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  • Egypte : les réfugiés soudanais, une manne inespérée pour le tourisme à Assouan
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/15/egypte-les-refugies-soudanais-une-manne-inesperee-pour-le-tourisme-a-assouan

    Egypte : les réfugiés soudanais, une manne inespérée pour le tourisme à Assouan
    Des milliers de Soudanais ont trouvé refuge à Assouan, contribuant à revitaliser la saison touristique dans cette ville du sud de l’Egypte où ils tentent d’oublier les horreurs de la guerre. Hicham Ali, 54 ans, est arrivé à Assouan après un périple de mille kilomètres entre Khartoum, capitale soudanaise en proie aux combats, et la frontière égyptienne, au nord. Après avoir trouvé un appartement pour loger sa famille, cet ancien fonctionnaire souhaite désormais que ses enfants profitent de leur nouvelle ville. « Je suis venu avec ma famille pour passer ici une belle journée ensemble », dit-il depuis la terrasse d’une auberge qui, pendant la haute saison touristique, en hiver, attire un grand nombre de visiteurs étrangers. Il espère que cette journée permettra à ses proches d’« oublier la guerre, les bombes, les raids aériens et les tirs », confie-t-il, la voix couverte par les éclats de rire de ses enfants.
    Depuis le début de la guerre, le 15 avril, opposant deux généraux en lutte pour le pouvoir, plus de 310 000 personnes ont, comme Hicham Ali, trouvé refuge en Egypte. De l’autre côté de la frontière, de nombreuses personnes attendent, arrêtées en route par la décision soudaine de l’Egypte, en juillet, de réimposer des visas à tous les Soudanais fuyant la guerre. Auparavant, les femmes, les enfants et les hommes de plus de 50 ans traversaient sans aucune formalité.
    Zeinab Ibrahim, 30 ans, a réussi à traverser il y a trois mois. Avant cela, elle a passé deux mois avec sa famille à se terrer dans leur appartement de Khartoum par crainte des frappes aériennes, des tirs d’artillerie et des combats de rue. « J’étais enceinte et il n’y avait plus aucun hôpital pour accoucher », affirme-t-elle à l’AFP, alors que des millions de personnes n’ont plus accès aux soins, la guerre ayant gravement endommagé le système de santé soudanais, déjà fragile.
    Une fois en Egypte, de nombreux réfugiés ont rejoint Le Caire, tandis que d’autres sont restés à Assouan, première grande ville égyptienne en venant du Soudan, à 300 km de la frontière. Les deux pays partagent la même langue et une grande partie de leur histoire depuis l’époque des pharaons. Avant la guerre, plus de 4 millions de Soudanais vivaient déjà en Egypte, selon l’ONU. La plupart des nouveaux arrivés aspirent à s’y installer durablement, loin de leur pays, qu’ils n’imaginent pas se relever avant des décennies. A Assouan, chaque hiver, les habitants voient débarquer des vagues de touristes égyptiens et étrangers venus découvrir les sites pharaoniques extrêmement bien préservés des environs, se prélasser au bord du Nil et profiter des températures clémentes. Mais ils ne s’attendaient pas à recevoir un tel afflux de réfugiés, ni aux opportunités que ces derniers ont apportées.
    Début septembre, alors que la chaleur écrasante de l’été avait fait fuir les visiteurs égyptiens, les capitaines de bateaux ont dû reprendre du service. Ils ont de nouveau levé l’ancre pour écumer le Nil sinueux, les enceintes diffusant de la musique à plein volume, entre les îles nubiennes qui parsèment son cours. Sur une rive sablonneuse où les guides recommandent aux voyageurs de se baigner entre deux gorgées de café nubien, les familles se rafraîchissent volontiers. « Depuis la guerre et l’arrivée de nos frères soudanais, nous avons repris nos activités et nous avons plus de travail », se réjouit Mahmoud Al-Aswany, 19 ans, perché sur le pont de la felouque sur laquelle il navigue depuis cinq ans. Une aubaine dans ce pays qui traverse sa pire crise économique, avec une inflation à son plus haut niveau historique.
    Mais tous les Soudanais ne sont pas accueillis de la même manière. Au Caire, ils se plaignent de discriminations, de racisme et de propriétaires véreux qui gonflent les loyers. A Assouan, où les communautés nubiennes vivent depuis des millénaires à cheval sur la frontière, les Soudanais ont trouvé à leur arrivée des bénévoles qui les attendaient avec des repas chauds. « Assouan est une belle ville et ses habitants sont gentils », répète Hicham Ali.Mais au-delà des petites initiatives privées, les réfugiés dans le besoin sont souvent livrés à leur sort. Les autorités égyptiennes n’autorisent pas les agences onusiennes et les ONG internationales à établir des camps pour accueillir les migrants, Le Caire faisant valoir qu’en échange, les nouveaux arrivants ne sont pas privés du droit de travailler ou de circuler librement.

    #Covid-19#migrant#migration#egypte#soudan#refugie#tourisme#economie#discrimination#travailleurmigrant#postcovid

  • En Ethiopie, l’exode des médecins du Tigré, épuisés par deux ans de guerre civile
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/14/en-ethiopie-l-exode-des-medecins-du-tigre-epuises-par-deux-ans-de-guerre-civ

    En Ethiopie, l’exode des médecins du Tigré, épuisés par deux ans de guerre civile
    Après avoir travaillé sans relâche et sans salaire pendant le conflit, de nombreux soignants abandonnent les hôpitaux de la région pour exercer dans des cliniques à l’étranger ou rejoindre des ONG.
    Par Noé Hochet-Bodin(Addis-Abeba, envoyé spécial)
    A l’entrée de l’hôpital Ayder de Makalé, le plus grand du Tigré, les listes accrochées sur un tableau en liège ne sont pas des annonces d’embauche. Les hôpitaux de cette région du nord de l’Ethiopie auraient pourtant bien besoin de renfort en ces temps de reconstruction d’après-guerre. Hélas, il s’agit au contraire des noms de la centaine de médecins qui ont démissionné, abandonné l’hôpital et, le plus souvent, quitté la province.
    Après deux années de guerre civile (2020-2022) marquées par le blocus de la région, les pénuries de médicaments, l’occupation et la destruction de l’ensemble des structures de santé, le Tigré en paix fait face à une nouvelle menace : l’exode de ses soignants. La faculté de médecine de l’hôpital Ayder indique que 67 des 190 chirurgiens spécialisés de la région ont profité de la réouverture des frontières, après les accords de paix de novembre 2022, pour fuir un Tigré en ruines. Soit plus d’un tiers. En tout, 221 médecins ont quitté leur poste.« Le personnel de l’hôpital Ayder a travaillé sans relâche pendant deux ans sans être payé. Il a fait preuve d’un dévouement et d’une compassion incroyables, mais il est maintenant à bout. Tous sont épuisés, démoralisés et commencent à quitter l’hôpital », constate le directeur de l’établissement, Kibrom Gebreselassie, en guise d’appel à l’aide.
    Après le temps des dévastations, le Tigré se relève à peine. Pendant la guerre, l’hôpital Ayder fonctionnait « à 15 % de ses capacités », selon Kibrom Gebreselassie. Plus généralement, 70 % des structures de santé ont été « pillées » à travers la région, d’après Médecins sans frontières (MSF). Si, depuis les accords de paix, une partie du budget, dont les salaires, est de nouveau versée par le gouvernement fédéral, les médecins n’ont pas cessé de fuir.« C’est une tendance que nous avons du mal à contrôler », reconnaît Amanuel Haile, directeur du bureau régional de santé, qui date à janvier le début de l’exode, suite à la reprise des liaisons aériennes à Makalé, la capitale du Tigré : « Certains de nos meilleurs spécialistes partent pour travailler dans des cliniques privées en Europe et aux Etats-Unis ou dans des ONG, notamment au Somaliland, au Rwanda et au Soudan du Sud. »
    Les médecins choisissent l’exil avant tout pour des considérations financières, afin de régler leurs dettes après dix-huit mois sans revenus ni compensations. Kahsay Hailu (à sa demande, son identité a été changée) fut chirurgien pendant plus de douze ans à Ayder. Formé à Makalé, il doit tout à cet hôpital. Il a pourtant fait le choix de fuir au Canada, en mars, accompagné de sa femme et de ses trois enfants. « J’ai une famille à charge, je ne peux pas rester sans salaire ou presque dans un établissement qui ne fonctionne plus », justifie-t-il. En Ethiopie, un chirurgien du secteur public gagne en moyenne 230 euros par mois, mais jusqu’à 20 fois plus s’il travaille pour des agences onusiennes ou des ONG.
    Certes, il y a la culpabilité de laisser une province au bord du précipice, confrontée à une recrudescence de cas de violences sexuelles, de cancers et de VIH. Mais ces médecins déserteurs font aussi face à un constat d’impuissance. « J’ai le sentiment de m’être sacrifié deux ans pour soigner les miens alors que nous n’avions rien, pas de salaire, pas d’électricité, même pas de gants en plastique, ni de nourriture pour les patients », précise Kahsay Hailu.« Je ne les juge absolument pas », rassure Amanuel Haile, qui prétend que tout sera fait pour accueillir de nouveau les médecins en exil qui souhaitent retrouver leur poste. En attendant, la qualité des soins en pâtit. L’unique spécialiste de chirurgie abdominale étant parti, il faut se rendre à Addis-Abeba pour recevoir ce type de soins. De même pour la chirurgie vasculaire. « On fait du bricolage, ironise le chirurgien Fasika Amdeselassie. On est sous l’eau, ma liste d’attente a triplé depuis le départ de mes collègues. »
    Ce cadre de l’hôpital Ayder sait que les troubles de stress post-traumatique constituent une autre raison du départ des médecins tigréens. Pour les traiter, il a mis en place une petite structure, baptisée « Haqi », qui propose un soutien psychologique à l’attention des professionnels de santé qui se trouvaient en première ligne pendant la guerre. « Les dégâts psychologiques sont colossaux, la pression intense, et nous n’avons quasiment personne pour en parler, car le Tigré ne compte que trois psychiatres pour 6 millions d’habitants », dit-il.Si les acteurs humanitaires ont fait leur retour au Tigré pour soutenir un système de santé chancelant, il y a peu de chances que les médecins exilés reviennent rapidement. « Le budget alloué par le ministère de la santé a diminué d’un tiers par rapport au niveau d’avant-guerre », confie, désabusé, un médecin qui souhaite garder l’anonymat. De plus, la lente démobilisation des forces armées du Tigré et l’état d’urgence dans la région voisine de l’Amhara font craindre la résurgence des affrontements. « Les perspectives politiques sont trop sombres pour espérer le retour de nos collègues, assure Fasika Amdeselassie. Si la paix n’est pas entérinée prochainement, nous n’avons aucune chance de voir nos médecins rentrer. »
    Noé Hochet-Bodin(Addis-Abeba, envoyé spécial)

    #COvid-19#migrant#migration#tigre#ethiopie#conflit#crise#humanitaire#medecin#migrationqualifiee#santementale#exil#postcovid

  • Le Quai d’Orsay interdit aux scènes culturelles subventionnées toute collaboration avec les artistes du Mali, du Niger et du Burkina Faso

    https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/09/14/le-ministere-des-affaires-etrangeres-interdit-aux-scenes-culturelles-subvent

    Un courrier des directions générales des affaires culturelles (DRAC) demande l’arrêt immédiat de tout projet de coopération avec les ressortissants de ces trois pays. Le ministère des affaires étrangères minimise la portée de la mesure.

  • « Une partie de la gauche ne fait pas obstacle à l’antisémitisme en raison de ses positionnements idéologiques », Emmanuel Debono, historien

    En août 2021, la pancarte « Qui ? » brandie lors d’une manifestation contre le passe sanitaire, à Metz, par une militante d’extrême droite prenait place dans un contexte de crise, propice à l’affichage antisémite. Les cornes qui surplombaient le « Q » du pronom relatif, servant à désigner de manière codée la responsabilité des juifs, renvoyaient à une représentation démoniaque, féconde depuis le Moyen Age.

    L’actualité estivale de 2023 n’aura pas démenti ce succès. De grandes enseignes commerciales continuent de proposer à la vente le journal Rivarol, relayant les provocations antijuifs de Dieudonné M’Bala M’Bala : juifs désignés comme maîtres du « vice » et de la « corruption », « aristocratie imbuvable », « gros pilleurs », « peuple qui ne pardonne pas »… Ce n’est qu’une goutte d’eau, il faut le souligner, versée par un professionnel de la haine dans un océan d’attaques anonymes, véhiculant sur les plates-formes numériques, et notamment sur X (ex-Twitter), l’image insistante du juif dominateur, engeance des forces du « Mal ».
    Ce sont des représentations de ce type qui circulent chez les militants de l’extrême droite catholique, ceux de Civitas, par exemple, dont le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé en août la dissolution prochaine, après que l’essayiste Pierre Hillard a été applaudi à l’université d’été du mouvement d’extrême droite pour avoir plébiscité la « dénaturalisation » des Français juifs. Chez les islamistes également, mais aussi, hélas, chez des esprits plus modérés, qui voient en eux une force occulte omnipotente. Chez des militants « #antisystème » encore, imbus de représentations #complotistes, qui font des juifs, à travers certaines figures privilégiées (Rothschild, Soros, Attali…), les acteurs d’un méga-complot qui fournit la clé de tous les malheurs du monde et de ce que l’on ne comprend pas.

    Cristalliser les haines

    Des empoisonneurs de puits aux élites mondialistes, des tueurs d’enfants aux pédocriminels satanistes, le bestiaire est d’une richesse fantasmagorique exceptionnelle. Ces représentations qui situent les juifs hors de l’humanité font davantage que persister : elles continuent de former la moelle d’un antisémitisme qui, même dans son expression la plus banale, fantasme leur pouvoir et leur rôle maléfique. Si l’on ne comprend pas cette dimension propre au phénomène, on ne comprend pas l’antisémitisme.
    La polémique autour du rappeur Médine invité aux universités d’été d’Europe Ecologie-Les Verts et de La France insoumise aura été l’illustration parfaite de ce défaut de compréhension. Face au parcours plus qu’ambigu de l’artiste, à sa réécriture des faits et à ses justifications expéditives, une partie de la #gauche a choisi l’absolution plutôt que l’examen critique de ses textes, de ses gestes et affinités électives https://seenthis.net/messages/1014981 . Le rappeur dit avoir évolué et a même affirmé combattre l’antisémitisme. Celles et ceux qui se montrent habituellement si exigeants en matière de pureté idéologique, prompts à dénoncer les « réacs », les « fachos » ou autres oppresseurs, sont montés sans attendre au front pour défendre la nouvelle égérie des combats progressistes et la blanchir d’accusations infâmes, forcément imputables à l’extrême droite et à la Macronie. Les uns ont réclamé à Médine des explications, les autres ont traité ceux qui l’avaient mis en cause de « racistes ». Dans les deux cas, l’affaire s’est soldée par une chaleureuse ovation.

    Il est dit que la gauche n’apparaît plus comme le camp réfractaire à l’antisémitisme qu’elle incarna jadis. Sa résistance, pourtant, n’a jamais été infaillible. Le pacifisme des années 1930 avait conduit à bien des trahisons sous l’Occupation, de même que la guerre des Six-Jours et l’émergence d’un antisionisme radical avaient fragilisé la conviction selon laquelle la gauche, humaniste et universaliste, était inaccessible à l’antisémitisme. La haine d’Israël a nourri à l’extrême gauche les discours les plus violents et les caricatures les plus monstrueuses. On lésine rarement pour attaquer les juifs : c’est le propre d’un florissant patrimoine de préjugés qui a fait recette pour cristalliser les haines et armer le bras des assassins.

    Il est dès lors préféré à une analyse sérieuse des solutions superficielles : cesser de distinguer l’antisémitisme dans la lutte antiraciste, prétendre que le racisme antimusulman s’est substitué à l’antisémitisme « d’hier » ou encore brandir le mot d’ordre de « convergence des luttes ». Ainsi disparaîtrait ce piédestal prétendument accordé à la question antisémite, cette concurrence des luttes dont se rendraient coupables ceux qui expliquent que, non, décidément non, le complotisme et la diabolisation n’ont ni les mêmes ressorts ni les mêmes effets que le racisme à proprement parler.

    Différences irréductibles

    Cette singularité de l’antisémitisme n’est ni comprise ni véritablement admise au sein de ces forces de gauche qui dominent aujourd’hui la Nouvelle Union populaire écologique et sociale. L’#antisémitisme y apparaît comme un #racisme qu’il faut fondre ou oublier, au prétexte qu’il partage avec les autres haines les étapes d’un processus menant du stéréotype au crime.
    Il ne suffit pourtant pas d’exciper de ce parallélisme pour justifier d’un principe de convergence, intrinsèquement vicié : certains positionnements antirépublicains, antilaïques ou antisystème constituent des angles d’attaque idéologiques qui érodent le cadre traditionnellement privilégié par la lutte contre l’antisémitisme.

    La convergence revendiquée ne peut l’être qu’au prix d’un détournement historique et d’une révision de la nature de l’antisémitisme. Souligner des différences irréductibles entre les haines vaut aujourd’hui l’accusation de les hiérarchiser et, accessoirement, l’étiquette de « raciste ».
    Une partie de la gauche ne fait donc pas obstacle à l’antisémitisme, en raison de ses positionnements idéologiques, notamment antisionistes, ou de ses silences, mais aussi parce qu’elle baigne dans la confusion. Si certains l’assument cyniquement, d’autres se laissent entraîner, par ignorance ou, pire, par illusion de la connaissance. Qu’ils sachent qu’il n’est pas de rempart possible lorsque l’on méconnaît l’ennemi.

    Emmanuel Debono est historien et membre du bureau exécutif de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra).

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/09/14/emmanuel-debono-historien-une-partie-de-la-gauche-ne-fait-pas-obstacle-a-l-a

    edit on dira ah oui, c’est la Licra, c’est la drouate pour évacuer à nouveau le problème (oh là là, le doigt qui la montre est méchant ! ignorons la lune de l’antisémitisme). oui, il y une spécificité de l’antisémitisme : la théorie du complot. la fin des grands récits, une gauche qui ne pige plus grand chose de ce qui se passe et de ce qu’elle pourrait faire, voilà un bon terrain pour la confusion, et "le complot qui explique". ne pas admettre cette fragilité en jouant "nous sommes droit dans les bottes, la gauche !", c’est pathétique.

    • Le dernier paragraphe résume bien le problème :

      Une partie de la gauche ne fait donc pas obstacle à l’antisémitisme, en raison de ses positionnements idéologiques, notamment antisionistes, ou de ses silences, mais aussi parce qu’elle baigne dans la confusion. Si certains l’assument cyniquement, d’autres se laissent entraîner, par ignorance ou, pire, par illusion de la connaissance. Qu’ils sachent qu’il n’est pas de rempart possible lorsque l’on méconnaît l’ennemi.

    • C’est vraiment d’une bassesse indigne.

      C’est pas une question de savoir si c’est « la drouate », c’est d’accepter qu’on dénonce l’« antisémitisme de gauche » selon les critères de gens qui considèrent que la LDH, Amnesty International, Human Rights Watch, l’UJPF et B’Tselem (et Jeremy Corbyn et LFI et les communistes) sont totalement infréquentables parce qu’ils parlent d’apartheid israélien. (Et ce n’est qu’un des motifs liés à Israël, mais c’est le plus récent.) Et selon les critères antiracistes de cette même association, il est scandaleux de parler d’islamophobie, ou de racisme systémique en France.

      Alors si c’est ça votre critère, la question est très vite répondue et vous avez évidemment raison. Et je vous laisse au confort de votre posture morale.

    • ah oui, faut absolument des guillemets à antisémitisme de gauche. à être infoutus de considérer la chose pour elle-même, comme cela tant été fait à propos du socialisme réel, qui des décennies durant ne fut critiqué à gauche que par des minorités vouées aux gémonies, ce que l’on obtient c’est que ce problème soit utilisé par la droite (jusqu’à des identitaires qui se présentent en dénonciateurs de l’antisémitisme).
      ça assure une belle réussite pour une attitude rigoureusement défensive qui écarte toute réflexivité qui viendrait menacer on ne sait quelle position de force puisque voilà la boucle bouclée : qui évoque l’antisémitisme de gauche est, au mieux, un complice objectif de la droite ou l’adepte d’une posture morale alors que pour ne pas y céder, il suffit d’être politique, et donc ici de nier, de mentir. drôle de politique.

      fallait pas non plus aggraver son cas en lisant ou citant l’ultra-réac Soltjénisine, béhachélisation garantie, qui d’autre ferait ça ? le goulag, moi pas savoir, moi pas connaître.

      ne nous demandons pas pourquoi tant de gens de gauche ont aimé et défendu Dieudonné, pourquoi, comment, un chanteur qui est la nouvelle coqueluche de la gauche écrit et chante "étoile de David sur machette rwandaise". c’est encore cette vieille histoire de juifs. ces dominateurs sur d’eux-mêmes passent leur temps à chialer sur tout et n’importe quoi, ramènent tout à eux. il va finir par être temps de les plaindre, les pauvres, puisque ça ne prend plus avec nous, on connait Tsahal, on sait pour la Palestine, faut pas nous la faire. alors nous, de Médine, on a rien vu, rien entendu. d’ailleurs Proudhon n’a jamais écrit « La haine du juif doit être le premier article de notre foi politique », ou alors c’est le passé, et le passé est passé. tout est réparé, tout fonctionne.

      la gauche ? bon, oui, c’est vrai, il arrive, parfois qu’elle soit sexiste, raciste, coloniale, productiviste. on y est très attentifs hein. mais antisémite ? non. y a que les soutiens d’Israël pour le prétendre. choisis ton camp.

      #déni

    • la suite est dans le maintenant. c’est de savoir qu’il y a une ligne de crête et d’en faire quelque chose. aux intéressés de décider. il y a ai-je vu des gens de gauche qui proposent des formations aux militants et activistes sur l’antisémitisme. il me semble que c’est curable en bonne partie. que laisser un tel « invariant » à la droite est possible.
      comme tout problème de cet ordre (le sexisme offre un exemple d’une telle contradiction, encore plus général) ça nécessite de l’attention, pas d’être balayé d’un revers de main.
      bien sûr que l’existence d’Israël complique la question, mais « résoudre » cette difficulté par le déni est tout simplement dangereux. pas seulement pour les ou des juifs ! pour la relation au vrai, au mensonge (au complotisme). l’antisémitisme est une fausse route de la contestation la désarme (quel que soit le niveau de violence meurtrière qui s’y manifeste), préserve l’ordre social.

      que faut il faire de la spécificité du racisme anti noir dont je dirais trop vite fait qu’il a consisté en une animalisation nécessaire à l’esclavage et à la traite et que celle-ci dure encore ? là non plus c’est pas à moi de le dire plus que quiconque (en particulier les premiers concerné.e.s, mais pas que). je ne sais pas comment on en finira, et mal comment le battre en brèche.

      juste, avoir deux ou trois idées pas trop pourries sur un enjeu vaut mieux que de se laisser aller à n’importe quoi à son sujet.

      je ne crois pas qu’une éthique de la vérité puisse être réduite à une morale.

    • De mon côté, je dis qu’il n’y a pas d’antisémitisme doctrinaire à gauche, au sens où il n’y a pas d’organisation dite « de gauche » qui ait pour discours, prémisses théoriques, ou même blagues récurrentes en rapport avec l’antisémitisme.

      Tu évoques le sexisme, et c’est une bonne analogie. Oui, le sexisme a beau être proscrit dans la théorie dans les organisations de gauche, il n’est pas forcément condamné comme il devrait, y compris quand une décision de justice existe. Est-ce que l’antisémitisme fait l’objet de la même souplesse ? Je ne crois pas, sans que cela invalide ton constat de déni, c’est à dire qu’un militant qui serait condamné judiciairement pour antisémitisme serait à mon avis exclus. Les soutiens à Dieudonné ne sont plus à gauche désormais, enfin, il me semble ?

    • Je suis allé voir d’où venait la phrase « Étoile de David sur une machette rwandaise » effectivement craignos.

      C’est donc de la chanson « Porteur saint »
      https://genius.com/Medine-porteur-saint-lyrics

      Et voici un extrait plus long :

      Canon d’fusil en forme de minaret
      Tu dessines une croix sur un missile croisière
      Étoile de David sur une machette rwandaise
      Buste de Bouddha sur pommeau de glaive

      Et là pour moi l’interprétation change.

      Si l’on dit que cette phrase est antisémite, alors celle d’avant est antichretienne (comment dit on ?) et celle encore avant est islamophobe. Quand à celle d’après, elle aime pas le bouddhisme.

      Je viens de lire les paroles entières de cette chanson. Il tappe sur les trois monothéismes, sans s’acharner particulièrement sur un. Puis en conclusion il fait un éloge de la foi.

      La foi, une histoire vraie racontée par des menteurs
      Les foules ont interféré dans le message de l’auteur
      Les forts s’en sont emparés pour toujours mieux dominer

      Tout ça pour dire colporteur que je suis plutôt en accord avec ce que tu souleves. Que je te remercie d’avoir attiré mon attention sur l’antisémitisme au sein de la gauche actuelle. Que je trouve d’ailleurs que tes deux commentaires ci-dessus sont ce que tu as écris de plus clair là-dessus ces derniers jours (dans d’autres je n’arrive pas bien à te suivre, tu sembles tellement vénère que c’est pas clair et un peu provoc).

      Que le texte du RAAR est essentielle
      https://raar.info/2023/08/medine-khan
      Que l’interview de Rachel Khan (une macroniste !), est pleine d’arguments franchement forts : https://justpaste.it/9uf01

      Mais que là cet exemple là est faux.

    • Je découvre un deuxième communiqué du RAAR, daté du 30 août, qui actualise pas mal de choses.

      https://raar.info/2023/08/antisemitisme-la-gauche

      Extraits :

      Médine a répondu à l’université d’été d’EELV en présentant ses excuses à propos de Rachel Khan, et en affirmant son rejet de la « quenelle » et de l’antisémitisme, qu’il dit combattre au même titre que l’islamophobie. Par là-même, le rappeur réaffirme sa rupture avec la prétendue « dissidence » antisémite structurée autour d’Alain Soral et Dieudonné, dont la nocivité a longtemps été minimisée par une partie de la gauche. Nous enregistrons positivement cette prise de position.

      Dans le même temps, l’extrême droite, la droite et une partie des macronistes ont profité de l’occasion pour mener contre Médine une campagne aux relents racistes et islamophobes. Nous condamnons ce déchaînement politique et médiatique, qui intervient en outre après la découverte récente d’un projet d’attentat d’extrême-droite le ciblant, ainsi que Jean-Luc Mélenchon et le CRIF.

      [...]

      Ainsi, il est faux d’affirmer, comme le font certain.es dirigeant.es de la France Insoumise (LFI), que l’ensemble des interventions au sein de cette polémique faisait partie intégrante d’une vaste campagne de manipulation venant de l’extrême droite ou des droites. L’utilisation d’un tel argument n’a en réalité qu’une seule fonction : permettre aux responsables de ce parti de nier tout problème. Jean-Luc Mélenchon s’est contenté d’un « Médine n’est pas raciste », sans même prononcer le mot « antisémitisme ». Ce faisant, LFI ignore la parole du principal intéressé, qui a reconnu des « erreurs » ; elle lui confisque la réalité de ses excuses et minimise la gravité du geste de la « quenelle ».

      [...]

      Le RAAR a ainsi invité tous les mouvements et partis de la gauche à se retrouver pour un débat public, plus que jamais indispensable, sur la lutte contre l’antisémitisme. Celui-aura lieu le 15 octobre prochain, au Maltais Rouge, à Paris.

    • Cette chanson qui renvoie dos-à-dos les extrémismes religieux ne cite que deux génocides. L’un commis par des bouddhistes à l’encontre des Rohingyas. L’autre, par des Hutus à l’encontre des Tutsis, avec l’appui principal de la France, et, secondairement, d’Israël. Si il fallait évoquer un appui décisif, c’est celui de la France ! Ce n’est pas le cas. Que vient faire là cette « étoile de David » ? Substituer aux auteurs leurs complices.

      https://seenthis.net/messages/1014151#message1014193
      les juifs sont des génocidaires. CQFD. dieudonno-soralisme maintenu.

      et M. fait mieux que les deux « demande de pardon » de D. aux juifs (...). fort du soutien de la gauche (qui s’est bien mise dans le caca à refuser d’écouter et de lire), il déclare à Paris Normandie : "Je lutte contre l’antisémitisme depuis vingt ans"
      https://seenthis.net/messages/1014151#message1014316

      #falsification

    • oui, quand je vois autant d’obstination à ne pas lire, ne pas entendre les dires récents de M. cela m’énerve.

      on peut bien évoquer les soucis de concentration des jeunes pour cause d’écran et de pauvreté, dans le même temps on oublie ce que bon an mal an on a appris : la lecture. (là, ça refoule sec, oui)

      bien obligé de constater qu’on préfère ne pas savoir.

      edit que le Raar pour je ne sais quelle raison puisse prendre acte de ce que dit Médine à EELV et ne pas prendre acte du fait que peu après il déclare "lutter contre l’antisémitisme depuis 20 ans", ça les regarde. je n’en comprends pas la raison, probablement trop politique pour moi qui suis un moraliste, c’est bien connu. mais je note que la caractéristique de l’antisémitisme de gauche c’est (contrairement à une part de l’antisémitisme de droite, @rastapopoulos ) de ne pas se déclarer tel depuis la deuxième GM. comme c’est aussi le cas de bien des négationnistes du génocide des juifs par les nazis.

      les uns ne se déclarent pas, les autres (ou les mêmes) ne lisent pas et ne voient pas
      merci @parpaing pour ton exégèse, mais dans le flot des mots supposés redorer le blason du chanteur, devenu punchlineur équanime, l’os t’a tout simplement échappé, à moins que tu l’ai avalé.

      #socialisme_des_imbéciles

    • (J’avais encore rédigé une réponse sur le côté misérable du dernier paragraphe du RAAR, et j’ai tout effacé. Autocensure, à nouveau. Passez une bonne journée ; je disais en quelques mot que grâce à la Droite et à l’appui d’une certaine gauche, la rentrée de la NUPES c’est l’antisémitisme... mais vous me direz que c’est bien fait pour eux, ils n’avaient qu’à pas inviter Médine, antisémite notoire dont il faut expurger les propos sur les 20 dernières années pour commencer à détecter un Soral en puissance ; JLM n’a pas dit « antisémite », c’est qu’il est dans le déni ; JLM avait d’autres chats à fouetter apparemment, qu’à devoir se justifier toutes les 30 secondes d’une tempête de merde déclenchée par la droite ; JLM est dans le déni, c’est évident, et toute la gauche, qui devrait évidemment passer son temps à se justifier des écrits de ses soutiens sur les 20 dernières années à chaque fois qu’un fasciste sonne le cor de chasse ; la preuve par Proudhon et Ferry et Napoléon CQFD).

    • 2017, 2022, 2023, c’est pas les 20 dernières années. parait que le niveau baisse. je sais pas, mais en tout cas de l’exercice du bachot nommé commentaire de texte il ne reste rien ici. encore une fois il ne s’agit pas de « se justifier » (?!) de ces textes, mais simplement de les lire, de même qu’il est possible d’écouter les dires de M. 

      y a des reste hein, c’est sûr. quand Hollande dit « mon ennemi c’est la finance », que Macron ose un « la santé n’a pas de prix », on se montre heureusement moins engourdi de la comprenette. eh bien ça fait une bonne base depuis laquelle repartir.

    • D’habitude je ne fais pas de commentaire sur seenthis (ni sur internet en général).

      Je fais juste des montages d’extraits de texte.

      Cette fois ci, dans un moment insomniaque, cela m’a pris. Un peu par hasard sur ce sujet.

      Je vais m’arrêter là.

      Et essayer d’être présent au débat proposé par le RAAR à Paris (cf. mon dernier commentaire ci dessus).

    • et puis stop. la rentrée de la Nupes c’est ses divisions internes : vaut il mieux courir après l’électorat Macron RN (Ruffin, Roussel), les astentionnistes (Autain et co), les complotistes anti vas, éventuellement antisémites (Mélenchon, Guiraud, Panot, Léaument, ...), rejouer la carte CAC 40 (PS) ?

      la rentrée de la gauche elle se fait avec Médine à la fête de l’huma, et c’est pas ça qui posera problème, droite ou pas.

      il y a toujours plus important (ah oui, la gauche !) sauf que ça compte pour du beurre. cette gauche là, elle se plantera, elle est pourrie en plus d’être déconsidérée parce quelle est structurée par un mécanisme de représentation qui fondamentalement aristocratique. et, pour y penser moins encore, on dira que c’est la faute de Roussel- barbeuc.

    • Canon d’fusil en forme de minaret
      Tu dessines une croix sur un missile croisière
      Étoile de David sur une machette rwandaise
      Buste de Bouddha sur pommeau de glaive

      Le fait que juif donne génocide alors que musulman ou chrétien donne juste guerre et bombardement,
      en effet, c’est pas équivalent.

      (Dans cette chanson on a aussi « Des tablettes de Moïse aux tableaux de bourse » et « Tu pleures ton hymen dans les jupes de l’imam »...)

      Là où je me suis dit que le M. est foireux c’est plus (facilement) en découvrant les relations qu’il a eu.

      La quenelle, Kemi Seba, l’association Havre de Savoir...

      Maintenant, j’ai pas vraiment le temps ces jours ci d’écrire des trucs en plus. En tout cas, le sujet est important. Et épineux. Et piegé de tout côté. Du coup ça demande vraiment beaucoup de temps pour se mettre au courant, prendre du recul, et finalement parvenir à dire un truc qui serve à faire avancer sans (faire) péter un câble.

      En tout cas j’y travaille.

      Là je viens de voir cette page, datant de trois semaines :
      https://seenthis.net/messages/1014151

      Bon, là c’est plus clair. J’y capte quelque chose.
      Parce que les injonctions à savoir lire, à faire une bonne composition scolaire, quand on tartine des pages et des pages avec une syntaxe euh... disons révolutionnaire, et bien ça aide pas.

      On s’embrouille quand même moins quand on discute en vrai.

    • Pour David et Rwanda, je ne suis pas dans la tête de Médine, mais ça doit sans doute avoir à faire avec ça :

      Génocide des Tutsis au Rwanda — Wikipédia
      https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9nocide_des_Tutsis_au_Rwanda

      Il apparaît que plusieurs États, en général à travers l’ONU, dont la France, particulièrement impliquée au Rwanda, ne semblent pas avoir su ou voulu adapter leurs actions en distinguant bien les massacres génocidaires de la guerre civile. Israël est même accusée d’avoir continué de vendre des armes (fusils, balles et grenades) au gouvernement hutu durant le génocide90. En 2016, la Cour suprême israélienne décide que les archives des ventes d’armes d’Israël au Rwanda pendant le génocide de 1994 resteraient scellées et dissimulées au public, afin de ne pas nuire à la sécurité d’Israël et à ses relations internationales91. Les États-Unis, marqués par le fiasco somalien récent, et l’ensemble du Conseil de sécurité des Nations unies, auquel participait en 1994 le Rwanda92, refusèrent de qualifier à temps les massacres de génocide, ce qui empêcha de faire jouer la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide qui obligeait les États signataires à intervenir. On emploie des périphrases comme « actes de génocide ». Toutes les pressions exercées sur les belligérants mirent sur le même plan l’arrêt des massacres et l’arrêt des combats entre le FPR et les FAR (Forces armées rwandaises). L’objectif était d’obtenir un cessez-le-feu et d’arrêter les massacres.

    • j’ai d’emblée https://seenthis.net/messages/1014151#message1014193 cité et référencé ces faits (des armes à feu fournies, refus d’Israel de l’emploi du terme génocide pour d’autres cas, dont celui des arméniens), en indiquant l’article de l’historien israélien qui a intenté en 2015 une procédure pour l’ouverture des archives concernées : Le génocide rwandais et la politique israélienne, Yaïr Auron, https://www.cairn.info/revue-d-histoire-de-la-shoah-2009-1-page-225.htm.

      Yair Auron a déclaré à un tribunal de Tel-Aviv : « Envoyer des armes dans un pays où se déroule un génocide, c’est comme envoyer des armes à l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous avons fourni des armes à la Serbie pendant l’embargo et nous avons fourni des armes au gouvernement rwandais, lequel commettait des meurtres. »

      [...]
      un embargo de l’ONU est entré en vigueur le 17 mai 1994. Israël a violé l’embargo, tout comme la Russie, la Belgique, l’Afrique du Sud, la France, l’Espagne et d’autres encore.

      la vente d’armes pendant un embargo constitue un crime contre l’humanité.

      https://www.middleeasteye.net/fr/entretiens/interview-israel-t-il-arme-le-rwanda-pendant-le-genocide-de-1994

      je le redis, l’enquête sur le génocide a montré que les machettes étaient chinoises.
      intérêt de la licence poétique. ce qui est pratique avec « étoile de David » c’est que cela renvoie au drapeau israélien (un pays, un État) autant qu’aux israéliens eux-mêmes, et en l’occurence à « les juifs ». cette chanson fait de complices du génocide leurs auteurs (la France de Mitterrand, bien plus impliquée, n’est pas citée). on a des « juifs génocidaires », thèse dieudo-soralienne), mais pas d’antisémitisme, légalement condamnable selon la loi française.

      faire dans l’antisémitisme sans le dire, c’est la suite du négationnisme.

      edit

      Félicien Kabuga [rwandais], 84 ans, est l’un des fugitifs les plus recherchés de la planète. Pour avoir notamment importé 25 tonnes de machettes chinoises un mois avant le début des massacres, il est accusé de « génocide, complicité, incitation et complot en vue de commettre un génocide et crime contre l’humanité ».

      https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/04/08/au-rwanda-les-funestes-echos-de-la-radio-des-mille-collines_5447242_3212

  • Des pluies torrentielles en Libye font plus de 2 000 morts, selon les autorités locales – Libération
    https://www.liberation.fr/international/afrique/des-centaines-de-morts-en-libye-apres-des-pluies-diluviennes-20230911_A3E

    La #Libye est touchée depuis dimanche 10 septembre par des pluies diluviennes. « Au moins 150 personnes ont été tuées à cause des inondations provoquées par la tempête Daniel à Derna, dans les régions du Jabal Al-Akhdar et dans la banlieue d’Al-Marj », avait déclaré dans un premier temps Mohamed Massoud, porte-parole du chef de l’exécutif parallèle basé à Benghazi (est). Mais le bilan s’alourdit rapidement. Au moins 2 000 personnes seraient mortes, a ensuite affirmé Oussama Hamada, Premier ministre par intérim du gouvernement de l’est du pays, cité par l’agence AP. En outre, plus de 5 000 personnes seraient portées disparues, a chiffré Issam Abu Zriba, ministre de l’Intérieur du gouvernement de l’est, rapporte la même agence.

    • Effondrement de quatre ponts principaux et des deux barrages situés au dessus de la ville de Derna

      La crue a emporté les habitants de Derna, ses arbres, ses maisons, ses immeubles, ses rues, ses places et tout ce qui constituait un pan de cette ville de 100 000 habitants. Elle n’a laissé qu’une cicatrice béante en plein milieu de la cité. Dans un entretien téléphonique, lundi, avec le média libyen Al-Marsad, Oussama Hammad, le premier ministre de l’Est libyen, dont l’autorité n’est pas reconnue par la communauté internationale, a indiqué que dans cette ville « sinistrée », « des quartiers entiers ont disparu ». D’après lui, le bilan humain de cette calamité s’élève à plus de « 2 000 morts » et des « milliers de disparus ». Son ministre de l’intérieur, Essam Abu Zeriba, s’est montré encore plus alarmiste, en affirmant le même jour sur la chaîne satellitaire Al-Arabiya que « plus de 5 000 personnes seraient portées disparues à Derna » et que de nombreuses victimes auraient été emportées vers la mer Méditerranée. Toutes ces estimations sont provisoires. Celles-ci ne prenant pas en compte les morts et les disparus dans les autres villes touchées par le déluge comme Al-Marj, El-Baïda ou encore Benghazi, la seconde ville du pays.

      Après avoir violemment balayé la Grèce, la Turquie et la Bulgarie, tuant au moins 27 personnes sur son passage, le phénomène météorologique, qualifié d’« extrême en termes de quantité d’eau tombée » par les experts, a continué son chemin vers l’Afrique du Nord. Dans la nuit du samedi 9 au dimanche 10 septembre, il a atteint les côtes de l’Est libyen, générant des pluies diluviennes et des vents violents sur une vaste région entre Benghazi et Tobrouk, causant d’importants dégâts humains et matériels.

      https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/11/en-libye-plus-de-2-000-morts-dans-des-inondations-selon-les-autorites-de-l-e

      #medicane #inondation

    • Inondations en Libye : « La puissance du cyclone Daniel vient de la température très élevée de la Méditerranée »

      https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/09/12/inondations-en-libye-la-puissance-du-cyclone-daniel-vient-de-la-temperature-

      La Libye a subi de plein fouet les impacts d’un Tropical Like Cyclone (TLC), une structure dépressionnaire verticale alimentée par l’énergie d’une mer très chaude. Il s’agit de la continuité du cyclone Daniel qu’ont connu la Grèce, la Turquie et la Bulgarie la semaine dernière. Il ne s’était pas épuisé. D’habitude, ce genre de phénomènes est évacué vers l’est. Là, à cause du blocage en oméga [un anticyclone avec deux zones de basse pression accolées, formant les « pattes » de la lettre grecque oméga] qui a provoqué les fortes chaleurs en France il y a plusieurs jours, il est d’abord resté longtemps sur la Grèce, ce qui explique le niveau des précipitations pendant de longues heures. Puis, il est resté statique en mer, entre la Sicile et la Grèce. Les pluies y ont été très violentes. Les courants atmosphériques l’ont ensuite entraîné vers les côtes libyennes, où il a aussi été attiré par les températures très élevées de la mer.

      Comment expliquer de telles précipitations ? En Grèce, il y a eu jusqu’à 750 millimètres en dix-huit heures…

      Comme les vents d’altitude ne l’emportaient pas, il est resté actif très longtemps au-dessus de certaines zones. Et sa puissance vient de la température de la mer, très élevée. La moyenne de la Méditerranée était de 28 °C cet été. Dans cette atmosphère réchauffée depuis des semaines et rendue très humide à cause de l’évaporation de la Méditerranée, le cyclone se recharge au fur et à mesure. Il arrive sur les côtes libyennes bourré d’énergie. Ces fortes précipitations se déversent sur des sols désertiques encore plus asséchés par des mois de fortes chaleurs. Cela crée des ruissellements. A la fin de la saison, les cours d’eau sont aussi encombrés de déchets naturels ou humains qui empêchent le bon écoulement et favorisent les débordements. On a déjà vu ça en Sicile.
      https://justpaste.it/ay25r

      #Tropical_Like_Cyclone

  • Comment l’Europe sous-traite à l’Afrique le contrôle des migrations (4/4) : « Un tas de personnes s’enrichissent aux dépens des pêcheurs »
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/09/comment-l-europe-sous-traite-a-l-afrique-le-controle-des-migrations-4-4-un-t

    Comment l’Europe sous-traite à l’Afrique le contrôle des migrations (4/4) : « Un tas de personnes s’enrichissent aux dépens des pêcheurs »
    Au Sénégal, l’accord de pêche signé avec l’Union européenne prive les locaux de revenus et les pousse à s’exiler, mais Bruxelles préfère financer des projets visant à stopper les flux de migrants plutôt que de s’attaquer aux véritables causes de départ.

    #Covid-19#migrant#migration#senegal#UE#economie#migrationirreguliere#pêche#developpement#frontiere

  • 🛑 N’oubliez jamais : le nucléaire est une « énergie propre » et « sans danger »... de la « conception » (uranium) à la « finition » (déchets)... 💩

    🛑 Uranium : le lourd passé prédateur de la France au Niger

    Le putsch au Niger et le fort sentiment anti-français découlent en partie de la politique colonialiste de la France. Depuis 50 ans, elle maintient le pays sous sa domination pour en extraire l’uranium nécessaire à sa politique nucléaire (...)

    🛑 ☠️ ☢️ 🌍 #Niger #néocolonialisme #écologie #environnement #contamination #pollution #uranium #radioactivité #nucléaire #nucléocratie #capitalisme #danger... #antinucléaire !

    🏴 ★ #Anticapitalisme #antiproductivisme #décroissance #anarchisme

    ⏩ Lire l’article complet...

    ▶️ https://reporterre.net/Uranium-le-lourd-passe-predateur-de-la-France-au-Niger

    ▶️ https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/02/26/niger-a-arlit-les-gens-boivent-de-l-eau-contaminee-par-la-radioactivite_5262

  • Comment l’Europe sous-traite à l’#Afrique le contrôle des #migrations (1/4) : « #Frontex menace la #dignité_humaine et l’#identité_africaine »

    Pour freiner l’immigration, l’Union européenne étend ses pouvoirs aux pays d’origine des migrants à travers des partenariats avec des pays africains, parfois au mépris des droits humains. Exemple au Sénégal, où le journaliste Andrei Popoviciu a enquêté.

    Cette enquête en quatre épisodes, publiée initialement en anglais dans le magazine américain In These Times (https://inthesetimes.com/article/europe-militarize-africa-senegal-borders-anti-migration-surveillance), a été soutenue par une bourse du Leonard C. Goodman Center for Investigative Reporting.

    Par une brûlante journée de février, Cornelia Ernst et sa délégation arrivent au poste-frontière de Rosso. Autour, le marché d’artisanat bouillonne de vie, une épaisse fumée s’élève depuis les camions qui attendent pour passer en Mauritanie, des pirogues hautes en couleur dansent sur le fleuve Sénégal. Mais l’attention se focalise sur une fine mallette noire posée sur une table, face au chef du poste-frontière. Celui-ci l’ouvre fièrement, dévoilant des dizaines de câbles méticuleusement rangés à côté d’une tablette tactile. La délégation en a le souffle coupé.

    Le « Universal Forensics Extraction Device » (UFED) est un outil d’extraction de données capable de récupérer les historiques d’appels, photos, positions GPS et messages WhatsApp de n’importe quel téléphone portable. Fabriqué par la société israélienne Cellebrite, dont il a fait la réputation, l’UFED est commercialisé auprès des services de police du monde entier, notamment du FBI, pour lutter contre le terrorisme et le trafic de drogues. Néanmoins, ces dernières années, le Nigeria et le Bahreïn s’en sont servis pour voler les données de dissidents politiques, de militants des droits humains et de journalistes, suscitant un tollé.

    Toujours est-il qu’aujourd’hui, une de ces machines se trouve au poste-frontière entre Rosso-Sénégal et Rosso-Mauritanie, deux villes du même nom construites de part et d’autre du fleuve qui sépare les deux pays. Rosso est une étape clé sur la route migratoire qui mène jusqu’en Afrique du Nord. Ici, cependant, cette technologie ne sert pas à arrêter les trafiquants de drogue ou les terroristes, mais à suivre les Ouest-Africains qui veulent migrer vers l’Europe. Et cet UFED n’est qu’un outil parmi d’autres du troublant arsenal de technologies de pointe déployé pour contrôler les déplacements dans la région – un arsenal qui est arrivé là, Cornelia Ernst le sait, grâce aux technocrates de l’Union européenne (UE) avec qui elle travaille.

    Cette eurodéputée allemande se trouve ici, avec son homologue néerlandaise Tineke Strik et une équipe d’assistants, pour mener une mission d’enquête en Afrique de l’Ouest. Respectivement membres du Groupe de la gauche (GUE/NGL) et du Groupe des Verts (Verts/ALE) au Parlement européen, les deux femmes font partie d’une petite minorité de députés à s’inquiéter des conséquences de la politique migratoire européenne sur les valeurs fondamentales de l’UE – à savoir les droits humains –, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Europe.

    Le poste-frontière de Rosso fait partie intégrante de la politique migratoire européenne. Il accueille en effet une nouvelle antenne de la Division nationale de lutte contre le trafic de migrants (DNLT), fruit d’un « partenariat opérationnel conjoint » entre le Sénégal et l’UE visant à former et équiper la police des frontières sénégalaise et à dissuader les migrants de gagner l’Europe avant même qu’ils ne s’en approchent. Grâce à l’argent des contribuables européens, le Sénégal a construit depuis 2018 au moins neuf postes-frontières et quatre antennes régionales de la DNLT. Ces sites sont équipés d’un luxe de technologies de surveillance intrusive : outre la petite mallette noire, ce sont des logiciels d’identification biométrique des empreintes digitales et de reconnaissance faciale, des drones, des serveurs numériques, des lunettes de vision nocturne et bien d’autres choses encore…

    Dans un communiqué, un porte-parole de la Commission européenne affirme pourtant que les antennes régionales de la DNLT ont été créées par le Sénégal et que l’UE se borne à financer les équipements et les formations.

    « Frontex militarise la Méditerranée »

    Cornelia Ernst redoute que ces outils ne portent atteinte aux droits fondamentaux des personnes en déplacement. Les responsables sénégalais, note-t-elle, semblent « très enthousiasmés par les équipements qu’ils reçoivent et par leur utilité pour suivre les personnes ». Cornelia Ernst et Tineke Strik s’inquiètent également de la nouvelle politique, controversée, que mène la Commission européenne depuis l’été 2022 : l’Europe a entamé des négociations avec le Sénégal et la Mauritanie pour qu’ils l’autorisent à envoyer du personnel de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, Frontex, patrouiller aux frontières terrestres et maritimes des deux pays. Objectif avoué : freiner l’immigration africaine.

    Avec un budget de 754 millions d’euros, Frontex est l’agence la mieux dotée financièrement de toute l’UE. Ces cinq dernières années, un certain nombre d’enquêtes – de l’UE, des Nations unies, de journalistes et d’organisations à but non lucratif – ont montré que Frontex a violé les droits et la sécurité des migrants qui traversent la Méditerranée, notamment en aidant les garde-côtes libyens, financés par l’UE, à renvoyer des centaines de milliers de migrants en Libye, un pays dans lequel certains sont détenus, torturés ou exploités comme esclaves sexuels. En 2022, le directeur de l’agence, Fabrice Leggeri, a même été contraint de démissionner à la suite d’une cascade de scandales. Il lui a notamment été reproché d’avoir dissimulé des « pushbacks » : des refoulements illégaux de migrants avant même qu’ils ne puissent déposer une demande d’asile.

    Cela fait longtemps que Frontex est présente de façon informelle au Sénégal, en Mauritanie et dans six autres pays d’Afrique de l’Ouest, contribuant au transfert de données migratoires de ces pays vers l’UE. Mais jamais auparavant l’agence n’avait déployé de gardes permanents à l’extérieur de l’UE. Or à présent, Bruxelles compte bien étendre les activités de Frontex au-delà de son territoire, sur le sol de pays africains souverains, anciennes colonies européennes qui plus est, et ce en l’absence de tout mécanisme de surveillance. Pour couronner le tout, initialement, l’UE avait même envisagé d’accorder l’immunité au personnel de Frontex posté en Afrique de l’Ouest.

    D’évidence, les programmes européens ne sont pas sans poser problème. La veille de leur arrivée à Rosso, Cornelia Ernst et Tineke Strik séjournent à Dakar, où plusieurs groupes de la société civile les mettent en garde. « Frontex menace la dignité humaine et l’identité africaine », martèle Fatou Faye, de la Fondation Rosa Luxemburg, une ONG allemande. « Frontex militarise la Méditerranée », renchérit Saliou Diouf, fondateur de l’association de défense des migrants Boza Fii. Si Frontex poste ses gardes aux frontières africaines, ajoute-t-il, « c’est la fin ».

    Ces programmes s’inscrivent dans une vaste stratégie d’« externalisation des frontières », selon le jargon européen en vigueur. L’idée ? Sous-traiter de plus en plus le contrôle des frontières européennes en créant des partenariats avec des gouvernements africains – autrement dit, étendre les pouvoirs de l’UE aux pays d’origine des migrants. Concrètement, cette stratégie aux multiples facettes consiste à distribuer des équipements de surveillance de pointe, à former les forces de police et à mettre en place des programmes de développement qui prétendent s’attaquer à la racine des migrations.

    Des cobayes pour l’Europe

    En 2016, l’UE a désigné le Sénégal, qui est à la fois un pays d’origine et de transit des migrants, comme l’un de ses cinq principaux pays partenaires pour gérer les migrations africaines. Mais au total, ce sont pas moins de 26 pays africains qui reçoivent de l’argent des contribuables européens pour endiguer les vagues de migration, dans le cadre de 400 projets distincts. Entre 2015 et 2021, l’UE a investi 5 milliards d’euros dans ces projets, 80 % des fonds étant puisés dans les budgets d’aide humanitaire et au développement. Selon des données de la Fondation Heinrich Böll, rien qu’au Sénégal, l’Europe a investi au moins 200 milliards de francs CFA (environ 305 millions d’euros) depuis 2005.

    Ces investissements présentent des risques considérables. Il s’avère que la Commission européenne omet parfois de procéder à des études d’évaluation d’impact sur les droits humains avant de distribuer ses fonds. Or, comme le souligne Tineke Strik, les pays qu’elle finance manquent souvent de garde-fous pour protéger la démocratie et garantir que les technologies et les stratégies de maintien de l’ordre ne seront pas utilisées à mauvais escient. En réalité, avec ces mesures, l’UE mène de dangereuses expériences technico-politiques : elle équipe des gouvernements autoritaires d’outils répressifs qui peuvent être utilisés contre les migrants, mais contre bien d’autres personnes aussi.

    « Si la police dispose de ces technologies pour tracer les migrants, rien ne garantit qu’elle ne s’en servira pas contre d’autres individus, comme des membres de la société civile et des acteurs politiques », explique Ousmane Diallo, chercheur au bureau d’Afrique de l’Ouest d’Amnesty International.

    En 2022, j’ai voulu mesurer l’impact au Sénégal des investissements réalisés par l’UE dans le cadre de sa politique migratoire. Je me suis rendu dans plusieurs villes frontalières, j’ai discuté avec des dizaines de personnes et j’ai consulté des centaines de documents publics ou qui avaient fuité. Cette enquête a mis au jour un complexe réseau d’initiatives qui ne s’attaquent guère aux problèmes qui poussent les gens à émigrer. En revanche, elles portent un rude coup aux droits fondamentaux, à la souveraineté nationale du Sénégal et d’autres pays d’Afrique, ainsi qu’aux économies locales de ces pays, qui sont devenus des cobayes pour l’Europe.

    Des politiques « copiées-collées »

    Depuis la « crise migratoire » de 2015, l’UE déploie une énergie frénétique pour lutter contre l’immigration. A l’époque, plus d’un million de demandeurs d’asile originaires du Moyen-Orient et d’Afrique – fuyant les conflits, la violence et la pauvreté – ont débarqué sur les côtes européennes. Cette « crise migratoire » a provoqué une droitisation de l’Europe. Les leaders populistes surfant sur la peur des populations et présentant l’immigration comme une menace sécuritaire et identitaire, les partis nationalistes et xénophobes en ont fait leurs choux gras.

    Reste que le pic d’immigration en provenance d’Afrique de l’Ouest s’est produit bien avant 2015 : en 2006, plus de 31 700 migrants sont arrivés par bateau aux îles Canaries, un territoire espagnol situé à une centaine de kilomètres du Maroc. Cette vague a pris au dépourvu le gouvernement espagnol, qui s’est lancé dans une opération conjointe avec Frontex, baptisée « Hera », pour patrouiller le long des côtes africaines et intercepter les bateaux en direction de l’Europe.

    Cette opération « Hera », que l’ONG britannique de défense des libertés Statewatch qualifie d’« opaque », marque le premier déploiement de Frontex à l’extérieur du territoire européen. C’est aussi le premier signe d’externalisation des frontières européennes en Afrique depuis la fin du colonialisme au XXe siècle. En 2018, Frontex a quitté le Sénégal, mais la Guardia Civil espagnole y est restée jusqu’à ce jour : pour lutter contre l’immigration illégale, elle patrouille le long des côtes et effectue même des contrôles de passeports dans les aéroports.

    En 2015, en pleine « crise », les fonctionnaires de Bruxelles ont musclé leur stratégie : ils ont décidé de dédier des fonds à la lutte contre l’immigration à la source. Ils ont alors créé le Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique (EUTF). Officiellement, il s’agit de favoriser la stabilité et de remédier aux causes des migrations et des déplacements irréguliers des populations en Afrique.

    Malgré son nom prometteur, c’est la faute de l’EUTF si la mallette noire se trouve à présent au poste-frontière de Rosso – sans oublier les drones et les lunettes de vision nocturne. Outre ce matériel, le fonds d’urgence sert à envoyer des fonctionnaires et des consultants européens en Afrique, pour convaincre les gouvernements de mettre en place de nouvelles politiques migratoires – des politiques qui, comme me le confie un consultant anonyme de l’EUTF, sont souvent « copiées-collées d’un pays à l’autre », sans considération aucune des particularités nationales de chaque pays. « L’UE force le Sénégal à adopter des politiques qui n’ont rien à voir avec nous », explique la chercheuse sénégalaise Fatou Faye à Cornelia Ernst et Tineke Strik.

    Une mobilité régionale stigmatisée

    Les aides européennes constituent un puissant levier, note Leonie Jegen, chercheuse à l’université d’Amsterdam et spécialiste de l’influence de l’UE sur la politique migratoire sénégalaise. Ces aides, souligne-t-elle, ont poussé le Sénégal à réformer ses institutions et son cadre législatif en suivant des principes européens et en reproduisant des « catégories politiques eurocentrées » qui stigmatisent, voire criminalisent la mobilité régionale. Et ces réformes sont sous-tendues par l’idée que « le progrès et la modernité » sont des choses « apportées de l’extérieur » – idée qui n’est pas sans faire écho au passé colonial.

    Il y a des siècles, pour se partager l’Afrique et mieux piller ses ressources, les empires européens ont dessiné ces mêmes frontières que l’UE est aujourd’hui en train de fortifier. L’Allemagne a alors jeté son dévolu sur de grandes parties de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique de l’Est ; les Pays-Bas ont mis la main sur l’Afrique du Sud ; les Britanniques ont décroché une grande bande de terre s’étendant du nord au sud de la partie orientale du continent ; la France a raflé des territoires allant du Maroc au Congo-Brazzaville, notamment l’actuel Sénégal, qui n’est indépendant que depuis soixante-trois ans.

    L’externalisation actuelle des frontières européennes n’est pas un cas totalement unique. Les trois derniers gouvernements américains ont abreuvé le Mexique de millions de dollars pour empêcher les réfugiés d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud d’atteindre la frontière américaine, et l’administration Biden a annoncé l’ouverture en Amérique latine de centres régionaux où il sera possible de déposer une demande d’asile, étendant ainsi de facto le contrôle de ses frontières à des milliers de kilomètres au-delà de son territoire.

    Cela dit, au chapitre externalisation des frontières, la politique européenne en Afrique est de loin la plus ambitieuse et la mieux financée au monde.

    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/06/comment-l-europe-sous-traite-a-l-afrique-le-controle-des-migrations-1-4-fron

    #réfugiés #asile #contrôles_frontaliers #frontières #Sénégal #Rosso #fleuve_Sénégal #Mauritanie #Universal_Forensics_Extraction_Device (#UFED) #données #technologie #Cellebrite #complexe_militaro-industriel #Division_nationale_de_lutte_contre_le_trafic_de_migrants (#DNLT) #politique_migratoire_européenne #UE #EU #Union_européenne #partenariat_opérationnel_conjoint #dissuasion #postes-frontières #surveillance #technologie_de_surveillance #biométrie #identification_biométrie #reconnaissance_faciale #empreintes_digitales #drones #droits_fondamentaux #militarisation_des_frontières #Boza_Fii #externalisation #expériences_technico-politiques #Hera #opération_Hera #mobilité_régionale

    • Comment l’Europe sous-traite à l’Afrique le contrôle des migrations (2/4) : « Nous avons besoin d’aide, pas d’outils sécuritaires »

      Au Sénégal, la création et l’équipement de postes-frontières constituent des éléments clés du partenariat avec l’Union européenne. Une stratégie pas toujours efficace, tandis que les services destinés aux migrants manquent cruellement de financements.

      Par une étouffante journée de mars, j’arrive au poste de contrôle poussiéreux du village sénégalais de #Moussala, à la frontière avec le #Mali. Des dizaines de camions et de motos attendent, en ligne, de traverser ce point de transit majeur. Après avoir demandé pendant des mois, en vain, la permission au gouvernement d’accéder au poste-frontière, j’espère que le chef du poste m’expliquera dans quelle mesure les financements européens influencent leurs opérations. Refusant d’entrer dans les détails, il me confirme que son équipe a récemment reçu de l’Union européenne (UE) des formations et des équipements dont elle se sert régulièrement. Pour preuve, un petit diplôme et un trophée, tous deux estampillés du drapeau européen, trônent sur son bureau.

      La création et l’équipement de postes-frontières comme celui de Moussala constituent des éléments clés du partenariat entre l’UE et l’#Organisation_internationale_pour_les_migrations (#OIM). Outre les technologies de surveillance fournies aux antennes de la Division nationale de lutte contre le trafic de migrants (DNLT, fruit d’un partenariat entre le Sénégal et l’UE), chaque poste-frontière est équipé de systèmes d’analyse des données migratoires et de systèmes biométriques de reconnaissance faciale et des empreintes digitales.

      Officiellement, l’objectif est de créer ce que les fonctionnaires européens appellent un système africain d’#IBM, à savoir « #Integrated_Border_Management » (en français, « gestion intégrée des frontières »). Dans un communiqué de 2017, le coordinateur du projet de l’OIM au Sénégal déclarait : « La gestion intégrée des frontières est plus qu’un simple concept, c’est une culture. » Il avait semble-t-il en tête un changement idéologique de toute l’Afrique, qui ne manquerait pas selon lui d’embrasser la vision européenne des migrations.

      Technologies de surveillance

      Concrètement, ce système IBM consiste à fusionner les #bases_de_données sénégalaises (qui contiennent des données biométriques sensibles) avec les données d’agences de police internationales (comme #Interpol et #Europol). Le but : permettre aux gouvernements de savoir qui franchit quelle frontière et quand. Un tel système, avertissent les experts, peut vite faciliter les expulsions illégales et autres abus.

      Le risque est tout sauf hypothétique. En 2022, un ancien agent des services espagnols de renseignement déclarait au journal El Confidencial que les autorités de plusieurs pays d’Afrique « utilisent les technologies fournies par l’Espagne pour persécuter et réprimer des groupes d’opposition, des militants et des citoyens critiques envers le pouvoir ». Et d’ajouter que le gouvernement espagnol en avait parfaitement conscience.

      D’après un porte-parole de la Commission européenne, « tous les projets qui touchent à la sécurité et sont financés par l’UE comportent un volet de formation et de renforcement des capacités en matière de droits humains ». Selon cette même personne, l’UE effectue des études d’impact sur les droits humains avant et pendant la mise en œuvre de ces projets. Mais lorsque, il y a quelques mois, l’eurodéputée néerlandaise Tineke Strik a demandé à voir ces études d’impact, trois différents services de la Commission lui ont envoyé des réponses officielles disant qu’ils ne les avaient pas. En outre, selon un de ces services, « il n’existe pas d’obligation réglementaire d’en faire ».

      Au Sénégal, les libertés civiles sont de plus en plus menacées et ces technologies de surveillance risquent d’autant plus d’être utilisées à mauvais escient. Rappelons qu’en 2021, les forces de sécurité sénégalaises ont tué quatorze personnes qui manifestaient contre le gouvernement ; au cours des deux dernières années, plusieurs figures de l’opposition et journalistes sénégalais ont été emprisonnés pour avoir critiqué le gouvernement, abordé des questions politiques sensibles ou avoir « diffusé des fausses nouvelles ». En juin, après qu’Ousmane Sonko, principal opposant au président Macky Sall, a été condamné à deux ans d’emprisonnement pour « corruption de la jeunesse », de vives protestations ont fait 23 morts.

      « Si je n’étais pas policier, je partirais aussi »

      Alors que j’allais renoncer à discuter avec la police locale, à Tambacounda, autre grand point de transit non loin des frontières avec le Mali et la Guinée, un policier de l’immigration en civil a accepté de me parler sous couvert d’anonymat. C’est de la région de #Tambacounda, qui compte parmi les plus pauvres du Sénégal, que proviennent la plupart des candidats à l’immigration. Là-bas, tout le monde, y compris le policier, connaît au moins une personne qui a tenté de mettre les voiles pour l’Europe.

      « Si je n’étais pas policier, je partirais aussi », me confie-t-il par l’entremise d’un interprète, après s’être éloigné à la hâte du poste-frontière. Les investissements de l’UE « n’ont rien changé du tout », poursuit-il, notant qu’il voit régulièrement des personnes en provenance de Guinée passer par le Sénégal et entrer au Mali dans le but de gagner l’Europe.

      Depuis son indépendance en 1960, le Sénégal est salué comme un modèle de démocratie et de stabilité, tandis que nombre de ses voisins sont en proie aux dissensions politiques et aux coups d’Etat. Quoi qu’il en soit, plus d’un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté et l’absence de perspectives pousse la population à migrer, notamment vers la France et l’Espagne. Aujourd’hui, les envois de fonds de la diaspora représentent près de 10 % du PIB sénégalais. A noter par ailleurs que, le Sénégal étant le pays le plus à l’ouest de l’Afrique, de nombreux Ouest-Africains s’y retrouvent lorsqu’ils fuient les problèmes économiques et les violences des ramifications régionales d’Al-Qaida et de l’Etat islamique (EI), qui ont jusqu’à présent contraint près de 4 millions de personnes à partir de chez elles.

      « L’UE ne peut pas résoudre les problèmes en construisant des murs et en distribuant de l’argent, me dit le policier. Elle pourra financer tout ce qu’elle veut, ce n’est pas comme ça qu’elle mettra fin à l’immigration. » Les sommes qu’elle dépense pour renforcer la police et les frontières, dit-il, ne servent guère plus qu’à acheter des voitures climatisées aux policiers des villes frontalières.

      Pendant ce temps, les services destinés aux personnes expulsées – comme les centres de protection et d’accueil – manquent cruellement de financements. Au poste-frontière de Rosso, des centaines de personnes sont expulsées chaque semaine de Mauritanie. Mbaye Diop travaille avec une poignée de bénévoles du centre que la Croix-Rouge a installé du côté sénégalais pour accueillir ces personnes expulsées : des hommes, des femmes et des enfants qui présentent parfois des blessures aux poignets, causées par des menottes, et ailleurs sur le corps, laissées par les coups de la police mauritanienne. Mais Mbaye Diop n’a pas de ressources pour les aider. L’approche n’est pas du tout la bonne, souffle-t-il : « Nous avons besoin d’aide humanitaire, pas d’outils sécuritaires. »

      La méthode de la carotte

      Pour freiner l’immigration, l’UE teste également la méthode de la carotte : elle propose des subventions aux entreprises locales et des formations professionnelles à ceux qui restent ou rentrent chez eux. La route qui mène à Tambacounda est ponctuée de dizaines et de dizaines de panneaux publicitaires vantant les projets européens.

      Dans la réalité, les offres ne sont pas aussi belles que l’annonce l’UE. Binta Ly, 40 ans, en sait quelque chose. A Tambacounda, elle tient une petite boutique de jus de fruits locaux et d’articles de toilette. Elle a fait une année de droit à l’université, mais le coût de la vie à Dakar l’a contrainte à abandonner ses études et à partir chercher du travail au Maroc. Après avoir vécu sept ans à Casablanca et Marrakech, elle est rentrée au Sénégal, où elle a récemment inauguré son magasin.

      En 2022, Binta Ly a déposé une demande de subvention au Bureau d’accueil, d’orientation et de suivi (BAOS) qui avait ouvert la même année à Tambacounda, au sein de l’antenne locale de l’Agence régionale de développement (ARD). Financés par l’UE, les BAOS proposent des subventions aux petites entreprises sénégalaises dans le but de dissuader la population d’émigrer. Binta Ly ambitionnait d’ouvrir un service d’impression, de copie et de plastification dans sa boutique, idéalement située à côté d’une école primaire. Elle a obtenu une subvention de 500 000 francs CFA (762 euros) – soit un quart du budget qu’elle avait demandé –, mais peu importe, elle était très enthousiaste. Sauf qu’un an plus tard, elle n’avait toujours pas touché un seul franc.

      Dans l’ensemble du Sénégal, les BAOS ont obtenu une enveloppe totale de 1 milliard de francs CFA (1,5 million d’euros) de l’UE pour financer ces subventions. Mais l’antenne de Tambacounda n’a perçu que 60 millions de francs CFA (91 470 euros), explique Abdoul Aziz Tandia, directeur du bureau local de l’ARD. A peine de quoi financer 84 entreprises dans une région de plus d’un demi-million d’habitants. Selon un porte-parole de la Commission européenne, la distribution des subventions a effectivement commencé en avril. Le fait est que Binta Ly a reçu une imprimante et une plastifieuse, mais pas d’ordinateur pour aller avec. « Je suis contente d’avoir ces aides, dit-elle. Le problème, c’est qu’elles mettent très longtemps à venir et que ces retards chamboulent tout mon business plan. »

      Retour « volontaire »

      Abdoul Aziz Tandia admet que les BAOS ne répondent pas à la demande. C’est en partie la faute de la bureaucratie, poursuit-il : Dakar doit approuver l’ensemble des projets et les intermédiaires sont des ONG et des agences étrangères, ce qui signifie que les autorités locales et les bénéficiaires n’exercent aucun contrôle sur ces fonds, alors qu’ils sont les mieux placés pour savoir comment les utiliser. Par ailleurs, reconnaît-il, de nombreuses régions du pays n’ayant accès ni à l’eau propre, ni à l’électricité ni aux soins médicaux, ces microsubventions ne suffisent pas à empêcher les populations d’émigrer. « Sur le moyen et le long termes, ces investissements n’ont pas de sens », juge Abdoul Aziz Tandia.

      Autre exemple : aujourd’hui âgé de 30 ans, Omar Diaw a passé au moins cinq années de sa vie à tenter de rejoindre l’Europe. Traversant les impitoyables déserts du Mali et du Niger, il est parvenu jusqu’en Algérie. Là, à son arrivée, il s’est aussitôt fait expulser vers le Niger, où il n’existe aucun service d’accueil. Il est alors resté coincé des semaines entières dans le désert. Finalement, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) l’a renvoyé en avion au Sénégal, qualifiant son retour de « volontaire ».

      Lorsqu’il est rentré chez lui, à Tambacounda, l’OIM l’a inscrit à une formation de marketing numérique qui devait durer plusieurs semaines et s’accompagner d’une allocation de 30 000 francs CFA (46 euros). Mais il n’a jamais touché l’allocation et la formation qu’il a suivie est quasiment inutile dans sa situation : à Tambacounda, la demande en marketing numérique n’est pas au rendez-vous. Résultat : il a recommencé à mettre de l’argent de côté pour tenter de nouveau de gagner l’Europe.

      https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/07/comment-l-europe-sous-traite-a-l-afrique-le-controle-des-migrations-2-4-nous
      #OIM #retour_volontaire

    • Comment l’Europe sous-traite à l’Afrique le contrôle des migrations (3/4) : « Il est presque impossible de comprendre à quoi sert l’argent »

      A coups de centaines de millions d’euros, l’UE finance des projets dans des pays africains pour réduire les migrations. Mais leur impact est difficile à mesurer et leurs effets pervers rarement pris en considération.

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      Au chapitre migrations, rares sont les projets de l’Union européenne (UE) qui semblent adaptés aux réalités africaines. Mais il n’est pas sans risques de le dire tout haut. C’est ce que Boubacar Sèye, chercheur dans le domaine, a appris à ses dépens.

      Né au Sénégal, il vit aujourd’hui en Espagne. Ce migrant a quitté la Côte d’Ivoire, où il travaillait comme professeur de mathématiques, quand les violences ont ravagé le pays au lendemain de l’élection présidentielle de 2000. Après de brefs séjours en France et en Italie, Boubacar Sèye s’est établi en Espagne, où il a fini par obtenir la citoyenneté et fondé une famille avec son épouse espagnole. Choqué par le bilan de la vague de migration aux Canaries en 2006, il a créé l’ONG Horizons sans frontières pour aider les migrants africains en Espagne. Aujourd’hui, il mène des recherches et défend les droits des personnes en déplacement, notamment celles en provenance d’Afrique et plus particulièrement du Sénégal.

      En 2019, Boubacar Sèye s’est procuré un document détaillant comment les fonds des politiques migratoires de l’UE sont dépensés au Sénégal. Il a été sidéré par le montant vertigineux des sommes investies pour juguler l’immigration, alors que des milliers de candidats à l’asile se noient chaque année sur certaines des routes migratoires les plus meurtrières au monde. Lors d’entretiens publiés dans la presse et d’événements publics, il a ouvertement demandé aux autorités sénégalaises d’être plus transparentes sur ce qu’elles avaient fait des centaines de millions d’euros de l’Europe, qualifiant ces projets de véritable échec.

      Puis, au début de l’année 2021, il a été arrêté à l’aéroport de Dakar pour « diffusion de fausses informations ». Il a ensuite passé deux semaines en prison. Sa santé se dégradant rapidement sous l’effet du stress, il a fait une crise cardiaque. « Ce séjour en prison était inhumain, humiliant, et il m’a causé des problèmes de santé qui durent jusqu’à aujourd’hui, s’indigne le chercheur. J’ai juste posé une question : “Où est passé l’argent ?” »

      Ses intuitions n’étaient pas mauvaises. Les financements de la politique anti-immigration de l’UE sont notoirement opaques et difficiles à tracer. Les demandes déposées dans le cadre de la liberté d’information mettent des mois, voire des années à être traitées, alors que la délégation de l’UE au Sénégal, la Commission européenne et les autorités sénégalaises ignorent ou déclinent les demandes d’interviews.

      La Division nationale de lutte contre le trafic de migrants (DNLT, fruit d’un partenariat entre le Sénégal et l’UE), la police des frontières, le ministère de l’intérieur et le ministère des affaires étrangères – lesquels ont tous bénéficié des fonds migratoires européens – n’ont pas répondu aux demandes répétées d’entretien pour réaliser cette enquête.
      « Nos rapports doivent être positifs »

      Les rapports d’évaluation de l’UE ne donnent pas de vision complète de l’impact des programmes. A dessein ? Plusieurs consultants qui ont travaillé sur des rapports d’évaluation d’impact non publiés de projets du #Fonds_fiduciaire_d’urgence_de_l’UE_pour_l’Afrique (#EUTF), et qui s’expriment anonymement en raison de leur obligation de confidentialité, tirent la sonnette d’alarme : les effets pervers de plusieurs projets du fonds sont peu pris en considération.

      Au #Niger, par exemple, l’UE a contribué à élaborer une loi qui criminalise presque tous les déplacements, rendant de fait illégale la mobilité dans la région. Alors que le nombre de migrants irréguliers qui empruntent certaines routes migratoires a reculé, les politiques européennes rendent les routes plus dangereuses, augmentent les prix qu’exigent les trafiquants et criminalisent les chauffeurs de bus et les sociétés de transport locales. Conséquence : de nombreuses personnes ont perdu leur travail du jour au lendemain.

      La difficulté à évaluer l’impact de ces projets tient notamment à des problèmes de méthode et à un manque de ressources, mais aussi au simple fait que l’UE ne semble guère s’intéresser à la question. Un consultant d’une société de contrôle et d’évaluation financée par l’UE confie : « Quel est l’impact de ces projets ? Leurs effets pervers ? Nous n’avons pas les moyens de répondre à ces questions. Nous évaluons les projets uniquement à partir des informations fournies par des organisations chargées de leur mise en œuvre. Notre cabinet de conseil ne réalise pas d’évaluation véritablement indépendante. »

      Selon un document interne que j’ai pu me procurer, « rares sont les projets qui nous ont fourni les données nécessaires pour évaluer les progrès accomplis en direction des objectifs généraux de l’EUTF (promouvoir la stabilité et limiter les déplacements forcés et les migrations illégales) ». Selon un autre consultant, seuls les rapports positifs semblent les bienvenus : « Il est implicite que nos rapports doivent être positifs si nous voulons à l’avenir obtenir d’autres projets. »

      En 2018, la Cour des comptes européenne, institution indépendante, a émis des critiques sur l’EUTF : ses procédures de sélection de projets manquent de cohérence et de clarté. De même, une étude commanditée par le Parlement européen qualifie ses procédures d’« opaques ». « Le contrôle du Parlement est malheureusement très limité, ce qui constitue un problème majeur pour contraindre la Commission à rendre des comptes, regrette l’eurodéputée allemande Cornelia Ernst. Même pour une personne très au fait des politiques de l’UE, il est presque impossible de comprendre où va l’argent et à quoi il sert. »

      Le #fonds_d’urgence pour l’Afrique a notamment financé la création d’unités de police des frontières d’élite dans six pays d’Afrique de l’Ouest, et ce dans le but de lutter contre les groupes de djihadistes et les trafics en tous genres. Or ce projet, qui aurait permis de détourner au moins 12 millions d’euros, fait actuellement l’objet d’une enquête pour fraude.
      Aucune étude d’impact sur les droits humains

      En 2020, deux projets de modernisation des #registres_civils du Sénégal et de la Côte d’Ivoire ont suscité de vives inquiétudes des populations. Selon certaines sources, ces projets financés par l’EUTF auraient en effet eu pour objectif de créer des bases de #données_biométriques nationales. Les défenseurs des libertés redoutaient qu’on collecte et stocke les empreintes digitales et images faciales des citoyens des deux pays.

      Quand Ilia Siatitsa, de l’ONG britannique Privacy International, a demandé à la Commission européenne de lui fournir des documents sur ces projets, elle a découvert que celle-ci n’avait réalisé aucune étude d’impact sur les droits humains. En Europe, aucun pays ne possède de base de données comprenant autant d’informations biométriques.

      D’après un porte-parole de la Commission, jamais le fonds d’urgence n’a financé de registre biométrique, et ces deux projets consistent exclusivement à numériser des documents et prévenir les fraudes. Or la dimension biométrique des registres apparaît clairement dans les documents de l’EUTF qu’Ilia Siatitsa s’est procurés : il y est écrit noir sur blanc que le but est de créer « une base de données d’identification biométrique pour la population, connectée à un système d’état civil fiable ».

      Ilia Siatitsa en a déduit que le véritable objectif des deux projets était vraisemblablement de faciliter l’expulsion des migrants africains d’Europe. D’ailleurs, certains documents indiquent explicitement que la base de données ivoirienne doit servir à identifier et expulser les Ivoiriens qui résident illégalement sur le sol européen. L’un d’eux explique même que l’objectif du projet est de « faciliter l’identification des personnes qui sont véritablement de nationalité ivoirienne et l’organisation de leur retour ».

      Quand Cheikh Fall, militant sénégalais pour le droit à la vie privée, a appris l’existence de cette base de données, il s’est tourné vers la Commission de protection des données personnelles (CDP), qui, légalement, aurait dû donner son aval à un tel projet. Mais l’institution sénégalaise n’a été informée de l’existence du projet qu’après que le gouvernement l’a approuvé.

      En novembre 2021, Ilia Siatitsa a déposé une plainte auprès du médiateur de l’UE. En décembre 2022, après une enquête indépendante, le médiateur a rendu ses conclusions : la Commission n’a pas pris en considération l’impact sur la vie privée des populations africaines de ce projet et d’autres projets que finance l’UE dans le cadre de sa politique migratoire.

      Selon plusieurs sources avec lesquelles j’ai discuté, ainsi que la présentation interne du comité de direction du projet – que j’ai pu me procurer –, il apparaît que depuis, le projet a perdu sa composante biométrique. Cela dit, selon Ilia Siatitsa, cette affaire illustre bien le fait que l’UE effectue en Afrique des expériences sur des technologies interdites chez elle.

      https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/08/comment-l-europe-sous-traite-a-l-afrique-le-controle-des-migrations-3-4-il-e

  • Comment l’Europe sous-traite à l’Afrique le contrôle des migrations (2/4) : « Nous avons besoin d’aide, pas d’outils sécuritaires »
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/07/comment-l-europe-sous-traite-a-l-afrique-le-controle-des-migrations-2-4-nous

    Comment l’Europe sous-traite à l’Afrique le contrôle des migrations (2/4) : « Nous avons besoin d’aide, pas d’outils sécuritaires »
    Au Sénégal, la création et l’équipement de postes-frontières constituent des éléments clés du partenariat avec l’Union européenne. Une stratégie pas toujours efficace, tandis que les services destinés aux migrants manquent cruellement de financements.
    Par Andrei Popoviciu

    #Covid-19#migration#migrant#UE#senegal#afrique#OIM#retour#politiquemigratoire#droit#controlemigration#identite#operationnalisationgouvernance#sante

  • Comment l’Europe sous-traite à l’Afrique le contrôle des migrations (2/4) : « Nous avons besoin d’aide, pas d’outils sécuritaires »
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/07/comment-l-europe-sous-traite-a-l-afrique-le-controle-des-migrations-2-4-nous

    Comment l’Europe sous-traite à l’Afrique le contrôle des migrations (2/4) : « Nous avons besoin d’aide, pas d’outils sécuritaires »
    Au Sénégal, la création et l’équipement de postes-frontières constituent des éléments clés du partenariat avec l’Union européenne. Une stratégie pas toujours efficace, tandis que les services destinés aux migrants manquent cruellement de financements.
    Par Andrei Popoviciu

    #Covid-19#migrant#migration#UE#senegal#externalisation#frontiere#controlemigration#identite#droit#politiquemigratoire#afrique#postcovid

  • Comment l’Europe sous-traite à l’Afrique le contrôle des migrations (1/4) : « Frontex menace la dignité humaine et l’identité africaine »
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/06/comment-l-europe-sous-traite-a-l-afrique-le-controle-des-migrations-1-4-fron

    Comment l’Europe sous-traite à l’Afrique le contrôle des migrations (1/4) : « Frontex menace la dignité humaine et l’identité africaine »
    Pour freiner l’immigration, l’Union européenne étend ses pouvoirs aux pays d’origine des migrants à travers des partenariats avec des pays africains, parfois au mépris des droits humains. Exemple au Sénégal, où le journaliste Andrei Popoviciu a enquêté.

    #Covid-19#migrant#migration#UE#senegal#frontiere#gouvernance#droit#afrique#controlemigration#identite#politiquemigratoire#externalisation#postcovid

  • Près de 170 migrants secourus renvoyés au Sénégal après le refus de la Mauritanie de les accueillir
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/08/31/senegal-pres-de-170-migrants-secourus-renvoyes-apres-le-refus-de-la-mauritan

    Près de 170 migrants secourus renvoyés au Sénégal après le refus de la Mauritanie de les accueillir
    Depuis le jeudi 24 août, les migrants étaient bloqués à bord d’un navire de la garde civile espagnole près des côtes mauritaniennes.
    Le Monde avec AP
    Près de 170 migrants sont rentrés au Sénégal mercredi 30 août après avoir passé près d’une semaine dans un bateau de sauvetage espagnol. Le maire adjoint Lamine Ndiaye a confirmé que 168 migrants avaient été transférés en toute sécurité d’un navire espagnol aux autorités sénégalaises. Ils devaient arriver à Dakar par voie maritime mercredi soir. Depuis jeudi, les migrants étaient bloqués à bord d’un navire de la garde civile espagnole près de la Mauritanie, après que les autorités de ce pays ont refusé de les laisser débarquer, selon les médias espagnols. La garde civile est l’une des deux forces de police nationales en Espagne. Depuis des années, elle collabore avec les autorités locales de Mauritanie et du Sénégal pour tenter d’empêcher les migrants d’essayer d’atteindre les îles Canaries, un archipel de l’océan Atlantique situé au large de la côte nord-ouest de l’Afrique.
    L’équipage du bateau espagnol a passé des jours en mer avec les survivants et, à plusieurs reprises, a tiré des coups de feu en l’air pour réprimer les tentatives d’émeute, selon un message partagé par le compte du syndicat représentant les membres de la garde civile sur X (anciennement Twitter).
    Ces derniers mois, on a assisté à un afflux de migrants en provenance du Sénégal, qui doivent naviguer vers le nord en passant par la Mauritanie pour atteindre les Canaries. Les autorités mauritaniennes ont refusé de commenter les raisons pour lesquelles les migrants ont été empêchés de débarquer sur ses côtes. Le droit maritime international prévoit que toute personne en détresse en mer doit être secourue et ramenée au port le plus proche.

    #Covid-19#migrant#migration#senegal#mauritanie#canaries#routemigratoire#atlantique#retour

  • Au Sénégal, Fass Boye, port d’embarquement clandestin pour les Canaries
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/08/29/au-senegal-fass-boye-port-d-embarquement-clandestin-pour-les-canaries_618699

    Au Sénégal, Fass Boye, port d’embarquement clandestin pour les Canaries
    Plus de 1 500 km séparent le village de pêcheurs du territoire espagnol. Malgré la grande dangerosité de cette route migratoire, les jeunes, désœuvrés, sans espoir, continuent de partir.
    Par Théa Ollivier(Fass Boye, Sénégal, envoyée spéciale)
    A l’abri sous une paillote de fortune sur la plage de sable blanc, Babacar Dièye regarde quelques pêcheurs sortir deux maigres caisses de poissons de leur pirogue colorée. Des gestes répétés à maintes reprises avec son frère de 37 ans qui a disparu dans le bateau secouru le 15 août au large du Cap-Vert, qui avait pour objectif de rejoindre clandestinement les îles espagnoles des Canaries. « Je suis encore sous le choc… Nous n’avons pas de corps, ni personne pour nous expliquer les raisons de son décès, c’est trop dur », se lamente le pêcheur, qui a pris en charge la veuve et les quatre enfants du disparu.Selon un communiqué du ministère des affaires étrangères, l’embarcation avait quitté le 10 juillet la localité de Fass Boye, à 150 km au nord de Dakar, avec officiellement 101 passagers à bord – autour de 150 selon les habitants du village. Sur les 38 rescapés, tous originaires de Fass Boye, 37 ont été rapatriés mardi 22 août au Sénégal par un avion militaire. Sept corps ont été retrouvés mais ils ont été enterrés au Cap-Vert faute de pouvoir les transporter.
    Galam Boye, habitant du village, a fait partie de la délégation qui est allée reconnaître les corps et chercher les rescapés. « Les jeunes avaient tous très peur, criaient et ne voulaient parler à personne. Ils étaient traumatisés psychologiquement par le voyage. J’ai pleuré, ils étaient très maigres et perdaient la mémoire », témoigne en espagnol ce père de famille qui a habité plusieurs années en Espagne, après avoir réussi en 2006 à rejoindre les îles Canaries par la mer.Mais cette fois-ci, le trajet ne s’est pas déroulé comme prévu. Le regard dans le vague, Galam Boye répète les récits rapportés par les jeunes qu’il a rencontrés. « Au bout de dix jours en mer, le carburant était terminé, ils sont partis à la dérive. Cinq jours plus tard, ils ont épuisé les réserves d’eau et de nourriture. Ils jetaient quotidiennement à la mer le corps de ceux qui étaient décédés », relate-t-il sans respirer. Les rescapés ont finalement été sauvés au bout de trente-six jours de mer. « Deux d’entre eux avaient des blessures autour du cou, on m’a raconté qu’ils devenaient fous et voulaient sauter de la pirogue… Ils les ont donc attachés avec une corde », continue Galam Boye.
    Mais au village, impossible de rencontrer les survivants. Tous ont été confiés aux hôpitaux pour soigner leurs blessures physiques et psychologiques. Allongé sur une natte sur la plage, Ahmed Diop Mbaye a du mal à imaginer l’horreur qu’a traversée son fils, Ali Mbaye, pêcheur de 30 ans, qui est encore hospitalisé dans une clinique privée de Mboro, à moins de 30 km de là. « Il est malade car la nourriture manquait sur le bateau. Il n’a pas mangé pendant plusieurs jours et il a bu l’eau de la mer, ses pieds et ses yeux sont gonflés », témoigne le père de famille, qui remercie Dieu de lui avoir rendu son fils.
    Abdou Karim Sarr, une cinquantaine d’années, n’a pas eu cette chance : cinq membres de sa famille ont disparu, dont son fils. Dans la grande concession familiale, les femmes assises à l’ombre sur des nattes, égrènent leur kurus, le chapelet musulman, et refusent de parler de peur de pleurer. Même s’il n’était pas au courant de leur départ, M. Sarr comprend le désespoir des plus jeunes. « Ils ont voulu aller en Europe pour espérer une vie meilleure car ici nous n’avons pas les moyens de nous nourrir. Le poisson manque : il y a quelques années, nous pouvions ramener deux ou trois tonnes par sortie, mais maintenant nous avons du mal à avoir 500 kg », témoigne-t-il tout en plaidant pour « une diminution du nombre de licences de pêche accordées aux bateaux étrangers. ».
    En 2006, Galam Boye avait quitté le village pour les mêmes raisons. « Nous ne vivions pas bien de la pêche. Aujourd’hui, rien n’a changé. Des bateaux étrangers viennent toujours pêcher dans notre mer et épuiser nos ressources », alerte-t-il, assurant qu’en six mois les pêcheurs de sa famille n’arrivent pas à gagner un million de francs CFA (environ 1 500 euros). Mais le risque est trop élevé de voyager par la mer, prévient Galam Boye. Lui avait été arrêté en 2006 à son arrivée aux Canaries et a été incarcéré pendant trois ans, accusé d’être le capitaine du bateau, avant d’être expulsé quelques années plus tard. « J’avais un travail en prison, je gagnais 500 euros par mois et je pouvais aider ma famille. Moi, je préfère retourner en prison en Espagne que vivre ici », témoigne le pêcheur.
    Les premières pirogues clandestines ont commencé à partir en 2006 puis se sont arrêtées autour de 2014 avant de reprendre aujourd’hui. Plus de 800 milles nautiques (1 500 km) séparent Fass Boye des Canaries qui rendent cette route migratoire particulièrement longue et dangereuse. Dans ce village de pêcheurs, la rareté des ressources halieutiques s’amplifie avec le réchauffement climatique et l’installation d’usines de farine de poisson dans la région.
    Mais ce regain de départs à Fass Boye, devenu une plaque tournante de l’émigration clandestine, ne peut pas s’expliquer par cette unique raison alors que la deuxième activité économique est le maraîchage. « Les prix de vente ne sont pas bons, car les cultivateurs sont trop nombreux et nous vendons tous notre production en même temps car nous n’avons aucun moyen de stockage », constate Ibrahima Diop, 42 ans, qui a perdu plusieurs amis en mer. « Je sais que l’Etat ne peut pas nous donner du travail, mais il peut nous aider à investir, comme dans l’achat d’un frigo, car nous n’avons pas les moyens », propose-t-il.
    Dans ce village isolé, accessible par une seule route abîmée, l’autre enjeu de taille est l’accès au foncier pour les jeunes générations alors que plus aucun terrain n’est disponible, ni pour habiter ni pour cultiver. « Nous faisons face à un boom démographique : les jeunes se marient tôt et font rapidement des enfants mais ils ne peuvent pas se projeter dans les dix prochaines années », explique Moustapha Gueye, un membre de la société civile. Ils rêvent donc d’Europe alors que ceux qui sont revenus d’Espagne ont réussi à construire leur maison.« Ceux qui sont partis en pirogue développent le village. Moi aussi je veux réussir dans la vie, avoir un travail, des femmes et des enfants », prévient un jeune commerçant de 17 ans, qui préfère taire son nom, mais se dit prêt à risquer le voyage vers l’Espagne dès qu’il aura réuni la somme nécessaire.
    Si les motivations de départ sont avant tout économiques, certains pointent égalmeent des raisons politiques. A six mois de l’élection présidentielle prévue en février 2024, Alexandre Gubert Lette, directeur exécutif de l’association Teranga Lab, pointe ainsi du doigt l’instabilité politique qui encourage les départs. « L’avènement de l’opposant Ousmane Sonko qui est maintenant derrière les barreaux a un impact clair sur les jeunes populations, alors que les manifestations sont étouffées et réprimées. Cela accentue le sentiment d’être dans un pays où la justice n’est pas impartiale et contribue à alimenter le désespoir des jeunes qui veulent partir », observe-t-il.
    La recrudescence de départs vers les îles Canaries touche tout le nord de la côte ouest-africaine. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 126 personnes sont mortes ou ont disparu entre le continent et les îles espagnoles au premier semestre 2023. Mais, d’après l’association Caminando Fronteras, le bilan est bien plus lourd. L’ONG qui défend les droits des migrants a recensé jusque-là 778 victimes. A Dakhla, ville du Sahara occidental, des milliers de ressortissants sénégalais, dont certains originaires de Fass Boye, ont été interceptés par les autorités marocaines puis rapatriés. Pour faire face, le gouvernement sénégalais a présenté fin juillet une stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière qui vise à « réduire drastiquement le phénomène à l’horizon 2033 », selon le ministre de l’intérieur Antoine Félix Diome.
    Dans l’attente de sa mise en œuvre, ce sont les autorités locales qui tentent de dissuader les jeunes de partir. Vendredi, jour de grande prière, le prêche de l’imam les conseillant de rester travailler au village résonne dans les rues de Fass Boye. Entouré d’une foule venue prier pour les morts du dernier drame, le religieux n’a que peu de chances d’être entendu, dès lors il demande à Dieu « d’accueillir les victimes au paradis ».
    Théa Ollivier(Fass Boye, Sénégal, envoyée spéciale)

    #Covid-19#migrant#migration#senegal#immigrationirreguliere#routemigratoire#mortalite#traversee#atlantique#sante#santementale#fassboye#OIM#dakhla#rapatriement#politiquemigratoire

  • Tunisie : des migrants consignés dans un lycée pendant les vacances scolaires
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/08/24/tunisie-des-migrants-consignes-dans-un-lycee-pendant-les-vacances-scolaires_

    Tunisie : des migrants consignés dans un lycée pendant les vacances scolaires
    Les autorités tunisiennes ont fait de l’établissement de l’oasis de Tamerza un centre de rétention provisoire pour des dizaines de personnes expulsées de Sfax ou interceptées aux frontières libyenne ou algérienne.
    Par Monia Ben Hamadi(Tamerza (Tunisie), envoyée spéciale)
    Tamerza, oasis de montagne située à quelques kilomètres de la frontière algérienne, dans le sud-ouest de la Tunisie, est surtout connue pour ses paysages à couper le souffle, le long de canyons et de sources. A la lisière du village, une montagne rocheuse surplombe le lycée. Au début du mois d’août, alors qu’élèves et professeurs sont toujours en vacances scolaires, plusieurs agents de la garde nationale surveillent l’entrée de l’établissement. Des hommes et des femmes portant pour certains des gilets de l’organisation humanitaire du Croissant-Rouge font des va-et-vient.« Personne ne peut entrer, à part les bénévoles », avertit Salwa (le prénom a été modifié), une volontaire de la région. Profitant de la livraison de nourriture et de produits de première nécessité envoyés par des associations tunisiennes, Le Monde a pu accéder au bâtiment pendant plusieurs minutes, avant d’éveiller les soupçons des agents de sécurité présents à l’intérieur.
    Dans la cour du lycée, des tables et des chaises en plastique sont disposées de manière disparate. Abdoulaye (le prénom a été modifié), un jeune Ivoirien au physique athlétique portant une barbe de quelques jours, est installé là avec trois hommes et deux femmes. Au coucher du soleil, le groupe tente de chasser l’ennui en jouant aux cartes. « On n’a pas le droit de sortir d’ici, on ne sait pas ce qu’ils veulent faire de nous », explique le jeune homme à voix basse, sous le regard méfiant des gardes.
    Quarante-six hommes, femmes et enfants sont toujours retenus dans ce lycée à l’approche de la rentrée scolaire. La plupart ont été expulsés de Sfax puis récupérés à la frontière libyenne ou algérienne, selon Wafa, une surveillante de l’établissement qui s’est portée volontaire, avec le soutien du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, de la Ligue tunisienne des droits de l’homme et de bénévoles indépendants pour assurer une aide vitale aux migrants en détresse. Ces bénévoles s’activent particulièrement dans les villes frontalières, dans le bassin minier de Gafsa, l’oasis de Nefta ou celle de Tamerza, qui ont connu des arrivées massives de migrants expulsés à la frontière ou arrivés directement d’Algérie. Ils se coordonnent aussi avec d’autres associations à Tunis, ou encore avec l’Organisation internationale pour les migrations, qui gère des centres d’hébergement et les procédures de retour « volontaire ». Ces aides sont fournies parallèlement au soutien apporté par le Croissant-Rouge, qui collabore principalement avec les autorités.
    Installé depuis des années à Sfax, Abdoulaye a vécu les tensions survenues dans la deuxième ville du pays après la mort d’un jeune Tunisien tué par des migrants – selon les premiers éléments de l’enquête – dans la nuit du 3 au 4 juillet. Dans la foulée, le jeune Ivoirien et plusieurs centaines d’autres migrants subsahariens ont été expulsés à la frontière avec la Libye, à l’est, près du poste-frontière de Ras Jedir. Sous la pression des ONG et des médias, les autorités tunisiennes, qui nient toujours ces expulsions, ont autorisé le Croissant-Rouge, dès le 9 juillet – après que le chef de l’Etat tunisien, Kaïs Saïed, a reçu le président de l’organisation – à se rendre dans la zone tampon entre les deux pays, dont l’accès est contrôlé par les militaires.Dans les jours qui ont suivi, ces centaines de migrants bloqués entre la mer et le désert sous une chaleur caniculaire ont été répartis dans plusieurs centres d’hébergement situés dans le sud du pays. Abdoulaye et près d’une cinquantaine d’autres personnes se sont alors retrouvés enfermés dans l’enceinte du lycée de Tamerza, le 13 juillet, dormant dans l’internat des élèves. « Ils sont bien traités, y compris par les agents de sécurité, explique Wafa, mais le problème est qu’ils n’ont pas le droit de sortir. » Selon la jeune surveillante, les autorités tunisiennes tenteraient de collecter les informations nécessaires pour établir l’identité et le parcours de chaque personne retenue sur place depuis plus d’un mois. Trois personnes qui ont exprimé leur volonté de retourner dans leur pays auraient été transférées dans un autre centre, et quarante-six autres sont toujours dans l’attente. Contactés par Wafa et ses collègues, les anciens bailleurs ou employeurs de certains de ces migrants se seraient dits prêts à les accueillir de nouveau. « Il y a même des étudiants dont nous essayons de régulariser la situation », affirme la jeune femme. Mais le temps presse et le lycée de Tamerza ne pourra plus être utilisé comme lieu de rétention ou de tri dès le début du mois de septembre, avec la rentrée scolaire. Bientôt, les lits devront être libérés pour laisser place aux élèves. Le destin des hôtes temporaires de l’internat demeure incertain.

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#migrationirreguliere#retention#ONG#OIM#droit#regularisation#libye#algerie#frontiere#retour#postcovid

  • En Tunisie, des migrants revenus de l’enfer
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/08/23/en-tunisie-des-migrants-revenus-de-l-enfer_6186320_3212.html

    En Tunisie, des migrants revenus de l’enfer
    Chassés du pays et repoussés plusieurs fois par des soldats algériens en plein désert, Alpha Oumar et Ibrahima n’aspirent qu’à une seule chose : rentrer chez eux, en Guinée.
    Par Monia Ben Hamadi(Nefta, Tunisie, envoyée spéciale)
    Assis sur un tronc d’arbre à l’entrée de l’oasis de Nefta, Alpha Oumar et Ibrahima s’estiment chanceux. Les deux jeunes hommes originaires de Guinée ont survécu à l’enfer à la frontière tuniso-algérienne. Chassés par les autorités des deux pays, ils ont enduré des semaines de violences et d’humiliations avant de trouver un abri de fortune à l’ombre de palmiers, grâce à une poignée de bénévoles. Comme eux, des centaines de migrants guinéens, gambiens, soudanais, somaliens, éthiopiens ou ivoiriens – dont des femmes enceintes et des enfants en bas âge – sont parvenus à rejoindre les nombreuses oasis qui entourent la petite ville de Nefta, située dans le sud-ouest de la Tunisie, à 40 kilomètres du poste-frontière de Hazoua.
    Si les autorités ferment les yeux, tant que les migrants se font discrets, ces derniers ne peuvent pas se déplacer librement en ville et ne sont pas acceptés dans les transports en commun sans laissez-passer. « On n’arrive plus à gérer, ils sont de plus en plus nombreux et c’est dangereux, surtout pour les femmes et les enfants », s’alarme Assewer, l’une des volontaires présentes sur place.
    Ibrahima n’était pas encore majeur quand il a quitté son pays natal au début de l’année. En voiture et à pied, il est passé par la Côte d’Ivoire, le Mali et l’Algérie avant d’atteindre, en mai, la frontière tuniso-algérienne. De là, il s’est rendu directement à Sfax, le port tunisien devenu l’épicentre de la migration en Méditerranée. Des centaines de personnes tentent chaque jour la traversée vers l’île italienne de Lampedusa, principale porte d’entrée pour l’Union européenne. Ibrahima veut en être.
    A Sfax, le jeune homme n’a aucune difficulté à trouver un logement en colocation dans le centre-ville. Il y fait la connaissance de son compatriote, Alpha Oumar, 23 ans, arrivé de son côté huit mois plus tôt. Lui a déjà tenté de traverser en décembre 2022, mais, à une dizaine de kilomètres de Lampedusa, le moteur de son embarcation a lâché. Resté à la dérive pendant quatre jours, le bateau a finalement été secouru par des pêcheurs tunisiens. Ramené à terre, il assiste, impuissant, à la montée du sentiment antimigrant en Tunisie. En février, une campagne raciste déferle sur le pays après que le président, Kaïs Saïed, a accusé des « hordes » de « clandestins » d’être source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables », soutenant l’existence d’une « entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie ». Pressés de quitter Sfax, Ibrahima et Alpha Oumar tentent de partir en juin, mais ils sont rattrapés en mer par la garde nationale tunisienne. Dans la nuit du 3 au 4 juillet, la mort d’un jeune Tunisien, poignardé par des migrants, selon les premiers éléments de l’enquête, déclenche une véritable chasse à l’homme à l’encontre des Subsahariens, dont des centaines ont été expulsés de chez eux et violentés. La nuit suivante, des policiers débarquent chez Alpha Oumar et Ibrahima. Ils « ont défoncé la porte et nous ont demandé de sortir en nous disant qu’ils étaient là pour nous sécuriser », se souvient le plus âgé.
    Au poste de police, des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants s’entassent déjà. « Des personnes se sont rendues elles-mêmes au commissariat de peur d’être attaquées par la population, d’autres sont arrivées blessées », poursuit Ibrahima. Les policiers assurent alors aux migrants qu’ils seront emmenés à l’extérieur de la ville, dans un camp, le temps que la situation se calme à Sfax. Alpha Oumar et Ibrahima montent dans un bus, sans connaître leur destination.
    « Les chauffeurs ne savaient clairement pas où ils allaient, ils suivaient le convoi de la garde nationale. Ils ont marqué plusieurs arrêts, toujours sur leur téléphone pour attendre de nouvelles instructions, cela n’avait pas été préparé », estime Alpha Oumar. Mais, très vite, les passagers commencent à comprendre, grâce au GPS de leurs téléphones, qu’ils sont emmenés vers la frontière algérienne. (...) Ces expulsions vers les frontières algérienne ou libyenne sont toujours niées par les autorités tunisiennes, qui ont accusé plusieurs fois les médias, les organisations non gouvernementales et même les autorités libyennes, qui ont documenté certains cas, de vouloir nuire à l’image de la Tunisie.
    Pourtant, dès le 5 juillet, Moez Barkallah, député de Sfax, a décrit précisément les modalités d’expulsion des Subsahariens dans une déclaration à la radio Mosaïque FM, faisant état d’un millier de personnes acheminées par bus en un seul jour. Un chiffre qui correspond aux dizaines de témoignages recueillis par Le Monde. Des vidéos partagées sur les réseaux sociaux montrent également des habitants de Sfax applaudir et insulter les migrants au passage des bus qui les transportaient.
    A quelques centaines de mètres de la frontière algérienne, Alpha Oumar, Ibrahima et des dizaines d’autres sont sommés de quitter les bus et de poursuivre leur périple à pied, en plein désert. « Ils nous ont dit d’avancer, sinon ils nous frappaient », se souvient le plus jeune. De l’autre côté, d’autres migrants, encore réunis et tout aussi nombreux, sont confrontés aux militaires algériens. Pris en tenaille entre les agents de la garde nationale tunisienne d’un côté et les militaires algériens de l’autre, Ibrahima et Alpha Oumar errent dans le désert, sans réseau, assoiffés.
    Côté algérien, ils avancent vers une source de lumière, espérant trouver de l’eau, mais le groupe tombe sur un camp militaire. Après les avoir encerclés, les soldats algériens les dépouillent de leurs affaires : téléphones, sacs, passeports, argent, tout y passe. (...) Après leur avoir donné deux bidons d’eau, les soldats ordonnent aux migrants de « courir sans s’arrêter » vers la Tunisie. Les deux Guinéens affirment avoir été malmenés d’un côté et de l’autre de la frontière, plusieurs fois. « C’était marche ou crève », malgré quelques moments d’accalmie où ils ont pu recevoir de l’eau et de la nourriture de la part d’habitants des deux pays. Pendant leur périple, qui a duré une dizaine de jours, ils ont croisé « des Gambiens retrouvés presque morts de soif », un « Camerounais qui avait survécu en buvant son urine », d’autres Subsahariens blessés…
    Après des dizaines de kilomètres de marche, à se cacher des militaires et des gendarmes, et une énième expulsion vers l’Algérie, Alpha Oumar et Ibrahima sont retrouvés par Moez (le prénom a été modifié pour des raisons de sécurité) et d’autres bénévoles qui font régulièrement des rondes dans le désert et les oasis alentour pour venir secourir les migrants en détresse. Ils rejoignent l’oasis de Nefta le 17 juillet, treize jours après avoir été expulsés de Sfax. Ils y séjourneront trois semaines, avant d’être finalement transférés en août dans un centre géré par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) à Médenine, dans le sud-est de la Tunisie. Ibrahima, revenu malade de cet enfer à cause du manque d’hygiène et d’avoir bu de l’eau non potable, et Alpha Oumar, qui a laissé sa femme et sa fille au pays pour tenter de subvenir à leurs besoins, souhaitent à présent retourner en Guinée. « On a trop souffert en Tunisie », conclut le premier, résigné.

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#afrique#algerie#expulsion#violence#frontiere#migrationirreguliere#OIM#retour#postcovid

  • Le Sénégal rapatrie les survivants d’une tentative meurtrière de rallier l’Europe
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/08/22/le-senegal-rapatrie-les-survivants-d-une-tentative-meurtriere-de-rallier-l-e

    LeSénégal rapatrie les survivants d’une tentative meurtrière de rallier l’Europe
    L’embarcation avait été repérée le 14 août au large de l’archipel du Cap-Vert, avec officiellement trente-huit rescapés à bord.
    Le Monde avec AFP
    Publié aujourd’hui à 10h31
    Le Sénégal a rapatrié lundi 21 août du Cap-Vert une quarantaine de ressortissants ayant survécu à une traversée qui devait les mener en Europe et qui a coûté la vie à une soixantaine de migrants, ont constaté des journalistes de l’AFP. Les rescapés, tous des hommes, jeunes pour la majorité et secourus la semaine passée à bord d’une pirogue au large du Cap-Vert, ont été ramenés au pays par un avion militaire sénégalais qui s’est posé en fin d’après-midi sur une base aérienne dans le centre de Dakar. Ils faisaient partie des cent Sénégalais et un Bissau-Guinéen qui se sont embarqués le 10 juillet dans la localité de pêcheurs de Fass Boye (ouest) pour essayer de gagner l’Europe par l’océan Atlantique en longeant les côtes africaines. Leur embarcation a été repérée le 14 août au large de l’archipel cap-verdien, avec officiellement trente-huit rescapés. Les secours ont récupéré sept dépouilles. Celles-ci seront inhumées au Cap-Vert, a indiqué la ministre déléguée des Sénégalais de l’extérieur, Annette Seck Ndiaye. La décision a été prise en concertation avec les familles, a précisé devant des journalistes la ministre déléguée, revenue du Cap-Vert avec ses compatriotes.Des proches des survivants sont venus les accueillir à leur arrivée. L’un des rescapés est resté au Cap-Vert et y est soigné « parce que son état de santé ne lui permettait pas de faire le voyage », a indiqué la ministre déléguée. Des milliers d’Africains fuyant la pauvreté ou la guerre ou espérant une vie meilleure empruntent chaque année cette même route maritime pour tenter de gagner l’Europe, malgré la dangerosité du périple qui tue des centaines d’entre eux. Ils voyagent à bord de modestes bateaux ou pirogues à moteur fournis par des passeurs monnayant le voyage. Beaucoup accostent aux Canaries, archipel espagnol et porte d’entrée de l’Europe.

    #Covid-19#migrant#migration#senegal#captvert#atlantique#routemigratoire#rapatriement#traversee#mortalite#sante#canaries#espagne

  • Des « centaines » de migrants éthiopiens tués par les garde-frontières saoudiens, selon Human Rights Watch
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/08/21/des-centaines-de-migrants-ethiopiens-tues-par-les-garde-frontieres-saoudiens

    Des « centaines » de migrants éthiopiens tués par les garde-frontières saoudiens, selon Human Rights Watch
    L’ONG de défense des droits humains s’appuie sur des témoignages, des images satellites, des vidéos et des photos publiées sur les réseaux sociaux.
    Le Monde avec AFP
    Les garde-frontières saoudiens ont tué depuis 2022 des « centaines » de migrants éthiopiens qui tentaient de pénétrer dans la riche monarchie du golfe Persique passant par sa frontière avec le Yémen, a dénoncé, lundi 21 août, l’ONG de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW).
    Des centaines de milliers d’Ethiopiens travaillent en Arabie saoudite, empruntant parfois la « route de l’Est » reliant la Corne de l’Afrique au Golfe, en passant par le Yémen, pays pauvre et en guerre depuis plus de huit ans. « Les autorités saoudiennes tuent des centaines de migrants et de demandeurs d’asile dans cette zone frontalière reculée, à l’abri du regard du reste du monde », a déclaré dans un communiqué Nadia Hardman, spécialiste des migrations à HRW. Les « milliards dépensés » dans le sport et le divertissement « pour améliorer l’image de l’Arabie saoudite » ne devraient pas détourner l’attention de « ces crimes horribles », a-t-elle fustigé. Les ONG accusent régulièrement Riyad d’investir dans les grands événements sportifs et culturels pour « détourner l’attention » des graves violations des droits humains et de la crise humanitaire au Yémen où l’armée saoudienne est impliquée. Le meurtre « généralisé et systématique » des migrants éthiopiens pourrait même constituer un crime contre l’humanité, estime l’ONG. Des experts de l’ONU ont fait état d’« allégations préoccupantes » selon lesquelles « des tirs d’artillerie transfrontaliers et des tirs d’armes légères par les forces de sécurité saoudiennes ont tué environ 430 migrants » dans le sud de l’Arabie saoudite et le nord du Yémen durant les quatre premiers mois de 2022. Le nord du Yémen est largement contrôlé par les Houthis, des rebelles que les Saoudiens combattent depuis 2015 en soutien aux forces pro-gouvernementales. HRW s’appuie sur des entretiens avec 38 migrants éthiopiens qui ont tenté de passer en Arabie saoudite depuis le Yémen, sur des images satellites, des vidéos et des photos publiées sur les réseaux sociaux « ou recueillies auprès d’autres sources ».
    Les personnes interrogées ont parlé d’« armes explosives » et de tirs à bout portant, les garde-frontières saoudiens demandant aux Ethiopiens « sur quelle partie de leur corps ils préféreraient que l’on tire ». Ces migrants racontent des scènes d’horreur : « Femmes, hommes et enfants éparpillés dans le paysage montagneux, gravement blessés, démembrés ou déjà morts », relate HRW. « Ils nous tiraient dessus, c’était comme une pluie » de balles, témoigne une femme de 20 ans, originaire de la région éthiopienne d’Oromia, citée par l’ONG. « J’ai vu un homme appeler à l’aide, il avait perdu ses deux jambes », mais, raconte-t-elle, « on n’a pas pu l’aider parce qu’on courait pour sauver nos propres vies ». HRW appelle Riyad à « cesser immédiatement » le recours à la force meurtrière contre des migrants et demandeurs d’asile, exhortant l’ONU à enquêter sur ces allégations.

    #Covid-19#migrant#migration#arabiesaoudite#yemen#afrique#ONU#ONG#droitshumains#violence#mortalite#routemigratoire#cornedeafrique#crisehumanitaire#frontiere#postcovid

  • En Arabie Saoudite, les gardes-frontières auraient abattu des « centaines » de migrants éthiopiens https://www.liberation.fr/international/moyen-orient/en-arabie-saoudite-les-gardes-frontieres-auraient-abattu-des-centaines-de

    https://youtu.be/f90vwqCYU1c?feature=shared

    Un #massacre « à l’abri du regard du reste du monde ». Les gardes-frontières saoudiens ont tué depuis l’an dernier des « centaines » de migrants éthiopiens qui tentaient de pénétrer dans la riche monarchie du Golfe passant par sa frontière avec le Yémen, a dénoncé ce lundi 21 août l’ONG #Human_Rights_Watch (HRW). « Les autorités saoudiennes tuent des centaines de migrants et de demandeurs d’asile dans cette zone frontalière reculée », a déclaré dans un communiqué Nadia Hardman, spécialiste des migrations à HRW.

    Des centaines de milliers d’#Ethiopiens travaillent en #Arabie_Saoudite, empruntant parfois la « route de l’Est » reliant la Corne de l’Afrique au Golfe, en passant par le Yémen, pays pauvre et en guerre depuis plus de huit ans. Le meurtre « généralisé et systématique » des #migrants éthiopiens pourrait même constituer un #crime_contre_l’humanité, estime l’ONG. « Nous parlons d’un minimum de 655 personnes, mais il est probable qu’il s’agisse de milliers », a déclaré Nadia Hardman à la BBC. « Ce que nous avons documenté, ce sont essentiellement des massacres, a-t-elle ajouté. Les gens ont décrit des sites qui ressemblent à des champs d’extermination avec des corps éparpillés sur les flancs des collines ».

    Les « milliards dépensés » dans le sport et le divertissement « pour améliorer l’image de l’Arabie Saoudite » ne devraient pas détourner l’attention de « ces crimes horribles », a-t-elle fustigé. Les ONG accusent régulièrement Ryad d’investir dans les grands événements sportifs et culturels pour « détourner l’attention » des graves violations des droits humains et la crise humanitaire au Yémen où l’armée saoudienne est impliquée.

    L’année dernière, des experts de l’ONU avaient déjà fait état d’« allégations préoccupantes » selon lesquelles « des tirs d’artillerie transfrontaliers et des tirs d’armes légères par les forces de sécurité saoudiennes ont tué environ 430 migrants » dans le sud de l’Arabie Saoudite et le nord du Yémen durant les quatre premiers mois de 2022. Le nord du Yémen est largement contrôlé par les Houthis, des rebelles que les Saoudiens combattent depuis 2015 en soutien aux forces pro-gouvernementales.

    Pour en arriver à de telles conclusions, Human Right Watch s’appuie sur des entretiens avec 38 migrants éthiopiens ayant tenté de passer en Arabie Saoudite depuis le Yémen, des images satellite et des vidéos et photos publiées sur les réseaux sociaux « ou recueillies auprès d’autres sources ». Les personnes interrogées ont parlé d’« armes explosives » et de tirs à bout portant, les gardes-frontières saoudiens demandant aux Ethiopiens « sur quelle partie de leur corps ils préféreraient que l’on tire ».

    Ces migrants racontent des scènes d’horreur : « Femmes, hommes et enfants éparpillés dans le paysage montagneux, gravement blessés, démembrés ou déjà morts », relate HRW. « Ils nous tiraient dessus, c’était comme une pluie (de balles) », témoigne une femme de 20 ans, originaire de la région éthiopienne d’Oromia, citée par l’ONG. « J’ai vu un homme appeler à l’aide, il avait perdu ses deux jambes », mais, raconte-t-elle, « on n’a pas pu l’aider parce qu’on courrait pour sauver nos propres vies ».

    Auprès de la BBC, plusieurs personnes qui ont tenté de passer la frontière en pleine nuit racontent les scènes d’horreurs. « Les tirs n’ont pas cessé, témoigne Mustafa Soufia Mohammed âgé 21 ans. Je n’ai même pas remarqué qu’on m’avait tiré dessus. Mais lorsque j’ai essayé de me lever et de marcher, une partie de ma jambe m’a échappé ». La jambe de Mustafa a ensuite dû être amputée sous le genou l’obligeant aujourd’hui à marcher avec des béquilles et une prothèse mal ajustée. Zahra [le prénom a été modifié par le média britannique] a, elle, eu tous les doigts d’une main arrachée à cause d’une pluie de balles.

    D’après l’Organisation internationale pour les migrations des Nations unies, plus de 200 000 personnes tentent chaque année ce voyage périlleux qui traverse la mer la Corne de l’Afrique jusqu’au Yémen, pour atteindre l’Arabie saoudite. HRW appelle Ryad à « cesser immédiatement » le recours à la force meurtrière contre des migrants et demandeurs d’asile, exhortant l’ONU à enquêter sur ces allégations.

  • Maroc : plus de 70 migrants sénégalais interceptés au large du Sahara occidental
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/08/18/maroc-plus-de-70-migrants-senegalais-interceptes-au-large-du-sahara-occident

    Maroc : plus de 70 migrants sénégalais interceptés au large du Sahara occidental
    La route migratoire des Canaries, porte d’entrée vers l’Europe dans l’océan Atlantique, connaît ces dernières semaines un net regain d’activités.
    Le Monde avec AFP
    Publié aujourd’hui à 16h50
    La marine marocaine a intercepté 75 migrants sénégalais à bord d’une embarcation au large de Dakhla, au Sahara occidental, a indiqué vendredi 18 août une source militaire. Leur embarcation de fortune était partie le 12 août des côtes sénégalaises vers les îles Canaries en Espagne, a précisé la source militaire, citée par l’agence de presse marocaine MAP. Les migrants, secourus jeudi, « ont reçu les premiers soins, avant d’être remis à la gendarmerie royale afin d’effectuer les démarches administratives en vigueur », a ajouté la même source.
    Cette opération porte à au moins 328 le nombre de candidats à l’émigration irrégulière originaires d’Afrique subsaharienne ramenés sur les côtes marocaines depuis le 8 août, selon un bilan de l’AFP établi à partir de sources militaires marocaines.
    Mercredi, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a annoncé que plus de 60 migrants sénégalais étaient présumés morts à bord d’une pirogue partie des côtes sénégalaises début juillet et retrouvée lundi au large du Cap-Vert. Une unité de surveillance du littoral marocain avait intercepté samedi une embarcation transportant 130 migrants sénégalais qui s’était échouée au niveau de Dakhla.Par ailleurs, les garde-côtes marocains ont annoncé le 7 août avoir repêché 5 cadavres de Sénégalais au large de Guerguerat, au Sahara occidental, et porté secours à 189 autres migrants dont l’embarcation avait chaviré. Les migrants sont généralement rapatriés au Sénégal.Au moins 13 Sénégalais ont péri à la mi-juillet dans le naufrage de leur pirogue au large des côtes marocaines, selon les autorités locales sénégalaises. La route migratoire des Canaries, porte d’entrée vers l’Europe dans l’océan Atlantique, connaît ces dernières semaines un net regain d’activités, notamment depuis les côtes du Maroc et du Sahara occidental. Des ONG font régulièrement état de naufrages meurtriers – dont les bilans non officiels se chiffrent selon elles en dizaines, sinon en centaines de morts – dans les eaux marocaines, espagnoles ou internationales.

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