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  • Le projet EuropaCity tente de redorer son image, Le Monde

    Les promoteurs présentent le nouveau visage du complexe commercial et de loisirs situé au nord de Paris

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    660 C’est, en hectares, la superficie totale du Triangle de Gonesse, dans le Val-d’Oise. Sur ces champs céréaliers situés entre les aéroports de Roissy et du Bourget, 260 hectares doivent être urbanisés pour créer EuropaCity et un immense parc d’affaires et d’activités comprenant jusqu’à 800 000 m2 de bureaux. Une urbanisation prioritaire programmée depuis les années 1990 par le schéma directeur de la région, pour éviter l’artificialisation non maîtrisée de terres agricoles ailleurs en Ile-de-France. Les 400 hectares restant garderaient leur vocation agricole.
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    Tout tenter pour se défaire de l’image de mégacentre commercial qui colle à la peau du projet : les promoteurs d’EuropaCity, ce complexe de 80 hectares de loisirs, d’hôtels et de commerces dans le Triangle de Gonesse (Val-d’Oise), devaient présenter, vendredi 9 février, les nouveaux habits d’architecture et d’urbanisme censés rendre cet investissement plus lisible et plus acceptable. « Le plan est désormais ouvert sur l’extérieur, plus urbain, comme un véritable quartier avec ses rues, ses places, une diversité d’architectures », estime Benoît Chang, le directeur général d’Alliages et Territoires, la société qui porte le projet.

    Attendu au tournant par des opposants très actifs, fragilisé par l’incertitude qui pèse sur la ligne 17 du métro du Grand Paris, condition de sa réalisation, EuropaCity entre dans une année charnière. Ses investisseurs – le groupe Auchan et le conglomérat chinois Wanda –, qui prévoient d’y dépenser la bagatelle de 3,1 milliards d’euros, doivent décider, dans les semaines qui viennent, leur stratégie face au report annoncé du Grand Paris Express.

    Le métro devait à l’origine desservir le Triangle de Gonesse en 2024, permettant l’ouverture d’EuropaCity l’année des Jeux olympiques (JO). Un calendrier probablement repoussé à 2026 ou à 2027. Inutile, donc, pour Alliages et territoires de démarrer le chantier en 2020 comme prévu…

    « Le problème, c’est moins les deux ou trois ans de portage financier supplémentaires que l’incertitude permanente : qu’est-ce qui nous garantit que cet arbitrage ne sera pas de nouveau remis en cause dans deux ans ? L’expérience du - projet d’aéroport - de Notre-Dame-des-Landes - Loire-Atlantique - nous donne à réfléchir… », explique Benoît Chang.

    Si les actionnaires ne changent pas de cap, la société doit déposer, d’ici à la fin de l’année, la demande de permis de construire auprès de la ville de Gonesse – le maire, Jean-Pierre Blazy (PS), soutient ardemment l’arrivée sur son territoire de cette infrastructure, promesse de ressources fiscales et de 10 000 emplois.

    Les plans dévoilés vendredi dessinent le visage d’EuropaCity tel qu’il figurera dans la demande de permis. Alliages et territoires avait, en septembre 2017, annoncé l’organisation d’un concours d’architecture pour revoir le projet conçu l’architecte danois Bjarke Ingels, qui donnait l’impression d’un unique et immense bâtiment, entre mall géant et soucoupe volante. M. Ingels, qui restera l’auteur de la grande halle d’exposition à l’entrée du site, a corrigé le plan urbain, et une trentaine d’architectes invités ont travaillé sur huit bâtiments. Leurs propositions ont été départagées fin janvier par un jury réunissant les actionnaires, la mairie de Gonesse et l’aménageur du Triangle, l’établissement public Grand Paris Aménagement.

    Autour d’espaces publics accessibles à tous depuis la future gare du Grand Paris Express, les bâtiments jouent avec le thème des vertes collines imaginé par Bjarke Ingels : toiture ondulante de la halle d’exposition, émergences telluriques en acier rouillé du centre culturel dévolu au 7e art signé UNStudio, bâtiment-paysage d’alpages de l’hôtel et du centre culturel pour enfants de Franklin Azzi…

    On y retrouve le programme initial d’EuropaCity, avec une salle de concerts au toit en forme de belvédère dominant le site et à la façade transparente, un centre des congrès, un cirque contemporain surmonté d’un chapiteau blanc, un parc aquatique de 13 000 mètres carrés, cinq hôtels, du trois au cinq étoiles, totalisant 2 000 chambres. Sans oublier un parc à thème et un parc des neiges avec piste de ski, parcours de freestyle et cascade de glace. « Les réseaux de chaleur et de froid seront mutualisés pour récupérer un maximum d’énergie, comme pour les piscines-patinoires parisiennes », assure Alliages et Territoires.

    « Renforcer la place de Paris »
    Pas d’hypermarché et pas d’édifice consacré au commerce : les 230 000 mètres carrés de boutiques sont disséminés dans les rez-de-chaussée de l’ensemble des bâtiments. Mais leur surface totale dépasse la superficie cumulée des centres commerciaux situés dans un rayon de cinq kilomètres.

    Pour les dirigeants d’Alliages et territoires, le complexe va tout à la fois « renforcer la place de Paris sur le marché mondial du tourisme, servir de démonstrateur de la ville durable, réinventer les secteurs en pleine mutation de l’hôtellerie, des loisirs et du commerce, changer l’image de ce territoire en difficulté ».

    Les opposants au projet, réunis dans un Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG), rejettent l’urbanisation de ces terres agricoles sur 260 hectares – outre EuropaCity, la construction d’un vaste quartier d’affaires y est aussi programmée – et défendent la mutation des cultures céréalières intensives en zone de maraîchage.

    Ils ont trouvé de nouvelles raisons d’espérer. « L’arrêt du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes comme l’abandon de l’Exposition universelle – pour laquelle le Triangle de Gonesse s’était d’ailleurs porté candidat – montrent qu’il y a un gouvernement capable de prendre des décisions favorables à l’environnement. Espérons qu’il aura le même courage pour EuropaCity », avance Bernard Loup, le président du CPTG. Le collectif continue de faire entendre sa voix pendant l’enquête publique menée jusqu’au 21 février pour décider si l’urbanisation du Triangle doit être déclarée d’intérêt public. Il pourrait ensuite attaquer le permis de construire.

    « Tout est ubuesque »
    Pour l’heure, les opposants se félicitent des conclusions du rapporteur public lors de l’audience du tribunal administratif de Cergy, le 6 mars 2017, qui examinait une requête du CPTG contre l’arrêté préfectoral de création de la zone d’aménagement concerté (ZAC). Dans ses conclusions, le rapporteur indiquait notamment que l’étude d’impact est « suffisante quoique perfectible », requérant une « annulation partielle, conditionnelle et différée ». Le jugement a été mis en délibéré au 20 février.

    Sur le fond, le CPTG espère encore bloquer le projet, en attaquant et la création de la ZAC et celle de la future ligne 17. « Tout est ubuesque dans ce dossier : on va faire une ligne de métro pour un projet qui ne tient lui-même que par l’existence d’une nouvelle gare et de cette ligne 17. Et les porteurs du projet se vantent de faire une ferme urbaine de 7 hectares, alors qu’ils vont rendre artificielles des centaines d’hectares de terres agricoles, c’est ridicule », avance M. Loup.

    « Des terres agricoles, le groupe Auchan, des Chinois… les opposants ont en main tous les ingrédients pour raconter une histoire facile », déplore Benoît Chang, les yeux rivés sur les images de synthèse de ses futurs bâtiments. Comme sur le front judiciaire, la bataille de communication n’est pas terminée.

    Grégoire Allix, et Rémi Barroux