• Ça vous chatouille ou ça vous gratouille ? – La Tribune, Opinions
    https://www.latribune.fr/opinions/editos/ca-vous-chatouille-ou-ca-vous-gratouille-punaise-un-peu-les-deux-camarade-


    Reuters

    La crise des punaises de lit, un bug symptomatique d’une époque de peurs et aussi un héritage de l’Etat nounou du Covid. Face à ces craintes collectives, le gouvernement affiche son hyper-vigilance, quitte à ne pas prendre les mesures impopulaires, mais nécessaires pour rétablir les finances publiques. Au risque d’un bug, mais financier celui-là.

    La France a peur... des punaises de lit ! aurait dit Roger Gicquel. Cinémas ou écoles fermées, droit de retrait des profs dans un lycée parisien, annulation d’un vol Paris-New York, vidéos virales sur les réseaux sociaux, la semaine a été placée sous le signe du nouveau vampire des nuits blanches. Une véritable psychose a fait irruption dans les médias, face aux méfaits de cet hétéroptère hématophage gourmand-piquant. Car c’est un réel fléau moral et financier pour ses victimes. Il en coûte souvent une bonne dépression tant la bestiole est devenue résistante et coûte en moyenne plus de 850 euros pour se débarrasser de ce nuisible.

    Pressé d’agir, bien qu’il ne soit pas avéré en pleine Coupe du monde de Rugby, que la France subisse une invasion de ce nuisible, le gouvernement s’est mobilisé : une réunion interministérielle présidée par Elisabeth Borne a mis à l’étude « des réponses » à ce sujet qui inquiète les Français. Le ministre des Transports, Clément Beaune a réclamé « de la transparence » dans les trains, bus et métro, mais reconnaît qu’il n’y a « pas de recrudescence ». Pour rassurer à 300 jours des JO, un grand nettoyage de printemps sera organisé partout où des cas seront avérés.

    L’épisode en dit beaucoup aussi sur l’état de santé mentale de nombreux Français trois ans après le Covid. Après l’épidémie, qui n’est d’ailleurs pas finie, tout ce qui affecte la santé fait peur. Plus que jamais, la France se divise en deux camps, ceux qui ont peur et les autres. Devenu nounou, l’Etat en France se veut protecteur, mais plus quoi qu’il en coûte. Malgré le réel impact social du fléau des punaises, il n’est pas question ici de faire un chèque aux plus modestes pour les aider à s’en débarrasser, à la manière du chèque carburant accordé à nouveau par Emmanuel Macron. Mais de montrer juste que l’on prend le sujet au sérieux.

    A voir la réaction du gouvernement, c’est aussi et peut-être surtout lui qui a peur, d’une nouvelle explosion type Gilets Jaunes. Les prochains jours permettront de prendre la température sociale avec la journée d’action du 13 octobre, prélude à la conférence sur les bas salaires du lundi 16 octobre à Matignon. Elisabeth Borne recevra au préalable les partenaires sociaux en début de semaine. Dans ce climat tendu, le pouvoir fait preuve d’une hyper-vigilance dont la crise de la punaise de lit est un symptôme autant qu’un avant-goût. Il faut tout faire pour éviter d’agiter un chiffon rouge. Avec la revalorisation de 5,2% des retraites du régime général et de 4,9% des complémentaires du privé, plus importante que le Smic horaire à date, la réforme des 64 ans se paie cash, pour rattraper l’inflation. Inutile de réveiller la contestation à l’heure où l’intersyndicale commence à s’ébrécher.

    Si les partenaires sociaux sont unis pour rejeter toute ponction sur les excédents de l’Agirc-Arrco ou de l’assurance-chômage (Unedic), l’Etat ne renonce pas à ce qui est qualifié de hold-up, même si le patronat se divise. Alors que le taux de chômage se retourne dans une conjoncture inquiétante, la peur gagne aussi les patrons, petits et grands. D’autant que les chiffres des faillites s’envolent, notamment dans les secteurs très exposés de l’immobilier, du BTP et de l’habillement. Et les nuages s’amoncellent. La panne de l’industrie allemande est une mauvaise nouvelle pour la France, même si celle-ci fait preuve de plus de résilience. Mais pour combien de temps ? Bruno Le Maire tient ses prévisions, mais le ministre des finances ne s’est jamais senti aussi seul que pour le vote de ce budget, où il va devoir batailler pour tenir les dépenses publiques avec en ligne de mire le calendrier des agences de notation.

    Si Fitch le 15 octobre et surtout Standard & Poor’s début décembre dégradaient la notation de notre dette souveraine, cela serait du plus mauvais effet sur nos taux d’emprunt qui se dilatent dangereusement, au rythme de notre programme d’émission record de 285 milliards d’euros en 2024. Ce bug-là, Bercy aimerait bien l’éviter, mais pour cela, BLM doit convaincre ses camarades ministres de la nécessité de faire plus de rigueur. Le problème, c’est que toutes les mesures à venir sont très impopulaires. Et Emmanuel Macron tergiverse devant l’obstacle, à l’exemple du projet de hausse de la franchise sur les médicaments de 50 centimes à 1 euro, pourtant plafonnée à 50 euros pour les malades en ALD. Au risque de ne pas prendre les bonnes décisions à temps et de rencontrer le mur de l’argent : chaque demi-point de taux d’intérêt en plus représente 10 milliards de charges d’intérêt en plus.

    Autre sujet brûlant, celui du logement, en panne sèche. Alerté par Edouard Philippe qui a parlé de la « bombe sociale » à venir, le gouvernement commence à reculer sur les passoires thermiques et la polémique sur l’application des DPE, les diagnostics de performance énergétique. Sans changer le calendrier de la loi, la ministre de l’énergie, Agnès Pannier-Runacher à concédé qu’il faudra des « dérogations très ciblées et pragmatiques pour permettre aux propriétaires qui, de bonne foi, n’arrivent pas à mettre en œuvre leur projet de rénovation, de gagner peut-être un tout petit peu de temps ».

    Dernière peur française illustrée cette fin de semaine, celle de nous faire voler nos pépites par des concurrents étrangers. Après avoir prévenu cet été que le décret sur les investissements étrangers sera durci, Bruno Le Maire a mis en acte cette promesse en bloquant le rachat par l’Américain Flowserve de Segault et Velan, deux fournisseurs clefs de robinetterie de précision pour le nucléaire civil et militaire.

  • Macron, président minoritaire, la France menacée de paralysie politique – La Tribune
    https://www.latribune.fr/opinions/editos/macron-president-minoritaire-la-france-menacee-de-paralysie-politique-9224

    LÉGISLATIVES. Le second tour a amplifié, tout en la confirmant, la déconfiture électorale de la majorité présidentielle. Ensemble n’obtient qu’une majorité toute relative et face à la poussée de la Nupes et du RN, va devoir s’allier pour gouverner. Avec la droite républicaine ou avec la gauche de gouvernement ? Ou les deux selon les circonstances, comme Rocard entre 1988 et 1991 ? De la réponse dépendra le sort du gouvernement d’Elisabeth Borne, réélue dans le Calvados. Face au risque d’un blocage du pays, Emmanuel Macron entame son second mandat par un désaveu qui rend la situation politique très instable dans un moment où l’économie le sera tout autant.
    […]
    D’une certaine façon, nous avons donc peut-être assisté ce dimanche 19 mai à la fin de la Vème République telle que nous l’avons connue. Le régime, bousculé par la révolte des Gilets Jaunes au cours du premier quinquennat, bascule dans un parlementarisme qui reste à inventer dans un pays longtemps résigné à une pratique proche de la monarchie présidentielle. C’est à coup sûr la fin de l’hyper-présidence, l’exécutif étant contraint à une culture du compromis politique, ce qui n’est pas forcément une mauvaise nouvelle pour répondre à la crise démocratique.

    Pour Emmanuel Macron, le changement, c’est donc maintenant. Après une telle claque électorale, le président de la République va devoir prendre des décisions rapides : comme l’a dit Bruno Le Maire, « gouverner ne va pas être simple, il va falloir faire preuve de beaucoup d’imagination ». Macron pourra-t-il maintenir à Matignon Elisabeth Borne, certes réélue dans le Calvados, mais très fragilisée par la défaite de la majorité qu’elle était censée conduire à la victoire ? Elle a appelé dimanche soir à construire "une majorité d’action", un concept bien flou... Quel sera le sort de la réforme emblématique des retraites ? La droite se laissera-t-elle tentée comme le maire de Meaux Jean-François Copé par un "pacte de gouvernement" avec Ensemble ? Sur quelles bases ? Quel est enfin le risque de blocage du pays sous la pression d’un quatrième tour social dans la rue et d’un parlement rendu incandescent par la poussée de la Nupes ?

    Une chose est sûre, la stratégie d’ouverture à gauche en nommant Elisabeth Borne est un échec patent dont le président, qui a longtemps hésité à nommer Catherine Vautrin pour faire campagne à droite, devra tirer toutes les conclusions politiques. Quant à la possibilité d’une dissolution, le chef de l’Etat ne pourra pas en user avant dans un an, ce qui nous promet douze mois agités dans un contexte économique et géopolitique particulièrement incertain.

    • bah, il suffit qu’il négocie quelques dizaines de voix godillot avec LePen, moyennant finance [et ptet un ou deux ministres] et tout ira bien pour lui, non ? Il est pas si loin de sa majorité royale absolue playmobil, en réalité, s’il pousse la logique de collaboration avec le FN jusqu’au bout.

      aussi, le renouvellement démocratique commence par reconnaître officiellement que le peuple - dont des LR et des ENS - a voté pour et élu un peu moins de 100 fachos à l’Assemblée, alors faudrait voir à respecter ce nouvel ordre politique, non ? on passe pas un bloc de 15% des représentants de la nation comme ça sous le tapis juste pour faire croire qu’on est républicain, si ?

    • https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/06/20/emmanuel-macron-un-president-puni-a-la-tete-d-un-pays-en-territoire-inconnu-

      « Echec sévère », « défaite cuisante », « contre-performance »… La presse étrangère commente, lundi 20 juin, les résultats des élections législatives, qui ont vu le parti présidentiel et ses alliés récolter 246 sièges, perdant la majorité absolue, établie à 289 sièges sur 577. De l’Allemagne à l’Italie en passant par les Etats-Unis, les médias analysent pêle-mêle le taux d’abstention élevé, la nécessité pour Emmanuel Macron de trouver des alliances, la percée fulgurante de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) ainsi que le score historique du Rassemblement national (RN).

  • Polluer avec Elon Musk et les « mineurs » de bitcoin chinois Philippe Mabille

    Ne dites plus « je spécule sur les cryptos » mais « je pollue avec Elon Musk dans une « mine » à charbon chinoise ». Depuis que le fondateur de Tesla s’est rendu compte que sa proposition de payer sa voiture électrique en bitcoin avait un bilan carbone désastreux, rien ne va plus pour la monnaie digitale. Coup de com’ du trublion ou, comme l’affirme dans notre interview un expert acquis à la cause, les conséquences des « pressions » menées par les anti-bitcoins ? Preuve, s’il en est, que le bitcoin, qui représente déjà la consommation énergétique de l’Italie, devient un problème macro et politique.

    Que s’est-il passé entre le 24 mars, lorsque le fantasque milliardaire a lancé sur Twitter son « you can now buy a Tesla with bitcoin » et son changement de pied de cette semaine ? Réponse : 1 milliard de dollars de gains sur son investissement de 1,5 milliard dans la crypto-vedette et surtout une volée de bois, vert évidemment, de la part de quelques détracteurs qui ont fait les comptes : comme le mix énergétique en Chine utilise principalement des centrales à charbon, il y a là de quoi remettre en cause la lutte contre le réchauffement de la planète. Tout cela en quelques clics... . . .

    La suite : https://www.latribune.fr/opinions/editos/polluer-avec-elon-musk-et-les-mineurs-de-bitcoin-chinois-884652.html

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  • Déconfinement le 11 mai : Philippe mis devant le fait accompli par Macron
    https://www.latribune.fr/opinions/editos/deconfinement-le-11-mai-philippe-mis-devant-le-fait-accompli-par-macron-84


    Le Premier ministre, Edouard Philippe.
    Crédits : Reuters

    CHRONIQUE. L’intervention du chef de l’Etat lundi 13 avril a montré qu’il se déchargeait de la crise du coranavirus et de sa gestion cacophonique sur le Premier ministre. En se retrouvant en première ligne, Edouard Philippe sert désormais de fusible, dans la plus pure tradition de la Ve Répubique.

    Dans la guerre contre l’épidémie du Covid-19, le commandant en chef a finalement décidé de faire mouvement : le « déconfinement » de la France est désormais programmé pour le 11 mai. Face aux Français, Emmanuel Macron ne s’est pourtant guère étendu sur la mise en musique d’une telle décision. Quid des masques, des tests, de la dette, des faillites d’entreprise ? Sur tous ces sujets, la balle est renvoyée au gouvernement, dans la plus pure tradition de la Ve République. Alors que la colère gronde contre les autorités, Edouard Philippe se retrouve donc en première ligne, tel un fusible idéal : « À la fin, qui paiera les pots cassés ? Ce sera bien sûr Philippe, car juridiquement, il sera responsable, ce qui n’est pas le cas de Macron. Son statut de président le protège en partie... », constate un observateur.
     
    Relations particulièrement tendues
    Depuis longtemps, les relations entre le président et son Premier ministre sont particulièrement tendues. Dès l’été 2018 - au moment de l’affaire Benalla -, la confiance avait été mise à rude épreuve entre les deux têtes de l’exécutif. Mais aux dires de nombreuses sources dans leur entourage respectif, les tensions se sont multipliées, et sont même montées de plusieurs crans au fur et à mesure de l’avancée du coronavirus : « Entre les deux hommes, les tensions sont désormais définitives », assure un proche d’Edouard Philippe. « Au point qu’un départ du Premier ministre dans les prochaines semaines n’est plus une simple hypothèse de travail ».

    Depuis le 12 mars, la cacophonie de communication au sujet du Covid-19 entre l’Elysée et Matignon a frappé tous les commentateurs. Macron et Philippe ont multiplié les interventions télévisées et autres opérations de communication sans grande concertation. L’annonce par Edouard Philippe de la fermeture des lieux non essentiels à quelques heures de la tenue des élections municipales n’avait pas été particulièrement coordonnée avec l’Elysée. Tel un match retour, la décision d’annoncer un déconfinement pour le 11 mai a été prise par Emmanuel Macron lui-même, c’est-à-dire seul : « Edouard Philippe a été littéralement mis devant le fait accompli, ce qui explique aussi l’improvisation du gouvernement dans les heures qui ont suivi », nous décrypte un initié de Matignon.

    « Lundi midi, le président a réuni le Premier ministre et plusieurs ministres. Après, il a décidé, et c’est normal. Il a posé l’objectif et le cadre, nous confirme un proche du chef de l’Etat. Il va envoyer vendredi ou samedi le Premier ministre pour refaire une conférence de presse d’explication. » Une mise au point, semble-t-il, nécessaire car, dès le lendemain de l’intervention présidentielle, le ministre de l’Interieur, Christophe Castaner, bredouillait que le président n’avait pas annoncé « le déconfinement le 11 mai », mais « le confinement jusqu’au 11 mai ». Ajoutant même que cette date « est un objectif, pas une certitude ». Concernant la reprise des cours à l’Éducation Nationale, le ministre Jean-Michel Blanquer a également eu le plus grand mal à expliciter sa mise en oeuvre. Bref, par ses décisions, le président a mis sous pression l’ensemble du gouvernement.

    • version du Monde derrière #paywall

      Coronavirus : Emmanuel Macron impose sa cadence au gouvernement et aux scientifiques
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/04/16/coronavirus-emmanuel-macron-impose-sa-cadence-au-gouvernement-et-aux-scienti

      Faudra-t-il déconfiner par régions ? A partir de quel âge ? Le président a décidé que le gouvernement présenterait « d’ici quinze jours » le « plan de l’après-11 mai ». Mais rien n’est vraiment prêt.

      Lundi 13 avril, 19 h 45. Dans un quart d’heure, Emmanuel Macron prendra la parole pour annoncer aux Français la prolongation du confinement jusqu’au 11 mai et la réouverture progressive des écoles à partir de cette date.

      A Matignon, Edouard Philippe se penche vers sa pieuvre téléphonique, nouvel objet star du pouvoir confiné qui permet d’appeler des dizaines de personnes à la fois. Tous les ministres et secrétaires d’Etat, ainsi que plusieurs dirigeants de la majorité, se trouvent au bout du fil. Le chef du gouvernement les informe de la teneur de l’allocution à venir du président de la République. Hormis les rares ministres pleinement impliqués dans la gestion de crise du coronavirus, « tout le monde a découvert à ce moment-là ce qu’elle contenait », relate un membre du gouvernement. Comme n’importe quel Français, un quart d’heure plus tard, devant sa télévision.

      Est-ce pour cette raison qu’il règne depuis comme un sentiment de flottement ? Le lendemain, le brouillard, en tout cas, planait. « C’est une date d’objectif : ce n’est pas le déconfinement le 11 mai », assurait ainsi le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner. « Toutes les écoles ne seront pas ouvertes le lundi 11 mai », ajoutait son collègue ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, précisant que cela ne se fera « pas du jour au lendemain ». « On va élaborer toute une méthodologie », a précisé le ministre.

      Rien n’est vraiment prêt
      Car, si Emmanuel Macron a décidé que le gouvernement présenterait « d’ici quinze jours » le « plan de l’après-11 mai », rien n’est vraiment prêt. Edouard Philippe, d’ailleurs, se montre plus vague que le locataire de l’Elysée sur la question du calendrier de ce plan. « J’aurai l’occasion de le présenter quand il sera prêt, largement avant la date du 11 mai », a-t-il simplement assuré, mardi, à l’Assemblée nationale, expliquant que le déconfinement « doit être travaillé en consultation avec beaucoup d’acteurs pour être véritablement à la hauteur des enjeux ».

      L’Elysée […]

  • L’heure est désormais à un nationalisme économique assumé
    https://www.latribune.fr/opinions/editos/l-heure-est-desormais-a-un-nationalisme-economique-assume-836874.html


    Crédits : Photo by Louis Hansel on Unsplash

    ÉDITO. Face à l’extraterritorialité du droit américain des affaires, à l’écrasante domination du dollar, des Gafa et à la volonté de puissance de la Chine, la France et l’Europe se réveillent enfin et s’apprêtent à riposter sur tous les fronts.
    Par Philippe Mabille, directeur de la Rédaction.

    En matière de souveraineté économique, financière, juridique, numérique et technologique, la France a perdu de nombreuses batailles. La liste des fleurons de notre industrie nationale passés sous contrôle étranger est connue : Pechiney/Alcan, AlcatelAlstom, démantelé et vendu à l’encan, l’un à Nokia, l’autre à l’américain GE, Technip/FMC, Arcelor/Mittal, les exemples sont légion des pépites que malgré l’intérêt national nous n’avons pas su garder dans notre giron. Et il est acquis aujourd’hui que ce véritable gâchis s’explique par une forme de démission intellectuelle, anti-industrie, et un manque de vision à long terme.

    Les signes de notre soumission économique sont nombreux : par le truchement de l’extraterritorialité de leur droit, les États-Unis, qui sont certes notre allié, ont assis leur domination commerciale et financière sur le terrain juridique : avec BNP Paribas condamné à de lourdes amendes par le puissant Department of Justice (DoJ) avec lequel il vaut mieux négocier, avec Total et ses investissements en Iran soumis aux aléas des embargos américains, avec Airbus, le capitalisme anglo-saxon sait employer le rapport de forces.
    Des enjeux dépassant les compétences des...

    L’édito sous #paywall accompagnant la série sur la souveraineté française.

  • Retraites : quand la mauvaise réforme chasse la bonne !
    https://www.latribune.fr/opinions/editos/retraites-quand-la-mauvaise-reforme-chasse-la-bonne-834664.html

    La Tribune, après l’affirmation de l’intérêt d’unir les différents régimes, le bien-fondé intrinsèque de toute « réforme » et l’incontournable invocation à la « prise d’otage » par les grévistes, étrille la méthode retenue par E. Macron. Et y voit l’origine d’un échec annoncé (report de la mise en œuvre aux calendes grecques…)

    ÉDITO. […]
    Par Philippe Mabille, directeur de la rédaction.

    […]
    Pour autant, la communication du gouvernement est affaiblie par le flou dans lequel il a à dessein entretenu les Français. Flou sur les objectifs de la réforme dont le texte de loi n’est d’ailleurs toujours pas connu, sinon ce qu’en propose Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire aux Retraites. Et donc flou sur ses conséquences pour le plus grand nombre, qui entretient l’anxiété de l’opinion dans un climat social toujours marqué par une grande défiance à l’égard d’Emmanuel Macron. Alors que les « gilets jaunes » manifesteront de leur côté samedi pour l’anniversaire du 1er décembre 2018, celui de la «  prise de l’Arc de Triomphe  », les jours qui viennent seront un test majeur de la capacité du chef de l’État à remporter cette bataille de l’opinion et, pour cela, il va falloir sortir de l’ambiguïté une réforme dans laquelle rien n’est clair.

    À l’origine, l’objectif de remplacer les 42 régimes par un régime universel où chaque euro cotisé donnerait le même nombre de points pour tous était inattaquable sur le plan des principes. Mais tout a changé dès lors qu’il est apparu que cette manœuvre, sous couvert de revaloriser les petites retraites et d’assurer l’équité femmes-hommes, laissait dans l’ombre des objectifs plus sombrement budgétaires  : derrière l’unicité, en effet, Bercy cherchait à faire financer par les excédents des régimes complémentaires du secteur privé, 120  milliards d’euros quand même, un secteur public structurellement déficitaire.

    Mal maîtrisés, les effets induits par la réforme Macron ont réveillé 42 tigres dans chacun des 42 régimes et inquiété tous les futurs retraités du nouveau régime universel en mettant la valeur du point, donc leur future retraite, entre les mains d’une logique purement comptable. Résultat, auquel Emmanuel Macron ne s’attendait sans doute pas, tout le monde a peur d’être perdant, et a le sentiment confus que son intérêt est que la réforme soit, sinon abandonnée, du moins reportée dans le temps. Ce n’est plus la clause du «  grand-père  », mais celle du «  petit-fils  », que le premier ministre Édouard Philippe brandit pour se sortir de l’impasse, en envisageant de décaler dans le temps l’application du régime par points, à l’origine pensée pour la génération 1963 à partir de 2025, et désormais promise à être décalée à la Saint-Glinglin ! 

    • Grève : « La confusion entretenue par l’exécutif est un pari risqué »
      La bataille des images est au cœur de la mobilisation contre la réforme des retraites. Arnaud Benedetti décrypte la stratégie de communication du gouvernement face à cette grève plus politique que sociale...

      La bataille de l’opinion sera au cœur de la confrontation, car ce sera bien l’opinion qui constituera le juge de paix de cette « lutte finale » de l’immédiat. Pour l’exécutif l’enjeu est de taille, il l’est tout autant pour les syndicats. On rentre dans le dur, évidemment. Pour la macronie, c’est l’idée matricielle de son projet qui se trouve mise à l’épreuve, à savoir le crédit dont elle se pare pour transformer la société française. Le recul sur la réforme des retraites encalminerait définitivement le gouvernement à mi-mandat. Ses marges de manœuvre en seraient réduites à une obsolescence non-programmée. Les syndicats, vaincus lors de la réforme du code de travail et du changement de statut de la SNCF, jouent de leur côté la survie de la martingale qui leur a assuré depuis des décennies leur force de projection sociale : une culture de l’opposition frontale par gros temps, un mode d’action où le rapport de force est érigé en arme suprême de décantation des conflits sociaux.
      Le macronisme se convertit ainsi par opportunité à l’égalité, en projetant un leurre communicant qui sursature le débat.

      Par-delà cet « état extérieur du problème » dont parlait Max Weber lorsqu’il s’agit appréhender un objet social, les stratégies communicantes des acteurs en présence - gouvernement d’une part, syndicat d’autre part - visent tant à se jauger qu’à prendre à partie la société de l’opinion qui est aussi celle des médias permanents. L’exécutif gère au fil de l’eau la sismographie sociale, mais en activant l’idée-force du dépassement des régimes spéciaux, pointant le caractère inéquitable de ces derniers. Il s’agit en quelque sorte de fixer l’adversaire sur ce qui constitue son point de faiblesse essentielle au regard d’une culture politique rétive à toute forme de privilège. Le macronisme se convertit ainsi par opportunité à l’égalité, en projetant un leurre communicant qui sursature le débat pour mieux laisser hors champ le caractère systémique de la réforme. Mais il envoie dans le même temps Blanquer et Castaner pour donner des gages aux enseignants et aux policiers, laissant entrevoir des aménagements spécifiques pour chacune de ces professions, nonobstant le principe d’universalité qu’entend poser l’exécutif.
      Crédités d’un confortable matelas de soutiens, les syndicats visent à installer dans la durée une dramaturgie sociale.

      Ces tergiversations communicantes traduisent les fragilités du pouvoir sur ses fondamentaux, et in fine son absence de maîtrise d’une situation qu’il a laissé se décomposer en donnant toujours plus le sentiment de cacher sa copie, comme pour mieux contourner l’opinion la plus hostile à celle-ci. Or c’est bien à partir de cette dernière que les syndicats envisagent de bâtir leur mobilisation, en dénonçant le discours en chausse-trappes d’un gouvernement qu’ils estiment rejetés par une majorité de Français. Crédités d’un confortable matelas de soutiens, les appareils syndicaux visent à installer dans la durée une dramaturgie sociale dont ils imaginent qu’elle leur permettra de remporter une victoire par KO.

      Par la confusion qu’il a entretenue, sciemment ou par tétanie, sur le contenu de son projet, le pouvoir a pris le risque de cette « montée aux extrêmes » à un moment où la tectonique sociologique du pays s’est remise en mouvement. Il ne restera plus alors à l’exécutif qu’à spéculer sur un retournement des opinions lassées par les désagréments de la grève et des blocages. Un pari pour le moment très hypothétique...

      https://www.lefigaro.fr/vox/politique/greve-la-confusion-entretenue-par-l-executif-est-un-pari-risque-20191205

  • Quelque part entre la méthode et la folie
    https://www.latribune.fr/opinions/editos/quelque-part-entre-la-methode-et-la-folie-827452.html

    Rupture(s). Au cours des vingt dernières années, l’humanité a connu une formidable accélération de la technique, que d’aucuns ont appelé tour à tour « société de l’information » puis « quatrième révolution industrielle ». Changement d’ère pour certains, basculement de civilisation pour d’autre, nous ne mesurons pas encore la portée véritable de cette évolution rapide. Sommes-nous entrés dans la « civilisation du poisson rouge » comme semble le penser l’essayiste Bruno Patino† ? Ou bien avons-nous encore l’opportunité de cultiver l’espace entre la « méthode et la folie », cette singularité humaine ?

    † "La civilisation du Poisson rouge, petit traité sur le marché de l’attention", aux éditions Grasset.
    […]
    L’abondance de l’information a créé un « aquarium de la pensée »
    Nous faisons aujourd’hui face à un enfermement de la pensée à l’heure ou l’information n’a jamais été aussi abondante. A l’image du poisson rouge, qui est naturellement fait pour vivre en groupe et mesure dans son habitat naturel de 25 à 40 cm contre moins de 10 dans un bocal, nous nous sommes atrophiés dans un « aquarium numérique » qui reflète nos inconséquences.

    Pendant que nous sommes absorbés par les vidéos de chatons, la planète brûle, les réformes essentielles sont retardées, et les médias -essentiels pour la démocratie- se meurent. Le tout est emporté par l’information abondante qui est devenue l’addiction la mieux partagée au monde.

  • La nouvelle formule de La Tribune : « partageons l’économie »
    https://www.latribune.fr/opinions/editos/la-nouvelle-formule-de-la-tribune-partageons-l-economie-807690.html

    ÉDITO. La Tribune se transforme. A partir de ce vendredi 15 février, vous retrouverez en kiosques votre hebdomadaire en format berlinois, avec deux cahiers distincts, l’un sur les transformations globales de l’économie et des entreprises, l’autre sur les territoires et ses acteurs. Par Philippe Mabille, directeur de la Rédaction et Robert Jules, directeur adjoint de la Rédaction.
    […]
    En ces temps de grande déprime nationale, où le pays cherche dans un Grand débat la sortie d’une très profonde crise politique, notre ambition est de rapprocher les femmes, les hommes et les idées pour chercher des réponses aux mutations que nous sommes en train de vivre. On le voit bien avec la crise des « Gilets jaunes », nos sociétés doivent changer de logiciel. C’est vrai de l’État comme des entreprises : on ne peut plus gouverner en mode vertical. Cette révolution concerne aussi la presse. La Tribune veut être un acteur de cette révolution de l’horizontalité, pour vous faire partager l’économie aussi du bas vers le haut. C’est une promesse exigeante, mais aussi une vraie innovation éditoriale.

  • M. Macron, le bien public, c’est la liberté d’informer
    https://www.latribune.fr/opinions/editos/m-macron-le-bien-public-c-est-la-liberte-d-informer-806617.html


    DR

    ÉDITO. Qu’Emmanuel Macron invite la presse et les journalistes à faire leur autocritique et à définir un cadre d’autorégulation, pourquoi pas. Mais que l’on imagine créer une sorte de conseil de censure, ou pire, un instrument d’autocensure, nous semble une dérive dangereuse pour la liberté de la presse et potentiellement pour la démocratie.
    Par Philippe Mabille, directeur de la Rédaction.

    Pour se sortir de la crise des « Gilets jaunes », qui en est déjà à son acte XIII ce samedi, Emmanuel Macron est en train d’inventer un nouveau concept politique, la «  délibération permanente  », qu’il a dit préférer, devant quelques journalistes triés sur le volet reçus dans son bureau à l’Élysée, aux «  commentaires permanents  » auxquels on assiste sur les chaînes d’info. Devant les mêmes journalistes, le président de la République, qui ne comprend pas pourquoi les médias donnent à «  Jojo-le-gilet-jaune  » (on admire l’élégance du propos) les mêmes égards qu’à un ministre ou un expert, s’est livré à une longue diatribe contre les médias, prenant des positions assez stupéfiantes.

    En voici quelques lignes, telles que rapportées par Emmanuel Berretta dans Le Point :
    «  Le bien public, c’est l’information. Et peut-être que c’est ce que l’État doit financer (...) Il faut s’assurer qu’elle soit neutre, financer des structures qui assurent la neutralité.  »

    Et Emmanuel Macron de proposer la création d’une sorte de comité (de salut public ?) chargé « avec des garants qui soient des journalistes » (lesquels ? choisis par qui ?), de la « vérification de l’information ».

    À ce stade, lisant cela, il est permis de se le demander : Emmanuel Macron a-t-il complètement «  pété les plombs  » avec la crise des « Gilets jaunes » ?

    Nombre de brillants éditorialistes ont déjà avec talent dénoncé ce plan de mise sous tutelle des médias, à l’exemple de l’excellent « Macron ou la tentation de la Pravda  » d’Étienne Gernelle, le patron du Point. Comment mieux décrire le «  délire orwellien  » dans lequel semble sombrer notre président de la République. Cette idée qu’il existerait une «  vérité  », une «  vérité d’État  » sans doute dans l’esprit du chef de l’État, nous heurte évidemment.

    Il ne s’agit pas de contester que la presse soit parfois critiquable, mais de dénoncer la tentation autoritaire que cela révèle de la part du pouvoir. D’autres ont dit - comme le député Charles de Courson, dont le père résistant a été poursuivi par le régime de Vichy - que la loi «  anti-casseurs  » votée cette semaine au Parlement inquiète, en ce qu’elle modifie l’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le judicaire, et pourrait, comme les textes qui ont institutionnalisé l’état d’urgence, se révéler un instrument redoutable placé en de mauvaises mains.

    C’est la même chose s’agissant des projets du président à propos de la presse qui viennent après la tout aussi ambiguë loi «  anti-fake news  » censée encadrer les réseaux sociaux et censurer «  le faux  » en période électorale.

    Dernière initiative, qui n’est pourtant pas une fake news, l’ex-ministre de la Culture, Françoise Nyssen, a confié à l’ex-Pdg de l’AFP, Emmanuel Hoog, la création d’un «  conseil de déontologie de la presse  » financé à hauteur de 1,5 million d’euros par moitié (en fait 49 %) par l’État, une instance destinée, selon ses promoteurs, à «  permettre au citoyen d’obtenir des réponses sur le travail des journalistes en dehors de tout ce qui est encadré par la loi (diffamation, calomnie, injure ou incitation à la haine)  ». La création d’un tel conseil, qui existe dans une quarantaine de pays, est réclamée par Jean-Luc Mélenchon dont on connaît les positions particulièrement amicales à l’égard des journalistes.

    Que les choses soient claires entre nous : qu’Emmanuel Macron invite la presse et les journalistes à faire leur autocritique et à définir un cadre d’autorégulation («  Quelque part, cela doit aussi venir de la profession  », aurait-il dit), pourquoi pas. Mais que l’on imagine créer une sorte de conseil de censure, ou pire, un instrument d’autocensure, nous semble une dérive dangereuse pour la liberté de la presse et potentiellement pour la démocratie. C’est encore plus vrai à un moment où le législateur veut protéger le secret des affaires, au risque de dissuader tout travail d’enquête journalistique, lequel repose sur le secret des sources, et où un de nos confrères, Mediapart, subit la menace d’une perquisition dénoncée par les sociétés de journalistes de tous les médias.

    Que les choses soient bien claires : La Tribune et ses journalistes s’en tiennent à l’article 1 de la loi du 29 juillet 1881 qui dit que «  l’imprimerie et la librairie sont libres  », et qui est en quelque sorte notre Premier amendement au sens de la Constitution américaine. Emmanuel Macron peut chercher toutes les voies de contournement possible, son projet est tout simplement mauvais et ne peut qu’inquiéter tous ceux qui voient avec effroi la crise des « Gilets jaunes » alimenter une tentation autoritaire ou bonapartiste.

    Dans leur livre, désormais traduit en français, La Mort des démocraties (Calmann-Lévy), Steven Levitsky et Daniel Ziblatt, deux chercheurs de Harvard, ont défini quatre signaux d’alerte permettant de reconnaître les autocrates : «  On doit s’inquiéter lorsqu’un politicien
    1) rejette en actes ou en paroles les règles du jeu de la démocratie ;
    2) dénie leur légitimité aux opposants ;
    3) tolère ou encourage la violence ;
    4) affiche une propension à limiter les libertés civiques de l’opposition et des médias.
     »

    Puisqu’Emmanuel Macron nous invite, nous journalistes, à être jugés au regard de la vérité ou du mensonge, prenons-le donc au mot et proposons qu’un conseil de déontologie tout aussi indépendant indique comment évaluer les hommes et les femmes politiques français en fonction de ces quatre critères simples et transparents au sein desquels chacun d’entre eux, lisant ces lignes, pourra aisément se reconnaître.

    À bon entendeur…

  • Grand débat : le pari risqué d’Emmanuel Macron
    https://www.latribune.fr/economie/france/grand-debat-le-pari-risque-d-emmanuel-macron-804206.html

    La Tribune plutôt dubitative, mais laissant — ou feignant de laisser — sa chance au «  débat  »…

    En proposant sa "#Lettre_aux_Français", le président invite les citoyens à participer activement à l’élaboration d’un nouveau «  pacte social  ». Il compte sur le succès de cette initiative pour relancer son programme de réformes.

    C’est parti ! À Grand Bourgtheroulde, dans l’Eure, le président de la République a lancé cette semaine son opération Grand débat pour tenter de renouer le dialogue face à la crise des "Gilets jaunes". En adressant sa Lettre aux Français, il cherche d’abord à reprendre la main. Le mouvement des "Gilets jaunes" n’en finit pas de secouer la France et son gouvernement depuis plusieurs semaines, jusqu’à fragiliser la cohésion du pays. C’est pourquoi le président invite les Français à rien de moins que refonder un « pacte social ».

    L’ambition est louable, mais la procédure est inédite et n’est pas sans danger, car elle acte en creux le fait que nos institutions sont en crise. Avant même de savoir - même si la participation est ouverte à tous -, si les dizaines de milliers de citoyens, majoritairement issus de la France périphérique, qui ont manifesté et tenu les ronds-points depuis le 17 novembre, vont jouer le jeu, les modalités de cette consultation peuvent légitimement interroger sur sa rigueur et faire naître des soupçons de démagogie.

    Le président décidera, en effet, seul de ce qui sera appliqué in fine.
    […]
    Emmanuel Macron espère ainsi qu’une majorité de Français se résoudront à revenir dans un « cercle de la raison » dont il occupera le centre. Le pari est audacieux mais le président dispose de deux atouts non négligeables : l’absence d’alternative politique crédible au sein de l’opposition parlementaire et, en guise de repoussoir, la montée du populisme en Europe, dont chacun peut constater les effets jusque dans une démocratie proche, l’Italie.

    • et l’édito de La Tribune

      Grand débat : vous pouvez répéter les questions ?
      https://www.latribune.fr/opinions/editos/vous-pouvez-repeter-les-questions-804209.html


      C’est à Grand Bourgtheroulde (Eure) qu’Emmanuel Macron s’est exprimé mardi dernier devant des maires pour lancer le Grand débat.
      Crédits : Reuters

      Pour « transformer les colères en solutions », Emmanuel Macron a donc lancé cette semaine l’opération Grand débat national en commençant, mardi 15 janvier, par une immersion au coeur de la mêlée des maires normands, à Grand Bourgtheroulde, auxquels il a offert une séquence inédite de questions-réponses de plus de six heures, comme pour démontrer le sérieux et la sincérité de sa démarche participative. En choisissant la région du « p’t-être ben que oui » - « p’t-être ben que non » pour engager le dialogue, le chef de l’État ne pouvait pas mieux incarner la difficulté de l’exercice qu’il propose à un peuple de « Gaulois réfractaires » et divisés. Car, aux quelque 35 questions que le président énumère dans sa Lettre aux Français, il va être bien difficile d’apporter des réponses qui mettent tout le monde d’accord.
      […]
      Bien sûr, le scepticisme règne sur l’issue de ce processus. Pour réussir, il aurait peut-être fallu commencer par faire un débat sur le débat, sur la façon de l’organiser, sur les thèmes à aborder. L’épisode du retrait de Chantal Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat public, n’était pas glorieux, ni pour elle-même, ni pour le gouvernement. Certes, Emmanuel Macron assure qu’« il n’y a pas de questions interdites ». Mais il ferme « en même temps » la porte sur les réformes déjà votées. On peut débattre mais, apparemment, pas pour changer de cap. Pas question, donc, de revenir sur la suppression de l’ISF, même si une évaluation est engagée par les parlementaires pour mesurer l’impact économique de celle-ci pour les valeurs mobilières. Mais la fiscalité, son poids, sa répartition, sa structure, sera bien abordée, en même temps que sa contrepartie, les services publics et leur efficacité.
      […]
      Encore faut-il que le débat ne soit pas un artifice pour gagner du temps d’ici aux élections européennes et que ce temps de conversation civique permette de faire la pédagogie du réel. C’est la limite de l’exercice : Emmanuel Macron semble renvoyer aux Français la responsabilité de choisir à quelles dépenses publiques il leur faudrait renoncer, quels impôts il faudrait supprimer. C’est peut-être beaucoup leur demander, car la réponse est courue d’avance : les gens sont toujours d’accord pour que l’effort porte sur les autres mais rarement sur eux-mêmes. Dans une France gagnée par le déclassement des classes moyennes, la notion de sacrifice au nom de l’intérêt général n’a plus cours. Surtout, on le voit bien, les Français demandent que les efforts soient partagés par tous et que soit rétabli un équilibre entre les gagnants et les perdants de la mondialisation.

      En clair, après s’être occupé des « premiers de cordée », le nouvel Emmanuel Macron doit changer de cap et s’occuper en priorité des derniers de cordée. Le Grand débat peut aussi lui permettre de provoquer une alliance des réformateurs face aux conservateurs, pour contrer ceux qui bloquent le pays. Car, à bien lire la lettre du président, il est beaucoup de domaines où les réponses sont dans les questions… Ces quelques exemples en donnent la mesure : « Y a-t-il trop d’échelons administratifs ou de niveaux de collectivités locales ? Faut-il revoir le fonctionnement de l’administration ? Faut-il supprimer certains services publics qui seraient dépassés ou trop chers ? » Emmanuel Macron n’en fait pas mystère : ce Grand débat a pour objectif de mettre la réforme de l’État au centre du jeu.

      Sur le plan politique, le bilan de la crise des « gilets jaunes » n’est d’ailleurs pas si négatif pour le chef de l’État, qui commence à remonter dans les sondages, ce qui semblait impossible. Il ne reste finalement plus que deux forces politiques face à face : Emmanuel Macron et Marine Le Pen, dont le Rassemblement national apparaît comme le grand gagnant de la séquence, sans doute parce que les préoccupations identitaires prennent le dessus sur les attentes sociales. La gauche sort plus affaiblie que jamais de la crise, avec un Parti socialiste invisible et une France insoumise incapable jusqu’ici de récupérer les dividendes de la colère des ronds-points.

  • Opposer « startup nation » et « Gilets jaunes » est stupide
    https://www.latribune.fr/opinions/editos/opposer-startup-nation-et-gilets-jaunes-est-stupide-802961.html

    À propos du CES à Las Vegas, l’opinion du directeur de la rédaction de la Tribune, Philippe Mabille

    L’absence des politiques français à Las Vegas, qui tranche avec les années précédentes, est tout aussi stupide que démagogique. Pourquoi se priver de donner une exposition à la France qui gagne et veut conquérir le monde ? C’est la démonstration par l’absurde de l’impact désastreux qu’a eu la crise des « yellow vests » sur l’image de la France à l’étranger depuis la mi-novembre et il est stupéfiant de voir que le gouvernement renforce ainsi le sentiment d’une France en marche arrière. Certes, la présence d’Emmanuel Macron, qui avait organisé au CES une soirée fastueuse un an avant de partir à la conquête de l’Élysée, n’y est sans doute pas indispensable. Le président de la République a bien compris que l’urgence de l’heure est plus de s’occuper des Français qui souffrent que des startups, qui ont, il est vrai, déjà été bien servies par la réduction de la fiscalité sur le capital.

    Mais qu’aucun représentant du gouvernement ne juge bon d’aller au CES est un mauvais signal. Signe des temps, de nombreux présidents de régions seront eux du voyage et accompagneront les jeunes pousses qui cherchent à trouver une exposition, de nouveaux investisseurs et se confronter au meilleur de l’innovation mondiale. De nombreux grands groupes français seront aussi présents avec des startups qu’ils aident à se développer dans des domaines où notre pays excelle, du fait de la qualité de ses ingénieurs et de son système de formation en mathématiques. Intelligence, artificielle, voiture autonome, drones, robots industriels, télémédecine, smart city, transition énergétique : avec ou sans les politiques, c’est la France de demain qui va faire son show à Las Vegas et c’est quand même une bonne nouvelle que de constater que la très profonde crise sociale et politique traversée par le pays ne remet pas en question son dynamisme entrepreneurial.

    Bien sûr, et ce fut sans aucun doute la plus grande erreur d’Emmanuel Macron, il ne faut pas s’occuper seulement de la startup nation. Par son discours, souvent clivant, et par sa politique fiscale, déséquilibrée, le président de la République a pu donner ce sentiment. Il s’en est depuis excusé. Ce que les « gilets jaunes » ont violemment rappelé au pouvoir, c’est que l’attractivité d’un pays ne peut pas reposer sur le seul pilier économique ou sur les seuls « premiers de cordée ». Un pays en marche, et qui marche, c’est un équilibre, et son attractivité est autant sociale qu’économique, sinon la paix civile est menacée. Il ne faut cependant pas accabler Emmanuel Macron : cette crise sociale vient de loin, et résulte de la lâcheté de générations d’hommes politiques qui ne se sont jamais occupés de régler les problèmes, laissant germer une colère qui a pris en cet automne une dimension insurrectionnelle.
    […]
    Emmanuel Macron en avait eu l’intuition : « Ce qui bloque notre société politique, c’est qu’il y a une démocratie qui manque d’adhésion [...]. Tout est encore décidé d’en haut, par le haut, créant une frustration bien souvent légitime des acteurs de terrain », avait-il déclaré à Strasbourg en octobre 2016.

    Le problème vient de ce qu’il a fait le contraire : pour aller vite, en espérant engranger des résultats rapides grâce à une conjoncture très porteuse en début de quinquennat, Emmanuel Macron a oublié ce qui avait fait son succès. Tout en promettant un nouveau monde, il a fait de la vieille politique verticale dans un monde devenu horizontal en laissant la « technocratie » diriger le pays, avec les résultats auxquels nous venons d’assister.

    « Nous ne reprendrons pas le cours normal de nos vies, comme trop souvent par le passé dans des crises semblables, sans que rien n’ait été vraiment compris et sans que rien n’ait changé. Nous sommes à un moment historique pour notre pays : par le dialogue, le respect, l’engagement, nous réussirons » ; de toutes les paroles prononcées par le président de la République lors de son allocution du 10 décembre écoutée par 27 millions de Français, ce sont celles-ci, beaucoup plus que le chèque de 100 euros pour les smicards, qui décideront de la suite de son quinquennat.

  • Emmanuel Macron, la sortie de crise est pourtant simple !
    https://www.latribune.fr/opinions/editos/emmanuel-macron-la-sortie-de-crise-est-pourtant-simple-799556.html

    En frappant aveuglément le pouvoir d’achat des plus pauvres sans leur apporter un accompagnement social suffisant alors qu’ils n’ont pas d’alternative à la voiture, Emmanuel Macron a transformé la colère populaire en rage. La solution est pourtant simple : pour faire rentrer chez eux les gilets jaunes, le chef de l’Etat doit suspendre la hausse des taxes sur les carburants et profiter du vaste débat qui parcourt le pays pour construire un nouveau pacte fiscal et social.

    Et pourtant, dès la fin août, Emmanuel Macron avait eu le bon réflexe : le président de la République avait eu comme un doute sur l’opportunité de la retenue à la source et forcé Bercy à relever la part des crédits d’impôts qui seront redistribués aux contribuables dès fin janvier. Le président de la République, déjà préoccupé par le pouvoir d’achat des « classes moyennes » avait eu la bonne intuition, mais il aurait dû porter son attention sur l’impact de la hausse des taxes sur les carburants sur les Français les plus modestes.

    Si l’on se remémore la séquence, c’est aussi le moment où Nicolas Hulot a quitté le gouvernement avec fracas. L’ancien ministre de l’écologie, la plus belle prise du macronisme, a expliqué son départ par son impuissance à faire plier la technocratie et les lobbys. Lors de son « Emission politique », Hulot avait été encore plus précis en expliquant qu’il avait tenté en vain de convaincre le ministère du budget d’accompagner socialement la hausse des taxes sur les carburants, beaucoup plus fortement que par la prime de conversion de 2000 euros lancé en début d’année.

    Trois mois plus tard, Emmanuel Macron est en train de se fracasser tout seul sur la « fracture sociale » dénoncée en 1995 par Jacques Chirac, et il met en jeu tout son quinquennat et la poursuite des réformes par un entêtement imbécile et incompréhensible qui met à feu et à sang tout le pays. En trois samedi de mobilisation des gilets jaunes, la France a connu une montée inédite de la violence dont la mise à sac de l’Arc de Triomphe à Paris le 1er décembre a constitué l’acmé, donnant de la startup nation l’image d’un pays en guerre civile. Beau résultat qui efface 18 mois d’efforts pour redresser l’image de la France à l’étranger.

    Avec 8 Français sur 10 qui soutiennent le mouvement des « gilets jaunes », le pouvoir a tort de jouer la carte du pourrissement en se raccrochant à la baisse de leur mobilisation, alors que, malgré les violences, une majorité de gens font en quelque sorte une « grève par procuration ». On ne peut pas gouverner contre le peuple. Quand on est face à une situation comme celle-là, jouer la carte de l’ordre et parler d’état d’urgence n’est pas une solution. Certes, il faut appliquer la plus grande fermeté à l’égard des casseurs et protéger le pays contre ceux, minoritaires, qui en profitent pour semer le chaos. Mais ce n’est pas en appelant l’armée au secours du maintien de l’ordre que les gens vont se calmer. Au contraire, tout indique que sur le terrain, le mouvement se radicalise de plus en plus et que l’on va entrer dans un durcissement des blocages. Au risque de déclencher vraiment une "guerre civile" comme le montre la naissance inquiétante du mouvement des " foulards rouges ".

  • Air France et le triangle d’incompatibilité de Macron
    https://www.latribune.fr/opinions/editos/air-france-et-le-triangle-d-incompatibilite-de-macron-778795.html

    Le Pdg d’Air France était confronté à un triangle d’incompatibilité : restaurer les marges de la compagnie pour s’aligner sur celles, bien meilleures, de la concurrence, investir dans un nouveau plan stratégique pour remettre Air France dans le match en termes de prix et de qualité de service, et récompenser les efforts des années précédentes dans un compromis compatible avec les conditions d’exploitation actuelle et à venir.

    Édito de La Tribune où les sommets du triangle conduisent
    • à une privatisation (quasi) inéluctable, …

    Dans la recherche d’une solution pour sauver la compagnie française d’une mort lente, à la Alitalia, voire d’une mort tout court, à la Swissair, le gouvernement est désormais au pied du mur. La réponse à la crise semble évidente : l’État doit « #en_même_temps » profiter des Assises du transport aérien pour revoir à la baisse les charges qui pèsent en excès sur ce secteur décisif pour l’image du pays (imagine-t-on la France sans Air France ?) et franchir le Rubicon d’une sortie, définitive, du capital, dont on a vu les effets délétères. Au moment où Bercy s’apprête à privatiser Aéroports de Paris, la question ne peut plus être éludée.

    • et à une révision du partage de la VA…

    Pour autant, la question d’un meilleur partage salaires-profits est au cœur du débat politique.

    • qui se pose à l’échelle du pays (j’ai un inversé l’ordre)

    Ce triangle d’incompatibilité qui a conduit à la crise à Air France, Emmanuel Macron est en train d’en faire, lui aussi, l’expérience à l’échelle du pays. Certes, toute la France n’est pas en grève pour réclamer des hausses de salaires, tant s’en faut. Si arbitrage il y a, c’est bien en faveur de l’emploi, chômage de masse oblige. Cinquante ans après 1968, l’heure n’est pas à de nouveaux accords de Grenelle.

    Et la conclusion…

    Emmanuel Macron a essayé d’y répondre, par le transfert des charges sociales vers la CSG, qui se traduit par un transfert des revenus du capital et de celui des retraités vers les actifs. Mais ce pis-aller, qui ne produira pleinement ses effets qu’en octobre, laisse sceptique. Surtout, il pourrait être largement compensé par la hausse du prix des carburants et voir son impact sur la feuille de paie annulé par l’application, au 1er janvier prochain, de la retenue à la source. De sorte qu’on peut le prédire : Air France n’a été qu’une avant-garde. 2019 pourrait bien être à la fois l’année du retour de l’inflation et celle d’une montée des revendications salariales et d’un partage plus favorable aux salariés des fruits de la croissance.

    Pour le dernier point, conséquence de l’avant-dernier, c’est pas gagné d’avance vu le rapport des forces politiques…

    en bis, après cette conclusion :

    Cinquante ans après 1968, l’heure n’est pas à de nouveaux accords de Grenelle.

    #yapuka !

  • Facebook et les Gafa face à leurs responsabilités
    https://www.latribune.fr/opinions/editos/facebook-et-les-gafa-face-a-leurs-responsabilites-766680.html

    [ ÉDITO ] Facebook investit en France, merci. Mais ne soyons pas dupes ni naïfs : si le réseau social fondé par Mark Zuckerberg se montre aussi généreux, c’est bien sûr parce que la France brille dans les nouvelles technologies, mais aussi parce que Facebook a un besoin urgent de montrer patte blanche et d’amadouer les pouvoirs publics. Par Philippe Mabille, directeur de la rédaction de La Tribune.
    […]
    Mais ne soyons pas dupes ni naïfs : si le réseau social fondé par Mark Zuckerberg se montre aussi généreux, c’est bien sûr parce que la France brille dans les nouvelles technologies, mais aussi parce que Facebook a un besoin urgent de montrer patte blanche et d’amadouer les pouvoirs publics - dans tous les grands pays - après une année 2017 marquée par la multiplication des polémiques à l’égard des Gafa. D’ailleurs, Google aussi investit en France, avec 300 recrutements en 2018, la création d’ateliers numériques dans quatre villes en régions afin de former 100 000 personnes au digital.
    […]
    Tout cela est bel et bon à prendre. Mais cela ne suffira pas pour éteindre les critiques qui montent à l’égard des Gafa. Plus le temps passe et plus il apparaît que Google (Alphabet), Apple, Facebook et Amazon, les quatre géants du Net, dont l’addition des capitalisations frôle les 3 000 milliards de dollars, plus que la production annuelle de richesse de la France, sont devenus trop puissants. Et 2018 pourrait bien être l’année d’un grand tournant dans l’attitude des États à l’égard de ces monstres du numérique.

    L’Europe, qui a été complètement colonisée par les géants de la Silicon Valley, commence à mener cette bataille, sur deux fronts. D’abord, le front fiscal, car le numérique soulève la question de la disparition des frontières. La France est à la pointe de ce combat, menaçant d’une taxe sur le chiffre d’affaires si un accord n’est pas trouvé dans les deux ans. Le deuxième front est celui de la concurrence, avec une offensive principalement ciblée pour l’instant sur Google, qui a conduit la Commission européenne à infliger au groupe une amende record.

    Un autre front est en train de s’ouvrir, celui du danger que font peser des réseaux sociaux comme Facebook pour le fonctionnement de la démocratie. Aux États-Unis, où Facebook est le premier diffuseur d’informations, l’élection présidentielle de 2016 a servi de révélateur.