Particulièrement intéressante thèse : « Autour du tombeau de Narcissa », par Laure Pellicer, 2001 (mais apparemment mise en ligne en 2021) :
▻https://hal.science/hal-03328922/document
Où l’on découvrira un échange de lettres dans la presse montpelliéraine, en 1787, pour et contre l’édification d’un monument à la mémoire de Narcissa, peu de temps après la découverte supposée des restes de Narcissa, et avant l’édit de Tolérance redonnant un état civil aux protestants. Et le fait qu’il s’agissait d’un mythe qui circulait beaucoup parmi les protestants de la ville.
(Laure Pellicier n’est pas une inconnue à Montpellier. Elle est par exemple la co-autrice avec Michel Hilaire du livre de référence sur François-Xavier Fabre, fondateur du musée qui porte son nom.)
Les origines immédiates de la polémique de 1787 sont maintenant un peu plus compréhensibles. Un Intendant sensible et éclairé (on le trouvera deux ans plus tard parmi les membres de la Loge de l’Urbanité), qui fait connaître son émotion et son respect pour la douleur du poète et pour la tombe qu’elle a consacrée ; un regain d’intérêt pour le lieu parmi les résidents anglais ; des mesures de faveur pour qu’un étranger de qualité (Lord « Kamelfort » ou un autre) puisse faire procéder aux fouilles ; un espoir pour l’élite protestante de faire entendre ses revendications ; le soutien implicite du représentant du pouvoir royal ; peut-être aussi, de sa part, un rappel à la prudence lorsque la polémique s’envenime, ce qui expliquerait le brusque repli des partisans du tombeau… Le texte d’Artaud qui a jusqu’ici surtout frappé par sa qualité émotionnelle et poétique, nous permet, par les précisions qu’il contient, d’imaginer tout cela avec quelque vraisemblance.
[…]
La vérité, ici, est d’ordre affectif et moral. Les protestants de Montpellier ont gardé le souvenir, l’empreinte, notre temps dirait « le traumatisme » de funérailles nocturnes, furtives, quasi-clandestines. Peut-être celles d’une jeune fille étrangère, de l’enfant d’un ministre anglican, ont-elle particulièrement ému un Aribert ou tout autre de ses coreligionnaires ? Peut-être un petit « Poitevin » a-t-il été averti de respecter tel coin de champ, que rien autrement ne signalait à son attention ? Et, même si la légende du Jardin des Plantes n’a été qu’une invention « touristique » et lucrative, n’était-il pas fort sage, pour les partisans du tombeau, d’y adhérer, le lieu étant propre, en cristallisant les émotions, à emporter les convictions ? Car ce n’est pas tant de sentiments que de droits que nous parlent nos « hommes de 1787 » et nous espérons, en essayant de les situer dans la société montpelliéraine, avoir pu éclairer le sens de leur démarche.