Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisir des jeunes : pertinence d’un paradigme féministe

/tel-01131575

  • Le genre toujours au centre des loisirs - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2019/08/25/le-genre-toujours-au-centre-des-loisirs_1747243

    Selon les recherches d’Yves Raibaud et Edith Maruéjouls, 75 % des budgets publics profitent directement ou indirectement aux garçons, toutes activités confondues : centres de loisirs, séjours de vacances, danse, foot, écoles de musique et même médiathèques. Les financements ne sont pas égalitaires. Des équipements publics, notamment sportifs, comme les city stades ou skate parcs, visent aussi une activité majoritairement masculine. Tandis que les lieux de pratique plus féminine comme les centres d’équitation sont moins aidés. Yves Raibaud : « Ce ne sont pas les filles qui s’autocensurent ou n’ont pas envie, on a juste privilégié la moitié de la population au détriment d’une autre à travers ce financement. » Le géographe a d’ailleurs mené un travail avec le conseil départemental de la Gironde pour parvenir à des arbitrages budgétaires égalitaires. « On l’a fait aussi avec la ville de Bordeaux sur leurs séjours d’été. Il doit y avoir autant de filles que de garçons pour des budgets équivalents. » La directrice de Larobe abonde : « Etre à égalité, c’est partager un budget, un espace, sinon on hiérarchise. On voit des maisons des jeunes, des centres occupés par 90 % de garçons. » Les filles viennent pour un cours de danse ou de l’aide aux devoirs mais ne restent pas. Une illusion de présence.

    Au moment de la préadolescence, la fracture se creuse encore. Les travaux d’Edith Maruéjouls montrent que dès 12 ans, les filles disparaissent de ces structures. « Le groupe social des filles dans un micro-espace de loisirs ou sociétal, comme la cour de récré ou le centre, est relégué sur les bords. Elles ne prennent pas l’espace physique et sont réduites à leurs capacités à négocier. » La géographe mesure depuis deux ans un autre phénomène : « Ce que j’appelle la première charge mentale des filles : à cet âge, c’est la première fois qu’elles sont confrontées au harcèlement de rue en raison de leurs tenues vestimentaires, ce qui leur fait élaborer des stratégies d’évitement. » Un cercle vicieux en termes d’activités. Les filles étant moins présentes dans les centres, les activités risquent d’être encore plus orientées côté masculin.

    • J’aimerais avoir les références sur l’aspect « médiathèques », dont l’accès serait genré. Autant pour les autres éléments cités, je vois assez bien, mais pour les médiathèques, j’aimerais savoir comment ça joue.

    • J’en sais pas plus que toi @arno Peut être qu’il y a plus d’abonnement à des revues de foot, jeux vidéos... que de revues de poney et de danse, ou plus de lecture d’auteurs que d’autrices, plus de bouquins avec des héros que d’héroines...

    • J’ai trouvé ceci qui develloppe un peu mais j’ai pas encore tout lu

      ici un résumé
      https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01560821/document

      Je me suis intéressé dans les années 2000 aux lieux de répétition des musiques amplifiées (rock, rap, techno, reggae), puis par extension aux cultures urbaines (graff, hip-hop, mais aussi sports urbains tels que skateboard et Bmx). Il m’est apparu assez rapidement que ces cultures, dont on disait qu’elles étaient l’expression des jeunes et des quartiers fragiles, étaient surtout déterminées par le sexe de leurs pratiquants, plus de 90 % de garçons. Le modèle de la « maison des hommes » convient assez bien pour caractériser ces lieux de production d’identité masculine, dont la culture commune est souvent teintée de sexisme et d’homophobie. J’ai prolongé ce travail en étudiant les skateparks et les citystades. Mis à disposition des jeunes (en réalité des jeunes garçons), ils ont pour but avoué de canaliser leur violence dans des activités positives. Il me semble qu’ils fonctionnent au contraire comme des « écoles de garçons », produisant l’agressivité et la violence qu’ils sont censés combattre.

    • C’est intéressant, cet aspect sécuritaire. Il reprend la même idée sur les colos populaires :

      De l’autre côté du périphérique, les séjours et activités organisées par les municipalités (Opération Prévention Été, séjours courts, Ville Vie Vacances) sont clairement orientés vers la prévention de la délinquance et proposent des activités spécialisées vers le public cible : les jeunes garçons des cités. Exit les filles des vacances des pauvres.

      En revanche, il n’explique pas plus la question des médiathèques.

    • ici plus de détails
      https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00658958/document

      Pour les médiathèques tu as raison d’avoir tiqué @arno car c’est le seul graphique ou les filles sont légèrement majoritaire, mais ca reste une majorité assez faible selon l’étude.

      On pourrait penser que les pratiques culturelles sont plus féminines que les pratiques sportives, par compensation ou pour des choix liés aux stéréotypes de sexe. Les chiffres montrent au contraire que les filles sont à peine plus présentes que les garçons dans les médiathèques et légèrement moins nombreuses dans les écoles de musique

    • Si tu veux une version très détaillé, voici

      Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisir des jeunes : pertinence d’un paradigme féministe
      par Édith Maruéjouls-Benoit

      Thèse de doctorat en Géographie humaine (379 pages)

      https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01131575/document

      La partie sur les médiatèques est à la page 174

      2.1.2Le renforcement des stéréotypes : les activités culturelles et artistiques.

      Les pratiques culturelles et artistiques semblent plus équitablement réparties entre filles et garçons. Cependant les stéréotypes attachés aux pratiques sont forts et séparent les sexes à l’adolescence, c’est alors qu’on observe de nouveau un décrochage des filles. Les pratiques culturelles des jeunes sont encadrées dans des équipements municipaux ou au sein des associations prestataires de la commune, parfois dans des associations non subventionnées, hébergées dans des locaux municipaux. Les équipements municipaux tels que médiathèques et écoles de musique et de danse accueillent majoritairement un public de jeunes enfants et connaissent une désaffection à partir de l’entrée au collège, puis au lycée. Ce décrochage est compensé en partie, pour les garçons, par des propositions culturelles moins académiques, portées par le secteur de l’animation, principalement musiques actuelles, danse hip hop, espace multimédia, comme nous le verrons plus avant.Premier équipement étudié, la médiathèque est le lieu de la quasi parité.Création Edith Maruéjouls (2011)Les statistiques sur les emprunts dans les médiathèques ne permettent pas de dégager une analyse sexuée sur l’usage du lieu. On note seulement que les filles ne sont pas massivement plus utilisatrices que les garçons. Le découpage par âgepour la commune de Floiracnous enseigne que c’est à 13 ans que les filles effectuent plus d’emprunts que les garçons.
      A Floirac, les filles à partir de 13 ans sont plus nombreuses que les garçons à emprunter à la médiathèque. La commune de Blanquefort propose des enseignements spécialisés, notamment un lycée viticole et des lycées techniques. Il y a une importante population masculine étudiante venant de tout le département. Les garçons sont donc proportionnellement plus nombreux que les filles sur le territoire à partir de la seconde voire la troisième. Ils deviennent majoritaires pour les emprunts en médiathèque.
      On entend souvent que les pratiques culturelles sont plus féminines que les pratiques sportives, par compensation ou pour des choix liés aux stéréotypes de sexe. Les chiffres montrent au contraire que les filles sont à peine plus présentes que les garçons dans les médiathèques et dans les écoles de musique

    • Personnellement, j’ai été frappée par le passage bulldozer de la bibliothèque (l’endroit des rats de bibliothèque, c’est-à-dire des corps enfermés dans le silence et les espaces contraints, donc les femmes et les hommes peu virilisés) vers la médiathèque, souvent un espace plus volumineux, plus lumineux, plus mis en scène (plus tape à l’œil, donc plus couteux et valorisant), qui se caractérise par un retrait assez net de l’emprise du livre au profit de l’espace presse-magazines — avec souvent une disposition « club » avec des fauteuils très confortables qui n’existaient pas dans les bibliothèques, spartiates —, musique, jeux vidéos, films, c’est-à-dire des pratiques culturelles plus « masculines ».

      Ce n’est qu’une impression, cela dit, mais il y aurait l’idée d’investissements massifs de la collectivité pour viriliser et rendre attractif un lieu qui était auparavant un parent pauvre des équipements collectifs, surtout investi par les dominés…

    • @monolecte : pas que. À mon goût (d’homme, certes), les médiathèques sont aussi des lieux plus ouverts aux enfants et aux familles (gros poufs sur le sol pour lire vautrés comme des otaries, livres directement accessibles aux petits, présentation scénarisée pour les pré-ados, etc.). Et aussi beaucoup d’espace de travail pour les adolescents, auxquels ça donne un lieu pour se retrouver et travailler (travaux scolaires), avec un équilibre entre le silence et le calme nécessaires pour bosser, mais en même temps une certaine « modernité » des usages, avec la machine à café/boissons, les toilettes propres et accessibles… (ces lieux de travail, systématiquement le week-end, c’est plein de lycéens). Par rapport à la tradition « rats de bibliothèque », il me semble aussi qu’il y a une présentation nettement moins austère des livres, par exemple l’espace pour les jeunes ados valorise clairement des lectures plus à la mode que les classiques du XIXe siècle.

      Sans compter, évidemment, ce qui caractérise les médiathèques : y’a pas que des livres. Gros espace de DVD (à une époque, ça eut été intéressant), gros espace de CDs (à une époque…), désormais ludothèque, ici un énorme espace pour emprunter des partitions…

      Il me semble avoir lu par ici que le « problème » des médiathèques était moins l’aspect genré (autant de femmes que d’hommes) que la sélection sociale qui s’opère en amont, et il n’est pas certain que le passage de la bibliothèque à la médiathèque ait énormément modifié cet aspect.

    • @arno : effectivement, en bibli/mediathèque, le problème est plus une question de CSP que de genre. Alors que je me plaignais du faible nombre de bouquins (à E. Zola), une responsable m’a expliqué que trop de bouquins intimidaient les gens (pas les CSP+, s’entend) et que donc on allait à l’encontre du principe même d’une bibli en restreignant le nombre d’ouvrages.

  • #Mixité : l’#égalité déchante

    Édith Maruéjouls est chargée de mission « égalité » au sein de la mairie de #Floirac, commune girondine de 16 000 habitant.es. Elle contribue à définir et à mettre en œuvre une politique d’égalité dans les pratiques de #loisirs entre #hommes et #femmes. Elle a soutenu en 2014 une thèse en géographie du genre intitulée « Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisir des jeunes. Pertinence d’un paradigme féministe ». Elle évoque dans cet entretien son travail sur les #inégalités réelles entre les sexes et aborde plus particulièrement le cas des espaces de loisir des #jeunes, terreau de ces processus.


    http://labrique.net/index.php/thematiques/feminismes/862-mixite-l-egalite-dechante

    #genre #espace_public #géographie #ressources_pédagogiques

    Lien vers la thèse :

    Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisir des jeunes : pertinence d’un paradigme féministe

    Les discours scientifiques et politiques sur la #jeunesse s’attachent généralement aux problématiques de déviance, comportements à risque, délinquance et décrochage scolaire et oublient le plus souvent l’aspect heuristique de la variable #genre. L’analyse de la répartition des filles et des garçons dans les espaces, équipements et temps de loisirs de trois communes périphériques de l’agglomération bordelaise montre l’hégémonie des garçons sur les loisirs organisés et le décrochage massif des filles à l’entrée au collège. Tout se passe comme si les garçons investissaient les espaces publics lorsqu’ils ne trouvent plus de réponses dans des pratiques encadrées, alors que les filles disparaissent de ces espaces et se replient vers la sphère privée. S’inscrivant dans une approche de #géographie_sociale, la thèse développe la pertinence d’une approche féministe comme paradigme scientifique dans la compréhension d’une territorialité différenciée femmes/hommes dans l’espace public. A travers une enquête de terrain comparative de la fréquentation des espaces et équipements des loisirs des jeunes, la recherche interroge les politiques publiques sur les notions de mixité et d’égalité réelle entre les filles et les garçons dans notre société. L’étude met en avant quatre constats forts : l’inégalité, l’offre de loisirs subventionnée s’adresse en moyenne à deux fois plus de garçons que de filles. La #non_mixité et le renforcement des inégalités, les activités non mixtes masculines sont beaucoup plus importantes que les activités non mixtes féminines. L’#invisibilité et le décrochage des filles : Les filles décrochent à partir de l’entrée en sixième, elles disparaissent des équipements et espaces publics destinés aux loisirs des jeunes. La performativité du genre : La constitution d’espaces de loisir spécifiquement masculin et la valorisation des « cultures masculines » représentent l’essentiel de la pratique jeunesse autonome et en accès libre.

    https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01131575
    #féminisme #espace_privé

    • GENRE ET VILLE. Plateforme d’innovation urbaine

      Think Tank et Do Tank, plateforme de recherche et d’action, Genre et Ville est composées d’urbanistes, de sociologues, d’architectes, d’artistes, dont l’objet est de rendre les territoires égalitaires et inclusifs.

      En agissant par l’urbanisme, l’aménagement urbain, l’architecture et l’organisation sociale, nos actions interrogent et transforment les territoires par le prisme du genre de manière intersectionnelle, c’est à dire en incluant les questions de normes de genre, d’âge, d’origine sociale et culturelle, d’identité, d’orientation sexuelle.

      Notre travail est nourri par la géographie critique, les études de genre, l’anthropologie urbaine, l’art féministe et politique.

      http://www.genre-et-ville.org