• Etude qualitative traitant de l’absence de baisse de la consommation du tabac chez les plus précaires (chômeurs notamment).

    La cigarette du pauvre.
    https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2010-3-page-535.html

    Première cause de mortalité prématurée dans les pays développés, le tabagisme est responsable chaque année en France de plus de 60 000 décès, auxquels il faudrait ajouter quelques milliers de décès annuels imputables au tabagisme passif. Pour faire reculer le tabagisme, les pouvoirs publics ont progressivement mis en place tout un arsenal de mesures : hausse régulière des taxes (et donc du prix des cigarettes) qui a commencé avec la loi Veil en 1976, interdiction de la publicité dès 1992 (loi Évin), restrictions sur les conditions de vente (entre 2000 et 2005 : vente interdite aux moins de 16 ans, proscription des paquets de dix cigarettes, suppression des mentions « légères »…), restriction sur les conditions d’usage (interdictions de fumer dans les lieux publics couverts et au travail, étendues aux débits de boissons et aux discothèques en 2008), sans oublier les campagnes d’information et de sensibilisation (dans les médias, à l’école, sur les paquets de cigarettes) [Peretti-Watel, 2007]… Sur le long terme, ces mesures ont contribué au recul du tabagisme, qui apparaît tout de même modeste au regard des moyens déployés : on comptait en France un peu plus de 40 % de fumeurs dans les années 1970, contre 31 % en 2008.

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    Depuis quelques années, donc, fumer ne va plus de soi. Confronté à une sorte d’« inversion des valeurs », le fumeur ne représente plus cette vie « plus forte », « plus chaude », « plus active », qu’il symbolisait durant l’après-guerre [Collins, 1975 ; Markle & Troyer, 1979]. Au contraire, une étude australienne montre que le fumeur est plutôt perçu aujourd’hui par l’opinion publique comme un être « malodorant » et « sans volonté », un « pollueur égoïste », un salarié « moins productif » que les autres, qui pèse sur les dépenses de santé et « empoisonne son entourage » [Lupton, 1995 ; Chapman & Freeman, 2008]. Bien sûr, les campagnes de prévention, la hausse du prix des cigarettes et l’interdiction de fumer dans les lieux publics couverts ont nourri ce processus de dénormalisation du tabagisme.