• Francis Ngannou, pieds et poings déliés - Libération
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    Venu du Cameroun, échappé à la rue, formé à Paris, le colosse du MMA combat pour le titre poids lourds, ce samedi à Boston .

    Francis Ngannou se souvient d’un exercice de logique au collège qui consistait à agencer le mieux possible des immeubles à l’intérieur d’une surface restreinte. Le professeur l’a soupçonné de triche. Son rendu paraissait trop carré pour être honnête. La lumière, dit-il, a jailli dans la foulée : au tableau, il a expliqué ses conclusions avec tellement d’aisance qu’il récolta un bonus : + 2. « Mais j’avais déjà reçu 19/20. » 21, donc. Il raconte la séquence avec une voix posée et rythmée, comme dans un documentaire nocturne sur les nuages ou les mouflons. Dans une autre vie, il se serait bien vu architecte.

    « Le Prédateur », son surnom, a réalisé son dernier gros coup le 2 décembre, aux Etats-Unis. Une minute et des poussières de spectacle, le temps de jauger, puis d’allonger un Néerlandais en mondovision. Uppercut du gauche, KO, dodo. Hourra. Francis Ngannou fait du MMA, mélange d’une demi-douzaine de sports de combat (pieds, poings, prises au sol), machine à cash et grenier d’histoires qui remplirait des bouquins de mille pages.

    La sienne oblige à écouter sans couper : des parents divorcés alors qu’il a 6 ans, une enfance pauvre et solitaire au Cameroun et une carrière scolaire terminée adolescent. Gamin, il fait déjà des boulots d’adulte au pied du mur. Tailleur de pierre, entre autres. En 2013, il émigre en France sans un rond, avec l’ambition de percer en boxe anglaise. Aucun palmarès, si ce n’est une petite expérience au pays. « Je m’étais mis une pression énorme sur les épaules : je voulais vraiment être un champion. » A Paris, il trouve rapidement une salle où mettre les gants. Son gabarit de menhir (1,95 m, 117 kilos) et ses facilités en « un contre un » fascinent. Des tauliers du lieu l’aident à se sortir de la rue - il est SDF. Didier Carmont, l’un d’eux : « On a fait ce que nous avions à faire, naturellement. Est-ce vraiment important d’entrer dans les détails ? Quand il est arrivé chez nous la première fois, il ne se lamentait pas, et très vite, il s’est senti à la maison. C’est un ami, j’ai l’impression de l’avoir toujours connu. » Puis : « C’est vrai qu’il a un physique. Mais il ne faudrait pas tomber dans le cliché de l’Africain naturellement puissant. On ne se sort pas de sa situation, on ne progresse pas aussi vite, sans intelligence. » Au fil des semaines, ses bienfaiteurs les plus au fait du milieu lui expliquent que le noble art est une impasse à court terme (une vieille bâtisse dont les coulisses sont des labyrinthes), mais que le MMA est un building illuminé, doté d’un ascenseur tout neuf (une multinationale en expansion). Il ne sait pas ce que c’est, mais se met au boulot. En quatre ans de pratique, le voilà presque tout en haut. Samedi, le Camerounais, 31 ans, combattra pour le titre des poids lourds face à l’Américain Stipe Miocic, actuel détenteur de la couronne.

    Christian M’Pumbu, son ami et compagnon d’entraînement, indique le coin de son œil avec l’index : à cet endroit précis, il a pris le panard du colosse, large comme un hors-bord. Un an plus tard, l’ancien champion de MMA, qui en a donc vu d’autres, en parle comme d’une séance de spiritisme. Pour le reste, il glisse deux précisions : « Avec ce qu’il a vécu, il y a des moments où il faut le laisser seul, où il ne veut pas trop parler. A vrai dire, ce n’est pas un grand bavard. » Et : « Je l’ai vu sur des photos aux Etats-Unis. Il avait des jumelles autour du cou… un vrai touriste. » Francis Ngannou vit en ce moment à Las Vegas. Ce qu’il en dit ? Pas grand-chose. « Je m’entraîne. Et sur mon temps libre ? Je m’entraîne encore. C’est mon travail à plein temps ! » En fonction des questions, c’est tout ou rien, soit le récit ou bien les trois petits points. Le Camerounais est un texte à trous, triste, nerveux et joli à la fois.

    A Paris, il a d’abord dormi dans un parking. « On m’a parlé du 115… De foyers et de chambres à partager avec d’autres. Des alcooliques, des gens dépressifs. Je ne voulais pas. Je n’étais pas là pour accepter la situation. Je voulais m’écarter de tout ce qui était négatif. » Les conseils ici et là le mènent à la MMA Factory, dans le XIIe arrondissement. Le lieu est géré par Fernand Lopez, l’entraîneur français le plus réputé, ingénieur de formation et, surtout, habile entrepreneur. Les qualités du petit nouveau lui sautent aux yeux. Il le prend en main et le façonne. Depuis, il ne le lâche plus.

    Parfois, « le Prédateur » décortique son sport en termes bibliques : « David peut battre Goliath. Le MMA comporte un nombre incalculable de techniques. Tu domines et là, ton adversaire te saisit la cheville, puis te fait une clé. C’est beau quand David peut gagner. » Et parfois, il le ramène sobrement à de la survie : « Si tu ne mets pas des coups, c’est ton adversaire qui le fera. »

    Le MMA : baston indécente dans une cage octogonale pour les uns, spectacle très technique pratiqué par des bonshommes surentraînés pour les autres. En France, les compétitions sont encore interdites (une exception), mais les entraînements et les streamings (l’Hexagone est dans le top 10 des consommateurs à l’échelle du monde) font des cartons. Hypocrisie.

    Francis Ngannou est originaire de Batié, petite commune de l’ouest du Cameroun où il retourne pour les vacances. Il a trois frères et une sœur. Le récit : « Enfant, j’allais de maison en maison, je changeais d’école tout le temps. J’étais pauvre. » Les trois petits points : son cercle, sa routine, son parcours entre l’Afrique et la France. Gosse, il s’amusait avec d’autres à imiter les prises de Jean-Claude Van Damme. « Je n’ai pas eu d’amis d’enfance, parce que je n’avais pas le bon profil. Qu’avais-je à offrir ? Parfois, j’avais envie de parler, mais il n’y avait personne. Je n’allais pas me torturer avec ça. Alors je me suis dit qu’on pouvait vivre sans amis. »

    Il se lance sur le tard dans la boxe anglaise. A 22 ans. Il dit que son premier combat au pays est aussi une affaire de fulgurance. Alors que son vis-à-vis le malmène, il se rebelle en repensant à son rêve : une couronne mondiale. Victoire dans l’anonymat, après une journée de manutention. « L’arbitre m’a arraché mon adversaire d’entre les mains. » Le Camerounais signe son premier contrat avec l’Ultimate Fighting Championship (UFC) en 2015. La Ligue américaine a la main sur le business du #MMA et l’image de ses combattants. A cette échelle, on parle d’un géant du divertissement qui vend des machines à coller des pains, des récits et des synopsis de biopic. Son rendez-vous de samedi, à Boston, lui assure d’office un chèque de 500 000 dollars. Didier Carmont : « Je suis certain qu’il a gardé la boxe dans un coin de sa tête. Un jour ou l’autre, il voudra y revenir. » Dans sa vie d’après, #Ngannou se verrait bien en hommes d’affaires. « J’impressionne souvent les gens en calcul mental. Enfant, à l’école, le prof demandait parfois combien faisait 5 moins 6.Tandis que tous les autres cherchaient, j’avais déjà trouvé. »
    Ramsès Kefi - photo : Laurent Troude pour Libération

    Francis Ngannou a été battu sur décision à Boston.
    #ufc #boxe #sports_de_combat

  • Nong Rose, la boxeuse transgenre qui combat les préjugés - Libération
    http://www.liberation.fr/sports/2018/01/06/nong-rose-la-boxeuse-transgenre-qui-combat-les-prejuges_1620642

    Samedi, la championne transgenre de boxe thaï Nong Rose affronte le champion de France Akram Hamidi, au stade de Coubertin. Une rencontre aussi sportive que symbolique.

    Quand elle s’avance dans les entraves du stade de Coubertin pour la pesée, difficile de voir en Nong Rose, 1,60 m et 54 kilos, une championne de boxe thaï. Bonnet rose sur la tête, sa démarche est timide et la femme de 21 ans s’étonne d’être « aussi bien accueillie et connue en France », elle qui livre son premier combat à l’étranger. Pourtant, une fois sur le ring, la Thaïlandaise se mue en guerrière. Chez les professionnels, elle compte 52 victoires pour 8 défaites. Contre des hommes. Car Nong Rose, de son nom d’origine Somros Polchareon, est transgenre.

    « Je préfère combattre les hommes »

    Elle a commencé la boxe à 8 ans, entraînée par son oncle. Si elle se sent fille dès son enfance, elle n’assume son choix de le devenir qu’à 14 ans, en portant des vêtements féminins. Féminité qu’elle révèle aussi sur les rings de muay thaï, malgré l’hostilité d’une partie des acteurs du milieu : « Certains boxeurs me regardaient de travers et affirmaient que les trans ne pouvaient pas gagner », se souvient-elle. Mais elle surmonte progressivement les difficultés, soutenue par Nong Toom, son idole et l’une des trans les plus connues du pays, dont la vie a inspiré le film Beautiful Boxer.

    La Thaïlande ne reconnaît pas légalement le changement de genre. Nong Rose est par conséquent condamnée à combattre avec les hommes. Ce qui ne la gène pas. « Je préfère ça, car sinon j’aurais l’impression d’affronter ma mère. Les femmes n’auraient aucune chance », assure la boxeuse aux coups de coudes dévastateurs. En juillet, elle a été la première transgenre à combattre et triompher dans le plus vieux stade thaïlandais, le Rajadamnern. Une forme d’aboutissement et de reconnaissance, puisque, à l’encontre de toutes les règles établies, elle a été autorisée à porter une brassière sur le ring de ce stade mythique.

    Une grande première

    Guillaume Kerner, ancien champion du monde français de muay thaï, a repéré la pépite et décidé de l’inviter à la deuxième édition de son événement, le Kerner Thaï, ce samedi soir au stade de Coubertin. C’est la première fois que la jeune boxeuse combattra à l’étranger et elle sera la première trans à se produire en France. « On m’a dit qu’il serait difficile d’organiser un combat avec Nong Rose, que les autorités fédérales s’y opposeraient, que personne ne voudrait l’affronter et que le public ne répondrait pas présent. Mais rien de tout cela ne s’est produit. La présence de Nong Rose permet de délivrer un vrai message : ce n’est pas la différence qui importe, mais la valeur », se réjouit Guillaume Kerner. D’autant que le combat n’aura rien de « folklorique », promet-il.

    C’est en effet le champion de France, Akram Hamidi, 19 victoires en 20 combats, qui affrontera la boxeuse thaïlandaise. Et il s’attend à cinq rounds très disputés. « C’est un combat très important pour moi, plus important encore que ma finale de championnat de France. Il va être vu par beaucoup de personnes (L’Equipe TV diffuse l’événement en direct). Et Nong Rose est un grand champion, j’ai vu des vidéos de ses combats », raconte le jeune homme de 19 ans qui assure qu’il « ne retiendra pas ses coups ».

    Un symbole de la cause transgenre

    Reste à savoir si ce duel inédit aura une réelle influence sur la situation des trans dans le sport. « Beaucoup ne font plus de sport, car ils ne souhaitent pas être regardés comme des bêtes de foire, c’est un vrai problème », déplore Christine Rougemont, elle-même transgenre et qui pratique aussi la boxe thaïlandaise. « Le fait que Nong Rose combatte en France lors d’un événement médiatisé a le mérite d’apporter une réflexion », poursuit-elle.

    La boxeuse thaïlandaise est bien « consciente » du phénomène médiatique que son combat suscite. Mais elle préfère se concentrer sur sa boxe, son gagne-pain, quitte à repousser ses projets personnels : « Aujourd’hui je ne prends plus d’hormones car cela influe sur ma condition et ma boxe, j’ai moins d’énergie. Mais dès que j’arrête la boxe, je fais toutes les opérations pour finir ma transformation », explique-t-elle. Sans toutefois laisser de côté son sport de prédilection. Elle conclut : « Mon rêve est d’ouvrir une école de muay thaï, pour transmettre mon savoir aux Thaïlandais mais également aux Occidentaux. »
    Timothée Loubière

    https://www.youtube.com/watch?v=Mlbl4FBSzcc


    Le combat a été remporté par Akram Hamidi Hakram HAMIDI par décision à la majorité.
    #muay_thai #transgenre #Nong_Rose #Akram_Hamidi #boxe_thai

    Autre ancienne boxeuse transgenre :
    https://www.youtube.com/watch?v=HhJLVhX37io