Activistes au bout du rouleau

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  • Canada : Activistes au bout du rouleau
    Épuisés, des militants cherchent à se ressourcer afin de mieux mener leurs luttes. 6 janvier 2018 |Marie-Lise Rousseau
    http://www.ledevoir.com/plaisirs/loisirs/516804/activistes-au-bout-du-rouleau

    Mardi soir, 5 décembre, Mile-End. Assis en cercle sur des coussins, nous fermons les yeux, avec pour seul bruit la pluie battante qui se bute contre les grandes fenêtres du studio. « Je dédie la pratique d’aujourd’hui aux femmes victimes de la tuerie de Polytechnique, il y a 18 ans, aux écolières nigérianes enlevées par Boko Haram toujours en captivité, aux femmes autochtones disparues et assassinées, ainsi qu’à toutes les survivantes et les victimes d’actes de violence. »


    « Rest to Resist – Repos et résistance » n’est pas une classe de méditation comme les autres. Son animateur, Dexter Xurukulasuriya, l’a conçue pour les « acteurs de changements, les militants et militantes, les survivants et survivantes de sévices », mais tout le monde y est bienvenu. L’enseignant aux cheveux noirs bouclés, dont les mèches tombent sur ses lunettes, cherche à redonner des forces aux activistes épuisés afin qu’ils puissent poursuivre leur lutte, quelle qu’elle soit, à long terme.

    « C’est fatigant d’être activiste », laisse tomber celui qui a plusieurs années de désobéissance civile dans le corps. Au point où, récemment, il en a fait un burnout. Et il a vu un grand nombre de ses proches subir le même sort. « Les besoins sont infinis, ils sont au-delà de la capacité de chaque être humain », résume-t-il de sa voix basse ponctuée d’un accent anglophone, qui lui vient de sa jeunesse à Winnipeg.

    Cet épuisement, le psychologue Nicolas Lévesque l’a observé de près, lui qui a traité de nombreux étudiants qui militaient pour une meilleure accessibilité aux études au printemps 2012. En plus du burnout, il a traité des activistes pour dépression, syndrome de stress post-traumatique et dépendance à la drogue ou à l’alcool, entre autres.

    « À force de toujours être investi dans une cause extérieure, on finit par négliger sa vie privée et ses propres besoins, explique-t-il. Les activistes se donnent à une cause au-delà de leurs limites physiques et psychologiques. À un moment donné, le corps n’est plus capable. »

    Le sujet a fait les manchettes l’an dernier, quand l’ex-députée de Québec solidaire Françoise David a annoncé son départ de la vie politique. « Je ne veux pas jouer de nouveau dans ce film-là », avait-elle expliqué, évoquant le burnout qu’elle avait surmonté plus tôt dans sa carrière.

    Avant de se lancer en politique, Mme David a milité pendant des années, notamment pour l’avancée du féminisme et pour une meilleure justice sociale. Elle a décliné notre demande d’entrevue à ce sujet, justement, afin d’éviter de se surmener durant sa fin d’année déjà très occupée.

    Pour sa part, Dexter Xurukulasuriya s’est épuisé après avoir jonglé entre son emploi dans une boîte de production et le militantisme pendant près de 10 ans. « Je cachais mon activisme. Entre les contrats, je disais que j’allais en voyage, mais en fait, je participais à des manifestations ou des coups d’éclat, durant lesquels je me faisais arrêter et me ramassais en prison. Pendant des années, j’ai fait ces deux jobs, sans vacances. C’est super épuisant. »

    Militer autrement
    Depuis son burnout, dont il est toujours en processus de guérison, Dexter cherche à incarner son engagement autrement que par l’activisme de combat.

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    #Femmes #Activisme #Résistance une #réalité qu’on oublie #Luttes