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  • Alimentation et Cancer Interview de Denis Corpet
    http://fcorpet.free.fr/Denis/Viande-Cancer.html

    Q. Si je ne mange que de la viande « Bio » ou des charcuteries artisanales, il n’y a aucun danger, non ?
    R. Beaucoup de gens pensent que c’est les élevages intensifs et les charcuteries industrielles qui posent problème. L’épidémiologie ne permet pas, aujourd’hui, de faire la différence entre les produits « Bio » et les autres. Cependant nos études de mécanisme montrent que c’est le #fer_héminique qui est pro-cancer. Il est présent dans la viande Bio comme dans toute viande rouge. Et pour les charcuteries c’est pareil : le petit artisan qui utilise du sel nitrité fabrique un produit aussi toxique que la grande entreprise. Peut-être même plus toxique, car il maîtrise souvent moins bien l’oxydation et la dose d’additif. Seules des viandes transformées sans nitrite seraient moins toxiques , mais la couleur, le gout, et la conservation ne sont plus du tout ceux des charcuteries classiques.

    Q. Prof. Corpet votre laboratoire travaille sur « viande et cancer » depuis 1997. Quel a été votre apport au travail du CIRC ?
    R. Au CIRC je présidais le groupe d’étude des mécanismes. En effet mon équipe de recherche a démontré que c’est « le rouge de la viande » (le fer héminique) qui catalyse la formation de nitrosamines cancérogènes et de produits d’oxydation des graisses, toxiques dans l’intestin. Cela explique comment la viande rouge peut être cancérogène, et la charcuterie plus encore puisque peut s’y ajouter l’effet des nitrites. Mais nous recherchons aussi comment bloquer ces effets cancérogènes. Des solutions simples semblent à portée de main, lors de la fabrication des charcuteries ou le choix du menu, comme expliqué ci-dessous. Car la viande rouge est un aliment fort utile, qui apporte du fer assimilable et la vitamine B12, tous deux essentiels contre l’anémie.

    Q. Aux USA, les filières viande réfutent les conclusions de l’OMS. L’industrie ne peut-elle pas faire mieux que « se mettre la tête dans le sable » ?
    R. Oui, les industriels américains « nient l’évidence », et affirment que les jeux étaient fait d’avance . Je peux témoigner que ce n’est pas vrai, et eux aussi le pourraient : ils assistaient en observateurs aux travaux du CIRC. Ils ont donc pu voir que l’opinion du groupe d’experts a évoluée entre le début et la fin. Sur place, ces représentants de l’industrie n’ont pas fait de remarque sur la qualité du travail en cours quand on leur a donné la parole.

    La position des industriels français de la viande est plus intelligente : Associés aux chercheurs INRA de Toxalim à Toulouse, ils recherchent depuis 2005 comment prévenir l’effet cancérigène des viandes. Ces recherches menées par Fabrice PIERRE et moi-même, et largement citées dans la Monographie 114 de l’OMS, donnent des pistes sérieuses de prévention. Ainsi la simple addition de calcium au menu ou d’extraits de plantes aux charcuteries inhibe complètement l’effet promoteur d’un jambon expérimental. Fabriquer des viandes plus saines permettra de protéger aussi les catégories de population qui vivent dans la pauvreté ou l’incertitude, et ne peuvent pas suivre les recommandations nutritionnelles de prévention. Ce sont elles qui consomment le plus de charcuteries et qui payent le plus lourd tribut au cancer.