• Le rapport téléguidé pour justifier le démantèlement de la #SNCF
    https://www.mediapart.fr/journal/france/150218/le-rapport-teleguide-pour-justifier-le-demantelement-de-la-sncf

    Ouverture à la concurrence, changement de statut pour les #Cheminots, abandon des petites dessertes : les grandes lignes de la réforme du ferroviaire programmée par #Emmanuel_Macron sont connues. Elles se retrouvent comme par magie dans le rapport remis ce jeudi au premier ministre. Une resucée des idées rabâchées depuis trente ans, sans aucun projet innovant.

    #France #Economie #Aménagement_du_territoire #Jean-Cyril_Spinetta #régimes_spéciaux #Service_public #transport_ferroviaire

  • SNCF : neuf propositions-chocs et une révolution dans le rapport Spinetta
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2018/02/15/sncf-neuf-propositions-chocs-et-une-revolution-dans-le-rapport-spinetta_5257

    Les petites lignes sur la sellette
    Pour M. Spinetta, il faut « recentrer le transport ferroviaire sur son domaine de pertinence : les transports du quotidien en zone urbaine et périurbaine et les dessertes à grande vitesse entre les principales métropoles françaises ». Adieu le tortillard de campagne ! « Il paraît impensable de consacrer près de 2 milliards d’euros à seulement 2 % des voyageurs, grondent les auteurs du rapport. Le maintien des lignes héritées d’une époque où le transport ferroviaire était l’unique moyen de déplacement doit être revu. »

    J’admets, sélection très partiale dans ces propositions…

    • Entendu ce matin en effet sur france inter et M. Spinetta ajoute en direct que « le public est en zone périurbaine, c’est donc là que le service public doit se déployer ». On nous enfonce à coup de marteau dans le crâne la notion de rentabilité, on inscrit la rentabilité non plus globalement mais par ligne. Dans ces conditions, il n’y a plus de raison de financer des « lignes non rentables ». Mais la rentabilité seule peut elle jouer le rôle de politique publique, d’aménagement du territoire. On dirait que oui.

  • Le jeune geek qui concurrence le bitcoin

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2018/02/15/le-jeune-geek-qui-concurrence-le-bitcoin_5257146_3234.html

    Vitalik Buterin, un jeune Canadien d’origine russe, est l’inventeur de l’ether, une monnaie électronique qui connaît un succès planétaire dans l’ombre du bitcoin, dont il a amélioré le modèle.

    San Francisco, Moscou, Singapour, Paris, New Delhi, Bombay, Séoul, Londres, Tokyo, Haïfa, Hong­kong, Shanghaï, Cancun… Depuis un an, Vitalik Buterin, 23 ans, voyage beaucoup, et semble disposé à tenir ce rythme encore longtemps. A ceux qui veulent savoir dans quel pays il habite, ce Canadien d’origine russe explique, sur son site personnel, vivre « dans les avions de la compagnie Cathay Pacific ». Il parcourt le monde de conférences en séminaires, pour vanter les mérites de l’ether, la cryptomonnaie électronique qu’il a inventée à l’âge de 19 ans, et d’Ethereum, la plate-forme chargée de gérer les transactions en ethers et les applications liées à cette monnaie.

    Le jeune homme n’a pourtant rien d’un gourou charismatique. Visage d’adolescent, corps long et maigre, il apparaît toujours vêtu d’un jean et d’un tee-shirt bon marché – lui dont la fortune se compte en millions de dollars. Certains le trouvent parfois étrange et solitaire, voire un rien autiste, mais ceux qui ont travaillé avec lui sont unanimes : c’est un génie singulier, au QI exceptionnel. Il parle vite, sur un ton à la fois intense et décontracté, parfaitement à l’aise sur tous les sujets liés aux monnaies électroniques : technique, théorie, prospective… S’il s’exprime le plus souvent en anglais, il maîtrise le russe, un peu le français, et s’initie depuis quelque temps au chinois grâce à une appli sur son téléphone.

    Contrairement à l’inventeur du bitcoin, ­soucieux de rester anonyme, Vitalik Buterin assume sa célébrité. Il se pose même en leader intellectuel de la communauté Ethereum, un groupe sans frontières, fort de plusieurs dizaines de milliers de personnes, développeurs, entrepreneurs, ingénieurs, militants libertaires, spéculateurs, ainsi que des professionnels issus de la finance classique. Partout où il va, il fait salle comble. Ses interventions, diffusées sur YouTube et Facebook, sont analysées, commentées, car ses avis ont presque force de loi. Entre deux conférences, il trouve le temps de rencontrer des dirigeants mondiaux, y compris, en juin 2017, le président russe Vladimir Poutine, en marge du forum économique de Saint-Pétersbourg.

    Décentralisation générale, l’idéologie des hackers

    Né en 1994 en Russie, Vitalik Buterin arrive à Toronto (Canada) à l’âge de 6 ans, quand ses parents parviennent à émigrer. Dès l’enfance, grâce à son père informaticien, il se tourne vers les ordinateurs. Il pratique beaucoup le jeu en ligne World of Warcraft. Dans une mini-autobiographie humoristique publiée sur un site personnel, il confie d’ailleurs que la création d’Ethereum a germé dans son esprit à la suite d’un événement traumatisant pour lui : en 2010, la société propriétaire de World of Warcraft modifie la règle du jeu (en limitant les super-pouvoirs d’un sorcier), sans consulter les fans :

    « J’ai longuement pleuré avant de m’endormir, et ce jour-là j’ai découvert les horreurs provoquées par les systèmes centralisés. Peu après, j’ai décidé d’abandonner ce jeu. »

    En 2011, à 17 ans, il découvre le bitcoin, première monnaie électronique, et la technologie révolutionnaire qui le sous-tend : la « blockchain », répertoire unique de toutes les transactions, hébergée et gérée collectivement, de façon transparente et décentralisée, par la communauté des utilisateurs. Plus besoin de banques ou d’Etats, jugés encombrants et dominateurs : pour garantir la fiabilité des transactions, il suffit de « faire confiance aux mathématiques ».

    Devenu un expert dans ce domaine, Vitalik Buterin crée une publication intitulée Bitcoin Magazine, qui le fait connaître dans ce milieu. Très vite, il adopte les convictions des hackeurs et des pionniers de cryptomonnaies, selon lesquels le monde contemporain souffre d’une grave maladie : la centralisation des pouvoirs politique et économique, couplée à l’opacité des mécanismes de décision. Le remède serait donc la décentralisation générale – un mode de gouvernance participatif, transparent, plus efficace et plus équitable. Dans ce scénario, les Etats sont perçus comme des adversaires ou des obstacles à surmonter, jamais comme des alliés. Les militants de la décentralisation en réseau sont persuadés de pouvoir réaliser leur rêve grâce à une « arme » révolutionnaire, la block­chain.

    Une gamme étendue de services automatisés

    En 2012, Vitalik Buterin commence des études d’informatiques à l’université de Waterloo (Ontario), mais, au bout d’un an, il se dit qu’il progressera davantage en s’éduquant lui-même : « Mes projets de cryptomonnaie me prenaient trente heures par semaine, alors j’ai arrêté la fac. J’ai fait le tour du monde, j’ai exploré de nombreux projets de cryptomonnaie, et j’ai fini par comprendre qu’ils étaient tous trop centrés sur des applications spécifiques, pas assez généralistes. » C’est ainsi qu’il se lance dans la conception d’Ethereum, une blockchain multi-usage plus sophistiquée que celle du bitcoin, définie comme un « réseau de création de monnaie décentralisée combiné à une plate-forme de développement de logiciels ».

    Concrètement, Ethereum offre une gamme étendue de services automatisés fondés sur des « contrats intelligents », c’est-à-dire « des applications fonctionnant exactement comme elles ont été programmées, sans possibilité de panne, de censure, de fraude ni d’interférences ». Ainsi, on peut programmer des paiements pour une date ultérieure, lancer des campagnes de financement, gérer des titres de propriété, des places de marché, et même des sociétés par actions. Au-delà, Ethereum peut servir de plate-forme pour des élections en ligne, et devenir un outil de démocratie directe.

    Quand il publie une première ébauche de son projet, en 2014, il est aussitôt rejoint par des codeurs et des mathématiciens enthousiastes, prêts à l’aider à l’affiner et à le concrétiser. Des investisseurs issus de la finance classique et de la Silicon Valley décident également de s’associer à lui. Avant même d’exister, Ethereum repose ainsi sur des bases solides. La construction de la plate-forme se fera grâce à une campagne de financement en bitcoins.

    Les cours s’envolent

    A l’été 2015, les développeurs ayant travaillé à titre bénévole sur le projet reçoivent gratuitement des lots d’ethers. Les autres peuvent en acheter. Surprise : cette mystérieuse monnaie attire aussitôt toutes sortes de spéculateurs. Sa valeur atteint d’emblée 1,35 dollar. Pendant un an, la montée du cours est lente, mais, à compter du printemps 2017, tout s’accélère : en juin, l’ether vaut environ 400 dollars. Ensuite, le cours s’affole dans les deux sens, mais, à partir de décembre, il connaît une nouvelle flambée : à la mi-janvier 2018, il dépasse les 1 300 dollars, avant de retomber autour de 800 dollars (environ 650 euros) début février. Les 98 millions d’ethers en circulation sont déposés dans près de 25 millions de comptes anonymes, et les transactions quotidiennes dépassent les 3 milliards de dollars. L’ether a déjà fait des millionnaires, dont Buterin lui-même, qui assure son train de vie en vendant des lots d’ethers.

    Aujourd’hui, son Ethereum est hébergée de manière collective dans plus de 27 000 ordinateurs répartis dans le monde entier. Parallèlement, près de 20 000 nouveaux ethers sont fabriqués chaque jour par des « mineurs », des professionnels possédant des batteries d’ordinateurs dotés de cartes graphiques puissantes. Leur travail consiste à inscrire les transactions des utilisateurs sur la blockchain en résolvant des équations. Pour cela, ils sont rémunérés en ethers.

    Entre-temps, plusieurs compagnons de la première heure du jeune homme se sont impliqués dans le projet. Parmi eux, le Canadien Joseph Lubin, un roboticien reconverti dans la finance chez Goldman Sachs puis dans un hedge fund, un fonds spéculatif. Dès 2015, il a créé à New York la société ConsenSys, incubateur de start-up Ethereum et agence de conseil pour les entreprises et administrations désireuses de se lancer dans l’aventure de la blockchain.

    Il finance des start-up travaillant sur la « blockchain »

    Parallèlement, pour structurer le projet, ­Buterin et ses associés lancent la Fondation Ethereum. Afin d’échapper dès à présent à l’emprise des grands Etats fortement réglementés, ils décident de la domicilier en Suisse, dans le canton de Zug, connu pour offrir des conditions avantageuses aux sociétés financières internationales. Ils montent aussi l’association Enterprise Ethereum Alliance, chargée de nouer des partenariats avec des entreprises intéressées par la technologie de la blockchain. Par ailleurs, Buterin participe à la gestion de la société chinoise Fenbushi, un fonds d’investissement consacré au financement de start-up travaillant sur la blockchain.

    Grâce à ces diverses structures, des centaines de jeunes entrepreneurs lancent des opérations de financement participatif pour créer des start-up Ethereum. Certains projets sont sérieux et innovants. D’autres, farfelus ou carrément malhonnêtes, parviennent à gruger des novices. Depuis peu, certains Etats tentent de réglementer ou d’interdire ces levées de fonds sauvages mais, à ce jour, elles se poursuivent. La vie d’Ethereum n’est pas pour autant sans risque : la plate-forme a déjà été victime de piratages sophistiqués et de vols massifs. Heureusement, dans cet univers, tout est possible, y compris les voyages dans le temps : en remontant dans la blockchain jusqu’à la veille de la date d’un vol d’ethers, Buterin et ses codeurs ont réussi, en 2016, à restituer aux victimes une partie des fonds dérobés.

    Face aux tricheries, au déchaînement spéculatif et à la prolifération des applications dénuées de toute ambition « décentralisatrice », il tente d’abord de calmer le jeu, et d’encourager les start-upeurs à se tourner vers des applications utiles au public. Fin 2017, il se met à tirer le signal d’alarme, désolé de constater la cupidité, l’immaturité et l’arrogance de certains acteurs : « Si tout ce que nous accomplissons, ce sont des mèmes ­ [éléments propagés massivement sur le Net] sur les Lamborghini et des blagues infantiles sur les pets foireux, je m’en irai. »

    Cryptologie et thé vert

    Mais ce coup de blues semble passager. ­Début 2018, il est toujours aux commandes, et travaille à améliorer Ethereum, notamment la confidentialité des transactions et leur vitesse d’exécution. Il va aussi mettre fin au « minage » actuel, qui utilise trop de machines et d’électricité, et le remplacer par un système de création monétaire plus souple, cogéré par les principaux détenteurs d’ethers.

    En attendant, il demeure un geek authentique. Il n’a pas de temps à consacrer aux mondanités ni aux vieux médias, et discutera bien plus volontiers avec un codeur inconnu pour décortiquer, entre initiés, un problème technique. A l’entendre, sa vie est d’une absolue sagesse : sa « drogue » favorite serait le thé vert, sa religion la cryptologie. Côté politique, il se définit comme un cuckservative (terme inventé par les militants d’extrême droite américains pour désigner les conservateurs modérés contaminés par les idées libérales). Il pratique aussi l’autodérision : « Mon passe-temps préféré est le countersignalling », une attitude faussement humble consistant à se mettre en valeur en affichant une extrême simplicité. Autant dire qu’il devrait rester fidèle aux tee-shirts bariolés.