AOC media - Analyse Opinion Critique

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  • Israël, année zéro - AOC media par Elad Lapidot
    https://aoc.media/opinion/2023/11/26/israel-annee-zero

    L’objectif de Buber fut de mettre fin à la violence et aux meurtres. Il considérait les Arabes comme un « toi » et non comme un « cela », et il pensait que le mouvement national palestinien devait être reconnu. Sion ne pouvait être que juste, ne pouvait que créer la paix, c’est-à-dire qu’elle ne pouvait exister d’après Buber que comme coopération judéo-arabe, comme alliance de paix. Il imaginait une relation positive avec les Arabes dans de différents domaines, plaidait pour une solidarité économique au lieu de la politique dominante du « travail hébreu » et pour le devoir d’apprendre la culture et la langue des Arabes et leur Islam, contrairement aux sentiments anti-arabes omniprésents, souvent racistes, chez les colons juifs. Au lieu d’un État juif, Buber prônait l’idée d’un État binational qui œuvrerait au bénéfice de l’ensemble de la population du pays et qui s’intégrerait dans une fédération régionale d’États du Proche-Orient.

    Cette vision semble aujourd’hui illusoire. La violence terrible des massacres perpétrés le 7 octobre par le Hamas nous a profondément choqués, nous les Juifs israéliens. Notre choc ne nous a pas empêchés de faire des comparaisons. Au contraire, la prise de conscience que nos enfants sont la cible d’une telle haine a réactivé notre traumatisme collectif le plus profond. Beaucoup donnent un sens à ces atrocités en les comparant aux meurtres de masse des Juifs pendant la Shoah et dans les pogroms. Ils contextualisent la haine palestinienne comme une nouvelle éruption d’antisémitisme – pas seulement barbare, mais le mal pur.

    Cette vision dicte la réponse militaire d’Israël. La violence extrême et indiscriminée des attaques israéliennes sur la bande de Gaza depuis le 7 octobre vise à éradiquer le mal, à sauver les Juifs d’Auschwitz. Le Premier ministre Netanyahou a déclaré à ses soldats : « C’est une guerre des fils de la lumière contre les fils des ténèbres. »

    Dans cette atmosphère, quiconque propose une contextualisation alternative des massacres, une contextualisation qui met l’accent sur le conflit israélo-palestinien et non pas sur l’éternelle haine des Juifs, quiconque suggère que les actions d’Israël à Gaza ne sont peut-être pas la solution mais font partie du problème, est souvent taxé de justifier le mal. Ceux qui pensent différemment sont traités comme des traîtres.

    Pensons à Buber. Sa vision semble aujourd’hui illusoire, comme elle l’était pour la plupart des sionistes à l’heure zéro du conflit et tout au long de son histoire. Même Brit Shalom n’a été que de courte durée. Mais Buber est resté ferme. Avec quelques-uns, un trop petit nombre, il a continué à défendre l’impératif de la coopération contre la stratégie de domination qui a déterminé la politique juive en Palestine et, plus tard, dans l’État d’Israël. La violence actuelle, persistante et excessive, jette une ombre sur les perspectives d’un avenir binational. Cependant, si nous voulons éviter un génocide ou un suicide, une variante de la vision de Brit Shalom est le seul avenir possible. Pour une grande partie, cela dépend de notre capacité de trouver aujourd’hui la force de déclarer, en tant que Juifs, en tant qu’Israéliens : « C’est notre volonté que les condamnations à mort prononcées à cause de nous, à cause des méfaits commis à notre encontre, ne soient pas exécutées. »

  • Ne pas renoncer à penser – réponse de Didier Fassin à Bruno Karsenti et al.
    Posted on novembre 19, 2023 | Didier Fassin | AOC – Aurdip
    https://aurdip.org/ne-pas-renoncer-a-penser-reponse-a-bruno-karsenti-et-al

    Mis en cause dans l’édition du 13 novembre de AOC par Bruno Karsenti, Jacques Ehrenfreund, Julia Christ, Jean-Philippe Heurtin, Luc Boltanski et Danny Trom pour son Opinion « Le spectre d’un génocide » publiée dans AOC le 1er novembre, Didier Fassin leur répond. (...)

  • Fanon en Palestine - AOC media
    https://aoc.media/opinion/2023/10/25/fanon-en-palestine

    Ce champ d’étude s’est plus généralement élargi à d’autres pays d’immigration nés par le colonialisme tels que les États-Unis, le Canada, la Nouvelle-Zélande, par le passé la France avec l’Algérie, ou encore l’Australie dont la finalité du référendum constitutionnel récent visant à créer un organe consultatif représentant les aborigènes d’Australie auprès des organes législatifs et exécutifs a été marquée par un refus majeur (60%), symbolisant la marginalisation des populations autochtones dans les processus décisionnels, et encore plus les peurs d’hétérogénéités et de diversités des États-Nations modernes.

    Adam Dahl s’intéresse à la formation de cette pensée moderne qui s’est établie sur le nettoyage ethnique des autochtones américains permettant l’établissement d’une continuité territoriale permettant de mettre en scène les concepts clés de la pensée démocratique moderne. Ainsi les États-Unis ont ouvert la marche de la Révolution bourgeoise avec le mythe de l’individualité et de la propriété privée[1], qui trouve son exécution dans la négation des aspects culturels (race, ethnicité et sexe) et des aspects matériels (classe, ressources, capital, privilèges) dans la répartition du pouvoir.

    Par conséquent parler de « colonisé » pour évoquer la situation palestinienne n’est pas une réduction ou une victimation, mais le constat d’une hiérarchie imposée par une puissance occupante, définissant une réalité d’expérience régie par des distributions de pouvoir inégalitaires et illégitimes. Le nationalisme israélien a donc tracé une ligne nette entre Juifs et non-Juifs dans l’inclusion à la gouvernance, mais aussi dans la présence physique même sur la Terre[2].

    https://justpaste.it/32a5v

  • #Judith_Butler : Condamner la #violence

    « Je condamne les violences commises par le #Hamas, je les condamne sans la moindre réserve. Le Hamas a commis un #massacre terrifiant et révoltant », écrit Judith Butler avant d’ajouter qu’« il serait étrange de s’opposer à quelque chose sans comprendre de quoi il s’agit, ou sans la décrire de façon précise. Il serait plus étrange encore de croire que toute #condamnation nécessite un refus de comprendre, de #peur que cette #compréhension ne serve qu’à relativiser les choses et diminuer notre #capacité_de_jugement ».

    Les questions qui ont le plus besoin d’un #débat_public, celles qui doivent être discutées dans la plus grande urgence, sont des questions qui sont difficiles à aborder dans les cadres existants. Et même si l’on souhaite aller directement au cœur du sujet, on se heurte à un cadre qui fait qu’il est presque impossible de dire ce que l’on a à dire. Je veux parler ici de la violence, de la violence présente, et de l’histoire de la violence, sous toutes ses formes. Mais si l’on veut documenter la violence, ce qui veut dire comprendre les #tueries et les #bombardements massifs commis par le Hamas en Israël, et qui s’inscrivent dans cette histoire, alors on est accusé de « #relativisme » ou de « #contextualisation ». On nous demande de condamner ou d’approuver, et cela se comprend, mais est-ce bien là tout ce qui, éthiquement, est exigé de nous ? Je condamne les violences commises par le Hamas, je les condamne sans la moindre réserve. Le Hamas a commis un massacre terrifiant et révoltant. Telle a été et est encore ma réaction première. Mais elle n’a pas été la seule.

    Dans l’immédiateté de l’événement, on veut savoir de quel « côté » sont les gens, et clairement, la seule réaction possible à de pareilles tueries est une condamnation sans équivoque. Mais pourquoi se fait-il que nous ayons parfois le sentiment que se demander si nous utilisons les bons mots ou comprenons bien la situation historique fait nécessairement obstacle à une #condamnation_morale absolue ? Est-ce vraiment relativiser que se demander ce que nous condamnons précisément, quelle portée cette condamnation doit avoir, et comment décrire au mieux la ou les formations politiques auxquelles nous nous opposons ?

    Il serait étrange de s’opposer à quelque chose sans comprendre de quoi il s’agit, ou sans la décrire de façon précise. Il serait plus étrange encore de croire que toute condamnation nécessite un refus de comprendre, de peur que cette compréhension ne serve qu’à relativiser les choses et diminuer notre capacité de jugement. Mais que faire s’il est moralement impératif d’étendre notre condamnation à des #crimes tout aussi atroces, qui ne se limitent pas à ceux mis en avant et répétés par les médias ? Quand et où doit commencer et s’arrêter notre acte de condamnation ? N’avons-nous pas besoin d’une évaluation critique et informée de la situation pour accompagner notre condamnation politique et morale, sans avoir à craindre que s’informer et comprendre nous transforme, aux yeux des autres, en complices immoraux de crimes atroces ?

    Certains groupes se servent de l’histoire de la violence israélienne dans la région pour disculper le Hamas, mais ils utilisent une forme corrompue de raisonnement moral pour y parvenir. Soyons clairs. Les violences commises par #Israël contre les Palestiniens sont massives : bombardements incessants, assassinats de personnes de tous âges chez eux et dans les rues, torture dans les prisons israéliennes, techniques d’affamement à #Gaza, expropriation radicale et continue des terres et des logements. Et ces violences, sous toutes leurs formes, sont commises sur un peuple qui est soumis à un #régime_colonial et à l’#apartheid, et qui, privé d’État, est apatride.

    Mais quand les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard (Harvard Palestine Solidarity Groups) publient une déclaration disant que « le régime d’apartheid est le seul responsable » des attaques mortelles du Hamas contre des cibles israéliennes, ils font une erreur et sont dans l’erreur. Ils ont tort d’attribuer de cette façon la #responsabilité, et rien ne saurait disculper le Hamas des tueries atroces qu’ils ont perpétrées. En revanche, ils ont certainement raison de rappeler l’histoire des violences : « de la #dépossession systématique des terres aux frappes aériennes de routine, des #détentions_arbitraires aux #checkpoints militaires, des séparations familiales forcées aux #assassinats ciblés, les Palestiniens sont forcés de vivre dans un #état_de_mort, à la fois lente et subite. » Tout cela est exact et doit être dit, mais cela ne signifie pas que les violences du Hamas ne soient que l’autre nom des violences d’Israël.

    Il est vrai que nous devons nous efforcer de comprendre les raisons de la formation de groupes comme le Hamas, à la lumière des promesses rompues d’Oslo et de cet « état de mort, à la fois lente et subite » qui décrit bien l’existence des millions de Palestiniens vivant sous #occupation, et qui se caractérise par une #surveillance constante, la #menace d’une détention sans procès, ou une intensification du #siège de #Gaza pour priver ses habitants d’#eau, de #nourriture et de #médicaments. Mais ces références à l’#histoire des Palestiniens ne sauraient justifier moralement ou politiquement leurs actes. Si l’on nous demandait de comprendre la violence palestinienne comme une continuation de la violence israélienne, ainsi que le demandent les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard, alors il n’y aurait qu’une seule source de #culpabilité_morale, et même les actes de violence commis par les Palestiniens ne seraient pas vraiment les leurs. Ce n’est pas rendre compte de l’autonomie d’action des Palestiniens.

    La nécessité de séparer la compréhension de la violence omniprésente et permanente de l’État israélien de toute justification de la violence est absolument cruciale si nous voulons comprendre quels peuvent être les autres moyens de renverser le #système_colonial, mettre fin aux #arrestations_arbitraires et à la #torture dans les prisons israéliennes, et arrêter le siège de Gaza, où l’eau et la nourriture sont rationnés par l’État-nation qui contrôle ses frontières. Autrement dit, la question de savoir quel monde est encore possible pour tous les habitants de la région dépend des moyens dont il sera mis fin au système colonial et au pouvoir des colons. Hamas a répondu de façon atroce et terrifiante à cette question, mais il y a bien d’autres façons d’y répondre.

    Si, en revanche, il nous est interdit de parler de « l’#occupation », comme dans une sorte de Denkverbot allemand, si nous ne pouvons pas même poser le débat sur la question de savoir si le joug militaire israélien sur la région relève du #colonialisme ou de l’#apartheid_racial, alors nous ne pouvons espérer comprendre ni le passé, ni le présent, ni l’avenir. Et beaucoup de gens qui regardent le carnage dans les médias sont totalement désespérés. Or une des raisons de ce #désespoir est précisément qu’ils regardent les #médias, et vivent dans le monde sensationnel et immédiat de l’#indignation_morale absolue. Il faut du temps pour une autre #morale_politique, il faut de la patience et du courage pour apprendre et nommer les choses, et nous avons besoin de tout cela pour que notre condamnation puisse être accompagnée d’une vision proprement morale.

    Je m’oppose aux violences que le Hamas a commises, et ne leur trouve aucune excuse. Quand je dis cela, je prends une position morale et politique claire. Je n’équivoque pas lorsque je réfléchis sur ce que cette condamnation implique et présuppose. Quiconque me rejoint dans cette position se demande peut-être si la condamnation morale doit reposer sur une compréhension de ce qui est condamné. On pourrait répondre que non, que je n’ai rien besoin de connaître du Hamas ou de la Palestine pour savoir que ce qu’ils ont fait est mal et pour le condamner. Et si l’on s’arrête là, si l’on se contente des représentations fournies par les médias, sans jamais se demander si elles sont réellement utiles et exactes, et si le cadre utilisé permet à toutes les histoires d’être racontées, alors on se résout à une certaine ignorance et l’on fait confiance aux cadres existants. Après tout, nous sommes tous très occupés, et nous n’avons pas tous le temps d’être des historiens ou des sociologues. C’est une manière possible de vivre et de penser, et beaucoup de gens bien-intentionnés vivent effectivement ainsi, mais à quel prix ?

    Que nous faudrait-il dire et faire, en revanche, si notre morale et notre politique ne s’arrêtaient pas à l’acte de condamnation ? Si nous continuions, malgré tout, de nous intéresser à la question de savoir quelles sont les formes de vie qui pourraient libérer la région de violences comme celles-ci ? Et si, en plus de condamner les crimes gratuits, nous voulions créer un futur dans lequel ce genre de violences n’aurait plus cours ? C’est une aspiration normative qui va bien au-delà de la condamnation momentanée. Pour y parvenir, il nous faut absolument connaître l’histoire de la situation : l’histoire de la formation du Hamas comme groupe militant, dans l’abattement total, après Oslo, pour tous les habitants de Gaza à qui les promesses de gouvernement autonome n’ont jamais été honorées ; l’histoire de la formation des autres groupes palestiniens, de leurs tactiques et de leurs objectifs ; l’histoire enfin du peuple palestinien lui-même, de ses aspirations à la liberté et au #droit_à_l’autodétermination, de son désir de se libérer du régime colonial et de la violence militaire et carcérale permanente. Alors, si le Hamas était dissous ou s’il était remplacé par des groupes non-violents aspirant à la #cohabitation, nous pourrions prendre part à la lutte pour une Palestine libre.

    Quant à ceux dont les préoccupations morales se limitent à la seule condamnation, comprendre la situation n’est pas un objectif. Leur indignation morale est à la fois présentiste et anti-intellectuelle. Et pourtant, l’indignation peut aussi amener quelqu’un à ouvrir des livres d’histoire pour essayer de comprendre comment un événement comme celui-ci a pu arriver, et si les conditions pourraient changer de telle sorte qu’un avenir de violence ne soit pas le seul avenir possible. Jamais la « contextualisation » ne devrait être considérée comme une activité moralement problématique, même s’il y a des formes de contextualisation qui sont utilisées pour excuser ou disculper. Est-il possible de distinguer ces deux formes de contextualisation ? Ce n’est pas parce que certains pensent que contextualiser des violences atroces ne sert qu’à occulter la violence ou, pire encore, à la rationaliser que nous devrions nous soumettre à l’idée que toute forme de contextualisation est toujours une forme de #relativisme_moral.

    Quand les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard disent que « le régime d’apartheid est le seul responsable » des attaques du Hamas, ils souscrivent à une conception inacceptable de la responsabilité morale. Il semble que pour comprendre comment s’est produit un événement, et ce qu’il signifie, il nous faille apprendre l’histoire. Cela veut dire qu’il nous incombe tout à la fois d’élargir la perspective au-delà de la terrible fascination du moment et, sans jamais nier l’horreur, de ne pas laisser l’#horreur présente représenter toute l’horreur qu’il y a à représenter, et nous efforcer de savoir, de comprendre et de nous opposer.

    Or les médias d’aujourd’hui, pour la plupart d’entre eux, ne racontent pas les horreurs que vivent les Palestiniens depuis des décennies, les bombardements, les tueries, les attaques et les arrestations arbitraires. Et si les horreurs des derniers jours ont pour les médias une importance morale plus grande que les horreurs des soixante-dix dernières années, alors la réaction morale du moment menace d’empêcher et d’occulter toute compréhension des #injustices_radicales endurées depuis si longtemps par la Palestine occupée et déplacée de force.

    Certains craignent, à juste titre, que toute contextualisation des actes violents commis par le Hamas soit utilisée pour disculper le Hamas, ou que la contextualisation détourne l’attention des horreurs perpétrées. Mais si c’est l’horreur elle-même qui nous amenait à contextualiser ? Où commence cette horreur et où finit-elle ? Si les médias parlent aujourd’hui de « guerre » entre le Hamas et Israël, c’est donc qu’ils proposent un cadre pour comprendre la situation. Ils ont, ainsi, compris la situation à l’avance. Si Gaza est comprise comme étant sous occupation, ou si l’on parle à son sujet de « prison à ciel ouvert », alors c’est une autre interprétation qui est proposée. Cela ressemble à une description, mais le langage contraint ou facilite ce que nous pouvons dire, comment nous pouvons décrire, et ce qui peut être connu.

    Oui, la langue peut décrire, mais elle n’acquiert le pouvoir de le faire que si elle se conforme aux limites qui sont imposées à ce qui est dicible. S’il est décidé que nous n’avons pas besoin de savoir combien d’enfants et d’adolescents palestiniens ont été tués en Cisjordanie et à Gaza cette année ou pendant toutes les années de l’occupation, que ces informations ne sont pas importantes pour comprendre ou qualifier les attaques contre Israël, et les assassinats d’Israéliens, alors il est décidé que nous ne voulons pas connaître l’histoire des violences, du #deuil et de l’indignation telle qu’est vécue par les Palestiniens.

    Une amie israélienne, qui se qualifie elle-même d’« antisioniste », écrit en ligne qu’elle est terrifiée pour sa famille et pour ses amis, et qu’elle a perdu des proches. Et nous devrions tous être de tout cœur avec elle, comme je le suis bien évidemment. Cela est terrible. Sans équivoque. Et pourtant, il n’est pas un moment où sa propre expérience de l’horreur et de la perte de proches ou d’amis est imaginé comme pouvant être ce qu’une Palestinienne éprouve ou a éprouvé de son côté après des années de bombardement, d’incarcération et de violence militaire. Je suis moi aussi une Juive, qui vit avec un #traumatisme_transgénérationnel à la suite des atrocités commises contre des personnes comme moi. Mais ces atrocités ont aussi été commises contre des personnes qui ne sont pas comme moi. Je n’ai pas besoin de m’identifier à tel visage ou à tel nom pour nommer les atrocités que je vois. Ou du moins je m’efforce de ne pas le faire.

    Mais le problème, au bout du compte, n’est pas seulement une absence d’#empathie. Car l’empathie prend généralement forme dans un cadre qui permette qu’une identification se fasse, ou une traduction entre l’expérience d’autrui et ma propre expérience. Et si le cadre dominant considère que certaines vies sont plus dignes d’être pleurées que d’autres, alors il s’ensuit que certaines pertes seront plus terribles que d’autres. La question de savoir quelles vies méritent d’être pleurées fait partie intégrante de la question de savoir quelles sont les vies qui sont dignes d’avoir une valeur. Et c’est ici que le #racisme entre en jeu de façon décisive. Car si les Palestiniens sont des « #animaux », comme le répète Netanyahu, et si les Israéliens représentent désormais « le peuple juif », comme le répète Biden (englobant la diaspora juive dans Israël, comme le réclament les réactionnaires), alors les seules personnes dignes d’être pleurées, les seules qui sont éligibles au deuil, sont les Israéliens, car la scène de « guerre » est désormais une scène qui oppose les Juifs aux animaux qui veulent les tuer.

    Ce n’est certainement pas la première fois qu’un groupe de personnes qui veulent se libérer du joug de la #colonisation sont représentées comme des animaux par le colonisateur. Les Israéliens sont-ils des « animaux » quand ils tuent ? Ce cadre raciste de la violence contemporaine rappelle l’opposition coloniale entre les « civilisés » et les « animaux », qui doivent être écrasés ou détruits pour sauvegarder la « civilisation ». Et lorsque nous rappelons l’existence de ce cadre au moment d’affirmer notre condamnation morale, nous nous trouvons impliqué dans la dénonciation d’une forme de racisme qui va bien au-delà de l’énonciation de la structure de la vie quotidienne en Palestine. Et pour cela, une #réparation_radicale est certainement plus que nécessaire.

    Si nous pensons qu’une condamnation morale doive être un acte clair et ponctuel, sans référence à aucun contexte ni aucun savoir, alors nous acceptons inévitablement les termes dans lesquels se fait cette condamnation, la scène sur laquelle les alternatives sont orchestrées. Et dans ce contexte récent qui nous intéresse, accepter ce cadre, c’est reprendre les formes de #racisme_colonial qui font précisément partie du problème structurel à résoudre, de l’#injustice intolérable à surmonter. Nous ne pouvons donc pas refuser l’histoire de l’injustice au nom d’une certitude morale, car nous risquerions alors de commettre d’autres injustices encore, et notre certitude finirait par s’affaisser sur un fondement de moins en moins solide. Pourquoi ne pouvons-nous pas condamner des actes moralement haïssables sans perdre notre capacité de penser, de connaître et de juger ? Nous pouvons certainement faire tout cela, et nous le devons.

    Les actes de violence auxquels nous assistons via les médias sont horribles. Et dans ce moment où toute notre attention est accaparée par ces médias, les violences que nous voyons sont les seules que nous connaissions. Je le répète : nous avons le droit de déplorer ces violences et d’exprimer notre horreur. Cela fait des jours que j’ai mal au ventre à essayer d’écrire sans trouver le sommeil, et tous les gens que je connais vivent dans la peur de ce que va faire demain la machine militaire israélienne, si le #discours_génocidaire de #Netanyahu va se matérialiser par une option nucléaire ou par d’autres tueries de masse de Palestiniens. Je me demande moi-même si nous pouvons pleurer, sans réserve aucune, pour les vies perdues à Tel-Aviv comme pour les vies perdues à Gaza, sans se laisser entraîner dans des débats sur le relativisme et sur les #fausses_équivalences. Peut-être les limites élargies du deuil peuvent-elles contribuer à un idéal d’#égalité substantiel, qui reconnaisse l’égale pleurabilité de toutes les vies, et qui nous porte à protester que ces vies n’auraient pas dû être perdues, qui méritaient de vivre encore et d’être reconnues, à part égale, comme vies.

    Comment pouvons-nous même imaginer la forme future de l’égalité des vivants sans savoir, comme l’a documenté le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, que les militaires et les colons israéliens ont tué au minimum 3 752 civils palestiniens depuis 2008 à Gaza et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est. Où et quand le monde a-t-il pleuré ces morts ? Et dans les seuls bombardements et attaques d’octobre, 140 enfants palestiniens ont déjà été tués. Beaucoup d’autres trouveront la mort au cours des actions militaires de « #représailles » contre le Hamas dans les jours et les semaines qui viennent.

    Ce n’est pas remettre en cause nos positions morales que de prendre le temps d’apprendre l’histoire de la #violence_coloniale et d’examiner le langage, les récits et les cadres qui servent aujourd’hui à rapporter et expliquer – et interpréter a priori – ce qui se passe dans cette région. Il s’agit là d’un #savoir_critique, mais qui n’a absolument pas pour but de rationaliser les violences existences ou d’en autoriser d’autres. Son but est d’apporter une compréhension plus exacte de la situation que celle proposée par le cadre incontesté du seul moment présent. Peut-être d’autres positions d’#opposition_morale viendront-elles s’ajouter à celles que nous avons déjà acceptées, y compris l’opposition à la violence militaire et policière qui imprègne et sature la vie des Palestiniens dans la région, leur droit à faire le deuil, à connaître et exprimer leur indignation et leur solidarité, à trouver leur propre chemin vers un avenir de liberté ?

    Personnellement, je défends une politique de #non-violence, sachant qu’elle ne peut constituer un principe absolu, qui trouve à s’appliquer en toutes circonstances. Je soutiens que les #luttes_de_libération qui pratiquent la non-violence contribuent à créer le monde non-violent dans lequel nous désirons tous vivre. Je déplore sans équivoque la violence, et en même temps, comme tant d’autres personnes littéralement stupéfiées devant leur télévision, je veux contribuer à imaginer et à lutter pour la justice et pour l’égalité dans la région, une justice et une égalité qui entraîneraient la fin de l’occupation israélienne et la disparition de groupes comme le Hamas, et qui permettrait l’épanouissement de nouvelles formes de justice et de #liberté_politique.

    Sans justice et sans égalité, sans la fin des violences perpétrées par un État, Israël, qui est fondé sur la violence, aucun futur ne peut être imaginé, aucun avenir de #paix_véritable – et je parle ici de paix véritable, pas de la « #paix » qui n’est qu’un euphémisme pour la #normalisation, laquelle signifie maintenir en place les structures de l’injustice, de l’inégalité et du racisme. Un pareil futur ne pourra cependant pas advenir si nous ne sommes pas libres de nommer, de décrire et de nous opposer à toutes les violences, y compris celles de l’État israélien, sous toutes ses formes, et de le faire sans avoir à craindre la censure, la criminalisation ou l’accusation fallacieuse d’antisémitisme.

    Le monde que je désire est un monde qui s’oppose à la normalisation du régime colonial israélien et qui soutient la liberté et l’autodétermination des Palestiniens, un monde qui réaliserait le désir profond de tous les habitants de ces terres de vivre ensemble dans la liberté, la non-violence, la justice et l’égalité. Cet #espoir semble certainement, pour beaucoup, impossible ou naïf. Et pourtant, il faut que certains d’entre nous s’accrochent farouchement à cet espoir, et refusent de croire que les structures qui existent aujourd’hui existeront toujours. Et pour cela, nous avons besoin de nos poètes, de nos rêveurs, de nos fous indomptés, de tous ceux qui savent comment se mobiliser.

    https://aoc.media/opinion/2023/10/12/condamner-la-violence

    ici aussi : https://seenthis.net/messages/1021216

    #à_lire #7_octobre_2023 #génocide

    • Palestinian Lives Matter Too: Jewish Scholar Judith Butler Condemns Israel’s “Genocide” in Gaza

      We speak with philosopher Judith Butler, one of dozens of Jewish American writers and artists who signed an open letter to President Biden calling for an immediate ceasefire in Gaza. “We should all be standing up and objecting and calling for an end to genocide,” says Butler of the Israeli assault. “Until Palestine is free … we will continue to see violence. We will continue to see this structural violence producing this kind of resistance.” Butler is the author of numerous books, including The Force of Nonviolence: An Ethico-Political Bind and Parting Ways: Jewishness and the Critique of Zionism. They are on the advisory board of Jewish Voice for Peace.

      https://www.youtube.com/watch?v=CAbzV40T6yk

  • L’anthropologue #Didier_Fassin sur #Gaza : « La non-reconnaissance de la qualité d’êtres humains à ceux qu’on veut éliminer est le prélude aux pires violences »

    Le sociologue s’alarme, dans une tribune au « Monde », que l’Union européenne n’invoque pas, dans le cadre du conflit israélo-palestinien, la « responsabilité de protéger » votée par l’Assemblée des Nations unies, et qu’elle pratique le deux poids deux mesures dans ses relations internationales.

    L’incursion sanglante du #Hamas en #Israël a produit dans le pays un #choc sans précédent et a suscité des réactions d’horreur dans les sociétés occidentales. Les #représailles en cours à Gaza, d’autant plus violentes que le gouvernement israélien est tenu responsable par la population pour avoir favorisé l’essor du Hamas afin d’affaiblir le #Fatah [le parti politique du président palestinien, Mahmoud Abbas] et pour avoir négligé les enjeux de sécurité au profit d’une impopulaire réforme visant à faire reculer la démocratie, ne génèrent pas de semblables sentiments de la part des chancelleries occidentales, comme si le droit de se défendre impliquait un droit illimité à se venger. Certaines #victimes méritent-elles plus que d’autres la #compassion ? Faut-il considérer comme une nouvelle norme le ratio des tués côté palestinien et côté israélien de la guerre de 2014 à Gaza : 32 fois plus de morts, 228 fois plus parmi les civils et 548 fois plus parmi les enfants ?

    Lorsque le président français, #Emmanuel_Macron, a prononcé son allocution télévisée, le 12 octobre, on comptait 1 400 victimes parmi les Gazaouis, dont 447 enfants. Il a justement déploré la mort « de nourrissons, d’enfants, de femmes, d’hommes » israéliens, et dit « partager le chagrin d’Israël », mais n’a pas eu un mot pour les nourrissons, les enfants, les femmes et les hommes palestiniens tués et pour le deuil de leurs proches. Il a déclaré apporter son « soutien à la réponse légitime » d’Israël, tout en ajoutant que ce devait être en « préservant les populations civiles », formule purement rhétorique alors que #Tsahal avait déversé en six jours 6 000 bombes, presque autant que ne l’avaient fait les Etats-Unis en une année au plus fort de l’intervention en Afghanistan.

    La directrice exécutive de Jewish Voice for Peace a lancé un vibrant « #plaidoyer_juif », appelant à « se dresser contre l’acte de #génocide d’Israël ». Couper l’#eau, l’#électricité et le #gaz, interrompre l’approvisionnement en #nourriture et envoyer des missiles sur les marchés où les habitants tentent de se ravitailler, bombarder des ambulances et des hôpitaux déjà privés de tout ce qui leur permet de fonctionner, tuer des médecins et leur famille : la conjonction du siège total, des frappes aériennes et bientôt des troupes au sol condamne à mort un très grand nombre de #civils – par les #armes, la #faim et la #soif, le défaut de #soins aux malades et aux blessés.

    Des #crimes commis, on ne saura rien

    L’ordre donné au million d’habitants de la ville de Gaza de partir vers le sud va, selon le porte-parole des Nations unies, « provoquer des conséquences humanitaires dévastatrices ». Ailleurs dans le monde, lorsque éclatent des conflits meurtriers, les populations menacées fuient vers un pays voisin. Pour les Gazaouis, il n’y a pas d’issue, et l’armée israélienne bombarde les écoles des Nations unies où certains trouvent refuge. Ailleurs dans le monde, dans de telles situations, les organisations non gouvernementales apportent une assistance aux victimes. A Gaza, elles ne le peuvent plus. Mais des crimes commis, on ne saura rien. En coupant Internet, Israël prévient la diffusion d’images et de témoignages.

    Le ministre israélien de la défense, #Yoav_Gallant, a déclaré, le 9 octobre, que son pays combattait « des #animaux_humains » et qu’il « allait tout éliminer à Gaza ». En mars, son collègue des finances a, lui, affirmé qu’« il n’y a pas de Palestiniens, car il n’y a pas de peuple palestinien ».
    Du premier génocide du XXe siècle, celui des Herero, en 1904, mené par l’armée allemande en Afrique australe, qui, selon les estimations, a provoqué 100 000 morts de déshydratation et de dénutrition, au génocide des juifs d’Europe et à celui des Tutsi, la non-reconnaissance de la qualité d’êtres humains à ceux qu’on veut éliminer et leur assimilation à des #animaux a été le prélude aux pires #violences.

    Rhétorique guerrière

    Comme le dit en Israël la présidente de l’organisation de défense des droits de l’homme, B’Tselem, « Gaza risque d’être rayée de la carte, si la communauté internationale, en particulier les Etats-Unis et l’Europe, ne fait pas stopper – au lieu de laisser faire, voire d’encourager – les crimes de guerre qu’induit l’intensité de la riposte israélienne ». Ce n’est pas la première fois qu’Israël mène une #guerre à Gaza, mais c’est la première fois qu’il le fait avec un gouvernement aussi fortement orienté à l’#extrême-droite qui nie aux Palestiniens leur humanité et leur existence.
    Il existe une « responsabilité de protéger », votée en 2005 par l’Assemblée des Nations unies, obligeant les Etats à agir pour protéger une population « contre les génocides, les crimes de guerre, les nettoyages ethniques et les crimes contre l’humanité ». Cet engagement a été utilisé dans une dizaine de situations, presque toujours en Afrique. Que l’Union européenne ne l’invoque pas aujourd’hui, mais qu’au contraire la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, se rende, sans mandat, en Israël, pour y reprendre la #rhétorique_guerrière du gouvernement, montre combien le deux poids deux mesures régit les relations internationales.
    Quant à la #France, alors que se fait pressante l’urgence à agir, non seulement le gouvernement apporte son appui sans failles à l’#opération_punitive en cours, mais il interdit les #manifestations en faveur du peuple palestinien et pour une #paix juste et durable en Palestine. « Rien ne peut justifier le #terrorisme », affirmait avec raison le chef de l’Etat. Mais faut-il justifier les crimes de guerre et les #massacres_de_masse commis en #rétorsion contre les populations civiles ? S’agit-il une fois de plus de rappeler au monde que toutes les vies n’ont pas la même valeur et que certaines peuvent être éliminées sans conséquence ?

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/18/l-anthropologue-didier-fassin-sur-gaza-la-non-reconnaissance-de-la-qualite-d

    #à_lire #7_octobre_2023

    • Le spectre d’un génocide à Gaza

      L’annihilation du Hamas, que la plupart des experts jugent irréaliste, se traduit de fait par un massacre des civils gazaouis, ce que la Première ministre française appelle une « catastrophe humanitaire », mais dans lequel un nombre croissant d’organisations et d’analystes voient le spectre d’un génocide.

      Au début de l’année 1904, dans ce qui était alors le protectorat allemand du Sud-Ouest africain, les Hereros se rebellent contre les colons, tuant plus d’une centaine d’entre eux dans une attaque surprise.

      Au cours des deux décennies précédentes, ce peuple d’éleveurs a vu son territoire se réduire à mesure que de nouvelles colonies s’installent, s’emparant des meilleures terres et entravant la transhumance des troupeaux. Les colons traitent les Hereros comme des animaux, les réduisent à une forme d’esclavage et se saisissent de leurs biens. Le projet des autorités est de créer dans ce qui est aujourd’hui la Namibie une « Allemagne africaine » où les peuples autochtones seraient parqués dans des réserves.

      La révolte des Hereros est vécue comme un déshonneur à Berlin et l’empereur envoie un corps expéditionnaire avec pour objectif de les éradiquer. Son commandant annonce en effet qu’il va « annihiler » la nation herero, récompensant la capture des « chefs », mais n’épargnant « ni les femmes ni les enfants ». Si l’extermination n’est techniquement pas possible, ajoute-t-il, il faudra forcer les Hereros à quitter le pays, et « ce n’est qu’une fois ce nettoyage accompli que quelque chose de nouveau pourra émerger ».

      Dans les mois qui suivent, nombre de Hereros sans armes sont capturés et exécutés par les militaires, mais la plupart sont repoussés dans le désert où ils meurent de déshydratation et d’inanition, les puits ayant été empoisonnés. Selon l’état-major militaire, « le blocus impitoyable des zones désertiques paracheva l’œuvre d’élimination ». On estime que seuls 15 000 des 80 000 Hereros ont survécu. Ils sont mis au travail forcé dans des « camps de concentration » où beaucoup perdent la vie.

      Le massacre des Hereros, qualifié par les Allemands de « guerre raciale » est le premier génocide du XXe siècle, considéré par certains historiens comme la matrice de la Shoah quatre décennies plus tard. Dans Les Origines du totalitarisme, la philosophe Hannah Arendt elle-même a établi un lien entre l’entreprise coloniale et les pratiques génocidaires.

      Comparaison n’est pas raison, mais il y a de préoccupantes similitudes entre ce qui s’est joué dans le Sud-Ouest africain et ce qui se joue aujourd’hui à Gaza. Des décennies d’une colonisation qui réduit les territoires palestiniens à une multiplicité d’enclaves toujours plus petites où les habitants sont agressés, les champs d’olivier détruits, les déplacements restreints, les humiliations quotidiennes.

      Une déshumanisation qui conduisait il y a dix ans le futur ministre adjoint à la Défense à dire que les Palestiniens sont « comme des animaux ». Une négation de leur existence même par le ministre des Finances pour qui « il n’y a pas de Palestiniens car il n’y a pas de peuple palestinien », comme il l’affirmait au début de l’année. Un droit de tuer les Palestiniens qui, pour l’actuel ministre de la Sécurité nationale, fait du colon qui a assassiné vingt-neuf d’entre eux priant au tombeau des Patriarches à Hébron un héros. Le projet, pour certains, d’un « grand Israël », dont l’ancien président est lui-même partisan.

      Pendant les six premiers jours de l’intervention israélienne, 6 000 bombes ont été lâchées sur Gaza, presque autant que les États-Unis et ses alliés en ont utilisé en Afghanistan en une année entière

      Dans ce contexte, les attaques palestiniennes contre des Israéliens se sont produites au fil des ans, culminant dans l’incursion meurtrière du Hamas en territoire israélien le 7 octobre faisant 1 400 victimes civiles et militaires et aboutissant à la capture de plus de 200 otages, ce que le représentant permanent d’Israël aux Nations unies a qualifié de « crime de guerre ». La réponse du gouvernement, accusé de n’avoir pas su prévenir l’agression, s’est voulue à la mesure du traumatisme provoqué dans le pays. L’objectif est « l’annihilation du Hamas ».

      Pendant les trois premières semaines de la guerre à Gaza, les représailles ont pris deux formes. D’une part, infrastructures civiles et populations civiles ont fait l’objet d’un bombardement massif, causant 7 703 morts, dont 3 595 enfants, 1 863 femmes et 397 personnes âgées, et endommageant 183 000 unités résidentielles et 221 écoles, à la date du 28 octobre. Pendant les six premiers jours de l’intervention israélienne, 6 000 bombes ont été lâchées sur Gaza, presque autant que les États-Unis et ses alliés en ont utilisé en Afghanistan en une année entière, au plus fort de l’invasion du pays.

      Pour les plus de 20 000 blessés, dont un tiers d’enfants, ce sont des mutilations, des brûlures, des handicaps avec lesquels il leur faudra vivre. Et pour tous les survivants, ce sont les traumatismes d’avoir vécu sous les bombes, assisté aux destructions des maisons, vu des corps déchiquetés, perdu des proches, une étude britannique montrant que plus de la moitié des adolescents souffrent de stress post-traumatique.

      D’autre part, un siège total a été imposé, avec blocus de l’électricité, du carburant, de la nourriture et des médicaments, tandis que la plupart des stations de pompage ne fonctionnent plus, ne permettant plus l’accès à l’eau potable, politique que le ministre de la Défense justifie en déclarant : « Nous combattons des animaux et nous agissons comme tel ». Dans ces conditions, le tiers des hôpitaux ont dû interrompre leur activité, les chirurgiens opèrent parfois sans anesthésie, les habitants boivent une eau saumâtre, les pénuries alimentaires se font sentir, avec un risque important de décès des personnes les plus vulnérables, à commencer par les enfants.

      Dans le même temps, en Cisjordanie, plus d’une centaine de Palestiniens ont été tués par des colons et des militaires, tandis que plus de 500 éleveurs bédouins ont été chassés de leurs terres et de leur maison, « nettoyage ethnique » que dénoncent des associations de droits humains israéliennes. Croire que cette répression féroce permettra de garantir la sécurité à laquelle les Israéliens ont droit est une illusion dont les 75 dernières années ont fait la preuve.

      L’annihilation du Hamas, que la plupart des experts jugent irréaliste, se traduit de fait par un massacre des civils gazaouis, ce que la Première ministre française appelle une « catastrophe humanitaire », mais dans lequel un nombre croissant d’organisations et d’analystes voient le spectre d’un génocide.

      L’organisation états-unienne Jewish Voice for Peace implore « toutes les personnes de conscience d’arrêter le génocide imminent des Palestiniens ». Une déclaration signée par 880 universitaires du monde entier « alerte sur un potentiel génocide à Gaza ». Neuf Rapporteurs spéciaux des Nations unies en charge des droits humains, des personnes déplacées, de la lutte contre le racisme et les discriminations, l’accès à l’eau et à la nourriture parlent d’un « risque de génocide du peuple palestinien ». Pour la Directrice régionale de l’Unicef pour le Moyen Orient et l’Afrique du nord, « la situation dans la bande de Gaza entache de plus en plus notre conscience collective ». Quant au Secrétaire général des Nations unies, il affirme : « Nous sommes à un moment de vérité. L’histoire nous jugera ».

      Alors que la plupart des gouvernements occidentaux continuent de dire « le droit d’Israël à se défendre » sans y mettre de réserves autres que rhétoriques et sans même imaginer un droit semblable pour les Palestiniens, il y a en effet une responsabilité historique à prévenir ce qui pourrait devenir le premier génocide du XXIe siècle. Si celui des Hereros s’était produit dans le silence du désert du Kalahari, la tragédie de Gaza se déroule sous les yeux du monde entier.

      https://aoc.media/opinion/2023/10/31/le-spectre-dun-genocide-a-gaza

    • Cette réponse sur AOC est d’une mauvaise foi affligeante. Ils se piquent de faire du droit international, et ne se rendent pas compte que leurs conclusions vont à l’encontre de ce qui est déclamé par les instances multilatérales internationales depuis des dizaines d’années.

      Personnellement, les fachos qui s’ignorent et qui prennent leur plume pour te faire comprendre que tu n’es pas assez adulte pour comprendre la complexité du monde, ils commencent à me chauffer les oreilles. La tolérance c’est bien, mais le déni c’est pire. Et là, cette forme de déni, elle est factuelle. Elle n’est pas capillotractée comme lorsqu’on étudie les différentes formes d’un mot pour en déduire un supposé racisme pervers et masqué.

    • La réponse dans AOC mais fait vraiment penser à la sailli de Macron sur les violences policières : « dans un État de droit il est inadmissible de parler de violences policières » : autrement dit ce ne sont pas les violences elles-mêmes, concrète, prouvées, qui sont à condamner, mais c’est le fait d’en parler, de mettre des mots pour les décrire.

      Là c’est pareil, l’État israélien fait littéralement ces actions là : tuerie de masse par bombes sur civils, destruction des moyens de subsistance en brulant les champs (d’oliviers et autres), et en coupant tout accès à l’eau (base de la vie quand on est pas mort sous les bombes) ; ce qui correspond bien factuellement au même genre de stratégie militaire d’annihilation des Héréros par les allemands. Mais ce qui est à condamner c’est le fait de le décrire parce que ça serait antisémite, et non pas les actions elles-mêmes.

      Parce que l’accusation d’empoisonnement est un classique de l’antisémitisme depuis le moyen âge, alors si concrètement une armée et des colons de culture juive bloquent l’accès à la subsistance terre et eau, ça n’existe pas et il ne faut pas en parler.

      (Et c’est le même principe que de s’interdire de dire que le Hamas est un mouvement d’extrême droite, avec une politique autoritaire et ultra réactionnaire, et qu’ils promeuvent des crimes de guerre, parce qu’ils se battent contre l’État qui les colonise. Il fut un temps où beaucoup de mouvements de libération, de lutte contre le colonialisme et ou les impérialismes, faisaient attention aux vies civiles, comme le rappelait Joseph Andras il me semble.)

      #campisme clairement ("mon camp", « notre camp », ne peut pas faire ça, puisque c’est les méchants qui nous accusaient faussement de faire ça…)

  • Condamner la violence, Judith Butler

    Il serait étrange de s’opposer à quelque chose sans comprendre de quoi il s’agit, ou sans la décrire de façon précise. Il serait plus étrange encore de croire que toute condamnation nécessite un refus de comprendre, de peur que cette compréhension ne serve qu’à relativiser les choses et diminuer notre capacité de jugement. Mais que faire s’il est moralement impératif d’étendre notre condamnation à des crimes tout aussi atroces, qui ne se limitent pas à ceux mis en avant et répétés par les médias ? Quand et où doit commencer et s’arrêter notre acte de condamnation ? N’avons-nous pas besoin d’une évaluation critique et informée de la situation pour accompagner notre condamnation politique et morale, sans avoir à craindre que s’informer et comprendre nous transforme, aux yeux des autres, en complices immoraux de crimes atroces ?

    Certains groupes se servent de l’histoire de la violence israélienne dans la région pour disculper le Hamas, mais ils utilisent une forme corrompue de raisonnement moral pour y parvenir. Soyons clairs. Les violences commises par Israël contre les Palestiniens sont massives : bombardements incessants, assassinats de personnes de tous âges chez eux et dans les rues, torture dans les prisons israéliennes, techniques d’affamement à Gaza, expropriation radicale et continue des terres et des logements. Et ces violences, sous toutes leurs formes, sont commises sur un peuple qui est soumis à un régime colonial et à l’apartheid, et qui, privé d’État, est apatride.

    Mais quand les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard (Harvard Palestine Solidarity Groups) publient une déclaration disant que « le régime d’apartheid est le seul responsable » des attaques mortelles du Hamas contre des cibles israéliennes, ils font une erreur et sont dans l’erreur. Ils ont tort d’attribuer de cette façon la responsabilité, et rien ne saurait disculper le Hamas des tueries atroces qu’ils ont perpétrées. En revanche, ils ont certainement raison de rappeler l’histoire des violences : « de la dépossession systématique des terres aux frappes aériennes de routine, des détentions arbitraires aux checkpoints militaires, des séparations familiales forcées aux assassinats ciblés, les Palestiniens sont forcés de vivre dans un état de mort, à la fois lente et subite. » Tout cela est exact et doit être dit, mais cela ne signifie pas que les violences du Hamas ne soient que l’autre nom des violences d’Israël.

    (...) Si l’on nous demandait de comprendre la violence palestinienne comme une continuation de la violence israélienne, ainsi que le demandent les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard, alors il n’y aurait qu’une seule source de culpabilité morale, et même les actes de violence commis par les Palestiniens ne seraient pas vraiment les leurs. Ce n’est pas rendre compte de l’#autonomie d’action des Palestiniens.

    (...) La question de savoir quelles vies méritent d’être pleurées fait partie intégrante de la question de savoir quelles sont les vies qui sont dignes d’avoir une valeur. Et c’est ici que le racisme entre en jeu de façon décisive.

    (...) tous les gens que je connais vivent dans la peur de ce que va faire demain la machine militaire israélienne, si le discours génocidaire de Netanyahu va se matérialiser par une option nucléaire ou par d’autres tueries de masse de Palestiniens.

    https://aoc.media/opinion/2023/10/12/condamner-la-violence

    https://justpaste.it/9zy1v

    #Judith_Butler #violence #pleurer #Palestine #Hamas #Israël #discours_génocidaire

    • où l’on voit une intello BDS qui plane au point de penser que le Hamas se crée après les accords d’Oslo, sans voir que c’est bien avant 1987 qu’Israël à produit les conditions d’émergence d’une telle organisation. donc outre le fait de signaler ce « discours génocidaire » qui gouverne Israël, pas mal de bêtises de quelqu’un qui s’est débattu pour arriver à écrire dans l’après 7 octobre 2023, après l’attaque du Hamas.
      le point qui m’intéresse c’est celui qu’elle évoque trop rapidement : l’autonomie politique, celle des palestiniens en l’occurence, et ce depuis un aspect décisif qu’elle fait mine de résoudre par une « non-violence » ici encore absurde.

      on arrive bien à essentialiser « la violence » lorsque l’on est pas confronté en première personne à la question de son usage, de sa nécessité (ou que cet usage vous est garanti par la la force et la loi). ça nous donne des indignations qui loupent totalement le coeur du problème qu’exemplifie cette attaque du Hamas : de quelle type de violence use-t-on ? quelles limites est on a même de lui donner ? de quoi parle-t-on au juste, concrètement ?

      c’est sur ce point à mon sens que pour le Hamas la comparaison avec Daesh vaut quelque chose. un proto-État à moins encore de limites que bien des États (Hiroshima, Sétif, etc.) et se situe exactement dans le même registre : s’autoriser le massacre de civils.

      c’est la visée politique qui donne sa forme à la violence employée. le contenu vient avec : attentats massacre (extrême droite), pogroms (dont le Hamas vient de fournir un exemple qui surpasse spectaculairement, bravo ! ce que les meurtres quotidiens de palestiniens dans les territoires occupés donnent à voir).

      l’autonomie, se donner une, des lois, ce n’est pas l’État, cela a souvent voulu dire s’empêcher, autant que faire se peut, prendre des précautions (souvent coûteuses) et avant tout s’interdire le massacre sans distinction d’aucune sorte. c’est à ce titre que les organisations combattantistes des années 70 étaient critiqués non pas depuis des positions extérieures mais depuis d’autres usages de la violence révolutionnaire.

  • Le Hamas et le kibboutz - AOC media par Sylvaine Bulle
    https://aoc.media/analyse/2023/10/10/le-hamas-et-le-kibboutz

    J’avoue n’avoir jamais fréquenté de kibboutz, et je veux bien croire qu’une partie des personnes assassinées étaient de gauche, anarchistes, écologistes, démocrates, etc. mais cette lecture qui semble totalement effacer la dimension nationaliste et coloniale du kibboutz dans l’histoire israélienne (dont je suis loin d’être un expert) me parait assez hallucinante. Le dit mouvement démocrate, de son côté, vient de se rallier massivement au gouvernement et à la guerre totale contre Gaza, malgré il est vrai, des critiques sévères des dysfonctionnements militaires ayant permis à l’offensive d’atteindre un bilan aussi brutal.

    En mémoire des centaines de kibboutzik,
    assassiné-s, enlevé-es dans les kibboutzim de Be’eri et de Kfar Aza les 7 et 8 octobre 2023.
     

    Le kibboutz de Be’eri est un des plus anciens d’Israël. Au minimum cent de ses résidents y ont été assassinés vendredi et samedi 7 et 8 octobre 2023 par des membres du Hamas, ayant transpercé avec facilité la barrière de sécurité a peine distante de 5 kilomètres.

    D’autres ont été pris-es comme otages. Parmi ces victimes se trouvent en très grande majorité des activistes, pacifistes, anarchistes, écologistes, opposants à l’occupation des Territoires Palestiniens, et tout simplement des militants engagés dans la critique interne de l’État d’Israël et de sa pente illibérale. À quelques kilomètres de Be’eri, aujourd’hui dévasté, se tenait la rave-party de la paix. Elle comptait plus de mille jeunes (dont deux cent cinquante ont moins ont été assassinés), qui s’étaient rassemblés dans le cadre d’une manifestation libertaire et hippie, elle-même représentative d’une frange importante de la jeunesse israélienne et sorte d’illustration des zones d’autonomie temporaire[1]. Ce sont donc des voix de la démocratie qui ont été éteintes par la seule volonté du Hamas ou de ses troupes, ayant surgi au milieu d’espaces géographiquement proches de Gaza, mais généralement hors d’atteinte.

    Nous croyions cela impossible, mais c’est pourtant bien une symétrie qu’il faut opérer par l’analysé : entre d’un côté, les formes de vie libertaires, ou portées par des communautés alternatives, et de l’autre une armée politique et désormais militaire, agissant par cruauté.

    • Aoc c’est le ridicule de la gauche du centre, avec parfois des papiers.

      mais non, @arno, leur kif c’est de préparer une théocratie (l’une contre l’autre, en miroir, quitte à s’arranger, des deux côtés, avec le Veau d’or) dans laquelle ni les raveurs ni les pédés ni bien sûr les juifs n’auront leur place et où les femmes auront la leur, à condition de n’en pas bouger, et de fabriquer et élever des petits mecs et des génitrices. leur kif c’est d’exhiber des viols des meurtres de vieilles et d’enfants et des exactions en balançant des vidéos gore.

      si tu piges pas @arno pas que le massacre de civils - gauchistes ou pas- c’est pour le moins un souci, si tu ne le pige que lorsque c’est le résultat d’opérations armées d’Israël - soutien du Hamas ou pas - je ne peux que te plaindre vu le campisme, non pas « naïf » mais odieux dont tu sembles incapable de te départir.

      #administration_de_la_sauvagerie

    • Qu’est-ce qui te laisse croire que je défends le meurtre de civils quand c’est commis par le Hamas, ou que j’ignore que ce sont des ultra-réactionnaires ? Tu me fatigues avec tes imputations.

      Je me méfie du campisme, mais par contre ce que je vois systématiquement, à chaque conflit qui démarre, ce sont les articles écrits spécifiquement à destination de « la gauche » occidentale, pour expliquer que tel camp est ultra-réactionnaire (ce qui est vrai), alors que l’autre serait ultra-progressiste. Ce qui est généralement faux. On l’a à chaque fois, et pour le coup ça c’est un campisme proche du ridicule.

      Sinon, cette phrase :

      leur kif c’est d’exhiber des viols des meurtres de vieilles et d’enfants et des exactions en balançant des vidéos gore

      Tu fais référence à quoi ? J’ai vu passer la menace de tuer un otage à chaque bombardement, et oui tout le monde considère que ce serait un nouveau niveau dans l’horreur, mais je n’ai pas vu qu’ils l’avaient fait. Je n’ai pas vu qu’ils diffusaient des vidéos de viol « de vieilles et d’enfants », ni même de viols tout court.

    • ce qui me le « laisse croire » c’est cette manière de le minimiser, de ne pas en parler.
      je n’ai pas regardé beaucoup d’images de la propagande du Hamas, juste suffisamment pour savoir que je n’ai aucun rapport avec cette fierté d’einsatzgruppen que je vomis. ces amoureux de la mort, celle de leurs « martyrs » comme de celleux qu’ils immolent.
      voilà le réalisme dont je me prévaut pour ma part.

      edit il était question, avant tout, de meurtres de civils en fuite par centaines, traqués dans leurs refuges

      https://www.liberation.fr/checknews/de-nombreuses-videos-attestent-de-crimes-de-guerre-perpetres-par-le-hamas

      Parmi les premières images qui ont circulé samedi, une vidéo montrait le corps inerte d’une femme presque nue, gisant désarticulée à l’arrière d’un pick-up, tandis qu’un groupe de ravisseurs étaient assis autour d’elle. Deux hommes lui crachent dessus. Grâce à ses tatouages et ses dreadlocks, cette citoyenne de nationalités israélienne et allemande, a été identifiée comme l’une des participantes du festival de musique électronique où le Hamas a semé la mort.

      Ces images ont renforcé les craintes de viols qu’ont pu ou que pourraient subir les victimes de ces attaques. Le magazine conservateur américain The Tablet, spécialisé dans la culture juive, fait mention de viols de femmes à côté des cadavres de leurs amis, lors de la tuerie du festival. L’article a été très largement partagé sur les réseaux sociaux. Il ne repose sur le témoignage que d’un seul survivant.

      c’est plutôt lorsque l’on a le temps que le guerre s’accompagne de viols (pas souvenir de cas rapporté à propos de Tsahal, ils doivent être trop pressés).

      pour ce qui est du réalisme évoqué. deux écueils. sacraliser la vie. faire de la suppression d’une de ses manifestations un simple signe. ça ne vaut évidemment pas qu’en Palestine, où il semble que cela ne vaille plus rien, voire que cela devienne une manière de « marquer des points »

    • Mais ça fait des années qu’on est tous, ici, inquiets des risque des radicalisation du Hamas. Qui est certes ultra-réactionnaire dès ses origines, mais qui avait aussi une certaine rationalité politique, et qui était loin d’être Daesh.

      Et personne n’ignore que c’est un vrai risque, avec l’aggravation de la situation en Palestine et la volonté politique évidente (israélienne et internationale) de faire disparaître totalement le sort des palestiniens.

      Il y a ce matin une vidéo avec Dominique Vidal sur le Média, avec un autre spécialiste de la Palestine, qui conviennent que si le Hamas descend au niveau de Daesh, ça va être un coup terrible pour les Palestiniens eux-mêmes, et provoquer l’effondrement de la solidarité internationale (y compris arabe).

      Mais dans le même temps, il faut aussi se méfier des manipulations et des surinterprétations. Parce que c’est la guerre, et qu’on va être rapidement noyés dans des flots d’analyses justifiant les « victimes collatérales » (alors que, dans la doctrine israélienne, elles ne sont pas collatérales).

      En 2006, on a été en France submergés par un flot continu de pures fabrications qui ne servaient qu’à une chose : justifier le massacre des Libanais sous les bombes israéliennes. Et une partie non négligeable de ces fabrications étaient spécifiquement destinées aux gauches occidentales. Et les échanges avec mes amis progressistes libanais étaient à peu près à l’opposé de qu’on racontait aux « progressistes » occidentaux sur les interwebz.

      (Je ne sais pas si tu as compris que je suis marié à une Libanaise et que nos enfants portent des prénoms que l’on retrouve dans des chansons de Fayrouz et d’Asmahane. Je te dis ça pour que tu comprennes que ni sur le Liban, ni sur la Syrie, ni sur la Palestine, je ne « minimise » : je suis de plus en plus désespéré de la situation, et je pense que les belles indignations occidentales n’apporteront jamais que du malheur dans la région.)

    • à Haaretz et ailleurs on a du souligner l’ignominie de la terreur et des persécutions exercées à l’encontre des palestiniens des territoires occupés par des colons israéliens appuyés par Tsahal en utilisant le terme pogroms.
      c’est finalement le Hamas qui le 7 octobre aura, avec ces centaines de civils tués, le plus fidèlement approché le pogrom authentique.
      ils le doivent davantage à ces colons qu’à l’Iran.

    • c’est finalement le Hamas qui le 7 octobre aura, avec ces centaines de civils tués, le plus fidèlement approché le pogrom authentique.

      Mais encore une fois : objectivement, non. Le déséquilibre du nombre de morts est énorme. Ça a été rappelé ici par exemple :
      https://seenthis.net/messages/1020205

      Tu as peut-être raté cette interview de Simone Bitton :
      https://seenthis.net/messages/1020403

      Jamais la Palestine n’a eu cet honneur, alors que je peux vous rappeler une bonne dizaine d’épisodes avec plus de 500 morts palestiniens en deux jours. Des grand-mères et des enfants palestiniens massacrés, il y en a eu ! Les grand-mères israéliennes ne sont pas les premières, et croyez que mon cœur saigne pour elles !

      Sur la volonté délibérée de cibler les civils et les infrastructures civiles, là aussi c’est documenté :
      https://seenthis.net/messages/1020473

      La propagande absolument sidérante qui parvient à faire passer au niveau international les 300 morts et les 20 000 estropiés de la Marche du retour qui n’a donc ciblé que des manifestants palestiniens (bon sang : 2018-2019 et j’ai l’impression que c’est déjà totalement oublié) :
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Marche_du_retour

    • cela remonte à loin le désespoir, disons (tout légitimisme déférent pour l’OLP mis à part), depuis 1982. là où il y a des religieux, je préfère le « multiconfessionnel » avec des minoritaires, ici, des chrétiens, sur des postions avancées parce que minoritaires, experts de la minorité ! c’est ce qu’Israël a détruit en son sein (Scholem ? un marginal) comme à Sabra et Chatila

      je garde l’idée que la « solidarité arabe » a toujours été instrumentalisée par les états concernés. le nationalisme auquel était inévitablement (?) arrimé la diaspora palestinienne a évité beaucoup de souci à ces états durant les années 70.

      (ayant vécu de longues et belles années avec une femme d’origine libanaise, j’ai bien noté, @arno, ta/votre proximité avec le Liban)

      je suis pas indigné par le Hamas, je trouve ça répugnant. vomitif mis à part, ça laisse démuni. au point qu’façon trotskiste standard j’me dis qu’y faudrait que la révolution (palestinienne) change de direction. eh ! zut. j’ai 0 qualif de ce côté. fatigue.

    • non, j’ai pas raté Bitton, ni ce que tu mets en avant de la doctrine israélienne de la guerre asymétrique (en oubliant leurs consédération sur le fait que cela ne peut qu’être limité dans le temps sous peine de se retourner contre eux : indignation contre les crimes de guerre, discours humanitaires, etc). je sais pas combien de crédit temps le Hamas leur à donné cette fois. on va le découvrir.

      mais les pogroms, c’est pas affaire quantitative, je t’assure ! l’ambiance compte beaucoup ! par exemple ça compte beaucoup d’interrompre, de faire effraction dans la vie quotidienne, ordinaire (c’est pas des manifs qui sont visées dans un pogrom), ça compte beaucoup d’aller chercher des civils dans les caves, les chiottes, pas juste dans « l’espace public », c’est un marqueur tout spécial de domination.

    • à part ça il n’y a aucune « radicalisation » du Hamas. il n’iront jamais au fond ni à la racine de rien, de rien d’autre que leur nationalisme fondamentaliste religieux. le fond, ils l’ont touché d’emblée. je vois pas sur quoi ils pourraient rebondir (mention spéciale à l’inutilité du FPLP et tutti quanti).

  • Le nomadisme, un « exode urbain » invisibilisé ? - AOC media
    https://aoc.media/analyse/2023/10/05/le-nomadisme-un-exode-urbain-invisibilise

    Et si le fameux « exode urbain », surestimé depuis le Covid et les confinements, ne concernait pas d’abord et avant tout les cadres en télétravail (dont le style de vie reste ancré en ville) et les ménages disposant des ressources pour assurer leur « transition rurale » mais bien plutôt d’autres catégories de populations, dont le nouveau nomadisme est largement passé sous les radars des médias ?

    https://justpaste.it/bvma6

  • Rabah Ameur-Zaïmeche : « Alors se pose la question , quel Arabe préfère-t-on être ? » - AOC media
    https://aoc.media/entretien/2023/09/08/rabah-ameur-zaimeche-alors-se-pose-la-question-quel-arabe-prefere-t-on-etre

    Avec Le Gang des Bois du Temple, en salles depuis le 6 septembre, Rabah Ameur-Zaïmeche remixe le film de banlieue avec le polar de braquage et transfigure le quartier qu’il explorait enfant en un jeu de lumières et de couleurs quasi abstrait. Porté par la famille d’acteurs de ses films précédents Histoire de Judas (2015) et Terminal Sud (2019), ce septième long-métrage met en scène une troupe de Robins des bois de cité et le prince saoudien qui volent pour assurer à leurs proches un avenir plus doux. Cette confrontation à l’issue fatale révèle l’impossibilité de s’en remettre au hasard dans une économie mondialisée et implacable. Rabah Ameur-Zaïmeche revient sur ce monde en ruines dans lequel la cohabitation se révèle impossible entre ceux pour qui tout s’achète et ceux pour qui tout se paie. RP

    https://justpaste.it/az67v

    #cinéma

    • Nous avons tout de suite pressenti l’occasion lumineuse de pouvoir mettre en valeur l’antagonisme entre les oligarchies et nous, pauvres prolétaires… Car nous le sommes tous, que nous soyons ouvriers, employés, paysans, cadres, à partir du moment où nous ne possédons pas les outils de production. Et le film cherche clairement à embrasser un seul prolétariat, par delà toutes nos différences d’âge, de genre, de religion

  • La recherche « deepLisée » ou pourquoi il faut se méfier de la traduction automatique - AOC media
    https://aoc.media/opinion/2023/09/03/la-recherche-deeplisee-ou-pourquoi-il-faut-se-mefier-de-la-traduction-automat

    La recherche « deepLisée » ou pourquoi il faut se méfier de la traduction automatique
    Par Katharine Throssell

    POLITISTE, TRADUCTRICE
    Dans un contexte touché de plein fouet par les innovations apportées par l’IA, un nombre croissant de chercheurs, par manque de temps ou par contrainte budgétaire, ont recours à des outils de traduction automatique, avec des résultats dont ils ne semblent pas toujours se méfier. À tort.

    La critique est argumentée par de nombreux exemples qui font sens (ou plutôt qui illustre les contresens potentiels que peut générer l’usage d’un tel outil). Elle a aussi raison de souligner la nécessité de s’acculturer, et pas seulement de traduire : écrire en anglais, c’est discuter selon les canons du champ les pensées dominantes du champ... Pour autant, pour des chercheurs qui savent assez l’anglais pour repérer ces errements, quel gain de temps... et d’argent...
    #IA

  • #Francesco_Sebregondi : « On ne peut pas dissocier les violences policières de la question du racisme »

    Après avoir travaillé pour #Forensic_Architecture sur les morts d’#Adama_Traoré et de #Zineb_Redouane, l’architecte #Francesco_Sebregondi a créé INDEX, pour enquêter sur les #violences_d’État et en particulier sur les violences policières en #France et depuis la France. Publié plusieurs semaines avant la mort de Nahel M., cet entretien mérite d’être relu attentivement. Rediffusion d’un entretien du 22 avril 2023

    C’est en 2010 que l’architecte, chercheur et activiste Eyal Weizman crée au Goldsmiths College de Londres un groupe de recherche pluridisciplinaire qui fera date : Forensic Architecture. L’Architecture forensique avait déjà fait l’objet d’un entretien dans AOC.

    Cette méthode bien particulière avait été créée à l’origine pour enquêter sur les crimes de guerre et les violations des droits humains en utilisant les outils de l’architecture. Depuis, le groupe a essaimé dans différentes parties du monde, créant #Investigative_Commons, une communauté de pratiques rassemblant des agences d’investigation, des activistes, des journalistes, des institutions culturelles, des scientifiques et artistes (la réalisatrice Laura Poitras en fait partie), etc. Fondé par l’architecte Francesco Sebregondi à Paris en 2020, #INDEX est l’une d’entre elles. Entre agence d’expertise indépendante et média d’investigation, INDEX enquête sur les violences d’État et en particulier sur les violences policières en France et depuis la France. Alors que les violences se multiplient dans le cadre des mouvements sociaux, comment « faire en sorte que l’État même s’équipe de mécanismes qui limitent les excès qui lui sont inhérents » ? Si la vérité est en ruines, comment la rétablir ? OR

    Vous avez monté l’agence d’investigation INDEX après avoir longtemps travaillé avec Forensic Architecture. Racontez-nous…
    Forensic Architecture est né en 2010 à Goldsmiths à Londres. À l’origine, c’était un projet de recherche assez expérimental, pionnier dans son genre, qui cherchait à utiliser les outils de l’architecture pour enquêter sur les violations des #droits_humains et en particulier du droit de la guerre. La période était charnière : avec l’émergence des réseaux sociaux et des smartphones, les images prises par des témoins étaient diffusées très rapidement sur des réseaux souvent anonymes. La quantité d’#images et de #documentation_visuelle disponible commençait à augmenter de manière exponentielle et la démocratisation de l’accès à l’#imagerie_satellitaire permettait de suivre d’un point de vue désincarné l’évolution d’un territoire et les #traces qui s’y inscrivaient. La notion de #trace est importante car c’est ce qui nous relie à la tradition de l’enquête appliquée plus spécifiquement au champ spatial. Les traces que la #guerre laisse dans l’#environnement_urbain sont autant de points de départ pour reconstruire les événements. On applique à ces traces une série de techniques d’analyse architecturale et spatiale qui nous permettent de remonter à l’événement. Les traces sont aussi dans les documents numériques, les images et les vidéos. Une large partie de notre travail est une forme d’archéologie des pixels qui va chercher dans la matérialité même des documents numériques. On peut reconstituer les événements passés, par exemple redéployer une scène en volume, à partir de ses traces numériques en image.

    Quels en ont été les champs d’application ?
    À partir du travail sur les conflits armés, au sein de Forensic Architecture, on a développé une série de techniques et de recherches qui s’appliquent à une variété d’autres domaines. On commençait à travailler sur les violences aux frontières avec le projet de Lorenzo Pezzani et Charles Zeller sur les bateaux de migrants laissés sans assistance aux frontières méditerranéennes de l’Europe, à des cas de #violences_environnementales ou à des cas de violences policières… L’origine de notre approche dans l’enquête sur des crimes de guerre faisait qu’on avait tendance à porter un regard, depuis notre base à Londres, vers les frontières conflictuelles du monde Occidental. On s’est alors rendus compte que les violences d’État qui avaient lieu dans des contextes plus proches de nous, que ce soit en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou en Grèce, pouvaient bénéficier d’un éclairage qui mobiliserait les mêmes techniques et approches qu’on avait à l’origine développées pour des situations de conflits armés. Tout cela est en lien assez direct avec la militarisation de la #police un peu partout dans le Nord global, le contexte occidental, que ce soit au niveau des #armes utilisées qu’au niveau des #stratégies employées pour maintenir l’ordre.

    La France vous a ensuite semblé être un pays depuis lequel enquêter ?
    Je suis revenu vivre en France en 2018 en plein milieu de la crise sociale autour du mouvement des Gilets jaunes et de son intense répression policière. Dès ce moment-là, il m’a semblé important d’essayer d’employer nos techniques d’enquête par l’espace et les images pour éclairer ce qui était en train de se passer. On en parlait aussi beaucoup. En 2020, j’ai dirigé les enquêtes sur la mort d’Adama Traoré et de Zineb Redouane pour le compte de Forensic Architecture depuis la France avec une équipe principalement française. C’était une période d’incubation d’INDEX en quelque sorte. Ces enquêtes ont initié notre travail sur le contexte français en rassemblant des moyens et une équipe locale.
    On est aujourd’hui dans un rapport de filiation assez clair avec Forensic Architecture même si INDEX est structurellement autonome. Les deux organisations sont très étroitement liées et entretiennent des relations d’échange, de partage de ressources, etc. Tout comme Forensic Architecture, INDEX est l’une des organisations du réseau international Investigative Commons qui fédère une douzaine de structures d’investigation indépendantes dans différents pays et qui travaillent à l’emploi des techniques d’enquêtes en sources ouvertes dans des contextes locaux.

    Il existe donc d’autres structures comme INDEX ?
    Elles sont en train d’émerger. On est dans cette phase charnière très intéressante. On passe d’une organisation reconnue comme pionnière dans l’innovation et les nouvelles techniques d’enquête à tout un champ de pratiques qui a encore beaucoup de marge de développement et qui, en se frottant à des contextes locaux ou spécifiques, vient éprouver sa capacité à interpeller l’opinion, à faire changer certaines pratiques, à demander de la transparence et des comptes aux autorités qui se rendent responsables de certaines violences.

    On utilise depuis toujours le terme d’enquête dans les sciences humaines et sociales mais l’on voit aujourd’hui que les architectes, les artistes s’en emparent, dans des contextes tous très différents. Qu’est-ce que l’enquête pour INDEX ?
    On emploie le terme d’#enquête dans un sens peut-être plus littéral que son usage en sciences humaines ou en recherche car il est question de faire la lumière sur les circonstances d’un incident et d’établir des rapports de causalité dans leur déroulement, si ce n’est de responsabilité. Il y a aussi cette idée de suivre une trace. On travaille vraiment essentiellement sur une matière factuelle. L’enquête, c’est une pratique qui permet de faire émerger une relation, un #récit qui unit une série de traces dans un ensemble cohérent et convaincant. Dans notre travail, il y a aussi la notion d’#expertise. Le nom INDEX est une contraction de « independant expertise ». C’est aussi une référence à la racine latine d’indice. Nous cherchons à nous réapproprier la notion d’expertise, trop souvent dévoyée, en particulier dans les affaires de violences d’État sur lesquelles on travaille.

    Vos enquêtes s’appuient beaucoup sur les travaux d’Hannah Arendt et notamment sur Vérité et politique qui date de 1964.
    On s’appuie beaucoup sur la distinction que Hannah Arendt fait entre #vérité_de_fait et #vérité_de_raison, en expliquant que les vérités de fait sont des propositions qui s’appuient sur l’extérieur, vérifiables, et dont la valeur de vérité n’est possible qu’en relation avec d’autres propositions et d’autres éléments, en particuliers matériels. La vérité de raison, elle, fait appel à un système de pensée auquel on doit adhérer. C’est à partir de cette distinction qu’Arendt déploie les raisons pour lesquelles #vérité et #politique sont toujours en tension et comment la pratique du politique doit s’appuyer sur une série de vérités de raison, sur l’adhésion d’un peuple à une série de principes que le pouvoir en place est censé incarner. Ainsi, le pouvoir, dépendant de cette adhésion, doit tenir à distance les éléments factuels qui viendraient remettre en cause ces principes. C’est ce qu’on essaye de déjouer en remettant au centre des discussions, au cœur du débat et de l’espace public des vérités de fait, même quand elles sont en friction avec des « #vérités_officielles ».
    Du temps d’Hannah Arendt, le politique avait encore les moyens d’empêcher la vérité par le régime du secret. C’est beaucoup moins le cas dans les conditions médiatiques contemporaines : le problème du secret tend à céder le pas au problème inverse, celui de l’excès d’informations. Dans cet excès, les faits et la vérité peuvent se noyer et venir à manquer. On entend alors parler de faits alternatifs, on entre dans la post-vérité, qui est en fait une négation pure et simple de la dimension sociale et partagée de la vérité. Si on veut résister à ce processus, si on veut réaffirmer l’exigence de vérité comme un #bien_commun essentiel à toute société, alors, face à ces défis nouveaux, on doit faire évoluer son approche et ses pratiques. Beaucoup des techniques développées d’abord avec Forensic Architecture et maintenant avec INDEX cherchent à développer une culture de l’enquête et de la #vérification. Ce sont des moyens éprouvés pour mettre la mise en relation de cette masse critique de données pour faire émerger du sens, de manière inclusive et participative autant que possible.

    L’#architecture_forensique, même si elle est pluridisciplinaire, s’appuie sur des méthodes d’architecture. En quoi est-ce particulièrement pertinent aujourd’hui ?
    L’une des techniques qui est devenue la plus essentielle dans les enquêtes que l’on produit est l’utilisation d’un modèle 3D pour resituer des images et des vidéos d’un événement afin de les recouper entre elles. Aujourd’hui, il y a souvent une masse d’images disponibles d’un événement. Leur intérêt documentaire réside moins dans l’individualité d’une image que sur la trame de relations entre les différentes images. C’est la #spatialisation et la #modélisation en 3D de ces différentes prises de vue qui nous permet d’établir avec précision la trame des images qui résulte de cet événement. Nous utilisons les outils de l’architecture à des fins de reconstitution et de reconstruction plus que de projection, que ce soit d’un bâtiment, d’un événement, etc.

    Parce qu’il faut bien rappeler que vos enquêtes sont toujours basées sur les lieux.
    L’environnement urbain est le repère clé qui nous permet de resituer l’endroit où des images ont été prises. Des détails de l’environnement urbain aussi courants qu’un passage piéton, un banc public, un kiosque à journaux ou un abribus nous permettent de donner une échelle pour reconstituer en trois dimensions où et comment une certaine scène s’est déroulée. Nous ne considérons pas l’architecture comme la pratique responsable de la production de l’environnement bâti mais comme un champ de connaissance dont la particularité est de mettre en lien une variété de domaines de pensées et de savoirs entre eux. Lorsqu’on mobilise l’architecture à des fins d’enquête, on essaye de faire dialoguer entre elles toute une série de disciplines. Nos équipes mêmes sont très interdisciplinaires. On fait travailler des vidéastes, des ingénieurs des matériaux, des juristes… le tout pour faire émerger une trame narrative qui soit convaincante et qui permette de resituer ce qui s’est passé autour de l’évènement sous enquête.

    L’historienne Samia Henni qui enseigne à Cornell University aux États-Unis, et qui se considère « historienne des environnements bâtis, détruits et imaginés », dit qu’apprendre l’histoire des destructions est aussi important que celles des constructions, en raison notamment du nombre de situations de conflits et de guerres sur la planète. Quand on fait du projet d’architecture, on se projette en général dans l’avenir. En ce qui vous concerne, vous remodélisez et reconstituez des événements passés, souvent disparus. Qu’est-ce que ce rapport au temps inversé change en termes de représentations ?
    Je ne suis pas sûr que le rapport au temps soit inversé. Je pense que dans la pratique de l’enquête, c’est toujours l’avenir qui est en jeu. C’est justement en allant chercher dans des événements passés, en cherchant la manière précise dont ils se sont déroulés et la spécificité d’une reconstitution que l’on essaye de dégager les aspects structurels et systémiques qui ont provoqué cet incident. En ce sens, ça nous rapproche peut-être de l’idée d’#accident de Virilio, qui est tout sauf imprévisible.
    L’enjeu concerne l’avenir. Il s’agit de montrer comment certains incidents ont pu se dérouler afin d’interpeller, de demander des comptes aux responsables de ces incidents et de faire en sorte que les conditions de production de cette #violence soient remises en question pour qu’elle ne se reproduise pas. Il s’agit toujours de changer les conditions futures dans lesquelles nous serons amenés à vivre ensemble, à habiter, etc. En cela je ne pense pas que la flèche du temps soit inversée, j’ai l’impression que c’est très proche d’une pratique du projet architectural assez classique.

    Vous utilisez souvent le terme de « violences d’État ». Dans une tribune de Libération intitulée « Nommer la violence d’État » en 2020, encore d’actualité ces temps-ci, l’anthropologue, sociologue et médecin Didier Fassin revenait sur la rhétorique du gouvernement et son refus de nommer les violences policières. Selon lui, « ne pas nommer les violences policières participe précisément de la violence de l’État. » Il y aurait donc une double violence. Cette semaine, l’avocat Arié Alimi en parlait aussi dans les colonnes d’AOC. Qu’en pensez-vous ?
    Je partage tout à fait l’analyse de Didier Fassin sur le fait que les violences d’État s’opèrent sur deux plans. Il y a d’une part la violence des actes et ensuite la violence du #déni des actes. Cela fait le lien avec l’appareil conceptuel développé par Hannah Arendt dans Vérité et politique. Nier est nécessaire pour garantir une forme de pouvoir qui serait remise en question par des faits qui dérangent. Cela dit, il est important de constamment travailler les conditions qui permettent ou non de nommer et surtout de justifier l’emploi de ces termes.

    Vous utilisez le terme de « violences d’État » mais aussi de « violences policières » de votre côté…
    Avec INDEX, on emploie le terme de « violences d’État » parce qu’on pense qu’il existe une forme de continuum de violence qui s’opère entre violences policières et judiciaires, le déni officiel et l’#impunité de fait étant des conditions qui garantissent la reproduction des violences d’État. Donc même si ce terme a tendance à être perçu comme particulièrement subversif – dès qu’on le prononce, on tend à être étiqueté comme militant, voire anarchiste –, on ne remet pas forcément en question tout le système d’opération du pouvoir qu’on appelle l’État dès lors qu’on dénonce ses violences. On peut évoquer Montesquieu : « Le #pouvoir arrête le pouvoir ». Comment faire en sorte que l’État même s’équipe de mécanismes qui limitent les excès qui lui sont inhérents ? Il s’agit a minima d’interpeller l’#opinion_publique sur les pratiques de l’État qui dépassent le cadre légal ; mais aussi, on l’espère, d’alimenter la réflexion collective sur ce qui est acceptable au sein de nos sociétés, au-delà la question de la légalité.

    Ce que je voulais dire c’est que Forensic Architecture utilise le terme de « violences d’État » ou de « crimes » dans un sens plus large. Sur le site d’INDEX, on trouve le terme de « violences policières » qui donne une information sur le cadre précis de vos enquêtes.
    On essaye d’être le maillon d’une chaîne. Aujourd’hui, on se présente comme une ONG d’investigation qui enquête sur les violences policières en France. Il s’agit d’être très précis sur le cadre de notre travail, local, qui s’occupe d’un champ bien défini, dans un contexte particulier. Cela reflète notre démarche : on est une petite structure, avec peu de moyens. En se spécialisant, on peut faire la lumière sur une série d’incidents, malheureusement récurrents, mais en travaillant au cœur d’un réseau déjà constitué et actif en France qui se confronte depuis plusieurs décennies aux violences d’État et aux violences policières plus particulièrement. En se localisant et étant spécifique, INDEX permet un travail de collaboration et d’échanges beaucoup plus pérenne et durable avec toute une série d’acteurs et d’actrices d’un réseau mobilisé autour d’un problème aussi majeur que l’usage illégitime de la force et de la violence par l’État. Limiter le cadre de notre exercice est une façon d’éprouver la capacité de nos techniques d’enquête et d’intervention publique à véritablement amorcer un changement dans les faits.

    On a parfois l’impression que la production des observateurs étrangers est plus forte, depuis l’extérieur. Quand la presse ou les observateurs étrangers s’emparent du sujet, ils prennent tout de suite une autre ampleur. Qu’en pensez-vous ?
    C’est sûr que la possibilité de projeter une perspective internationale sur un incident est puissante – je pense par exemple à la couverture du désastre du #maintien_de_l’ordre lors de la finale de la Ligue des champions 2022 au Stade de France qui a causé plus d’embarras aux représentants du gouvernement que si le scandale s’était limité à la presse française –, mais en même temps je ne pense pas qu’il y ait véritablement un gain à long terme dans une stratégie qui viserait à créer un scandale à l’échelle internationale. Avec INDEX, avoir une action répétée, constituer une archive d’enquêtes où chacune se renforce et montre le caractère structurel et systématique de l’exercice d’une violence permet aussi de sortir du discours de l’#exception, de la #bavure, du #dérapage. Avec un travail au long cours, on peut montrer comment un #problème_structurel se déploie. Travailler sur un tel sujet localement pose des problèmes, on a des difficultés à se financer comme organisation. Il est toujours plus facile de trouver des financements quand on travaille sur des violations des droits humains ou des libertés fondamentales à l’étranger que lorsqu’on essaye de le faire sur place, « à la maison ». Cela dit, on espère que cette stratégie portera ses fruits à long terme.

    Vous avez travaillé avec plusieurs médias français : Le Monde, Libération, Disclose. Comment s’est passé ce travail en commun ?
    Notre pratique est déjà inter et pluridisciplinaire. Avec Forensic Architecture, on a souvent travaillé avec des journalistes, en tant que chercheurs on est habitués à documenter de façon très précise les éléments sur lesquels on enquête puis à les mettre en commun. Donc tout s’est bien passé. Le travail très spécifique qu’on apporte sur l’analyse des images, la modélisation, la spatialisation, permet parfois de fournir des conclusions et d’apporter des éléments que l’investigation plus classique ne permet pas.

    Ce ne sont pas des compétences dont ces médias disposent en interne ?
    Non mais cela ne m’étonnerait pas que ça se développe. On l’a vu avec le New York Times. Les premières collaborations avec Forensic Architecture autour de 2014 ont contribué à donner naissance à un département qui s’appelle Visual Investigations qui fait maintenant ce travail en interne de façon très riche et très convaincante. Ce sera peut-être aussi l’avenir des rédactions françaises.

    C’est le cas du Monde qui a maintenant une « cellule d’enquête vidéo ».
    Cela concerne peut-être une question plus générale : ce qui constitue la valeur de vérité aujourd’hui. Les institutions qui étaient traditionnellement les garantes de vérité publique sont largement remises en cause, elles n’ont plus le même poids, le même rôle déterminant qu’il y a cinquante ans. Les médias eux-mêmes cherchent de nouvelles façons de convaincre leurs lecteurs et lectrices de la précision, de la rigueur et de la dimension factuelle de l’information qu’ils publient. Aller chercher l’apport documentaire des images et en augmenter la capacité de preuve et de description à travers les techniques qu’on emploie s’inscrit très bien dans cette exigence renouvelée et dans ce nouveau standard de vérification des faits qui commence à s’imposer et à circuler. Pour que les lecteurs leur renouvellent leur confiance, les médias doivent aujourd’hui s’efforcer de convaincre qu’ils constituent une source d’informations fiables et surtout factuelles.

    J’aimerais que l’on parle du contexte très actuel de ces dernières semaines en France. Depuis le mouvement contre la réforme des retraites, que constatez-vous ?
    On est dans une situation où les violences policières sont d’un coup beaucoup plus visibles. C’est toujours un peu pareil : les violences policières reviennent au cœur de l’actualité politique et médiatique au moment où elles ont lieu dans des situations de maintien de l’ordre, dans des manifestations… En fait, quand elles ne touchent plus seulement des populations racisées et qu’elles ne se limitent plus aux quartiers populaires.

    C’est ce que disait Didier Fassin dans le texte dont nous parlions à l’instant…
    Voilà. On ne parle vraiment de violences policières que quand elles touchent un nombre important de personnes blanches. Pendant la séquence des Gilets jaunes, c’était la même dynamique. C’est à ce moment-là qu’une large proportion de la population française a découvert les violences policières et les armes dites « non létales », mais de fait mutilantes, qui sont pourtant quotidiennement utilisées dans les #quartiers_populaires depuis des décennies. Je pense qu’il y a un problème dans cette forme de mobilisation épisodique contre les violences policières parce qu’elle risque aussi, par manque de questionnements des privilèges qui la sous-tendent, de reproduire passivement des dimensions de ces mêmes violences. Je pense qu’au fond, on ne peut pas dissocier les violences policières de la question du racisme en France.
    Il me semble aussi qu’il faut savoir saisir la séquence présente où circulent énormément d’images très parlantes, évidentes, choquantes de violences policières disproportionnées, autour desquelles tout semblant de cadre légal a sauté, afin de justement souligner le continuum de cette violence, à rebours de son interprétation comme « flambée », comme exception liée au mouvement social en cours uniquement. Les enquêtes qu’on a publiées jusqu’ici ont pour la plupart porté sur des formes de violences policières banalisées dans les quartiers populaires : tirs sur des véhicules en mouvement, situations dites de « refus d’obtempérer », usages de LBD par la BAC dans une forme de répression du quotidien et pas d’un mouvement social en particulier. Les séquences que l’on vit actuellement doivent nous interpeller mais aussi nous permettre de faire le lien avec la dimension continue, structurelle et discriminatoire de la violence d’État. On ne peut pas d’un coup faire sauter la dimension discriminatoire des violences policières et des violences d’État au moment où ses modes opératoires, qui sont régulièrement testés et mis au point contre des populations racisées, s’abattent soudainement sur une population plus large.

    Vous parlez des #violences_systémiques qui existent, à une autre échelle…
    Oui. On l’a au départ vu avec les Gilets jaunes lorsque les groupes #BAC ont été mobilisés. Ces groupes sont entraînés quotidiennement à faire de la #répression dans les quartiers populaires. C’est là-bas qu’ils ont développé leurs savoirs et leurs pratiques particulières, très au contact, très agressives. C’est à cause de cet exercice quotidien et normalisé des violences dans les quartiers populaires que ces unités font parler d’elles quand elles sont déployées dans le maintien de l’ordre lors des manifestations. On le voit encore aujourd’hui lors de la mobilisation autour de la réforme des retraites, en particulier le soir. Ces situations évoluent quotidiennement donc je n’ai pas toutes les dernières données mais la mobilisation massive des effectifs de police – en plus de la #BRAV-M [Brigades de répression des actions violentes motorisées] on a ajouté les groupes BAC –, poursuivent dans la logique dite du « contact » qui fait souvent beaucoup de blessés avec les armes utilisées.

    Avez-vous été sollicités ces temps-ci pour des cas en particulier ?
    Il y aura tout un travail à faire à froid, à partir de la quantité d’images qui ont émergé de la répression et en particulier des manifestations spontanées. Aujourd’hui, les enjeux ne me semblent pas concerner la reconstitution précise d’un incident mais plutôt le traitement et la confrontation de ces pratiques dont la documentation montre le caractère systémique et hors du cadre légal de l’emploi de la force. Cela dit, on suit de près les blessures, dont certaines apparemment mutilantes, relatives à l’usage de certaines armes dites « non létales » et en particulier de #grenades qui auraient causé une mutilation ici, un éborgnement là… Les données précises émergent au compte-goutte…
    On a beaucoup entendu parler des #grenades_offensives pendant le mouvement des Gilets jaunes. Le ministère de l’Intérieur et le gouvernement ont beaucoup communiqué sur le fait que des leçons avaient été tirées depuis, que certaines des grenades le plus souvent responsables ou impliquées dans des cas de mutilation avaient été interdites et que l’arsenal avait changé. En fait, elles ont été remplacées par des grenades aux effets quasi-équivalents. Aujourd’hui, avec l’escalade du mouvement social et de contestation, les mêmes stratégies de maintien de l’ordre sont déployées : le recours massif à des armes de l’arsenal policier. Le modèle de grenade explosive ou de #désencerclement employé dans le maintien de l’ordre a changé entre 2018 et 2023 mais il semblerait que les #blessures et les #mutilations qui s’ensuivent perdurent.

    À la suite des événements de Sainte-Soline, beaucoup d’appels à témoins et à documents visuels ont circulé sur les réseaux sociaux. Il semblerait que ce soit de plus en plus fréquent.
    Il y a une prise de conscience collective d’un potentiel – si ce n’est d’un pouvoir – de l’image et de la documentation. Filmer et documenter est vraiment devenu un réflexe partagé dans des situations de tension. J’ai l’impression qu’on est devenus collectivement conscients de l’importance de pouvoir documenter au cas où quelque chose se passerait. Lors de la proposition de loi relative à la sécurité globale, on a observé qu’il y avait un véritable enjeu de pouvoir autour de ces images, de leur circulation et de leur interprétation. Le projet de loi visait à durcir l’encadrement pénal de la capture d’image de la police en action. Aujourd’hui, en voyant le niveau de violence déployée alors que les policiers sont sous les caméras, on peut vraiment se demander ce qu’il se passerait dans la rue, autour des manifestations et du mouvement social en cours si cette loi était passée, s’il était illégal de tourner des images de la police.
    En tant que praticiens de l’enquête en source ouverte, on essaye de s’articuler à ce mouvement spontané et collectif au sein de la société civile, d’utiliser les outils qu’on a dans la poche, à savoir notre smartphone, pour documenter de façon massive et pluri-perspective et voir ce qu’on peut en faire, ensemble. Notre champ de pratique n’existe que grâce à ce mouvement. La #capture_d’images et l’engagement des #témoins qui se mettent souvent en danger à travers la prise d’images est préalable. Notre travail s’inscrit dans une démarche qui cherche à en augmenter la capacité documentaire, descriptive et probatoire – jusqu’à la #preuve_judiciaire –, par rapport à la négociation d’une vérité de fait autour de ces évènements.

    Le mouvement « La Vérité pour Adama », créé par sa sœur suite à la mort d’Adama Traoré en 2016, a pris beaucoup d’ampleur au fil du temps, engageant beaucoup de monde sur l’affaire. Vous-mêmes y avez travaillé…
    La recherche de la justice dans cette appellation qui est devenue courante parmi les différents comités constitués autour de victimes est intéressante car elle met en tension les termes de vérité et de justice et qu’elle appelle, implicitement, à une autre forme de justice que celle de la #justice_institutionnelle.
    Notre enquête sur la mort d’Adama Traoré a été réalisée en partenariat avec Le Monde. À la base, c’était un travail journalistique. Il ne s’agit pas d’une commande du comité et nous n’avons pas été en lien. Ce n’est d’ailleurs jamais le cas au moment de l’enquête. Bien qu’en tant qu’organisation, INDEX soit solidaire du mouvement de contestation des abus du pouvoir policier, des violences d’État illégitimes, etc., on est bien conscients qu’afin de mobiliser efficacement notre savoir et notre expertise, il faut aussi entretenir une certaine distance avec les « parties » – au sens judiciaire –, qui sont les premières concernées dans ces affaires, afin que notre impartialité ne soit pas remise en cause. On se concentre sur la reconstitution des faits et pas à véhiculer un certain récit des faits.

    Le comité « La Vérité pour Adama » avait commencé à enquêter lui-même…
    Bien sûr. Et ce n’est pas le seul. Ce qui est très intéressant autour des #comités_Vérité_et_Justice qui émergent dans les quartiers populaires autour de victimes de violences policières, c’est qu’un véritable savoir se constitue. C’est un #savoir autonome, qu’on peut dans de nombreux cas considérer comme une expertise, et qui émerge en réponse au déni d’information des expertises et des enquêtes officielles. C’est parce que ces familles sont face à un mur qu’elles s’improvisent expertes, mais de manière très développée, en mettant en lien toute une série de personnes et de savoirs pour refuser le statu quo d’une enquête qui n’aboutit à rien et d’un non-lieu prononcé en justice. Pour nous, c’est une source d’inspiration. On vient prolonger cet effort initial fourni par les premiers et premières concernées, d’apporter, d’enquêter et d’expertiser eux-mêmes les données disponibles.

    Y a-t-il encore une différence entre images amateures et images professionnelles ? Tout le monde capte des images avec son téléphone et en même temps ce n’est pas parce que les journalistes portent un brassard estampillé « presse » qu’ils et elles ne sont pas non plus victimes de violences. Certain·es ont par exemple dit que le journaliste embarqué Rémy Buisine avait inventé un format journalistique en immersion, plus proche de son auditoire. Par rapport aux médias, est-ce que quelque chose a changé ?
    Je ne voudrais pas forcément l’isoler. Rémy Buisine a été particulièrement actif pendant le mouvement des Gilets jaunes mais il y avait aussi beaucoup d’autres journalistes en immersion. La condition technique et médiatique contemporaine permet ce genre de reportage embarqué qui s’inspire aussi du modèle des reporters sur les lignes de front. C’est intéressant de voir qu’à travers la militarisation du maintien de l’ordre, des modèles de journalisme embarqués dans un camp ou dans l’autre d’un conflit armé se reproduisent aujourd’hui.

    Avec la dimension du direct en plus…
    Au-delà de ce que ça change du point de vue de la forme du reportage, ce qui pose encore plus question concerne la porosité qui s’est établie entre les consommateurs et les producteurs d’images. On est dans une situation où les mêmes personnes qui reçoivent les flux de données et d’images sont celles qui sont actives dans leur production. Un flou s’opère dans les mécanismes de communication entre les pôles de production et de réception. Cela ouvre une perspective vers de formes nouvelles de circulation de l’information, de formes beaucoup plus inclusives et participatives. C’est déjà le cas. On est encore dans une phase un peu éparse dans laquelle une culture doit encore se construire sur la manière dont on peut interpréter collectivement des images produites collectivement.

    https://aoc.media/entretien/2023/08/11/francesco-sebregondi-on-ne-peut-pas-dissocier-les-violences-policieres-de-la-

    #racisme #violences_policières

    ping @karine4

    • INDEX

      INDEX est une ONG d’investigation indépendante, à but non-lucratif, créée en France en 2020.

      Nous enquêtons et produisons des rapports d’expertise sur des faits allégués de violence, de violations des libertés fondamentales ou des droits humains.

      Nos enquêtes réunissent un réseau indépendant de journalistes, de chercheur·es, de vidéastes, d’ingénieur·es, d’architectes, ou de juristes.

      Nos domaines d’expertise comprennent l’investigation en sources ouvertes, l’analyse audiovisuelle et la reconstitution numérique en 3D.

      https://www.index.ngo

  • Du #fascisme en France
    https://www.lemondemoderne.media/du-fascisme-en-france

    La tendance visant à installer un régime autoritaire est plus qu’évidente, avec les nombreuses censures des opposants, la violence de la répression contre les mouvements sociaux, et le pouvoir d’un seul sur un parti fantôme de figurants soumis à son autorité.

    Concernant l’attitude violente, les mauvaises pratiques de management et les nombreuses démissions pour harcèlement, sont légions au sein de la macronie. Dernier drame en date, un employé de l’Élysée, remercié à 50 ans après 23 ans de bons et loyaux services, s’est jeté sous un RER et demeure aujourd’hui dans un état critique. J’avais d’ailleurs alerté dès 2019 sur ce président de la violence qui n’a pas sa place en République.

    Il suffit donc de se référer à la définition officielle du fascisme pour se rendre compte que le macronisme est bien un fascisme au sens de sa définition politique.

    Il n’est plus nécessaire de se cacher derrière des pudeurs de gazelles pour nommer le mal qui défigure et torture la société française, toute négation serait simplement une condamnation de notre pays à la nuit.

    « L’ordre, l’ordre, l’ordre », a donc remplacé « liberté, égalité, fraternité ». Macron est un autocrate, qui a trahi son rôle de garant des institutions, pour en devenir le fossoyeur. Il assume sans vergogne ce rôle, en revendiquant l’autorité comme seule forme de ciment de la société française violentée par ses politiques de fracturation.

    • Ah ben ça n’a pas trainé !
      La « modération » ou la « censure » a encore frappé sur Seenthis ! :)))
      Mais il vaut mieux citer un article vide du bienveillant et de l’illustre Libé réservé aux abonnés que balancer des qualificatifs trop faciles de complotiste ou de rouge-brun pour nous faire comprendre qu’il faut éviter ici de référencer des articles du Monde Moderne...

    • @marielle Blablabla, un jour tu regarderas « qui parle » avant de crier à la « censure » (lol) et autres ouin ouin ?
      Tu manges vraiment à tous les rateliers…

      https://www.lignes-de-cretes.org/la-start-up-nation-insoumise-itineraire-rouge-brun-dun-patron-de-l

      Mais peu importe la source : quelqu’un qui décide de parler régulièrement sur Sud Radio ou Boulevard Voltaire, est-il quelqu’un a écouter avec complaisance, sans distanciation ?

      Non.
      Ou alors c’est qu’on a un soucis des seuils et curseurs où « tracer des lignes », comme disait Valérie Gérard.

    • on est pas sur l’oiseau mort. ce serait pas mal de s’essayer à minimum de justesse dans le propos, voire de précision. pour ma part, je reste souvent brouillon et vague, d’éventuelles remarques formulées par d’autres me sont fréquemment utiles, c’est aussi pour cela que je suis là.

      il n’y a là, ni « modération » ni « censure » [edit même avec des «  » pour faire passer la malveillance façon cool et distant] mais un nécessaire et bien minimal complément d’info, une démarche contributive absolument légitime qui fait tout le sel d’un site coopératif où la multiplicité des points de vue, centres d’intérêt, connaissances, permet de tabler sur une forme d’intelligence collective (nous n’en finirons jamais de lutter contre la bêtise).

      un point (pré)Godwin sur l’avant 1933 en Allemagne puisqu’il a été question des SA ici il y a peu, je t’invite @marielle à consulter cette notice https://fr.wikipedia.org/wiki/Nuit_des_Longs_Couteaux avec en arrière plan le souvenir non seulement de la défaite militaire de l’Allemagne (obviously) mais de la défaite des conseils. https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseils_d%27ouvriers_et_de_soldats en politique, la défaite, l’impuissance et la confusion ne sont pas que des manques, elles constituent le terreau de prises d’initiatives dont la maturation et la portée peuvent être inouïes.

      ce n’est qu’une analogie, mais nous existons davantage mal que bien dans une ambiance d’impuissance (à un niveau jamais égalé : crise écologique globale du capitalocène) et de défaites (l’affaissement des luttes victorieuses contre le colonialisme, les révolution arabes, les gilets jaunes, les mobilisations sociales, la droitisation/fascisation planétaire), une situation qui nous embarque et où l’on se retrouve vite noyé dans l’eau tiède de la « liberté d’expression » (de n’importe quoi). bon, la métaphore file pas, elle coule, puisque l’on se débat aussi dans les eaux glacées du calcul égoïste pendant que, grenouilles, nous attendons plus ou moins comateux de bouillir dans l’eau néolibérale et néofasciste qui progressivement chauffe.

      l’écueil nationaliste (un certain « commun ») conduit au naufrage. en France, disons depuis Chevenement, l’incapacité de la gauche à être autre chose que gouvernante et la débilité d’un anti-impérialisme campiste qui ruine toute perspective internationaliste ont permis à un #souverainisme composite de prendre ses aises, d’accoucher du laïcisme, de rappels à l’ordre divers (Roussel), d’un consensus xénophobe (actif ou passif) dans la classe politique (voir Ruffin qui a foot lorsqu’il s’agit d’Adama Traoré). poison.

      on disait autrefois « tout ce qui bouge n’est pas rouge », il en est de même dans la sphère des « idées » (susceptibles de devoir des forces matérielles), théories, prises de position, analyses, et de leur circulation (voir les cas Agamben, Stiegler et tant d’autres, dont, auparavant, les dirigeants maos ou trotskistes passés de la révolution à la gestion du capitaliste).

      donc oui, ce n’est pas seulement à cheval donné on ne regarde pas les dents mais aussi le vers est-il dans le fruit ?

      les oukases contre la recherche de la vérité sont non seulement contre révolutionnaires (et on peut ne pas s’en soucier) mais contre productifs.

      @rastapopoulos, #merci !

    • Tu manges vraiment à tous les rateliers…

      Non mais je rêve : on parle du fascisme et de la nature du macronisme dans cet article et ça ne mérite pas d’être référencé sous prétexte qu’Alexis Poulin s’exprime sur Sud Radio au même titre que Françoise Degois auquel vous accordez plus de crédit peut-être !
      De la distanciation je sais en faire preuve. Et je n’ai pas besoin de votre morale à deux balles et de votre jugement de bourgeois bien-pensants.
      Cet article je l’ai lu attentivement justement avant de le sélectionner car je m’attendais à ce genre de réaction de votre part.
      Et je n’ai pas été déçue ; j’attends plutôt des commentaires sur le fonds de l’article qui a également retenu l’attention de notre chère @monolecte. Voilà !

    • Je ne sais même pas qui est « Françoise Degois », et je ne vois absolument pas le rapport de pourquoi tu « pop » un nom random comme ça, sans rapport avec rien… wtf l’argument

      « Tout ce qui bouge n’est pas rouge » comme le rappel colporteur plus haut, mais on peut en faire une autre : « tout ce qui insulte de bourge n’est pas rouge » non plus haha…

      (il est vrai que mon flux public de seens postés et étoilés montre sans ambiguités des préoccupations bourgeoises et bien pensantes 😅 qu’est-ce qu’il faut pas lire…)

    • Le rapport c’est que Françoise Degois qu’on ne peut qualifier ni de complotiste ni de rouge-brune intervient aussi sur Sud Radio.
      C’est une socio-démocrate ex conseillère de Ségolène Royal.
      Je n’ai pas lu Valérie Gérard mais je connais l’essayiste Françoise Degois, par la fondation de son blog « Nos Lendemains » et aussi par la qualité de ses éditos sur son compte twitter (en provenance de Sud Radio ou LCI) que je n’écoute pas par ailleurs car je ne suis pas dupe...
      https://seenthis.net/messages/1011642

    • tu regardes le sale doigt sud radio et surtout tu voudrais que l’on se braque dessus, non merci. ta lune Poulin, ce vieux cheval de droite, ce chroniqueur sur Boulev@rd Voltaire, ses copinages avec V.A., son biz, ses buzzs et son idéologie, tu ne veux rien en savoir ou ça te parait ok ?

      La télé insoumise qui a brassé des rouges-bruns, des conspis, des chouaristes (avant que Chouard lui-même vienne y tenir des propos négationnistes), des frexiteurs, des pro-Assad, des souverainistes ! Et Poulin a intégré la vase dès la toute première émission et a vécu la grande époque de le Média, avant la crise Lancelin / Chikirou, cette époque bénie où tout le marigot rouge-brun des amis de la France Insoumise était uni et heureux, se délectait de nier les preuves des crimes d’Assad, d’inviter Jean Frédéric Poisson et Djordje Kuzmanivic, et d’interviewer Asselineau. Une interview menée par Alexis Poulin lui-même !

      C’est avec ce passage et son émission sur l’Europe que Alexis Poulin se prend de passion pour lui-même à la télévision. A partir de là il n’aura de cesse d’essayer d’intégrer les plateaux des télés. Sur le 28 minutes d’Arte en commençant par la tranche d’été. Puis via les plateaux et télés d’extrême droite ou surfant la vague réactionnaire : C-NEWS, Sud Radio pour parler “Laïcité” et bien évidemment, Russia Today. Et c’est ainsi que, de selfie avec Laurence Ferrari sur CNEWS, en opportunité de la tranche d’été du 28 minutes, et en resservant le discours souverainisto-rouge-brun appris grâce à le Média sur les ondes de Sud Radio, la société Monsieur Alexis Poulin fait fructifier son capital médiatique et devient “le journaliste Alexis Poulin, spécialisé dans les questions de politique internationale et invité régulier des plateaux d’Arte, de France 24, de France Info, de BFM TV, CNews, RCF et Sud Radio.” (ainsi qu’il est présenté ici).

      Cette histoire est aussi, bien entendu, celle de la percée du discours souverainiste et du recyclage des stars rouge-brunes ou simplement brunes. L’histoire d’Alexis Poulin est quelque part sur la même échelle que l’histoire de Zemmour sur C NEWS ou de Taddei sur Russia Today.

      https://www.lignes-de-cretes.org/la-start-up-nation-insoumise-itineraire-rouge-brun-dun-patron-de-l

    • Et c’est reparti ! En finir par continuer à jeter le discrédit sur toute la Fi la seule force de Gauche de rupture à pouvoir affronter ce qui vient avec l’aide de certains tout de même (NPA tendance claire, ContreAttaque, certains écolos...)

      Bravo les gars ! Il est temps de prendre des vacances et d’arrêter le fameux Blablabla ...

    • les rouges bruns n’existent pas puisque Djordje Kuzmanivic n’a jamais été viré de LFI.

      « la définition officielle du fascisme » est dans le Larousse :-) et il faudrait lire ce texte sans intérêt qui ramasse des bribes prises de ci de là pour « contester » un régime inféodé aux puissances étrangères et à la finance (suivez mon regard) au nom de la démocratie en se gargarisant du mot « français » écrit par un affairiste de sa petite personne. ce n’est pas sérieux.

    • Le directeur de Publication de Lignes-de-crêtes que vous citez souvent, Antoine Grégoire ( La Veille ) et le témoignage de Marie Peltier, historienne et spécialiste du complotisme, victime de harcèlement :
      https://twitter.com/Marie_Peltier/status/1535983031672004609

      Suite au podcast sur mon expérience d’emprise & vu le nombre de retours reçus : c’est j’espère la seule et dernière fois que j’exprimerai ceci. Au sujet du « collectif » Lignes de Crêtes et du harcèlement que je vis de la part de Antoine (Antonin) Grégoire depuis maintenant 3 ans

      « Face à un pervers manipulateur, la seule réaction est le mur le plus complet »

      https://mariepeltier.org/blog/article/militantisme-et-emprise-sectaire-sortir-du-silence
      C’est en tout cas ce qui m’a dévastée : réaliser que des personnes que j’admirais de tout mon cœur, en qui j’avais une confiance d’enfant, que je pensais les plus intègres et les plus cohérentes, étaient en réalité des impostures. Que tout n’était que posture précisément, et malveillance de surcroit.

      Marie Peltier, L’ère du complotisme : La maladie d’une société fracturée

      Quelqu’un qui harcèle sa collaboratrice pendant trois ans, est-il quelqu’un à lire avec complaisance, sans distanciation ?

      Non.

    • Merci @sombre j’aime guère Corcuff et ce Marlière là

      La notion [de confusionisme] sert à décrire, non un état, mais un processus ou une dynamique de recoupements de récits issus de traditions politiques différentes, souvent antagoniques. Et c’est dans ce clair-obscur discursif que surgissent des monstres idéologiques.

      m’avait échappé, alors même que la pandémie a radicalement relancé cette dynamique, et pour longtemps je le crains.

      @marielle il suffit de connaître des contributeurs de Lignes de crêtes pour ne pas leur accorder une confiance aveugle (litote). nombreux sont d’ailleurs les militants dont je me tiens à distance au vu des sordides rapports de pouvoir qu’ils cultivent. ça n’implique pas de ne faire aucun usage d’aspects tout à fait excellents de leur taf.

      quelque soient les nombreux désaccords fondamentaux avec LFI, je juge également l’arbre à ses fruits. ainsi cette organisation a-t-elle été dans l’ensemble correcte, malgré ses divisions internes sur ces enjeux, lorsqu’elle a refusé de manifester avec la police, souligné le racisme dont sont victimes les « musulmans », refusé de condamner les violences (des manifestants) à Sainte Soline. bien sûr, il s’agit pour une part de réalisme électoral (moissonner mieux du vote jeunes, des quartiers, prolos, répondre elle aussi à la contrainte subie par EELV d’avoir à suivre le mouvement écologiste réel, ...). autant de cas où je préfère le réalisme politique de LFI à son idéologie.

      l’unanimisme, ce n’est pas la fabrication attentive et patiente d’un accord, d’un consensus, dans les différences voire les contradictions, c’est un mensonge (et ça se voit). la politique c’est la division. ta manière, @marielle de jouer la forteresse assiégée ("vous vous en prenez à LFI, comme la drouate quoi"), a priori, pour préserver un minimum de confiance, justement, je ne peut la voir que comme une tactique stérilisante et malheureuse pour éviter de répondre aux questions posées sur le chauvinisme, le nationalisme et le confusionnisme (Poulin et son évitement constant de l’étranger - à coups de rabâchage du mot « français »- sauf sous la forme de la sujétion nationale, par ex.)

    • si, si, c’est bien ça :-)
      mais l’assemblage du logo de Renaissance en mode drapeau nazi, des jeunes du SNU, de l’air fourbe d’EM qu’on croirait sorti d’une caricature antisémite couplé avec l’invocation des méfaits des puissances de l’argent du nom de l’image, ça fait un peu trop pour moi

    • Inspection de l’image (menu contextuel avec Firefox)

      lemondemoderne.media/wp-content/uploads/2023/07/FRAIS-BANCAIRES-LARNAQUE-CONTINUE66.png

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  • De la toxicité du Pass Culture pour les bibliothèques et la lecture publique - AOC media
    https://aoc.media/opinion/2023/06/26/de-la-toxicite-du-pass-culture-pour-les-bibliotheques-et-la-lecture-publique

    Si la véritable justification politique de cette machine était la lecture de livres par les jeunes, l’État se devait de confier la plus grande partie des 75 millions d’euros à des initiatives publiques : au moins, chaque livre aurait été lu plusieurs fois et, en plus, en relation avec d’autres ! Les responsables du Pass Culture se félicitent d’avoir fait acheter 7,5 millions de livres mais ils oublient trop vite que le nombre de prêts de livres dans les bibliothèques s’élève à 213 millions (en 2018) et que les projets de « lire ensemble » sont légion bien que trop souvent pauvres dans leurs moyens.

  • Une révolte politique, fruit de la répression du militantisme dans les quartiers populaires
    https://aoc.media/analyse/2023/07/06/une-revolte-politique-fruit-de-la-repression-du-militantisme-dans-les-quartie

    Si la révolte qui a éclaté après la mort de Nahel s’avère très politique, c’est qu’elle se comprend comme une réponse à des décennies de marginalisation sociale de quartiers qui se sont peu à peu autonomisés, à mesure qu’ils étaient délaissés par les partis politiques. Or, la myriade d’organisations diverses qui les avait pris en charge a été très fragilisée ces dernières années, voire ouvertement attaquée par les pouvoirs publics.

    Les causes de l’embrasement qu’a connu la France la semaine dernière sont éminemment politiques. D’abord, car la mort de Nahel est indirectement le produit de la loi de 2017 qui a facilité le recours à la légitime défense et s’est traduite par une augmentation significative du nombre de tirs et de morts dans les interactions avec la police.

    Politique encore, en ce que la révolte est une réponse à des décennies de marginalisation sociale de ces quartiers. Contrairement à ce qu’avance une vulgate peu informée, malgré ses milliards la Politique de la ville n’est qu’une maigre compensation au fait que la République consacre moins de moyens à ces territoires qu’aux autres, que ce soit en termes d’éducation, de transports et plus généralement d’accès au service public. Des députés de droite et de la République en Marche l’avaient d’ailleurs reconnu en 2018 dans le cadre d’un rapport parlementaire sur la Seine-Saint-Denis[1].

    Les gouvernements successifs ont ainsi fait le choix répété de donner moins à ceux qui ont déjà moins. La colère cible dès lors d’abord les symboles d’un État qui a failli : commissariats, mairies, écoles. Dans le cadre de mes recherches, j’ai souligné la fréquence de la mention des élus, de l’État ou de « la France » quand les personnes identifient les causes des discriminations qu’elles subissent[2]. Le personnel politique est souvent jugé responsable des injustices : par inaction, en renvoyant les inégalités vécues à la responsabilité des habitants eux-mêmes ou en contribuant à la stigmatisation de ces territoires par leurs discours. Les habitants de ces quartiers ont bien conscience de la dimension politique de leurs problèmes.

    L’autonomie politique des quartiers populaires

    Mais pourquoi certains d’entre eux l’expriment-ils de façon si violente et auto-destructrice ? De fait, les élections sont rarement perçues comme un moyen d’améliorer son sort, fruit de décennies de promesses non tenues, notamment à gauche. Cette démobilisation électorale est renforcée par la distance sociale vis-à-vis d’élus auxquels on peine à s’identifier et dont on a le sentiment qu’ils ne peuvent comprendre ce que l’on vit. Au-delà, la gauche, qui continue de recueillir les suffrages de ceux qui votent, n’a historiquement entretenu qu’un rapport paternaliste ou clientéliste à ces quartiers, si bien que leurs habitants voient rarement les partis comme un moyen d’améliorer leur condition[3].

    Cette marginalisation par le système partisan explique que depuis les années 1980 les quartiers aient vu fleurir une myriade d’organisations autonomes visant à représenter leurs intérêts : le Mouvement Immigration Banlieue, le Forum social des quartiers populaires, le Front uni des immigrations et des Quartiers populaires, la Coordination pas sans nous, Comité Adama, le Front de mères, sans parler des dizaines de petites associations qui œuvrent localement dans ces quartiers… Ces acteurs ont permis d’offrir une voix aux habitants de ces quartiers, de défendre leurs intérêts quand personne ou si peu ne le faisait.

    Des corps intermédiaires fragilisés

    Or, ces corps intermédiaires sont aujourd’hui extrêmement fragilisés. Ils manquent de moyens financiers et ont été durement affectés par la suppression des emplois aidés en 2017. Plus encore, les modalités de financement des associations contribuent souvent à leur auto-censure et in fine leur dépolitisation, l’expression de critiques à l’égard des financeurs pouvant se traduire par des sanctions délétères. Le travail nécessaire d’éducation populaire pour structurer les colères n’est dès lors plus toujours opéré. Ces acteurs militants sont en outre souvent vus d’un mauvais œil par les pouvoirs publics : trop à l’image des habitants de ces quartiers, on les qualifie de « communautaristes », de « séparatistes », « d’islamistes »…

    Certaines associations, comme récemment Femmes sans frontières à Creil, ont ainsi perdu leurs financements, sans autre explication possible que la présence en leur sein de femmes portant un voile[4]. Les centres sociaux, dont on redécouvre aujourd’hui le rôle essentiel, ont aussi été attaqués. À Tourcoing, une MJC a dû fermer ces derniers mois après la perte de tous ses financements, sans autre justification que la présence pourtant légale de salariées portant un foulard en son sein. La Fédération nationale des centres sociaux a également été la cible de critiques acerbes de la ministre de la Vie associative, suite à une rencontre sur la lutte contre les discriminations avec des jeunes à Poitiers, qui avait semblé trop peu républicaine à son goût. Un rappel à l’ordre qui peut contribuer à la dépolitisation du travail social.

    Dans un autre domaine, celui du logement, central pour les résidents des banlieues, des associations ont aussi été ouvertement attaquées, accusées de communautarisme et exclues du système de représentation des locataires[5]. À Grenoble, l’Alliance citoyenne a fait l’objet d’une plainte par un bailleur du fait de son recours à la désobéissance civile. Récemment, à Roubaix, la mobilisation d’un collectif d’habitants contre un projet de rénovation urbaine qui leur impose de quitter leurs logements contre leur gré a été disqualifiée, se voyant reprochée d’être impulsée par des « dealers » et des « délinquants ». Quelques années plus tôt, la Table de quartier du Pile avait aussi perdu financements et local, suite au travail d’organisation de la colère d’habitants qui ne souhaitaient pas non plus quitter leur quartier[6]. Non seulement les fonds de l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) ne sont pas employés à stimuler la participation dans ces quartiers, mais la rénovation urbaine se fait le plus souvent contre elle. La dispersion des habitants induite par la rénovation urbaine brise les réseaux de solidarité informelle qui constituent à la fois un filet de sécurité sociale et le ferment de l’action collective dans ces territoires. Le choix de se concentrer sur la rénovation du bâti plutôt que sur le social depuis la création de l’ANRU en 2004 se paie aujourd’hui très cher.

    Des militants attaqués

    Ces exemples contrastent avec l’usage pour le moins erratique des fonds publics dans le cadre de la lutte contre le séparatisme orchestré par le Fonds Marianne, ayant servi à financer des associations à l’activité pour le moins discrète. Au-delà des questions financières, certaines organisations ont fait face à une répression plus frontale. Faut-il rappeler le traitement institutionnel qu’a connu le Comité Adama ces dernières années ? Plaintes en diffamation contre Assa Traoré, emprisonnement pour Bagui Traoré, attaques du président de la République les accusant de séparatisme… En juin 2020, ils n’avaient pourtant fait qu’organiser des manifestations pacifiques suite à la mort de George Floyd. Ces protestations d’ampleur contre les violences policières n’ont débouché sur aucune réforme des pratiques institutionnelles. Comment s’étonner dès lors que quand les voies traditionnelles d’expression de la colère sont bouchées celle-ci ne s’exprime autrement ?

    La loi « Séparatisme » est venue parachever ce processus en 2021, en institutionnalisant la défiance à l’égard des associations, via le Contrat d’engagement républicain et la facilitation des dissolutions. Avant cela, la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France – quand bien même le Conseil d’État avait reconnu qu’il n’était pas impliqué dans l’assassinat de Samuel Paty – a fait disparaitre une organisation structurée qui travaillait sur l’une des discriminations les plus durement ressentie dans ces territoires. Elle a été suivie par la dissolution du Collectif contre le racisme et l’islamophobie. Si les prises de position de ces acteurs parfois virulents ont pu heurter, elles incarnaient à leur manière, tout en permettant de la structurer, la colère qui habite les minorités françaises.

    Au-delà de la politisation ordinaire, quels débouchés politiques ?

    Ces quelques cas, loin d’être exhaustifs, font système. Plus que d’un rendez-vous manqué, ils témoignent de la répression institutionnelle des militants des quartiers. Celles et ceux qui seraient les mieux à même d’offrir un débouché pacifique et politique aux colères nées de discriminations et d’inégalités endémiques sont souvent perçus comme des ennemis de la nation[7]. Si le pouvoir actuel a radicalisé la gestion autoritaire des quartiers populaires, elle le dépasse et le précède, comme en témoigne la répétition des émeutes ces dernières décennies. Si l’on veut éviter que les mêmes révoltes ne se reproduisent dans cinq ou dix ans il faut s’attaquer aux racines politiques du mal. Réformer la police, permettre une éducation et des services publics de qualité, mais aussi transformer les pratiques démocratiques en changeant de regard et de rapport aux militants de ces quartiers qui réclament l’égalité.

    Les conséquences politiques pour le moins incertaines du soulèvement actuel imposent cependant d’aller au-delà du constat nécessaire de la politisation de l’émeute. Rappeler la politisation ordinaire des habitants des quartiers ne suffira pas, comme la crainte des violences n’a pas suffi à créer un rapport de force capable de faire bouger les lignes. Si la séquence actuelle rappelle le potentiel politique des quartiers populaires, l’organisation de la colère demeure un chantier ouvert.

    Julien Talpin

    Politiste, Chargé de recherche au CNRS

    L’interdiction de la marche de La VéritéPourAdama prévue samedi en est un nouvel exemple.

  • Burkina Faso : la situation « sécuritaire » saisie par les marges… et l’histoire - AOC media
    https://justpaste.it/cxmi2

    Après le départ des troupes françaises en février dernier, le gouvernement militaire de transition du Burkina Faso a annoncé une « mobilisation générale » et un plan de reconquête des territoires saisis par les groupes armés islamistes. Très répandu dans les médias, le prisme « sécuritaire » analyse les multiples crises que connaît le pays par les pathologies de l’État-nation. Les espaces périphériques seraient le prolongement malade du centre politique… Or pour comprendre le Burkina Faso, il faut inverser la perspective.

    #Burkina #Etat_Nation #Histoire #Guerre

  • YouTube : de la libre expression à l’acceptation des fausses informations - AOC media
    https://aoc.media/analyse/2023/06/20/youtube-de-la-libre-expression-a-lacceptation-des-fausses-informations

    Par l’auteur et l’autrice du livre « La Machine YouTube »

    YouTube a récemment modifié ses règles de modération des fausses informations électorales, laissant désormais libre cours aux vidéos qui reprennent des accusations infondées de fraude ou de trucage. Si la plateforme le justifie au nom du Premier amendement, c’est surtout du côté de son modèle économique qu’il faut aller chercher les véritables raisons d’un revirement qui réactive la crise épistémique de l’espace public états-unien.

    Les vidéos remettant en cause les résultats de la dernière élection présidentielle aux États-Unis, bannies de la plateforme depuis la proclamation officielle des chiffres du scrutin en décembre 2020, sont désormais accessibles : « we will stop removing content that advances false claims that widespread fraud, errors, or glitches occurred in the 2020 and other past US Presidential elections »[1]. Ainsi, peu importe que ces vidéos reprennent des accusations infondées de fraude ou de trucage, pour cette élection comme pour les précédentes, il s’agit pour la firme californienne de ne pas restreindre l’expression politique (« curtailing political speech »[2]).

    C’est donc indirectement sous la bannière du Premier Amendement de la Constitution que YouTube se place pour justifier un tel revirement. La plateforme s’inscrit à cet égard dans une tendance observable également chez ses concurrentes au cours de ces derniers mois, comme l’illustre de façon emblématique la réouverture du compte officiel de Donald Trump sur Twitter (novembre 2022), précédant la levée des restrictions sur sa chaîne YouTube (mars 2023).

    « Broadcast yourself », slogan des origines

    La première vidéo postée sur YouTube, en avril 2005, est l’œuvre de l’un des trois fondateurs de l’entreprise. Jawed Karim semble alors mettre lui-même en pratique le slogan « Broadcast Yourself » puisque, en l’occurrence, il rend librement accessibles les images de sa visite d’un zoo. En apparence très banale, cette vidéo inaugure un style de prise de vue et un esthétique amateur qui, adoptés par une myriade de vidéastes plus anonymes, deviendront la marque de fabrique de YouTube.

    Ces vidéos face cam – c’est ainsi que sera qualifié le genre icônique afférent –, ne relèveront toutefois pas de l’auto-diffusion au sens strict du terme. La diffusion (broadcast) n’est pas assurée par soi-même (self) mais par l’entremise de la plateforme. C’est elle qui, hébergeant les productions des vidéastes, les met dans le même temps à disposition des internautes. Le slogan masque donc cette intermédiation de YouTube, qui n’a pourtant rien de neutre. Elle conduit, par la mise au point des algorithmes de classement et de recommandation, à favoriser la « découvrabilité » de certaines vidéos. Plus encore, une telle intermédiation a pour finalité de tirer profit de cette activité.

    Dès lors YouTube réactive la crise épistémique de l’espace public états-unien, dont les racines remontent aux émissions d’ « agitateurs de droite extrême »[17] à la radio (Rush Limbaugh) et à la télévision (Tucker Carlson sur Fox News), mais qui s’est particulièrement manifestée en ligne lors de la présidentielle de 2016 au point d’annihiler les référents communs nécessaires au débat démocratique.

    Parce que les plateformes numériques occupent une place croissante dans l’espace public contemporain, leur capacité à organiser un débat de qualité est essentielle : « Some shared means of defining what facts or beliefs are off the wall and what are plausibly open to reasoned debate is necessary to maintain a democracy. »[18]. La trajectoire de YouTube peut laisser penser qu’une telle préoccupation démocratique passe le plus souvent après des considérations de nature économique, en dehors de circonstances très particulières. Or, un encadrement plus pérenne de ses contenus paraît légitime car la plateforme de vidéos prend une part croissante à la vie publique et procède à une modération de contenus de moins en moins éloignée des choix éditoriaux effectués par les médias traditionnels[19]. De la même manière que l’on exige par exemple, en France et depuis des années, une « maîtrise de leur antenne » par les médias audiovisuels[20], une régulation plus structurelle des plateformes numériques semble primordiale.

    Yvette Assilaméhou-Kunz
    PSYCHOLOGUE SOCIALE, MAÎTRESSE DE CONFÉRENCES EN PSYCHOLOGIE SOCIALE, IRMÉCCEN, UNIVERSITÉ SORBONNE NOUVELLE

    Franck Rebillard
    CHERCHEUR EN SCIENCES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION, PROFESSEUR EN SCIENCES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION À L’UNIVERSITÉ SORBONNE NOUVELLE ET CHERCHEUR/CO-FONDATEUR AU SEIN DE L’INSTITUT DE RECHERCHE MÉDIAS, CULTURES, COMMUNICATION ET NUMÉRIQUE (IRMÉCCEN)

    #YouTube #Liberté_expression #Economie_numerique

  • Fred Turner : « La technologie c’est d’abord des entreprises, et leurs relations avec les États » - AOC media
    https://aoc.media/entretien/2023/06/16/fred-turner-la-technologie-cest-dabord-des-entreprises-et-leurs-relations-ave

    Cela fait déjà dix ans que le livre majeur Aux sources de l’utopie numérique a paru en France, s’étant imposé comme une référence pour quiconque s’intéresse à la cyberculture et aux imaginaires projetés sur les technologies de l’information et de la communication. Ce « tour de force », ainsi que le présentait Dominique Cardon dans une préface remarquable et si précise, consistait à suivre l’itinéraire de Stewart Brand[1], et de réveiller, dans son sillage, tout un « monde » comme Howard Becker parlait des « mondes de l’art ». Ce monde, terrestre, rationnel, celui des Douglas Engelbart[2], des Richard Buckminster Fuller, n’a pourtant jamais oublié de regarder vers le ciel, vers le futur onirique rêvé des John Perry Barlow[3] ou Mitch Kapor[4] : entre ciel et terre existe rien moins qu’une civilisation, dont les enfants peuplent aujourd’hui la Silicon Valley.
    Après une carrière dans le journalisme, Fred Turner s’est tourné vers l’enseignement et la recherche. Il est aujourd’hui professeur de communication à l’université de Stanford. Dans un second livre tout aussi vibrant que le premier, Le Cercle Démocratique, Fred Turner montrait comment les dispositif multimédias autour desquels s’organisent de grandes expositions internationales au milieu du XXe siècle, répondent en quelque sorte à une question, posée par la théorie des médias à la démocratie américaine… Ainsi Margaret Mead, László Moholy-Nagy, John Cage venaient s’ajouter à cette longue généalogie d’intellectuels, d’ingénieurs et d’artistes qui mettent médias et techniques au service de la « personnalité démocratique ». On doit aussi à Fred Turner de nombreux articles à l’intersection entre art, science, marketing et théorie politique, dont certains sont regroupés dans L’usage de l’art[5], traitant du festival « Burning Man » comme des habillages par l’art contemporain des locaux de Facebook.

    En profitant de cet anniversaire pour lire ou relire les deux grands livres de Fred Turner, on leur découvre ce souffle commun, dont on sent qu’il inspirait déjà tous les pionniers du numérique. C’est peut-être ce « supplément », très spirituel, qui fait le génie des ouvrages de Turner, cette célébration, sans adhésion béate, de ce que fut une certaine jeunesse, celle qui voulait croire tout possible au sortir de la guerre, mais que canalisait une grande ambition démocratique. De cet optimisme, il faut à notre tour tirer des ressources morales, et bien du courage, pour affronter la dystopie numérique actuelle qui abâtardit tellement la cyberculture californienne. BT

    #Fred_Turner #Interview

  • Le Code de la rue, bien plus qu’une histoire de mobilité urbaine - AOC media
    https://aoc.media/analyse/2023/06/14/le-code-de-la-rue-bien-plus-quune-histoire-de-mobilite-urbaine

    Loin d’être seulement un plaidoyer pour le ralentissement, l’idée d’un Code de la rue marque un changement de philosophie crucial dans la gestion de la voie publique : les caractéristiques sociales se retrouvent au cœur du projet urbain, où l’on donne la priorité aux plus faibles et à la connexion non polluante au sein d’un espace public repensé comme tel.

    (avec une magnifique publicité en prime :)))
    #urbanisme #espace_public #circulation #citoyenneté

  • Se réapproprier la production de connaissance
    https://aoc.media/opinion/2023/05/17/se-reapproprier-la-production-de-connaissance

    Se réapproprier la production de connaissance
    Par Alexandre Monnin, Éric Tannier et Maël Thomas

    PHILOSOPHE , BIOLOGISTE ET INFORMATICIEN, PHILOSOPHE

    Face à la marchandisation de la recherche scientifique et sa possible mobilisation à des fins destructrices, la science ouverte, aveugle aux conditions d’utilisation des travaux de recherche, est au mieux impuissante, au pire contre-productive. Nous proposons au contraire la définition de communautés se réappropriant les enjeux de la propriété intellectuelle au service de la redirection écologique. Cette construction n’est pas un vœu pieux : elle existe déjà, en tant qu’outil juridique disponible pour tous.tes.

    Le physicien et membre éminent du parti communiste français Frédéric Joliot-Curie proposait en décembre 1945 que les scientifiques se missent en grève si leurs résultats étaient utilisés pour produire des applications qu’ils réprouvaient[1]. Non seulement il ressentait, comme beaucoup de ses pairs à l’époque, une responsabilité eu égard aux conséquences de la mise au point de l’arme atomique, mais il imaginait ainsi un moyen d’action pour exercer cette responsabilité. S’il pouvait s’enorgueillir de conséquences de ses travaux de recherche quand il les trouvait bénéfiques, preuve qu’après leur diffusion ils lui appartenaient encore un peu, il ne pouvait par conséquent se dédouaner des conséquences qu’il jugeait à l’inverse désastreuses.

    Le principe de la grève, destinée à empêcher certains usages de leurs résultats, n’a pas essaimé parmi les scientifiques[2]. Cependant, cette idée soulève aujourd’hui la question de l’exercice de la responsabilité des chercheurs et chercheuses face à la mobilisation à marche forcée de la production scientifique à des fins de croissance économique, au détriment de la production d’un savoir partagé et de l’écologie[1]. Sans exclure la grève, nous proposons d’employer un moyen d’action alternatif, autant symbolique que juridique, basé sur une réappropriation des enjeux de la propriété intellectuelle et des communs afin de définir à qui et à quoi chercheuses et chercheurs entendent destiner leurs productions.

    À qui appartiennent les résultats de la recherche scientifique ? Tout résultat « matérialisable » est protégé par le droit de la propriété intellectuelle, qui en attribue une part aux auteurs et une part à leurs employeurs. Une partie est soumise au secret des entreprises ou des États, quand les résultats touchent à des enjeux stratégiques pour la défense ou la compétitivité par exemple. En dehors de ces règles, l’habitude de la communauté scientifique est de reconnaître la maternité ou la paternité d’un résultat, mais pas sa propriété : les idées sont publiées puis libres de circuler et d’être reprises, modifiées ou utilisées par toutes et tous. Il s’agit autrement dit de ce qui passe pour un « commun », et le mouvement de la « science ouverte » accentue le détachement de fait entre les auteurs et leur œuvre – les travailleurs et leur production.

    Cependant, envisager la production de résultats scientifiques sous l’angle d’un commun nécessite de préciser les contours de la communauté d’utilisateurs et utilisatrices de ces résultats. En effet, la définition d’une communauté ou d’un collectif est à la base de la prise en charge des communs, popularisées par la politiste américaine Elinor Ostrom. Si à l’origine le commun est défini comme une ressource limitée nécessitant une politique de gestion pour la préserver, il a été étendu à toute ressource dont l’utilisation nécessite de s’accorder sur des principes politiques pour en réguler la gestion et la circulation, et en particulier la connaissance[4].

    La communauté avec laquelle construire une politique autour d’un commun scientifique varie en fonction des résultats produits, des endroits où ils le sont et de l’esprit qui préside à cette production. Il existe toutefois des tendances, que reflètent les modèles macro-économiques dont s’inspirent les politiques publiques : ces modèles pointent l’innovation technologique comme principal ressort de la croissance du PIB, et la recherche et développement (R&D) comme le moteur de cette innovation[5]. Ces modèles décrivent et contribuent à organiser un partage de la connaissance produite dans les laboratoires moins avec l’humanité toute entière qu’avec des acteurs politiques ou économiques intéressés par (ou intéressés à) la maximisation de la croissance. La forte corrélation entre la richesse et l’empreinte environnementale[6] remet en question cette alliance.

    Un exemple nous en est donné dans l’actualité technologique : un agent conversationnel comme ChatGPT utilise largement le corpus de publications mis à disposition par le mouvement de la science ouverte. Il est possible que les modèles de langage reposant sur l’apprentissage en deviennent un débouché important, sans que nous en maîtrisions les applications et les conséquences : uberisation croissantes des activités humaines (y compris l’activité scientifique ?), élimination des garde-fous concernant la vérification des résultats, promotion d’un type unique de pensée, déplacement de la production, et donc de l’autorité et du pouvoir, vers les pays et les entreprises productrices de ces modèles. Cet usage de la mise à disposition de nos résultats interroge notre rapport aux instruments de travail et la nécessité pour les chercheuses et chercheurs de s’en ressaisir.

    Nous proposons à la communauté scientifique de bâtir et d’employer un instrument juridique lui permettant de redéfinir et de se réapproprier les finalités de son travail. Il est issu de la propriété littéraire et artistique, sous le régime de laquelle sont produits les résultats scientifiques (documents, données, logiciels) depuis le XIXe siècle[7]. Les droits d’auteur limitent les droits à « exploiter » une œuvre de l’esprit afin d’assurer une rémunération aux autrices et aux auteurs. Si l’exploitation, en matière d’œuvres d’art, consiste principalement à les copier ou à les représenter (d’où le copyright anglo-saxon), l’exploitation d’une œuvre scientifique se caractérise avant tout par son utilisation. L’enjeu est donc de construire un droit d’usage (UsageRight). Non pas, en l’occurrence, pour se ménager la possibilité d’une rémunération mais pour empêcher les usages que l’on réprouve (le droit moral des œuvres d’art explore d’ailleurs en partie cette possibilité).

    Le droit d’usage est inspiré des licences éthiques, inventées par la programmeuse de logiciels et activiste américaine Coraline Ada Ehmke. Elles proposent de définir de potentielles communautés utilisatrices des logiciels, soit par exclusion (certains usages sont interdits et certaines institutions exclues), soit par inclusion (l’usage est réservé à une communauté définie).

    Nous proposons de restreindre l’usage de nos productions (qui sont déclinées en documents, données et logiciels) à une communauté constituée de membres (individus ou collectivités) qui auraient publié leurs engagements en faveur de la redirection écologique[8]. Nous entendons ainsi interdire l’usage de nos productions à des fins destructrices.

    Notre proposition est aussi une manière de redéfinir avec quels partenaires nous voulons faire de la science et selon quelles modalités

    Comme Joliot-Curie en son temps, (et en accord avec la constitution française, précisant dans sa charte de l’environnement, Article 1 : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » et Article 9 : « La recherche et l’innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l’environnement ») nous ne sommes pas d’accord avec l’utilisation inconsidérée des résultats de la recherche. Demander cet engagement, c’est définir une communauté non pas selon des valeurs morales construites à l’avance, ni des frontières tracées par les concepteurs, mais selon une volonté de construire collectivement une trajectoire vers un mode de production et un mode de vie soutenable, en respectant les spécificités de chaque membre de ce collectif.

    L’instrument proposé est une licence comportant trois volets, chacun adapté à un type de production. Les brevets en sont exclus car ils sont d’ores et déjà susceptibles d’être utilisés dans le même but[9], et la licence sert précisément à protéger les résultats non brevetés. La licence propose de tracer des frontières perméables autour d’une communauté qui se définit elle-même par l’exclusion des pratiques destructrices. Elle donne le droit d’usage de la production à cette communauté et le prohibe au-delà.

    En choisissant une licence, nous entendons donner prise à l’un des fondements des communs qui supposent la mise en place de procédures de punition en cas de non-respect des obligations auxquelles les membres du collectif souscrivent. La jurisprudence ne reconnaît pas encore d’interdiction d’usage pour des raisons éthiques mais les textes de loi le permettent (davantage en raison d’un vide juridique que d’une disposition explicite à ce stade)[10].

    Par cette définition principalement exclusive d’une communauté utilisatrice, notre proposition est aussi une manière de redéfinir avec quels partenaires nous voulons faire de la science et selon quelles modalités : pas seulement entre nous, scientifiques, ou avec les industriels ou les politiques, mais avec les collectivités, associations, citoyen.nes, paysan.nes, consommateur.rice.s, amateur.rice.s de science, toutes et tous « parties prenantes » et partenaires de l’activité de recherche.

    Cette proposition n’est pas exclusive d’une réflexion plus large sur la réappropriation des moyens de production de la recherche ; au contraire, elle peut et doit la précéder en contribuant à poser l’enjeu à nouveaux frais. En effet, une licence juridique peut être le support de revendications politiques, auprès des tutelles, souvent exprimées dans le monde de la recherche au bénéfice d’une science tout à la fois plus autonome (au sens propre du terme) mais aussi – et sans contradiction – plus impliquée socialement car moins soumise à des agendas qui ne devraient pas être les siens.

    Les licences restrictives contrarient le mouvement de la science ouverte, populaire chez les scientifiques, qui aiment partager leurs résultats, et les institutions, qui entendent en faciliter la circulation et l’utilisation. Elles établissent des barrières, ou plutôt une « membrane semi-perméable[11] », autour de nos recherches. Car l’ouverture n’est pas en soi un concept désirable si l’on n’a pas à l’avance défini à qui et pour quoi nous voulons ouvrir la science. Le partage bien compris nécessite que soient définies ses conditions.

    Cette réappropriation des conditions du partage constitue à son tour une étape sur le chemin de l’autonomie et de la réappropriation des conditions de production de la recherche. Nous comprenons l’efficacité de la science ouverte du point de vue de la diffusion ainsi que l’agrément de l’absence de barrière pour l’accès aux ressources mais nous entrevoyons aussi le danger d’une prolétarisation de la production scientifique, le danger que nos créations nous échappent et que nous en soyons réduits, comme plusieurs physiciens en 1945, à regretter d’avoir contribué à construire une bombe.

    Cette initiative constitue donc une main tendue aux partisan·es de la science ouverte, en leur soumettant un cadre propre à maintenir l’idée généreuse d’ouverture tout en la dissociant des forces économiques dans lesquelles elle a été jusqu’ici encastrée. Aujourd’hui la communauté scientifique documente elle-même le potentiel destructeur de l’utilisation de sa production à des fins de croissance[12]. Cessons de l’alimenter.

    En pratique, comment faire : Pour être membre utilisateur de la communauté, publiez une description de votre position ou de vos engagements en tant que scientifiques dans la redirection écologique. Plusieurs exemples figurent sur le site compagnon. 2/ Pour être membre producteur de la communauté, apposez sur vos publications, rapports, présentations, logiciels, bases de données, une mention ou le logo UsageRight, à la manière dont Camille Noûs est mentionnée dans la liste des auteurs et autrices de certains articles afin de souligner le caractère collectif de l’entreprise scientifique.

    Nous voulons ici mettre en avant le fait que la recherche s’intéresse aussi aux destinées du monde. Cette mention aura une valeur symbolique et juridique : il sera possible de dénoncer et d’attaquer en justice les usages avérés contraires au contrat établi. L’utilisation d’une licence sur les logiciels est soumise à l’approbation de l’institution employeuse car celle-ci partage les droits d’auteur avec la productrice ou le producteur du logiciel. L’État cherche également à réguler les usages de licences. La nécessité d’initier des négociations collectives avec les institutions à la fois au sujet de la protection des résultats de la recherche et de leur engagement en matière de redirection, constituera, nous en formulons le vœu, un bénéfice supplémentaire de cette démarche.

    Un ensemble de développements sur le sujet de cet article, avec le texte des licences, est disponible ici.
    https://pbil.univ-lyon1.fr/members/tannier/usageright/accueil_fr.html
    Des cas d’utilisation fictifs sont imaginés ici https://pbil.univ-lyon1.fr/members/tannier/usageright/Usages_fr.html.

    #science_ouverte #commun #droit_d_usage

  • Le macronisme, la loi et le quotidien - AOC media
    https://aoc.media/opinion/2023/05/09/le-macronisme-la-loi-et-le-quotidien

    Le macronisme, la loi et le quotidien

    Par Jérôme Lèbre
    Philosophe

    Le macronisme repose sur une loi supérieure à toutes les règles de droit, avec laquelle on ne peut absolument pas transiger : la nécessité elle-même. C’est ainsi que le sage Macron et sa réforme nécessaire se détachent de la foule des insensés, centrés sur leur plaisir et aveugles aux lois de ce monde. Et au moment où le macronisme entend tourner la page de la réforme des retraites en se reportant sur notre « quotidien » qu’il entend améliorer, nous avons encore plus de souci à nous faire.

    https://justpaste.it/cmn3z