MONTPELLIER (34) : Jardin des Plantes

?article4504

  • La tombe de Narcissa dans le Jardin des plantes de #Montpellier :
    https://www.landrucimetieres.fr/spip/spip.php?article4504

    En ce qui concerne notre sujet, on y trouve également un cénotaphe du XVIIIe siècle, le mystérieux tombeau de Narcissa, qui lui confère un charme romantique. La légende raconte que le poète anglais Edward Young y aurait secrètement inhumé, une nuit de 1736, le cadavre de sa fille, morte de la tuberculose. Anglican, il n’aurait pu la faire enterrer dans un cimetière de la ville. Une exhumation fut faite peu avant la Révolution, fit découvrir des ossements que l’on déclara être ceux d’une jeune fille de 15 à 16 ans.

    Légende ou fond de réalité, le site devint un grand lieu littéraire : il inspira en particulier des envolées poétiques d’André Gide et de Paul Valéry.

    Les plaques apposées sur le mur portent les inscriptions suivantes :

    « J’ai furtivement dérobé un tombeau pour ma fille. Mes mains l’y ont placée à la hâte au milieu de la nuit enveloppée de ténèbres » Edward Young

    « Je me souviens qu’avec Ambroise [1]un soir, comme au jardins d’Academos, nous nous assîmes sur une tombe ancienne qui est toute entourée de cyprès et nous causions lentement en mâchant des pétales de roses » André Gide

    • Edward Young
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Edward_Young

      En 1728, Young devint aumônier royal et obtint, en 1730 une cure à Welwyn. Marié en 1731, à Elizabeth Lee dont la fille qu’elle avait eue d’un précédent mariage avec Francis Lee, mariée à Henry Temple, mourut à Lyon le 8 octobre 1736 en chemin pour Nice, suivie de son mari et de sa mère en 1740. Comme Elizabeth Temple était de religion protestante, on refusa l’enterrement dans le cimetière catholique et l’inhumation fut autorisée dans le cimetière de la colonie suisse[1]. Ces coups redoublés que la mort frappa autour de lui sont censées être les douleurs domestiques qui ont donné lieu aux Night thoughts (Pensées nocturnes), poème divisé en neuf nuits, publié de 1742 à 1746, souvent réimprimé, et connu en France sous le titre des Nuits. Ces pertes successives jetèrent le poète dans une disposition lugubre qui se traduisit par ce poème religieux, moral, romanesque, où l’on trouve un chrétien qui paraît sincère, un moraliste satirique de l’école de Pope, habile à balancer les antithèses, et un déclamateur sentimental déployant ses chagrins avec une abondance déréglée d’images. L’immortalité de l’âme, la vérité du christianisme, la nécessité d’une vie religieuse et morale, tels sont les thèmes que Young s’efforce de renouveler en y ajoutant des personnages et des incidents de roman, qui représentaient des faits et des êtres réels. Young déclare, dans la préface de cette œuvre, à laquelle sa célébrité est restée attachée, que le sujet du poème était réel. Philandre et Narcisse ont été identifiés plutôt à la légère avec Henry et Elizabeth Temple. On a également suggéré que Philandre représentait Thomas Tickell, un vieil ami de Young mort trois mois après sa femme. Certains ont également voulu voir un lien entre l’infidèle Lorenzo et le fils de Young, mais celui-ci n’avait que huit ans au moment de la parution des Nuits.

    • Particulièrement intéressante thèse : « Autour du tombeau de Narcissa », par Laure Pellicer, 2001 (mais apparemment mise en ligne en 2021) :
      https://hal.science/hal-03328922/document

      Où l’on découvrira un échange de lettres dans la presse montpelliéraine, en 1787, pour et contre l’édification d’un monument à la mémoire de Narcissa, peu de temps après la découverte supposée des restes de Narcissa, et avant l’édit de Tolérance redonnant un état civil aux protestants. Et le fait qu’il s’agissait d’un mythe qui circulait beaucoup parmi les protestants de la ville.

      (Laure Pellicier n’est pas une inconnue à Montpellier. Elle est par exemple la co-autrice avec Michel Hilaire du livre de référence sur François-Xavier Fabre, fondateur du musée qui porte son nom.)

      Les origines immédiates de la polémique de 1787 sont maintenant un peu plus compréhensibles. Un Intendant sensible et éclairé (on le trouvera deux ans plus tard parmi les membres de la Loge de l’Urbanité), qui fait connaître son émotion et son respect pour la douleur du poète et pour la tombe qu’elle a consacrée ; un regain d’intérêt pour le lieu parmi les résidents anglais ; des mesures de faveur pour qu’un étranger de qualité (Lord « Kamelfort » ou un autre) puisse faire procéder aux fouilles ; un espoir pour l’élite protestante de faire entendre ses revendications ; le soutien implicite du représentant du pouvoir royal ; peut-être aussi, de sa part, un rappel à la prudence lorsque la polémique s’envenime, ce qui expliquerait le brusque repli des partisans du tombeau… Le texte d’Artaud qui a jusqu’ici surtout frappé par sa qualité émotionnelle et poétique, nous permet, par les précisions qu’il contient, d’imaginer tout cela avec quelque vraisemblance.

      […]

      La vérité, ici, est d’ordre affectif et moral. Les protestants de Montpellier ont gardé le souvenir, l’empreinte, notre temps dirait « le traumatisme » de funérailles nocturnes, furtives, quasi-clandestines. Peut-être celles d’une jeune fille étrangère, de l’enfant d’un ministre anglican, ont-elle particulièrement ému un Aribert ou tout autre de ses coreligionnaires ? Peut-être un petit « Poitevin » a-t-il été averti de respecter tel coin de champ, que rien autrement ne signalait à son attention ? Et, même si la légende du Jardin des Plantes n’a été qu’une invention « touristique » et lucrative, n’était-il pas fort sage, pour les partisans du tombeau, d’y adhérer, le lieu étant propre, en cristallisant les émotions, à emporter les convictions ? Car ce n’est pas tant de sentiments que de droits que nous parlent nos « hommes de 1787 » et nous espérons, en essayant de les situer dans la société montpelliéraine, avoir pu éclairer le sens de leur démarche.

    • Narcissa, Edward Young
      http://www.poetryatlas.com/poetry/poem/1920/narcissa.html

      Snatched ere thy prime! and in thy bridal hour!
      And when kind fortune, with thy lover, smiled!
      And when high-flavored thy fresh-opening joys!
      And when blind man pronounced thy bliss complete!
      And on a foreign shore where strangers wept!
      Strangers to thee, and, more surprising still,
      Strangers to kindness, wept. Their eyes let fall
      Inhuman tears; strange tears! that trickled down
      From marble hearts! obdurate tenderness!
      A tenderness that called them more severe,
      In spite of Nature’s soft persuasion steeled:
      While Nature melted, Superstition raved;
      That mourned the dead, and this denied a grave.
      Their sighs incensed; sighs foreign to the will!
      Their will the tiger-sucked outraged the storm:
      For, O, the cursed ungodliness of Zeal!
      While sinful flesh relented, spirit nursed
      In blind Infallibility’s embrace,
      The sahited spirit petrified the breast;
      Denied the charily of dust to spread
      O’er dust! a charity their dogs enjoy.
      What could I do? what succor? what resource?
      With pious sacrilege a grave I stole;
      With impious piety that grave I wronged;
      Short in my duty, coward in my grief!
      More like her murderer than friend, I crept
      With soft-suspended step, and, muffled deep
      In midnight darkness, whispered my last sigh,
      I whispered what should echo through their realms,
      Nor writ her name, whose tomb should pierce the skies!
      Presumptuous fear! how durst I dread her foes,
      While Nature’s loudest dictates I obeyed?
      Pardon necessity, blest shade! of grief
      And indignation rival bursts I poured;
      Half-execration mingled with my prayer;
      Kindled at man, while I his God adored;
      Sore grudged the savage land her sacred dust;
      Stamped the curst soil; and with humanity
      (Denied Narcissa) washed them all a grave.