INTERVIEW – Dr. Samah Jabr : « La résistance en Palestine est aussi une résilience »

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  • INTERVIEW – Dr. Samah Jabr : « La résistance en Palestine est aussi une résilience »
    Middle East Eye l Hassina Mechaï | 11 janvier 2018
    La psychiatre palestinienne Samah Jabr, dont le travail est l’objet de Derrière les fronts, prix du meilleur documentaire au Festival palestinien Days of Cinema, explique à MEE l’impact de l’occupation sur la psyché palestinienne et les réponses thérapeutiques qu’elle tente d’apporter
    http://www.middleeasteye.net/fr/reportages/interview-dr-samah-jabr-la-r-sistance-en-palestine-est-aussi-une-r-si

    (...) Middle East Eye : Les désordres psychologiques que vous constatez sont-ils différents selon qu’il s’agisse d’hommes, de femmes ou d’enfants ?

    SJ : Oui, mais cela est observable partout, pas seulement en Palestine. Certains troubles, comme la dépression, sont plus fréquents chez les femmes. Les hommes palestiniens portent, eux, des troubles méconnus. Ils souffrent d’humiliation et de perte d’autorité parce que l’occupation les rend incapables de subvenir aux besoins de leurs familles ou de les protéger. Or, la société palestinienne suppose l’efficacité totale de l’homme ; il y a une « surdemande » sociétale à leur égard. Les atteintes ciblées et systématiques contre la virilité palestinienne par l’occupation, la non reconnaissance de ces atteintes, peuvent les briser psychologiquement.

    Les souffrances des femmes palestiniennes sont plus reconnues et tolérées. Les femmes souffrent de perte et de deuil et doivent élargir leur rôle afin de compenser l’absence physique ou psychologique des pères.

    Quant aux enfants, ils ont moins développé de mécanismes de défense que les adultes. Or, l’impulsivité et la fragilité émotionnelle caractérisent les adolescents. Les jeunes sont donc confrontés à des défis supplémentaires en Palestine. Il n’est pas surprenant que la majorité des victimes de l’occupation soient jeunes.

    Par exemple, entre octobre 2015 et octobre 2016, une vague de confrontation politique s’est intensifiée, appelée « les Intifadas de Jérusalem ». Au cours de cette année-là, 236 Palestiniens ont été tués, principalement sur la base d’accusation de coups de couteau portés à des Israéliens. Les mineurs représentent un quart des victimes, l’âge moyen des victimes palestiniennes était de 23 ans.

    Les médias occidentaux ignorent la violence et le nihilisme du contexte dans lequel nous vivons et qualifient souvent ces mineurs de psychologiquement perturbés ou suicidaires. Or, la plupart de ces vies auraient pu être sauvées si ces jeunes avaient grandi dans une Palestine non occupée. (...)