Compter les morts aux frontières : des #contre-statistiques de la société civile à la récupération (inter)gouvernementale
Cet article analyse la production de statistiques sur le phénomène des « #morts_aux_frontières » dans la région euro-méditerranéenne, dans un contexte de crise des réfugiés qui voit des milliers de migrants mourir en tentant d’atteindre l’Europe. Ce travail de documentation et de collecte de données a été réalisé, depuis le début des années 1990, par la société civile et les associations de défense des migrants, dans le but de dénoncer le coût humain des politiques européennes de contrôle des frontières. Depuis 2013 cependant, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) produit également des statistiques à ce sujet (projet Missing Migrant). L’implication d’un acteur intergouvernemental dans un champ initialement occupé par les ONG change la nature et le sens politique de ces statistiques, d’une part parce que l’OIM joue elle-même un rôle important dans les politiques de contrôle des pays occidentaux et contribue donc à alimenter les prises de risques et les décès de migrants, et d’autre part parce cette organisation a pour principe de ne jamais critiquer ses États-membres, et tente donc de dépolitiser les chiffres sur les morts aux frontières en les isolant du contexte qui conduit à ce phénomène. Cet article analyse les raisons qui poussent l’OIM à reprendre à son compte ce comptage initié par la société civile et la manière dont cette activité s’insère dans ses stratégies et ses discours. Il interroge finalement les conséquences de l’implication de l’OIM pour la société civile et la manière dont il est possible de repolitiser cette activité statistique.
▻https://journals.openedition.org/remi/8732
#Charles_Heller #Antoine_Pécoud