• Activité pas seulement productive et besoin sans manque (Bruno Astarian)

    http://www.hicsalta-communisation.com/accueil/chapitre-9-quels-sont-les-enjeux#9.2.3.1

    Avec Astarian, on est à l’opposé du programme prolétarien d’affirmation du travail contre la classe capitaliste bourgeoise et la propriété privée permettant d’aller vers le communisme, comme par exemple aujourd’hui avec le Réseau salariat. Pour Astarian et les autres communisateurs, ce programme est obsolète à partir des années 1970 : il n’est plus possible de passer des luttes quotidiennes (revendicatives) du travail contre le capital à des luttes révolutionnaires pour le communisme. Une des explications à cela est la déqualification des prolétaires conjointement à la complexification croissante des moyens de production.

    Je passe sur ces points. Ce qui m’intéresse ici est de constater que les travaux d’Astarian sur la théorie de la valeur aboutissent à des formulations de qu’est le communisme conduisant à remettre en cause, non pas simplement la marchandise, l’échange, la valeur et l’argent, mais également les catégories de production et de besoin que l’on pourrait facilement considérer comme "naturelles" (selon la vision que dans un monde communiste il faudrait toujours produire pour répondre à des besoins).

    Dans son livre L’abolition de la valeur , dans les chapitres précédents et dans la perspective de prendre ses distances avec la critique de la valeur (Postone, Jappe etc) et la notion de "travail abstrait", Astarian a cherché à caractériser le travail producteur de marchandises en aboutissant à deux critères : la recherche de productivité et la normalisation. Une société communiste est donc pour lui une société où ce travail n’a plus lieu, et d’où émergent à la place l’ activité pas seulement productive (APSP) et le besoin sans manque (BSM).

    L’activité pas seulement productive :

    Si on envisage une activité productive qui ne recherche pas la productivité, la première chose qui ressort est un bouleversement complet du rapport au temps. Certes, le temps ne cesse pas d’exister parce qu’on arrête de le compter. Mais son passage inexorable cesse de contraindre l’acte productif dès lors qu’il n’est plus le critère de son évaluation. La société marchande admet ou refuse la participation à la société de telle marchandise, et donc de tel ou tel producteur, en évaluant le temps qu’il a fallu pour la produire et en le comparant à d’autres productions de même type. La contrainte qui en résulte pour le producteur est alors de toujours produire dans le minimum de temps. Le non-respect de cette contrainte l’exclut de la société des producteurs en excluant sa marchandise du marché. La négation de la productivité remplace cette appréciation quantitative temporelle de la légitimité d’une activité productive et de son produit par une évaluation qualitative. Ici, les mots nous font défaut pour définir la nature du rapport que les hommes auront à leur production dans une société sans valeur. « Appréciation » renvoie à « prix », « évaluation » à « valeur ». Ce sont des mots de la société marchande, de la quantité. Ils ne peuvent pas convenir entièrement pour désigner, dans le communisme, la satisfaction qualitative qu’une activité productive engendre, ou non, pour ceux qui y participent et pour ceux qui en utilisent les résultats. Une des raisons pour cela est que l’activité que nous considérons n’est pas seulement productive.

    (...)

    Dans les sociétés de classes, la production des conditions matérielles de la vie et la jouissance de cette vie sont donc des activités séparées par une contradiction. Une société qui serait débarrassée de cette contradiction serait aussi débarrassée de la valeur. Et dès lors que la production par unité de temps n’est plus le critère de la justification sociale d’une production, les « producteurs » ont le temps. En fait, on ne peut plus les définir comme producteurs. A l’opposé du travail, la production qui a le temps peut jouir immédiatement de sa propre activité. Elle peut être rapport à soi. Certes, l’effort lui-même, la fatigue, ne sont pas exclus. Mais pour une activité productive libérée de la contrainte du temps, ce sont des dimensions qui font partie de la jouissance du corps et de l’esprit dès lors qu’on peut s’arrêter, discuter, faire autre chose, modifier, s’adapter aux possibilités ou aux demandes des participants, etc. Autrement dit, cette production n’est pas seulement productive. Il n’existe pas de mot pour cela, et il faut donc proposer un néologisme. Appelons activité-pas-seulement-productive (APSP) cette activité totalisante où les hommes ne renoncent pas à jouir de leurs rapports sous prétexte qu’ils produisent des objets.

    Dans l’activité-pas-seulement-productive, tout est à tout moment à discuter, à remettre en cause, à ajuster aux rapports que les individus concernés développent. A ne considérer que la part productive proprement dite de l’activité-pas-seulement-productive, on peut envisager deux points de vue. Prise du point de vue « production », l’APSP résulte d’une interaction autour du qui participe, du comment la production s’organise, du quand l’activité se met en place. Prise du point de vue des besoins à satisfaire, l’APSP doit décider le quoi (qu’est-ce qu’on produit) et le pour qui. C’est ici qu’intervient la négation de la normalisation.

    Le besoin sans manque

    Rappelons que la normalisation des produits et du travail est une conséquence de la séparation où se trouve le producteur privé et indépendant par rapport aux besoins que sa production doit couvrir. Le dépassement de la normalisation oblige à définir ce que pourrait être l’abolition de séparations qui nous paraissent aujourd’hui complètement normales. Pour ce qui nous concerne ici, la séparation se situe entre le besoin et l’objet qui le satisfait et, a fortiori, l’activité qui produit cet objet. C’est cette séparation qui fait que la marchandise doit se présenter comme valeur d’utilité, normalisée de telle sorte qu’elle couvre un large éventail de besoins particuliers et, en même temps, occulte précisément la particularité dans laquelle les besoins de chacun se manifestent nécessairement. Si, selon notre hypothèse, on pose la propriété positivement abolie, la certitude de trouver satisfaction définit le besoin comme besoin-sans-manque (BSM). Ce besoin tranquille a la possibilité de faire valoir sa particularité, non pas comme caprice individuel (je veux des fraises tout de suite) mais comme discussion, interaction, définition d’un projet qui, dès lors, n’est pas seulement consommation. Il s’agit ainsi de redéfinir la notion de besoin.

    Face à la pression du réalisme, il convient d’interroger les catégories que nous utilisons. Dans le cas présent, il faut envisager sous un jour non économique la question des ressources et des besoins. Et, ici, discuter de la notion même de besoin. Dans le communisme, doit-on continuer à poser les besoins comme une « demande », une variable quasi-naturelle face à laquelle l’activité productive répond comme une « offre » soumise à la nécessité ? La réponse est non. On peut bien sûr partir d’une évidence apparemment naturelle et dire que 6 milliards d’individus ont besoin de 2000 calories par jour et que cela impose une production de x blé + y viande + z lait… Car, dit le bon sens, le communisme ne supprimera pas plus la faim que la pesanteur. La faim nous rappelle à tout moment que nous appartenons à la nature et qu’aucune révolution ne peut abolir les lois de la nature. Certes. Mais, dans sa manifestation actuelle, la faim telle que nous la connaissons nous rappelle aussi que nous sommes séparés par la propriété non seulement de l’objet de sa satisfaction mais aussi de l’activité qui produit cet objet. La faim nous rappelle en même temps que nous appartenons à la nature et que nous en sommes séparés par la propriété. Notre faim, en ce sens, n’est pas que naturelle. Nous ne connaissons la faim, phénomène naturel s’il en fût, que pervertie par la propriété et l’exploitation, que comme souffrance, comme peur du manque, comme soumission au règne de la propriété sur l’objet qui rassasie. Dès lors, qui nous dit que la sensation de faim telle que nous la connaissons est purement naturelle, n’est pas déterminée socialement ? Même le rythme de ses manifestations n’est-il pas dicté par celui de l’exploitation, de la journée de travail ? Inversement, dès lors qu’elle serait tranquille et sûre d’être rassasiée, pourquoi la faim ne serait pas aussi jouissance, comme le désir dans les préalables de l’amour, lesquels participent activement et positivement à la satisfaction du besoin exprimé par le désir ? Le besoin de base (2000 calories) reste le même mais, besoin-sans-manque, il devient partie prenante de l’activité-pas-seulement-productive (la gastronomie ?) qui en même temps le manifeste et le satisfait.

    Le besoin-sans-manque s’invite ainsi dans l’activité-pas-seulement-productive pour s’y manifester comme partie prenante et assurer que l’activité productive reste particulière aux individus qui y sont engagés, et non pas générale et abstraite pour répondre à une demande séparée. Ceci est totalement anti-productif, au sens où beaucoup de temps sera « perdu » pour formuler le besoin dans sa particularité, tant en fonction de la nature de l’objet à produire que des possibilités dont on dispose pour ce faire. De façon générale, le besoin n’est plus envie individuelle. Mais si le besoin-sans-manque participe à l’APSP, ce n’est pas parce que les individus concernés auront intégré dans leur conscience individuelle la nécessité d’extraire du charbon pour couvrir les besoins d’autres productions. C’est parce que l’extraction de charbon se fera de telle sorte que les rapports entre les « mineurs » seront satisfaisants en eux-mêmes et pour eux-mêmes. Il n’y aura aucun sacrifice à produire des biens non consommables immédiatement, des biens pour d’autres. Cela s’applique bien sûr aussi aux biens consommables immédiatement. Les réalistes disent : « il y aura toujours du sale boulot, il faudra bien qu’on le fasse ». Je crois qu’il faut le dire clairement : il n’y aura plus de sale boulot. Les tâches actuellement sales, dégradantes, ennuyeuses, etc. seront soit abandonnées soit transformées. Sinon, on tombe dans les tours de rôle, avec leurs gestionnaires et leur passe-droit – ou alors on envisage que les hommes et femmes communistes sont des militants.

    Il n’y aura donc aucun temps « perdu ». L’interaction constante entre APSP et BSM se concrétise comme activité et jouissance sociale des individus. Parce qu’il n’est pas déterminé par le manque comme impérieux, urgent, le besoin se manifeste concrètement et activement dans l’APSP, qui lui en laisse tout le loisir puisqu’elle n’est pas seulement productive. L’activité prime sur son résultat productif au sens où le besoin fondamental est celui d’exister socialement, de profiter de la société des autres. Le besoin (momentané) de solitude ne contredit pas cela. Marx dit que le travail sera le premier besoin, parce que c’est pour lui l’activité subjective fondamentale (générique) de l’homme. Il faut élargir cette proposition, et dire que l’activité sociale, c’est-à-dire la jouissance d’être libre et conscient, naturel et social, actif et passif, sera le premier besoin. La notion de besoin-sans-manque veut exprimer la possibilité d’un besoin existant comme interaction entre les individus, comme projet conscient.

    La négation de la normalisation suppose donc de ne plus concevoir les besoins naturels (2000 calories) comme une variable exogène. Les besoins ne sont pas une contrainte naturelle qui nous imposerait un certain réalisme. Ils nous apparaissent comme tels dans la société de classes, où en fait ils ne sont pas si naturels puisque c’est le travail et la propriété qui engendrent la séparation du besoin et de son objet, et posent le besoin comme manque. Si l’on pose le travail et la propriété positivement dépassés, il faut aussi envisager un besoin sans manque, qui fait partie, en fin de compte, de la définition de l’activité-pas-seulement-productive.

    Le livre contient un épilogue non publié sur le site, titré "Théorie de la valeur et théorie communiste". Je le mettrai ultérieurement.

    #Astarian #communisation #communisme #post-capitalisme #besoin #production

  • Il Lato Cattivo - La #France à la croisée des chemins ? Considérations intempestives sur la réforme des retraites
    https://tousdehors.net/La-France-a-la-croisee-des-chemins-Considerations-intempestives-sur

    Dans ce texte nous chercherons à répondre à la question « Où va la France ? » en nous référant tout particulièrement au projet de réforme du système de retraite (adopté jeudi 16 mars par le recours au 49.3) et au mouvement social qui s’y oppose. Il nous importe surtout de dire ce que les analyses courantes émanant directement du mouvement et de ses soutiens ne disent pas, en essayant de présenter un panorama plus large. C’est pourquoi, avant d’entrer dans le vif du sujet, il nous semble opportun d’apporter quelques éléments de contexte, généralement peu connus et peu discutés, qui permettent à notre avis de mieux évaluer la signification et les enjeux du conflit, lesquels vont bien au-delà de la stricte question de l’âge de départ à la retraite.

    • Parmi les facteurs qui pourraient effectivement compliquer le financement du système de retraite français dans quelques années, il faut noter qu’à la fin des années 1980, en France, une entreprise qui embauchait un salarié au SMIC était soumise à de taux cotisations patronales s’élevant à 46% du salaire brut, identique en ceci à tous les autres salaires. Aujourd’hui, il varie entre 3 et 7 % selon la taille de l’entreprise. Comme nous l’avons déjà souligné, la politique de compression du salaire brut de certaines catégories de salariés (les moins qualifiés) pour favoriser l’embauche – dictée par l’impératif de l’enrichissement de la croissance en emploi – contribue directement à affamer le système de retraite, le système de santé et les caisses de l’assurance-chômage, car ces emplois ne s’ajoutent pas arithmétiquement à un stock d’emplois donné une fois pour toutes. Ainsi, poursuivre sur la voie d’un modèle de croissance intensif en travail, sans gains de productivité, ne peut que s’avérer incompatible, à terme, avec le système de protection sociale français.

    • Seul un changement rapide au sommet ou un revirement du gouvernement semblent pouvoir étouffer dans l’œuf la radicalisation interclassiste du mouvement, avec tous les avantages et inconvénients de l’affaire : d’un côté, de plus grandes marges d’action autonome par rapport au front syndical ; de l’autre, le risque que l’opposition à la réforme des retraites, avec son contenu économique et son enracinement social dans le prolétariat, se dilue dans une opposition générale à la figure-symbole de Macron.

    • La conclusion :ci-après.

      Texte très économiste sans grand rapport avec la communisation.

      Que la réforme des retraites soit finalement adoptée ou non, le roi est nu : le capitalisme français – s’il veut survivre – devra se montrer capable de se réinventer. Faut-il souhaiter qu’il y parvienne ? Faux problème. Des luttes prolétariennes ou interclassistes minimalement victorieuses, permettant à leurs protagonistes et à leurs semblables de reprendre confiance en leurs propres forces, créent aussi les conditions du réformisme – qu’on le veuille ou non. C’est contre le réformisme (formel ou informel) qui émerge des luttes que le capital formule le sien, en intégrant du premier les éléments qui lui sont utiles. Et lorsque le spectre des forces parlementaires ne parvient pas à en être l’interprète, d’autres forces le prennent en charge (l’histoire française le démontre suffisamment). Cela vaut, en principe, au moins les aires capitalistes centrales. Une crise sociale qui ne comporte pas aussi de solution réformiste n’est qu’une crise sans issue, sans éléments endogènes de résolution. De telles crises sont aujourd’hui une réalité quotidienne dans les aires périphériques de la planète. Si l’on devait s’apercevoir un jour qu’un pays comme la France (ou la Grande-Bretagne, pour n’en citer qu’un autre touché par des vagues de grèves à l’heure actuelle), jusqu’ici considéré comme un important pôle d’accumulation, est en proie à une telle crise, cela signifierait que le processus de périphérisation est presque irréversible, et en tout cas beaucoup plus avancé et profond que ce que suggèrent l’observation à la surface ou les indicateurs économiques officiels. Et dans ce cas, les Français, qui aiment à se voir comme une grande nation rayonnant sur les continents, se verraient réduits au rang de ce que notre « général », Friedrich Engels, appelait les peuples sans histoire. Ironie à part, la question est théoriquement stimulante, car dans l’histoire du mode de production capitaliste jusqu’à nos jours, rares sont les exemples de pays qui, ayant accédé au statut d’aire centrale, l’ont durablement abandonné. Mais l’avenir, même sur ce plan, promet de nous réserver des surprises... surtout en Europe.

  • Apparition d’une crise (sanitaire) inattendue dans l’analyse du #capitalisme financiarisé et mondialisé et dans l’analyse de la production des #marchandises, de leur circulation et de leur consommation. La #force_de_travail aurait-elle pu reprendre la main sur les paradigmes politiques et économiques ?

    Accouchement difficile – Épisode 1 : Beaucoup d’argent pour quoi ? | Hic Salta - Communisation
    http://www.hicsalta-communisation.com/accueil/accouchement-difficile-episode-1-beaucoup-dargent-pour-quoi

    Nous appelons crise Covid ce modèle inattendu d’arrêt partiel de la production capitaliste. Inattendu de deux points de vue :

    du point de vue de la théorie communiste : la crise Covid met encore une fois en évidence le fait que le travail n’est pas aussi inessentialisé que ce qu’on lit parfois dans les commentaires de la hausse de la composition organique actuelle du capital. En fait, cela s’explique notamment par le recours croissant aux méthodes de la plus-value absolue depuis des décennies, permettant des économies en capital constant, mais au prix de gains de productivité de plus en plus modestes.

    du point de vue des capitalistes, qui ont géré la santé de la force de travail comme si la combinaison du chômage structurel et de l’immigration permettait d’assurer à tout moment une quantité suffisante de main d’oeuvre en bonne santé. La dégradation des systèmes de santé publique ne s’explique pas seulement par le passage d’une partie de ses services au secteur privé. Elle tient aussi au fait que, dans les conditions actuelles de l’exploitation de la force de travail, les patrons sont peu soucieux de la stagnation de l’espérance de vie, de la baisse de l’espérance de vie en bonne santé, et de l’état sanitaire général de la main d’œuvre. On a là une bonne illustration de la paupérisation absolue qui accompagne le retour de la plus-value absolue : en même temps que le salaire (indirect notamment) est comprimé, un élément du panier des subsistances se dégrade lentement en qualité. C’est ce qui explique que les alarmes qui ont été tirées lors des épidémies précédentes soient restées sans effet en dehors des milieux spécialisés. Notamment en Europe occidentale et aux États-Unis, les patrons et les gouvernements n’ont pas vraiment tiré les leçons des épidémies de SARS en 2003, partie de Chine, de la grippe H1N1 partie en 2009 du Mexique, de l’épidémie de MERS au Moyen Orient en 2012, d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014-16, de Zika née dans des îles du Pacifique en 2015-16.

    #théorie_communiste #communisation #prolétariat #précariat #critique_de_la_valeur #Wertkritik

  • Bruno Astarian & R.F. - Ménage à trois : Episode 11 – Le ménage à trois dans la crise qui vient (première partie) #théorie #communisation #communisme http://www.hicsalta-communisation.com/accueil/menage-a-trois-episode-11-le-menage-a-trois-dans-la-crise-qu

    Chez un grand nombre d’experts, il est désormais admis qu’une nouvelle crise mondiale est prévisible à court/moyen terme. Si nous pouvons être d’accord avec une partie de leur propos, notre objet demeure le rapport contradictoire entre les classes en ce qu’il porte son dépassement ou sa reproduction à un niveau supérieur. Nous convenons qu’une grave crise économique aura lieu dans un délai relativement proche, mais l’essentiel pour nous est qu’elle constituera un facteur décisif d’exacerbation de la lutte entre le prolétariat, la CMS et la classe capitaliste. Une telle exacerbation doit logiquement déboucher sur un affrontement de classes d’ampleur mondiale, et se solder ou bien par une révolution communiste victorieuse ou bien par une restructuration ultérieure du MPC. Tel est, pour nous, l’alternative qui marquera la (les) décennie(s) à venir. Et si cet affrontement doit comporter une possibilité de dépassement communiste, il inclura une insurrection majeure, mondiale, du prolétariat. La défaite éventuelle de cette insurrection constituerait la meilleure condition d’une restructuration capitaliste, mais celle-ci pourrait également avoir lieu sans insurrection défaite, comme issue d’une phase revendicative intense. Les autres classes ne resteront pas simplement spectatrices dans l’arène historique. Ceci vaut en premier lieu pour la CMS, qui occupe une place centrale dans ce feuilleton, et dont nous verrons ce qu’elle devient au milieu du clash of the titans entre les deux classes fondamentales. Mais c’est tout aussi vrai – même si nous n’en traiterons pas ici – pour les masses paysannes qui perturbent, dans les pays semi-périphériques et périphériques, le ballet des trois classes du MPC développé sur ses propres bases.

  • Bruno Astarian & R.F. : Ménage à trois: Episode 10 – Théorie de l’interclassisme
    http://www.hicsalta-communisation.com/accueil/menage-a-trois-episode-10-theorie-de-linterclassisme

    L’interclassisme que nous voulons examiner ici est uniquement celui qui consacre l’alliance de la classe moyenne salariée et du prolétariat dans une lutte commune. Ce n’est qu’un cas, historiquement particulier, d’alliance de classes. Il y en a eu bien d’autres, tant dans l’histoire du mode de production capitaliste que dans celle des modes de production antérieurs. Dans tous les cas, y compris celui que nous allons envisager, l’interclassisme unit momentanément deux classes aux intérêts fondamentalement antagoniques contre une ou plusieurs autres. On peut citer l’alliance du prolétariat et de la bourgeoisie dans leurs luttes contre l’aristocratie. Alliance qui n’a pas empêché celle de la bourgeoisie avec la noblesse pour réprimer les soulèvements des serfs, paysans pauvres et prolétaires. On peut retrouver des dynamiques similaires, avec des cocktails de classe variables, dans toute l’histoire du développement capitaliste : formation des États-nations dans les aires centrales de l’accumulation, luttes de libération nationale dans les périphéries, etc. La question mériterait une étude spécifique.

    #théorie #communisme #communisation

  • Le ménage à trois de la lutte des classes | Hic Salta - Communisation
    http://www.hicsalta-communisation.com/accueil/le-menage-a-trois-de-la-lutte-des-classes

    Nous commençons ici une nouvelle série « feuilleton », consacrée à la classe moyenne dans la lutte des classes. La classe moyenne est l’objet d’une production surabondante dans la littérature politique et sociologique bourgeoise, mais est largement négligée par la théorie communiste actuelle.Nous essaierons d’y remédier. La question étant protéiforme, nous limiterons le champ à la classe moyenne salariée (CMS) dans le capitalisme d’aujourd’hui. Ses luttes sont nombreuses, parfois spectaculaires et violentes et elles éclatent partout dans le monde. Mais ce n’est pas la raison principale pour laquelle nous pensons qu’il faut se pencher sur cette question. Ce n’est en effet pas la quantité, mais la nature de ces luttes et leurs rapports avec celles du prolétariat qui sont notre préoccupation centrale. Au final, nous espérons tirer des nombreuses analyses partielles qu’il nous faudra faire une vue d’ensemble de la question de la CMS dans le contexte d’une révolution communisatrice. Les résultats auxquels nous parviendrons en chemin doivent être considérés comme provisoires et ouverts à discussion.

    Dans un premier temps, nous chercherons à définir le champ et l’objet de nos investigations (Episode 1), à poser les bases d’une théorie de la classe moyenne (épisode 2), et à se servir de ces résultats pour analyser le cas du mouvement français de 2016 contre la loi El Khomri (Episode 3). Il faudra ensuite élargir nos recherches à la question de l’interclassisme et aux autres pays.

    B.A. – R.F.,

    mai 2017

  • R.F. et Bruno Astarian - Ménage à trois: Episode 9 – Printemps Égyptien 2011–2013 (deuxième partie)

    Dans la première partie de ce texte, il s’est agi d’identifier les composantes et le devenir du capitalisme égyptien à la veille du Printemps Égyptien, puis de reconstruire la séquence des événements qui se sont déroulés de janvier-février 2011 au coup d’État de juillet 2013 et à la période immédiatement suivante. Dans cette deuxième partie, nous nous attacherons à une analyse d’ensemble de ces événements sous leurs différentes facettes.

    #Égypte #théorie #communisme #communisation

    http://www.hicsalta-communisation.com/accueil/menage-a-trois-episode-9-printemps-egyptien-2011-2013-deuxie

  • R. F. - Bruno Astarian - Ménage à trois: Episode 8 – Printemps Égyptien 2011–2013 (première partie)
    http://www.hicsalta-communisation.com/accueil/menage-a-trois-episode-8-printemps-egyptien-2011-2013-premie

    Nous en venons au Printemps Égyptien, qui est sans doute le plus important de ceux que nous avons avons à traiter dans cette partie empirique sur les luttes de la classe moyenne, avec ou sans le prolétariat, au cours de la dernière décennie. Il serait impossible de traiter le sujet de façon exhaustive sans lui consacrer un livre entier. Nous nous sommes concentrés, dans le récit aussi bien que dans l’analyse, sur les phases et les aspects qui sont les plus fondamentaux du point de vue du thème qui nous occupe dans ce feuilleton. Nous verrons que le cas de l’Égypte présente quelques analogies avec celui de la Tunisie, dont la première est d’être un exemple d’interclassisme franc, manifeste. Mais il y a aussi des différences : l’histoire économique et sociale du pays, sa taille, la composition du prolétariat et des classes moyennes, les clivages internes à la classe capitaliste, etc. L’issue des luttes n’a pas été la même non plus. Surtout, le cas de l’Égypte fournit des indications utiles sur ce que nous appelons la rupture de l’interclassisme, lorsque la classe moyenne salariée en lutte se désengagera de son association avec le prolétariat pour se ranger derrière les militaires. Voyons ça de plus près.

    #théorie #communisme #communisation #Egypte

  • Bruno Astarian et R. F. - Ménage à trois : Episode 7 – #Tunisie 2011 : entre révolte fiscale et droit au développement
    http://www.hicsalta-communisation.com/accueil/menage-a-trois-episode-7-tunisie-2011-entre-revolte-fiscale-

    Nous abordons maintenant le cas de la Tunisie, pays où la « révolution de jasmin » éclate en décembre 2010. Elle ouvre la période dite des printemps arabes. Par rapport aux cas que nous avons traités jusqu’à présent, elle présente la caractéristique d’être franchement interclassiste. Rappelons quelques dates : en décembre 2010, la révolte éclate à Sidi Bouzid après le suicide par le feu de Mohamed Bouazizi. Elle se répand rapidement dans les villes avoisinantes, puis dans tout le pays jusqu’à Tunis même. Le 14 janvier, Ben Ali s’enfuit. Son premier ministre, Mohamed Ghannouchi, le remplace provisoirement. Il reste premier ministre de deux gouvernement successifs (14-17 janvier 2011 ; 17 janvier-27 février 2011). Il est contraint de démissionner par des manifestations massives et le deuxième sit-in de la Kasbah (place du centre de Tunis où se trouve le siège du gouvernement). La situation ne s’est jamais stabilisée depuis 2011. Les gouvernements qui se sont succédés, d’abord dominés par les islamistes d’Ennahda, puis contrôlés par les « sécularistes » de Nidaa Tounès (parti qui regroupe beaucoup d’anciens ben-alistes) ne sont jamais parvenus à une formule de gestion unifiant les fractions socio-régionales antagoniques du capitalisme tunisien, Tunis et le Sahel d’un côté, l’intérieur et le Sud de l’autre. Ce blocage a provoqué de multiples émeutes, manifestations, grèves et sit-ins dans tout le pays, et a finalement abouti à l’explosion générale de janvier 2018.

    #théorie #communisme #communisation

  • R.F. – B.A. - Ménage à trois : Episode 6 – La Révolte des Tentes en #Israël (2011)
    http://www.hicsalta-communisation.com/accueil/menage-a-trois-episode-6-la-revolte-des-tentes-en-israel-201

    Parmi les mouvements apparus après la crise de 2008, la Révolte des Tentes en Israël a souvent été négligée dans les analyses du courant communisateur. En fait, à l’exception de ce qu’en ont dit les journaux pendant quelques jours, personne n’en sait grand-chose, et il n’y a pratiquement pas d’analyses communistes sur le sujet. À l’opposé, d’autres mouvements plus modestes ont fait couler beaucoup d’encre. Des mouvements portés exclusivement par la classe moyenne salariée, mais moins massifs – Occupy, Indignés, etc. – ont donné lieu à quelques analyses dans le « milieu », tandis que sur Israel il n’y rien du tout. Cela nous incite à essayer de reconstruire le contexte, le déroulement, la composition sociale et les enjeux de ce mouvement.

    #théorie #communisme #communisation

  • Ménage à trois : Episode 5 | Hic Salta - Communisation
    http://www.hicsalta-communisation.com/accueil/episode-5-iran-2009-faux-printemps#more-1555

    Episode 5 : Iran 2009 – Faux printemps

    Nous abordons maintenant un premier cas de révolte où la classe moyenne salariée se trouve pratiquement seule face à l’État. Bien que bref, le Mouvement Vert du printemps 2009 en Iran a été massif, déterminé, et très coûteux pour la CMS, en termes de tués, de prisonniers, de torturés. La rage et la détermination des enfants de la classe moyenne de Téhéran (principalement) n’ont cependant pas produit de grand changement dans la société iranienne. Au moment où nous finissons cet épisode, une nouvelle révolte éclate en Iran (décembre-janvier 2017-18). Il est trop tôt pour évaluer son impact, mais on peut dire tout de suite que les révoltés ne sont pas les mêmes qu’en 2009. Le soulèvement d’aujourd’hui est qualitativement différent de celui de 2009 (on y reviendra).

    Les épisodes précédents sont lisibles à partir de cette page :
    http://www.hicsalta-communisation.com/category/classe-moyenne

    Ces textes sont également repris par cet autre site spécialisé dans la #théorie_communiste, la #communisation et la #critique_de_la_valeur.
    http://dndf.org/?page_id=10005

    #marxiens