• Il faut « interdire la collecte de données personnelles en ligne »
    http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2018/02/06/il-faut-interdire-la-collecte-de-donnees-personnelles-en-ligne_52526

    Analyse. Le plus grand danger, à long terme, estime le journaliste du « Monde » Damien Leloup, est celui de créer des sociétés habituées à la surveillance de masse permanente, dans laquelle tout libre arbitre disparaît dans les bases de données de quelques entreprises géantes.

    Or, des Exxon-Valdez [du nom du pétrolier américain qui répandit 38 000 tonnes de pétrole sur 1 300 km de côtes en Alaska en 1989] de données, il y en a tous les jours. Il ne se passe pas 24 heures sans que l’on apprenne le vol d’une gigantesque base de données, la collecte illégale d’informations médicales ou sur des mineurs par une grande société en ligne, ou l’utilisation de ces données pour débusquer des opposants politiques ou vendre des informations ou des produits frelatés.

    Risque de s’habituer à la surveillance de masse

    Et le pire est à venir. Nous n’en sommes qu’aux balbutiements de notre savoir en matière d’analyse des données. Ce que nous savons déjà faire devrait nous terrifier : on peut, aujourd’hui, déterminer assez précisément l’orientation sexuelle d’une personne en fonction de ses « likes » sur Facebook, ou savoir si une femme est enceinte en fonction de l’évolution de ses comportements d’achat en ligne.

    Mais ces fonctionnalités, déjà dignes d’un mauvais épisode de la série télévisée britannique dystopique Black Mirror, ne sont qu’un avant-goût de ce qui nous attend alors que la quantité de données produites et collectées, et notre capacité à les analyser, grandit chaque jour. Demain, peut-être votre assureur pourra-t-il savoir si vous avez un risque de pathologie cardiaque en se basant sur vos achats Amazon, ou savoir en temps réel que vous rendez visite à votre amant(e).

    Pour éviter ce futur cauchemardesque, il existe une solution, qui n’est certainement pas de proposer à chacun de monétiser lui-même ses données contre quelques centimes d’euros. C’est l’interdiction pure et simple de la collecte de données personnelles en ligne. Les mouchards dont sont remplis tous les sites Web et les applications ne vous servent pas à grand-chose, à vous consommateur et citoyen, à part une vague personnalisation de services sans grande valeur ajoutée.

    Il ne s’agit pas d’interdire aux entreprises de détenir un fichier client, ou de faire de la publicité : si vous voulez donner votre date de naissance à votre supermarché ou à votre compagnie d’assurance, il n’y a aucun problème : les lois actuelles vous protègent de manière claire et simple. Mais cela vaut-il la peine d’être géolocalisé en permanence au mètre près, pour permettre à une grande surface de vous proposer des promotions lorsque vous entrez dans son magasin ?

    Mais l’or noir, direz-vous, c’est aussi de la croissance, des emplois, du PIB ! En fait, non, ça ne l’est pas, ou si peu. Pire : la collecte massive de données personnelles a introduit des distorsions de concurrence à une échelle rarement vue dans l’histoire récente. Aucune PME aujourd’hui ne peut prétendre utiliser elle-même le data : elle est contrainte de passer par les services des géants du Web.

    Ecrire, comme le font les auteurs de la tribune publiée dans Le Monde, que « dénoncer la monétisation, c’est nier une réalité économique, puisque nos données sont de facto devenues objets de commerce », c’est faire preuve d’une méconnaissance fondamentale du sujet.

    Mais l’or noir, direz-vous, c’est aussi de la croissance, des emplois, du PIB ! En fait, non, ça ne l’est pas, ou si peu. Pire : la collecte massive de données personnelles a introduit des distorsions de concurrence à une échelle rarement vue dans l’histoire récente. Aucune PME aujourd’hui ne peut prétendre utiliser elle-même le data : elle est contrainte de passer par les services des géants du Web.

    Ecrire, comme le font les auteurs de la tribune publiée dans Le Monde, que « dénoncer la monétisation, c’est nier une réalité économique, puisque nos données sont de facto devenues objets de commerce », c’est faire preuve d’une méconnaissance fondamentale du sujet.

    #Données_personnelles #Economie_influence