Sartre, L’être et le néant (3/4) : Une psychanalyse sans inconscient ?

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  • Sartre, L’être et le néant (3/4) : Une #psychanalyse sans inconscient ?

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    Avec la psychanalyse existentielle, il souhaite tirer de la philosophie qu’il vient de livrer dans les 600 pages précédentes, une méthode de compréhension des comportements de l’homme. Cette première ébauche de la psychanalyse existentielle se prolongera après "L’Être et le Néant" dans de denses études sur Baudelaire, Genet et surtout Flaubert.
    Le texte du jour

    On nous dit que Flaubert avait une « ambition grandiose », et toute la description précitée s’appuie sur cette ambition originelle. Soit. Mais cette ambition est un fait irréductible qui ne satisfait aucunement l’esprit. C’est que l’irréductibilité, ici, n’a d’autre raison qu’un refus de pousser plus loin l’analyse. (…) « Voilà, se dit-on, Flaubert était ambitieux. Il était comme ça. » Il serait vain de se demander pourquoi il était tel que de chercher à savoir pourquoi il était grand et blond : il faut bien s’arrêter quelque part, c’est la contingence même de toute existence réelle. Ce rocher est couvert de mousse, le rocher voisin ne l’est point. Gustave Flaubert avait de l’ambition littéraire et son frère Achille en était dépourvu. C’est ainsi. Ainsi désirons-nous connaître les propriétés du phosphore et tentons-nous de les réduire à la structure des molécules chimiques qui le composent. Mais pourquoi y a-t-il des molécules de ce type ? C’est ainsi, voilà tout. La psychologie de Flaubert consistera à ramener, si c’est possible, la complexité de ses conduites, de ses sentiments et de ses goûts à quelques propriétés, assez comparables à celles des corps chimiques, et au-delà desquelles ce serait une niaiserie que de vouloir remonter. Et pourtant nous sentons obscurément que Flaubert n’avait pas « reçu » son ambition. Elle est signifiante, donc elle est libre. Ni l’hérédité, ni la condition bourgeoise, ni l’éducation ne peuvent en rendre compte ; bien moins encore les considérations physiologiques sur le « tempérament nerveux » (…). Il ne saurait donc aucunement fonder une signification. En un sens l’ambition de Flaubert est un fait avec toute sa contingence (…) mais en un autre, elle se fait et notre insatisfaction nous est un garant de ce que nous pourrions saisir par-delà cette ambition quelque chose de plus, quelque chose comme une décision radicale qui, sans cesser d’être contingente, serait le véritable irréductible psychique.

    Sartre, L’Être et le Néant (Gallimard, Tel, 2003). P.605

    #sartre #philosophie