• Au cœur du mouvement « antifa » The Antifascists (2017) Documentary - Patrik Öberg et Emil Ramos
    https://www.youtube.com/watch?v=XYHnd4boUoM&feature=youtu.be

    Film suédois à voir ce soir à l’Usine de Genève et sur internet, The Antifascists montre la « guerre de basse intensité » que se livrent néonazis et extrême gauche de Stockholm à Athènes.

    http://www.theantifascists.se
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    Qui sont les antifas ? Quels sont leurs buts et leurs méthodes ? Celles-ci sont-elles efficaces et font-elles l’unanimité dans l’extrême gauche radicale ? Ces questions sont débattues dans le film The Antifascists de Patrik Öberg et Emil Ramos, montré ce soir à la Makhno (l’Usine, Genève), suivi d’une discussion. Dans ce film très ­stylisé, projeté plus de 200 fois dans une cinquantaine de pays et désormais en libre accès sur Youtube, les réalisateurs vont à la rencontre de ces activistes, masqués ou non, et d’observateurs du phénomène.

    The Antifascists se concentre sur la Suède et la Grèce, deux pays aux contextes politiques différents mais théâtres de la confrontation entre néonazis et antifas. Sans prendre parti, ­Patrik Öberg et Emil Ramos tendent le micro aux activistes antifas pour cerner les motivations de ceux qu’on range souvent sous le qualificatif « Black bloc ». Certains faits sont rappelés, tels des assassinats de militants ou la répression policière dont le mouvement antifa fait l’objet. Ceci alors que l’extrême droite du FPÖ vient d’accéder au pouvoir en Autriche et que les national-populistes sont aux commandes, ou proches de l’être en Hongrie (Viktor Orban), aux Pays-Bas (Geert Wilders), en France (Marine Le Pen) ou en Allemagne (Alternative für Deutschland).

    La crise économique
    « Pas besoin d’être militant ­professionnel ou spécialiste du marxisme pour dire ‘je ne veux pas de fascistes et d’homophobes dans ma ville », affirme Showan Shattak. Jeune militant d’extrême gauche, féministe, supporter du football club Malmö FF, Showan a été laissé entre la vie et la mort par des néonazis qui savaient à qui ils avaient affaire. L’agression s’est produite le 8 mars 2014 au terme d’une marche pour la Journée internationale des femmes. Aujourd’hui, le crâne lézardé d’une immense cicatrice, il se reconstruit difficilement, en proie à la fatigue et à la perte de concentration. En attendant réparation, il reste déterminé à ce que Malmö reste une ville « accueillante et inclusive ».

    Selon la journaliste et activiste Kajsa Ekis Ekman, les causes de la montée de l’extrémisme violent sont diverses, mais l’aggravation de la crise économique est sans doute le premier facteur. En Grèce, Aube dorée est passé en quelques ­années de la confidentialité à 8% des suffrages à l’échelon ­national. « La colère d’une partie de la population, jadis dirigée contre l’austérité et l’Union européenne, s’est reportée sur les migrants et les sans-papiers, rendus responsables de la crise. » La conjonction d’un fascisme de rue et d’une extrême droite représentée dans les parlements touche de nombreux pays européens, contaminant tout l’échiquier politique – à l’instar des Etats-Unis où les discours d’exclusion sont propagés au plus haut niveau de l’Etat par ­Donald Trump.

    Rôle de la police
    Malmö, Kärrtorp, Athènes. Partout où les fascistes ont déversé leurs slogans haineux dans l’espace public, les antifas se sont fait fort de leur barrer la route, d’occuper le terrain et de délivrer un message clair : ils ne passeront pas. « Notre rôle n’est pas de dicter aux racistes ce qu’ils doivent penser mais de paralyser leurs organisations », analyse une militante. Elle juge le procédé efficace, car les fascistes sont plus forts en groupe qu’isolés, souvent démotivés par l’action collective quand leur influence ne grandit pas. « Dans les années 1990, les skinheads étaient partout en Suède, ils agressaient les gens, on n’osait plus sortir. Il y a eu des meurtres d’immigrants, ­raconte une militante. Le fascisme ne s’est pas estompé tout seul, il a été contré dans la rue, et la société suédoise n’a pas su le reconnaître. »

    Le rôle de la police est particulièrement dénoncé. En Grèce, où le rappeur antifasciste Pavlos Fyssas a été assassiné par des membres d’Aube dorée, les sympathies de la police pour l’extrême droite sont pointées. Plus de quatre ans après les faits, le procès se fait toujours attendre.

    The Antifascists revient sur une manifestation réprimée avec une extrême brutalité dans la banlieue de Stockholm, il y a quelques années, lors du défilé en opposition à l’un des principaux rassemblements nazis d’Europe. « Lorsque tu es témoin d’un tel degré de violence de la part de ceux qui sont censés te protéger, quelque chose se transforme en toi. Tu n’arrives pas à croire que ça arrive vraiment », témoigne un participant encore choqué, qui préserve son anonymat. Les images d’archive vidéo font effectivement froid dans le dos, la manif taillée en pièces par des forces anti-­émeute à pied et à cheval, la foule bloquée dans un tunnel transformé en cul-de-sac.

    L’impasse de la violence
    Face à la recrudescence du fascisme de rue et à l’attitude de la police – parfois impréparée, comme l’admet un officier suédois, et généralement hostile aux antifas –, l’action directe est vue par ses promoteurs comme une nécessité dans le but de préserver les libertés. Avec un corollaire, la marginalisation. Une observatrice suédoise pointe une « stratégie stupide », à courte vue.

    Pour Joel Bjurströmer Almgren, qui purge une peine de cinq ans et demi de prison pour avoir poignardé un néonazi lors d’un affrontement, « le mouvement antifa est dans l’impasse. On est restés coincés quelque part entre 2005 et 2010. On a réalisé que la violence fonctionnait et on n’a pas dépassé ce stade-là. » Pour le militant au cou recouvert de ­tatouages, « l’antifascisme n’est pas tout, il faut structurer la lutte à d’autres niveaux ».

    C’est aussi l’avis de sa compatriote Liv Marend, pour qui l’antifascisme est indissociable de la lutte des classes. Elle juge impératif de briser le carcan « suédois et blanc » du mouvement et de le relier aux autres luttes – anticapitalisme, droits des LGBT et des migrants, etc. Ce besoin de forger des luttes positives, pour et pas seulement contre, est le carburant nécessaire à tout mouvement social. Nul doute qu’il y a là amplement matière à débat.
    https://www.lecourrier.ch/155477/au_coeur_du_mouvement_antifa

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