annie Métais reprend des études en psychologie. Avec Jacques, les relations s’apaisent. Il semble se stabiliser, s’investit dans l’éducation des enfants, accueille même Jonas pour un trimestre à Minorque. Elle y croit tant qu’en 2010, alors qu’elle doit s’éloigner quelques mois pour valider son stage de master, elle demande à son ex-mari de venir prendre le relais auprès de leur fils Jonas, qui entre en seconde. Mais quand il débarque en septembre, elle comprend que« l’enfer est de retour ». « C’était le délire comme on l’avait connu, raconte-t-elle. D’autant plus insupportable que ça me replongeait des années en arrière… » Le week-end approche et les deux grands, étudiants à Marseille, vont rentrer. Pour éviter les confrontations, Annie propose à Jacques de partir avec elle sur son catamaran. « Je voulais préserver les enfants du risque d’une explosion à la maison,explique-t-elle. Et l’explosion a eu lieu sur le bateau, avec moi. »

    Annie Métais a du mal à se remémorer en détail cette soirée. Elle se souvient surtout du silence, après la mort : « Jacques n’avait plus qu’un poumon depuis son cancer, il souffrait d’insuffisance respiratoire. On pouvait l’entendre respirer dans la pièce à côté. Là, plus rien… » Épouvantée, elle s’enfuit. Puis revient, ne sait plus quoi faire, rentre chez elle, tente de réfléchir. Surtout, ne rien dire aux enfants. « C’était déjà impossible pour moi d’assumer, alors pour eux… Et puis j’étais révoltée contre le sort : on avait réussi à s’en sortir, et là, cette catastrophe allait démolir leur vie. » Elle décide de dissimuler le corps. Une semaine plus tard, quand la police se présente à son domicile, elle raconte n’avoir plus vu son ex-mari depuis qu’elle l’a déposé à l’aéroport, quelques jours auparavant. « Ma hantise, c’était que Jonas, mineur, soit placé, explique-t-elle. J e voulais tenir jusqu’à son bac. »

    Ce mensonge, elle s’y accroche huit mois durant, devant ses enfants et face aux enquêteurs. Mais les preuves s’accumulent : en mai 2011, elle est placée en garde à vue et finit par avouer. A peine arrivée aux Baumettes, elle écrit à ses fils pour leur demander pardon. Leur soutien, immédiat, sera sans faille. Au bout de dix-huit mois de préventive, elle obtient sa libération sous contrôle judiciaire. Depuis sa sortie en 2012, la sexagénaire, qui a passé son diplôme en prison, s’est installée comme psychologue. Quand la date du procès tombe, en octobre dernier, la famille se met en ordre de bataille. Jonathan a quitté son travail à Briançon avec femme et enfants pour s’installer à Meyreuil. Si sa mère est condamnée lourdement, elle ne pourra pas être incarcérée aux Baumettes - pour les femmes, seules les courtes peines y sont effectuées. Ce sera Paris ou Lyon. Il faudra veiller sur Jonas, qui vit toujours à Meyreuil. Cette semaine, la psy a arrêté ses consultations. Les travaux dans la maison devaient assurer une rentrée locative palliant la perte de ses revenus. Si le chantier se termine enfin, il lui restera encore quelques jours pour préparer son procès.

    Partie civile

    Annie Métais encourt la perpétuité, le #meurtre sur conjoint étant une circonstance aggravante. Jonathan, pour qui l’affaire Jacqueline Sauvage (1) a fait bouger les lignes, espère une peine courte, symbolique. « Je peux entendre que la justice doit répondre à un acte répréhensible, mais là, c’est la double peine. Ma mère s’est fait tabasser pendant quinze ans et quand elle se défend, elle part en prison ? » dénonce le jeune homme, qui s’est porté partie civile avec ses frères. Le sens de la peine, c’est aussi ce que questionne Me Olivier Lantelme, l’avocat d’Annie Métais : « Elle ne représente aucun danger pour la société. Elle est madame Tout-le-Monde, personne n’est à l’abri d’un passage à l’acte. Il faut les laisser libres, elle et ses trois garçons. Pas besoin de rajouter des barreaux au malheur. »Annie Métais, elle, a déjà choisi sa peine : « Toute ma vie, je me sentirai coupable au fond de moi, quoi que décide la justice. Je lui ai ôté la vie, même si je ne l’ai pas voulu, même si je n’ai fait que réagir par instinct de survie. J’aurai toujours le regret et la douleur que Jacques ne soit plus là… »
    Photo Olivier MONGE. myop
    Stéphanie Harounyan Correspondante à Marseille

    Il y a quand même un sacré problème d’éducation chez nous les femmes pour qu’on essaie sempiternellement de sauver, aider, soutenir nos conjoints même quand c’est à nos dépens. Cette illusion qu’il va changer, que je peux le "sauver" de sa maladie, de sa violence, de son alcoolisme etc. Il est urgent d’éduquer les filles pour qu’elles soient un peu plus égoïstes ou du moins qu’elles aient un instinct de préservation/conservation minimal envers leur propre personne. Qu’elles s’aiment avant toute chose et après elles pourront aimer qui elles veulent.
    #violences_conjugales #légitime_défense #patriarcat #procès #cour_d_assise

  • Logement : LREM bien à droite sur les HLM - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2018/05/17/logement-lrem-bien-a-droite-sur-les-hlm_1650846

    Alors que l’exécutif avait promis de ne pas toucher à la loi SRU, qui impose aux communes un quota de HLM, un article de la loi Elan prévoit qu’un habitat social soit comptabilisé comme tel jusqu’à dix ans après sa vente, au lieu de cinq actuellement. Il a aussi pour effet de provoquer une pluie d’amendements menaçant la mixité sociale.

    Le gouvernement n’entend pas toucher à la loi SRU : c’est ce qu’a toujours assuré à ses interlocuteurs Jacques Mézard depuis sa nomination comme ministre de la Cohésion des territoires. Adopté en décembre 2000 sous le gouvernement Jospin, ce texte impose aux communes d’avoir sur leur territoire un quota de 25 % de HLM. Sont concernées toutes les villes de plus de 3 500 habitants (1 500 en Ile-de-France) appartenant à des agglomérations de plus de 50 000 habitants. Celles qui sont en dessous du seuil de 25 % sont tenues de rattraper progressivement leur retard en matière de HLM. L’objectif est de desserrer la contrainte qui pèse sur les villes populaires, en amenant chaque collectivité à contribuer à l’accueil des ménages pauvres et modestes par le biais du logement social.

    Au fil des années, cette loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) est devenue un texte de référence dans notre corpus législatif. Elle est aussi connue que la loi de 1905 sur la laïcité. Ses défenseurs saluent sa dimension républicaine. « Les familles les moins aisées ne doivent être exclues d’aucune ville, y compris celles où les prix de l’immobilier et des loyers du privé leur sont inaccessibles », pointe Thierry Repentin, un ancien ministre de François Hollande, qui préside une commission chargée du suivi de l’application de la SRU. La droite, au pouvoir entre 2002 et 2012, a tenté à plusieurs reprises de revenir sur cet acquis législatif pro-mixité sociale avant de renoncer, face à la levée de boucliers.

    Avec son projet de loi pour l’Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan), actuellement examiné par la commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale, le gouvernement Philippe a finalement - lui aussi - décidé de remanier la loi SRU, en modifiant les modalités de comptage des HLM.

    « Boîte de Pandore »
    Explication : dans le cadre de la loi Elan, le gouvernement veut donner un coup d’accélérateur à la vente de logements sociaux avec l’objectif de réaliser la cession de 45 000 habitations par an contre 8 000 actuellement. Cette marchandisation du logement social suscite de vives controverses. Et pour favoriser le mouvement, l’article 46 du projet de loi #Elan prévoit que ces logements vendus continueront à être comptabilisés pendant un délai de dix ans comme des HLM au titre de la loi #SRU (au lieu de cinq ans aujourd’hui). Une ville qui vendrait des logements sociaux en quantité continuerait ainsi à afficher un nombre de HLM en trompe-l’œil. Pendant une décennie, la diminution du parc HLM du fait des ventes serait masquée.

    Cet article 46 a aussi pour effet d’ouvrir un boulevard aux parlementaires qui souhaitent aller encore plus loin et vider de sa substance - à coup d’amendements - la loi SRU dont les maires de communes résidentielles ne veulent pas. « Avec cet article, ils disposent d’un support pour amender à volonté, souligne Daniel Golberg, un ancien député PS de Seine-Saint-Denis, spécialiste des questions du logement. Le gouvernement a ouvert la boîte de Pandore. » Effectivement, pas moins de 106 amendements sur ce sujet doivent être examinés par la commission des affaires économiques. Beaucoup émanent du groupe LR, mais les députés de la majorité Modem et LREM ne sont pas en reste. Les élus ont fait preuve d’une grande imagination sur le sujet. Ainsi, des députés Les Républicains ont déposé un amendement consistant à compter pour l’éternité les HLM vendus dans le quota des logements sociaux d’une ville ! D’autres proposent de les compter pendant vingt-cinq ans. Les élus ont fait feu de tout bois. Certains amendements LR et Modem veulent revoir le champ d’application géographique de la loi SRU : l’obligation d’arriver à un taux de 25 % de HLM ne serait plus opposable aux communes, mais à la communauté d’agglomération, ou même aux « bassins de vie ». Une grosse ficelle consistant à additionner les HLM des villes, qui en ont beaucoup, avec ceux des communes voisines qui en ont très peu et à établir une moyenne à l’échelle intercommunale… ce qui ferait qu’au global tout le monde serait à peu près en règle. Comme dans les Hauts-de-Seine, avec les villes Gennevilliers (66 % de HLM) ou Nanterre (56 %) et celles de Neuilly-sur-Seine (6,3 %) ou Vaucresson (7,7 %). Un autre amendement émanant du Modem vise à soustraire du champ d’application de la loi SRU de très nombreuses communes en relevant par exemple le seuil de la population qui déclenche l’obligation pour une ville d’atteindre un parc de 25 % de HLM. Ce seuil serait ainsi porté à 3 500 habitants en Ile-de-France au lieu de 1 500 aujourd’hui, alors que la région manque cruellement de logements aux loyers accessibles.

    Échappatoire
    Plusieurs députés LREM proposent pour leur part que « les communes qui entrent dans le champ d’application de la loi littoral » puissent être exemptées dans certaines conditions de la loi SRU, pour tenir compte de leurs « contraintes d’urbanisme ». Une échappatoire est ainsi offerte à de nombreuses communes résidentielles du littoral méditerranéen, basque ou breton, pas très volontaires pour construire des logements sociaux. Un autre amendement (toujours LREM) prévoit des arrangements pour les villes exposées à des risques naturels. Le Modem veut la même chose pour celles qui ont des sites classés. Les Républicains veulent réduire la voilure, et ramener de 25 % à 20 % le quota de #HLM à réaliser par les communes. Mis bout à bout, tous ces amendements réduiraient à néant la portée de la loi SRU qui a permis de construire plus de 500 000 logements depuis son adoption.

    « Il n’est pas question de toucher à ce texte très bénéfique pour la mixité sociale », a assuré à Libération le député LREM Richard Lioger, corapporteur du projet de loi Elan à l’Assemblée. Il y a « pléthore d’amendements qui vont dans tous les sens, admet-il, mais il n’y aura pas de remise en cause de la SRU ». Il laisse entendre que le gouvernement et la majorité parlementaire tiendront bon pour rejeter les amendements déposés, y compris ceux des députés #LREM ou Modem. Mais dans les milieux du logement, des sources estiment que le gouvernement pourrait leur faire « quelques concessions ». On l’a vu, son texte prévoit ainsi de continuer à compter comme HLM pendant dix ans des logements sociaux vendus. Un vrai mauvais coup.
    Tonino Serafini

    #logement #oligarchie #assemblée_nationale

    • Course-poursuite sur l’E42 : la fillette kurde a été tuée par une balle perdue
      https://www.rtbf.be/info/regions/hainaut/detail_course-poursuite-sur-l-e42-la-fillette-kurde-a-ete-tuee-par-une-balle-pe

      Contrairement à ce qu’affirmait le parquet ce jeudi, c’est bien une balle, probablement tirée par un policier, qui a causé la mort d’une fillette kurde de 2 ans, ce jeudi matin, lors d’une course-poursuite qui s’est achevée à Maisières, près de Mons.
      . . . . . .
      Sauf que l’autopsie du corps de l’enfant est venue contredire tout cela. Le médecin légiste a bien relevé une blessure par balle, au niveau de la joue. Une balle qui vient plus que probablement d’un tir de la police de la route, pour tenter d’empêcher la fuite des migrants. Après avoir dû revenir complètement sur sa première communication, la justice montoise se veut cependant prudente, et la juge d’instruction veut attendre les rapports balistiques complets avant de se prononcer.

      #vomir

  • Une petite fille de deux ans est décédée jeudi en #Belgique, alors qu’elle se trouvait dans une camionnette transportant des migrants, prise en chasse par la police belge. L’annonce de son décès a provoqué des remous en France, à #Grande-Synthe, où une partie de sa famille est actuellement hébergée dans un gymnase.
    https://www.ouest-france.fr/europe/belgique/belgique-une-fillette-kurde-decede-lors-d-une-course-poursuite-avec-la-
    http://www.obspol.be/index.php
    https://seenthis.net/messages/570161
    #violences_policières

    • Course-poursuite sur l’E42 : la fillette kurde a été tuée par une balle perdue
      https://www.rtbf.be/info/regions/hainaut/detail_course-poursuite-sur-l-e42-la-fillette-kurde-a-ete-tuee-par-une-balle-pe

      Contrairement à ce qu’affirmait le parquet ce jeudi, c’est bien une balle, probablement tirée par un policier, qui a causé la mort d’une fillette kurde de 2 ans, ce jeudi matin, lors d’une course-poursuite qui s’est achevée à Maisières, près de Mons.
      . . . . . .
      Sauf que l’autopsie du corps de l’enfant est venue contredire tout cela. Le médecin légiste a bien relevé une blessure par balle, au niveau de la joue. Une balle qui vient plus que probablement d’un tir de la police de la route, pour tenter d’empêcher la fuite des migrants. Après avoir dû revenir complètement sur sa première communication, la justice montoise se veut cependant prudente, et la juge d’instruction veut attendre les rapports balistiques complets avant de se prononcer.

      #vomir

    • Et dans la série : « on prend les gens pour des cons », la police et la justice belges n’ont rien à envier à la France.
      http://www.liberation.fr/france/2018/05/18/mort-d-une-fillette-kurde-en-belgique-un-tir-confirme-mais-des-circonstan

      Lors d’une conférence de presse vendredi, le premier substitut du procureur du Roi est revenu sur de précédentes déclarations qui réfutaient l’hypothèse d’une mort par balle pour cette très jeune migrante.

      La fillette kurde d’Irak, morte mercredi lors d’une interception de la police belge, a été tuée par une balle. Tout le contraire de ce qu’affirmait catégoriquement le parquet belge jeudi. Lors de la conférence de presse, tenue ce vendredi après-midi au palais de justice de Tournai, Frédéric Bariseau, premier substitut du procureur du Roi, a confirmé l’information donnée par la RTBF le matin même. Un tir policier ? « Je reste très prudent sur l’origine de la balle », a-t-il indiqué. Il est aussi resté flou sur les conditions de l’intervention policière, à l’issue d’une course-poursuite de près d’une heure, entre Namur et Mons, distants de 70 kilomètres. Une course-poursuite à allure modérée : la camionnette, surchargée, avec 30 personnes à bord dont l’enfant, ne roulait qu’à 90 km/h.

      « Vol-cargo »

      La fillette venait tout juste d’avoir deux ans, était hébergée avec sa famille dans un gymnase de Grande-Synthe, près de Dunkerque (Nord), selon la préfecture de région. Mercredi soir, comme tant d’autres soirs, une camionnette a embarqué des migrants candidats au passage en Angleterre. Avec l’intensification des contrôles près des ports de Dunkerque et de Calais, la pratique des navettes est devenue habituelle : les passeurs emmènent leurs clients sur un parking lointain, où un routier complice les attend pour ensuite passer la frontière. Ce qui explique sans doute que la camionnette ait été repérée par la police belge sur un parking autoroutier près de Namur, à 230 km du littoral.

      Frédéric Bariseau détaille : « Les policiers ont vu lors d’un contrôle que les plaques [d’immatriculation] n’étaient pas officielles. Ils ont pensé à un vol-cargo. » La pratique consiste à transférer la cargaison d’un camion dans une fourgonnette pendant la nuit, avant de prendre la tangente. Les policiers décident de contrôler, le véhicule redémarre. Ils demandent du renfort. Le substitut : « Ils voulaient l’interpeller de manière douce. » Mais le conducteur ne se laisse pas faire, tente de provoquer un accident pour obliger les policiers à s’arrêter. Frédéric Bariseau refuse en revanche d’infirmer ou de confirmer le fait qu’un des occupants aurait exhibé la fillette à la fenêtre. Un point important : les policiers avaient-ils conscience de poursuivre une camionnette chargée de migrants ? Selon Bariseau, les vitres arrière étaient opaques et la camionnette, sans fenêtres latérales.

      Scénario détaillé

      Les policiers décident alors de tendre une souricière. Ils réquisitionnent un camion, pour boucher la sortie d’un parking autoroutier, au niveau de Maisières, dans la banlieue de Mons. Des voitures de police encerclent le véhicule et l’obligent à prendre la bretelle d’accès. « La camionnette va aller mourir doucement contre un camion sur le parking », raconte le substitut du procureur. Quand les policiers arrivent, il n’y a personne à la place du conducteur. S’est-il enfui ? « C’est une pratique des passeurs, mettre le véhicule au point mort, et passer à l’arrière pour se faire passer pour un migrant », précise Frédéric Bariseau. Des portes arrière ouvertes, sortent 26 adultes et quatre enfants, dont la fillette grièvement blessée. Elle mourra dans l’ambulance. Dans ce scénario détaillé par Frédéric Bariseau, les coups de feu n’existent pas. Quand sont-ils intervenus ? Le substitut se réfugie derrière le secret de l’instruction.
      Stéphanie Maurice envoyée spéciale à Tournai

    • La petite Mawda est la 6e personne connue morte à la frontière britannique depuis janvier 2018.

      Sont morts également cette année à cause de la frontière britannique et de ceux qui la tiennent :

      Le mercredi 28 mars, : Un jeune mineur érythréen de 16 ans, transféré à l’hôpital de Lille après avoir été renversé sur la rocade portuaire le vendredi 23 mars 2018.

      Le 21 mars 2018 : M., un jeune homme de 22 ans, coincé entre deux containers au port de Zeebruges, en Belgique.

      Le 17 mars 2018 : Un jeune homme afghan de 25 ans, poignardé à Calais.

      Le 30 janvier 2018 : Mohamed Ahmed, venu d’Oromia, percuté sur la E40 près de Jabbeke en Belgique alors que la police le pourchassait.

      Le 8 janvier 2018 : S., un jeune érythréen, percuté sur la voie rapide à côté de Marck, dans le Pas-de-Calais.

      https://passeursdhospitalites.wordpress.com/2018/05/21/chasse-aux-migrant-e-s-mort-dune-enfant
      https://seenthis.net/messages/695125