Trois questions sur les accusations de viol qui pèsent sur le ministre Gérald Darmanin

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  • Trois questions sur les accusations de viol qui pèsent sur le ministre Gérald Darmanin francetvinfo - 27 Janvier 2018

    Une femme accuse le ministre de l’Action et des Comptes publics de l’avoir violée en 2009. Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire.
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    Le parquet de Paris a rouvert une enquête sur des accusations de viol visant Gérald Darmanin, a appris franceinfo de sources concordantes, samedi 27 janvier. Selon une enquête du Monde, le ministre de l’Action et des Comptes publics est accusé par une femme, Sophie Spatz, de l’avoir violée en 2009, alors qu’il était à l’époque chargé de mission à l’UMP. L’affaire avait été portée une première fois devant la justice en juin 2017, peu après son entrée au gouvernement, avant d’être classée sans suite un mois plus tard. Une nouvelle plainte de Sophie Spatz, 46 ans, a mené à la réouverture automatique de l’enquête, lundi 22 janvier. Franceinfo répond à trois questions sur cette affaire.

    Quelles sont les accusations qui pèsent contre Gérald Darmanin ?
    Sophie Spatz, ancienne call-girl née Olga Patterson, est condamnée en 2004 à 10 mois de prison avec sursis et 15 000 euros de dommages et intérêts pour chantage, appels malveillants et menace de crime. Quatre ans plus tôt, elle a harcelé son compagnon, selon elle pour récupérer de l’argent qu’il lui aurait volé, rapporte Le Monde. La jeune femme est obnubilée par cette condamnation. Elle contacte le ministère de la Justice et divers responsables politiques dans le but de faire rouvrir le dossier.

    En mars 2009, Sophie Spatz, alors mariée à un ingénieur dans la finance, est sympathisante de l’UMP. Elle contacte le parti pour évoquer son affaire, et obtient un rendez-vous avec le chargé de mission au sein du service des affaires juridiques, un certain Gérald Darmanin, alors inconnu du grand public. « Le gars lui a dit tout ce qu’elle avait envie d’entendre : ’Oui, vous êtes innocente. Il y a un problème au ministère de la Justice. On va pouvoir faire quelque chose’ », relate son mari, Pierre Spatz, au Monde. Gérald Darmanin promet même d’envoyer une lettre au ministère de la Justice pour appuyer la demande de révision du dossier de Sophie Spatz.

    Puis Gérald Darmanin l’invite à dîner. Elle assure au Monde qu’elle a proposé de le rencontrer plutôt pour un café ou un déjeuner, avant d’accepter sa proposition pour obtenir la fameuse missive. Selon son récit, Sophie Spatz retrouve Gérald Darmanin le 17 mars 2009 au restaurant Chez Françoise, la cantine des politiques située juste à côté de l’Assemblée nationale. La date est confirmée par un relevé de comptes qu’elle a demandé à sa banque. « [Gérald Darmanin]  me dit qu’il va faire le maximum. Je suis aux anges. A un moment, il s’approche de moi, il met sa main sur la mienne : ’Il va falloir m’aider vous aussi’, affirme-t-elle au Monde. Je ne suis pas une gamine, j’ai compris tout de suite. » 

    Le jeune membre de l’UMP lui demande de l’accompagner dans un club libertin, Les Chandelles, « car il ne peut pas y entrer seul ». Se sentant prise  "en otage" , Sophie Spatz le suit. Rien ne se produit au club, mais la jeune femme l’accompagne ensuite dans un hôtel situé à proximité. Selon sa plainte, elle ne se souvient pas de la décoration du lieu, mais envoie Gérald Darmanin acheter du gel douche et du dentifrice, avant de s’enfermer un long moment dans la salle de bain, pour  "repousser le moment fatidique au maximum". « Hélas, constatant que l’acte était toujours ’au programme’, (…) malgré tous ces détours, elle avait dû finir par s’y plier », affirme son avocate dans le document. Sophie Spatz rentre chez elle au matin. Son mari la retrouve  "assise par terre, dos au miroir, prostrée".

    La jeune femme et Gérald Darmanin échangent encore des SMS, entre 2009 et 2012. Dans l’un des messages, Sophie Spatz écrit :  "Quand on sait l’effort qu’il m’a fallu pour baiser avec toi ! Pour t’occuper de mon dossier."  L’homme, dont le numéro correspond selon Le Monde à celui du ministre, répond :  "Tu as raison je suis sans doute un sale con. Comment me faire pardonner ?"  Dans une lettre datée du 3 novembre 2009, Gérald Darmanin demande à la garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie, de  "faire étudier sérieusement le dossier" de Sophie Spatz. Il lui fait parvenir une copie du courier par mail, quelques semaines plus tard. Cela ne suffit pas à apaiser la jeune femme, qui dénonce les "pratiques" de l’élu dans une lettre à Jean-François Copé, fin novembre. Le groupe UMP  "l’invite à intenter une action en justice", et l’affaire s’arrête là.

    Qu’est-il ressorti de la première enquête, ouverte en 2017 ?
    En apprenant la nomination de Gérald Darmanin au gouvernement, en mai 2017, Sophie Spatz devient  « hystérique », selon ses termes rapportés par Le Monde. Elle décide de tout tenter pour  "obtenir la démission" du ministre, allant jusqu’à se rendre à l’Elysée dans l’espoir de  "se faire embarquer pour tout raconter". Pierre Spatz envoie alors une lettre au garde des Sceaux, François Bayrou, accusant Gérald Darmanin d’avoir abusé de sa femme.

    Le ministre de la Justice transmet le courrier au procureur et une plainte est déposée en juin. Comme pour toute suspicion d’agression sexuelle ou de viol, le parquet ouvre automatiquement une enquête préliminaire, confiée à la police judiciaire. Sophie Spatz refuse toutefois de se présenter au commissariat pour être entendue, malgré des convocations répétées. « Elle ne voulait pas y aller toute seule et elle subissait une intimidation de la part de son entourage »,  indique à franceinfo son avocate actuelle, Elodie Tuaillon-Hibon. L’affaire est donc classée pour "absence totale d’infraction", en juillet 2017.

    Pourquoi le parquet rouvre-t-il l’enquête ?
    Sophie Spatz change d’avocat en 2017. Sur les conseils de la militante féministe Caroline De Haas, elle prend contact avec une avocate spécialiste du harcèlement et des agressions sexuelles, Me Elodie Tuaillon-Hibon.  "J’ai examiné précautionneusement le dossier avant de l’inciter à redéposer plainte [mi-janvier 2018] et à recueillir de nouveaux éléments", relate l’avocate à franceinfo. Cela mène à la réouverture automatique de l’enquête préliminaire. Sophie Spatz se rend cette fois au commissariat, accompagnée de son conseil.  « Ce n’est pas un moment simple, il y a de la honte et de la culpabilité », explique Elodie Tuaillon-Hibon à franceinfo. La plaignante est entendue seule par les enquêteurs, durant plus de huit heures, jeudi 25 janvier, indique Le Monde.

    Elodie Tuaillon-Hibon a ajouté à la plainte des copies d’échanges de SMS entre sa cliente et Gérald Darmanin. L’avocate s’appuie sur la notion de consentement, et estime que les faits sont susceptibles d’être qualifiés de viol « par surprise ». Dans les colonnes du Monde, elle affirme que Sophie Spatz « aurait manifesté clairement et sans ambiguïté, même si c’était de manière courtoise et avec tact, qu’elle ne souhaitait pas se plier aux sollicitations sexuelles de monsieur ».

    Les avocats de Gérald Darmanin déclarent au quotidien que  "cette dénonciation s’inscrit dans une chronologie qui démontre une grossière intention de nuire". "Comme il l’a lui-même indiqué publiquement sur l’antenne de franceinfo, [le ministre] a déposé plainte il y a huit mois en dénonciation calomnieuse", assurent Mathias Chichportich et Pierre-Olivier Sur. Les investigations de la police judiciaire devront déterminer s’il y a bien eu une relation sexuelle et si elle était consentie ou non. Au terme de l’enquête, le parquet décidera d’entamer des poursuites ou de classer l’affaire, si l’infraction n’est pas établie ou si les faits sont prescrits.

    #Gérald-Darmanin accusation de #viol