Colères policières | Cairn.info

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  • Colères policières
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    Le lendemain même des massacres de Paris, le 14 novembre 2015, les syndicats de police affirment sans attendre avoir « besoin de mesures exceptionnelles » (Alliance), en l’espèce le droit de porter l’arme de service en tout temps et en tous lieux, et ce, précisent les syndicats affiliés à l’Union nationale des syndicats autonomes, « sans haine et sans crainte ». Aussi rapide que fût leur revendication au port de l’arme (sous laquelle couve aussi, nous le verrons, celle d’une modification des règles de son usage), les syndicats n’ont pas oublié de livrer à côté de la haine cette autre passion qui compromet la police : la peur. Car, comme nous allons le voir, un jeu triangulaire met en scène les policiers, leurs organisations syndicales et le politique, autour de la colère, mais aussi de la peur.

    Reste la question centrale : le déchaînement ou la colère policière ne sont-ils pas, surtout dans les situations de confrontation aux foules, le résultat de la volonté du politique ? Supposer une « colère policière », n’est-ce pas d’emblée exonérer le politique de sa responsabilité ? Sur ce point, l’exemple tunisien semble offrir une réponse lisible : quelques jours après les massacres, et parce que des images avaient finalement circulé via l’internet, le président Ben Ali implore sa propre police dans son dernier discours télévisé : « Arrêtez les tirs de balles ! Les balles réelles sont inadmissibles ! » En est-il toujours ainsi du rapport entre police et politique ? Les échanges entre politique et organisations syndicales offrent un éclairage abondant sur le bon usage de la colère.