• Dans la situation qui est la nôtre, les impératifs de budget sont très secondaires. Nous devons prendre du surplomb : toute réforme politique contient un choix de vie. Le choix de vie contenu dans la réforme Delevoye est insupportable : il consiste à ajouter à l’effondrement écologique en cours un effondrement de ce qui reste des solidarités (certes imparfaites car pensées sur des bases obsolètes) du XXème siècle.

      #retraites #soutenable

  • Pour l’abolition de la retraite !

    https://lavoiedujaguar.net/Pour-l-abolition-de-la-retraite

    Mon père a attendu toute sa vie sa retraite pour, disait-il, pouvoir enfin faire ce qui lui plaisait. Il n’a pu « profiter » de sa pension et de son temps que pendant quelques mois... Cela pour souligner que, si on ne peut pas profiter de la vie avant l’âge de la retraite, ce n’est pas après que cela sera vraiment possible.

    La retraite est une vaste escroquerie, un miroir aux alouettes, le colifichet que l’on agite aux salariés pour les aider à supporter une réalité économique quotidienne de plus en plus vide de sens pour une majorité d’entre nous. La retraite n’a jamais consisté en une « récompense » d’une vie de labeur et de renonciation : elle ne consiste au final qu’à prendre acte qu’au-delà un certain point la « machine humaine » n’est plus assez rentable, plus assez fiable, plus assez souple, que son taux de pannes devient contre-productif… Ce n’est pas un hasard si l’âge de départ à la retraite correspond en gros à l’espérance de vie en bonne santé…

    Ce qui se joue aujourd’hui dans ce dernier projet en date de réforme des retraites, c’est la détermination de ce seuil de compromission entre les besoins en main-d’œuvre des grands acteurs de l’économie et la soutenabilité de sa charge financière pour les finances d’État (...)

    #retraite #travail #vie #exploitation #capitalisme #salariat #droit #acquis

  • [critiquer pour mieux converger]
    Lettre ouverte aux militant-e-s d’Extinction Rebellion
    « Ce n’est pas uniquement aux mouvements sociaux de faire un pas vers les écolos »
    La rédaction de Grozeille a reçu et publie cette lettre ouverte aux militant-e-s de Extinction Rebellion France participant à la Rébellion Internationale d’Octobre (RIO).
    par des jeunes de Désobéissance Ecolo Paris, et signée par d’autres collectifs : ACTA, Cerveaux non disponibles, le CLAQ, et le Comité Adama.
    https://grozeille.co/lettre-ouverte-aux-militant-e-s-de-extinction-rebellion

    Ce n’est donc pas en tant qu’adversaires, ou critiques acerbes tirant un plaisir particulier du fait de dénigrer tout ce qui ne leur paraît pas être assez radical, que nous nous adressons à vous aujourd’hui.

    C’est plutôt en tant que celles et ceux, qui ayant noué des liens avec vous, sommes préoccupé-e-s par la tournure que pourrait prendre votre mouvement et qui, nous le craignons fort, enterrerait toute convergence réelle entre les divers mouvements sociaux se battant pour un monde plus juste et le mouvement écolo en France. Pourquoi des paroles si alarmantes, demanderez-vous ?

    Malgré l’atmosphère festive des premiers jours de la Rébellion Internationale d’Octobre, certaines des attitudes militantes et de leurs modes de fonctionnement nous interpellent, voire nous indignent. Nous considérons essentiel que ces questions précises puissent être réglées sincèrement et de bonne foi, pour nous permettre de continuer à nous allier de plein gré et sans sacrifier nos principes contre la morbidité omniprésente.

    Les voici :

    - Banalisation des violences policières
    – Violence invisible de la non-violence dogmatique
    – Le manque d’inclusivité du cadre d’action envers les classes populaires
    – Massification ou apolitisme ?
    – Une écologie du non-dérangement ?
    – Quelques propositions pour fuir les lignes toutes tracées

    #Convergence19 #ExtintionRebellion #RebellionWeek #RIO #ecologie

  • Variations de la violence : la journée du 16 mars à Paris
    https://grozeille.co/variations-de-la-violence-la-journee-du-16-mars-a-paris

    On descend la rue des Petits Carreaux bondée de bourgeois oisifs, en particulier vers Montorgueil, où certaines personnes dans le cortège supportent mal cet hédonisme assumé, cette opulence alors que la planète brûle et que depuis le matin ils se font brutaliser : ils font voler les tables des terrasses des cafés et renversent les verres, brisant ainsi la règle habituelle tacite de ne viser que les grandes enseignes et chaînes, tandis que d’autres manifestants tentent de leur dire de laisser tranquilles les petits commerçants.

    Mais l’ambiance est véritablement à la guerre civile car, alors que les quelques individus virulents en question sont progressivement calmés par les autres, des bourgeois jettent depuis leurs fenêtres des liquides divers et des pots en terre de la taille d’un crâne qui, à la vitesse où ils s’écrasent depuis le 5e étage, auraient pu tuer quelqu’un s’ils avaient été reçus sur la tête : cela pose encore la question de savoir où est la violence entre un individu jetant un pavé qui, selon les lois de la gravité, a une force relativement faible lorsqu’il vient s’écraser sur l’armure d’un CRS situé à 20m de là, et un bourgeois qui, spontanément, jette un pot rempli de terre en hurlant des insultes sur des têtes nues qui, avec l’accélération cinétique de la chute, vient s’écraser au sol avec une violence extrême.

  • Dictionnaire amoureux du #cortège_de_tête
    https://grozeille.co/dictionnaire-amoureux-cortege-de-tete

    "On profite de ce beau samedi pour rappeler quelques réflexions sur la casse, glanées lors d’un vieux micro-trottoir : « la casse est un geste créatif et poétique qui produit de la joie et de la beauté à partir d’un monde triste et morne » (Jérôme, 32 ans, casseur et poète) ; « la #casse, c’est un début de réponse aux véritables ravageurs de notre planète » (Marie, 22 ans, casseuse et écolo) ; « par son caractère transgressif, la casse oblige à prendre soin les uns des autres » (Ahmed, 49 ans, casseur et psy) ; « la casse signe les retrouvailles avec une puissance politique perdue dans le droit de vote » (Caroline, 70 ans, retraitée qui aime les casseurs) ; « la casse, ça redonne de l’offensivité à des manifestations qui étaient parfaitement gérées et contrôlées par les autorités » (Julie, 27 ans, syndicaliste casseuse) ; « la casse : un outil de négociation avec qui ne veut plus négocier » (Maurice, 52 ans, chercheur et casseur) ; « la casse permet d’appliquer ce qu’on a appris en cours de philosophie et d’histoire géo » (Ilyna, 18 ans, lycéenne et casseuse) ; « quand on est assez de #casseurs on n’est plus des casseurs, on est un événement » (Jésus, un ancien de mai 68) ; etc., etc."

  • Sortir ses griffes face à la fin du monde
    3 février 2019

    Le futur sera catastrophique. Les signes se multiplient en ce sens, les modèles scientifiques, aussi différents soient-ils, convergent vers le même résultat. Les terribles dérèglements climatiques annoncent la fin de l’humanité, si des événements politiques ou guerriers ne les précèdent pas.

    Face à cette situation, Pierre-Henri Castel1 suggère que nous avons au moins une chance : pour une fois, nous pouvons faire l’effort de penser en-dehors de notre présent, et à partir de ce sombre futur. Dans cette optique, son petit livre Le Mal qui vient s’efforce de questionner la nature complètement nouvelle du Mal qui ne manquera pas de s’imposer dans un monde où l’horizon de l’humanité se restreint à celui des survivants. Ce qui ne va pas sans la nécessité de penser à ce que pourrait être un Bien « avec des crocs et des griffes » qui viendrait s’y opposer. L’auteur a bien voulu répondre à nos questions.

    https://grozeille.co/sortir-ses-griffes-face-a-la-fin-du-monde

  • Sortir ses griffes face à la fin du monde, Pierre-Henri Castel, entretien
    https://grozeille.co/sortir-ses-griffes-face-a-la-fin-du-monde

    À nouveau, il me semble qu’une partie considérable du travail sur les sensibilités collectives touchant les crises qui vont survenir et nous poser des difficultés gigantesques s’est opérée dans la science-fiction post-apocalyptique. C’est tout de même une chose étonnante que ce genre mineur commence à produire d’authentiques chefs-d’œuvre 3 ! De ce point de vue, je ne prétends pas faire davantage dans mon petit essai que donner un premier tour réflexif à ces anticipations terrifiantes, de façon analogue à ce qui, bien avant la naissance des conceptions philosophiques, rationnelles, de la liberté et de l’autonomie au XVIIIe siècle, s’était esquissé dans les utopies de la renaissance. Avant Rousseau et Kant, il y a eu More et Campanella. Cette science-fiction post-apocalyptique, pour moi, joue en effet un rôle analogue : c’est à la fois un pressentiment du pire et une préparation au pire, et la philosophie morale, avant qu’on ne puisse faire à proprement parler de la philosophie politique ou des sciences sociales, peut déjà se proposer d’en tirer quelque chose qui pourra peut-être un jour prendre une texture conceptuelle, voire, comme vous dîtes, se changer en un « programme ».

    Si vous voulez, la question de la mobilisation politique est une chose beaucoup trop sérieuse pour être réglée impatiemment. Il faut donc fournir de solides raisons de patienter, pour prendre conscience que nous ne savons même pas la forme des questions inédites qui vont bientôt se poser. L’angoisse est un aspirateur à lubies bien connu ; l’effroi, passé un premier moment de sidération, aide à toucher terre.

    C’est aussi pourquoi, négativement cette fois, l’attitude auto-limitée du moraliste permet de rester profondément sceptique à l’égard d’entreprises précipitées de faire de la science, en réalité de la pseudo-science, sur l’imminence de l’effondrement. C’est pourquoi mes yeux la #collapsologie est en réalité toujours un sous-genre de la science-fiction post-apocalyptique, mais au sens (à mes yeux péjoratif) d’être une fiction de science, et non, comme je la lis, un symptôme particulièrement intéressant des métamorphoses des sensibilités collectives face au Mal qui vient. C’est le « -logie » qui me dérange ; aussi je préfère parler d’« #effondrementalisme », dans le but de faire redescendre ce genre de spéculations au niveau de l’attrape-tout idéologique en quoi elles consistent.

    G – Vous affirmez que nos sociétés sont traversées idéal de l’autonomie. Que signifie cet idéal, quelle effectivité a-t-il ?

    PHC – C’est une question si vaste, qui mobilise tellement mes travaux précédents, qu’il est difficile de répondre en quelques mots. Le Mal qui vient a son origine dans une réflexion historique et systématique sur la formation des idéaux d’autonomie dans les sociétés individualistes occidentales qui s’inspire beaucoup de Norbert Elias. La particularité du projet que j’ai développé à cet égard était de s’appuyer sur la contrepartie de l’expérience individuelle de l’autonomie, qui sont les vécus d’autocontrainte. Pour être libre, c’est fou le nombre de choses qu’il faut être capables de s’empêcher de faire, et de faire aux autres : les exigences du contrôle pulsionnel, notamment en matière de sexualité et d’agression, n’ont cessé de croître en intensité, en raffinement, dans la multiplicité de leurs objets, dans la quantité d’individus contraints à s’y soumettre, et c’est cela le « processus de civilisation ». Toutefois, il y a un paradoxe, c’est qu’un excès d’auto-contrainte empêche l’action : elle l’embarrasse plutôt. Il faut donc inventer en même temps qu’on s’autocontrôle et qu’on s’autonomise des moyens, si j’ose dire, de se retenir de trop se retenir…

    J’ai fait l’histoire de ce paradoxe, en montrant qu’il coïncide avec une série de problèmes psychologiques et moraux bien connus : ceux des déchirements entre les mauvais désirs et la volonté bonne, des obsessions et des scrupules, des angoisses « sociales » et des inhibitions. On voit tout de suite qu’une telle construction de l’autocontrôle comme envers de l’autonomie ne va pas sans une idée du mal : « mal faire » ou « faire le mal », voilà qui tend à devenir indistinct, et à angoisser. J’ai poursuivi cette histoire des embarras modernes de l’agir en parallèle des transformations des idéaux d’autonomie, jusqu’à aujourd’hui (dans Âmes scrupuleuses, vies d’angoisse, tristes obsédés, et dans La Fin des coupables, Ithaque, 2011 et 2012). Après quoi, on m’a demandé à quoi ressemblerait le genre de mal qui s’annonce, dans les sociétés de l’autonomie généralisée, quand son idéal pénètre de plus en plus la vie de chacun comme des institutions, où elle n’est plus tant une aspiration qu’une condition. Mon livre sur Sade comme cet essai sur le mal sont des tentatives de réponse. Tout se passe comme si ce que j’ai imaginé être une histoire de l’autonomie en Occident, dans une veine à la Elias, s’était insidieusement transformé en une anthropologie historique du mal, qui a besoin de ressources philosophiques spécifiques.

    Il n’en reste pas moins que Le Mal qui vient est historiquement et socialement très « situé », comme on dit. Ce mal-là en effet ne pose problème que dans des types de sociétés capables de réfléchir collectivement aux enjeux collectifs et même universels, et qui ne se soucient pas moins de la destruction de la planète que de ce qui risque fort de la précéder de beaucoup, l’anéantissement de nos libertés, et tout particulièrement de nos libertés individuelles. C’est pourquoi, à mes yeux, il n’est pas moins important de réfléchir à la cause écologique qu’aux ressources et aux valeurs qui s’incarnent dans le projet d’autonomie et d’émancipation des sociétés modernes ; les deux sont indissociables, au moins en ceci que la vie que nous voulons préserver n’est pas n’importe quelle vie, mais une vie libre.

    Q. Le Mal qui vient, à certains égards, se présente comme une réponse à L’insurrection qui vient. Pour vous, ce qui s’annonce n’est pas un soulèvement contre la fin d’un monde, mais réellement la fin du monde, et avec cette fin, la libération de passions violentes et de perversions que certains feront subir aux autres. Mais votre idée qu’il faudrait « Bien armé de crocs et de griffes » contre le Mal qui vient ne relève-t-elle pas encore de cette idée d’insurrection ?

    PHC – C’est parfaitement exact. C’est pourquoi le livre est dédié à ce petit groupe d’Américains qui, à visage découvert, est allé fermer les vannes de l’oléoduc censé transporter un des pétroles les plus polluants du monde, extrait des sables bitumineux de l’Alberta, au Canada, vers les grandes raffineries américaines 4. Or ils ont agi à visage découvert, en donnant leur nom. Ils viennent d’être acquittés. Ce qui me fascine dans leur geste, c’est le refus d’agir de façon invisible, dans une sorte de clandestinité romantique contre-productive. Quand on a l’universel de son côté, on doit absolument s’en saisir, c’est en cela qu’il ne faut pas se laisser intimider. En agissant à visage découvert, ils se sont placés sous la protection de tous. De façon significative, je trouve, leur défense a été financée par une cagnotte en ligne ! Et ils ont réuni suffisamment d’argent pour venir à bout d’équipes d’avocats dont vous imaginez la compétence et la hargne. Je crois qu’on peut élargir cette perspective et ce raisonnement. Toutes sortes de mouvements de désobéissance civile sont en train de s’organiser, bien conscients que le problème n’est plus désormais celui d’un déficit de connaissance mais d’un déficit d’action.

    Les engagés de Climate Direct Action en Alberta
    Or ces mouvements se trouvent à la croisée des chemins. Quel type de violence utiliser ? La tentation est absolument extraordinaire, je l’ai vu de mes propres yeux, de recruter des saboteurs et d’attaquer des intérêts privés, voire des personnes. C’est un peu comme une phase anarchiste qu’on a connue à la fin du XIXe siècle avant l’organisation cohérente du mouvement ouvrier. Or il y a deux choses essentielles à se rappeler à ce sujet. La première, c’est qu’il faut disposer d’une analyse du système que l’on combat qui permette de formuler des objectifs de lutte impersonnels (c’est toute la différence qu’il y a entre lancer un sabot dans la machine d’un capitaliste particulier pour gêner l’industrialisation d’une filière, et se battre pour l’interdiction du travail des enfants et pour la journée de huit heures). La deuxième, c’est qu’il faut identifier les forces sociales capables de porter une telle lutte, et ce ne sont pas des individus isolés (c’est la différence entre politiser une catégorie sociale exploitée, et transformer le prolétariat en une classe ouvrière associée organiquement un parti, comme dans le projet marxiste, et fédérer vaguement, sur une base individualiste, des protestations et des sentiments d’injustice).

    Le romantisme de « l’insurrection qui vient » échoue totalement à satisfaire à ces deux impératifs. Mais spécifier la nature de la violence nécessaire pour combattre la violence destructrice de nos conditions de vie sur la planète est encore bien loin d’avoir répondu aux deux exigences que je vous formule ici, sans d’ailleurs savoir s’il n’y a que celles-là, ou si ce sont les plus importantes. Que demander d’impersonnel, et qui le demandera ? En tout cas, échouer à poser la question dans ses termes, c’est capituler sur ce qui me semble être un acquis fondamental : nos visées d’émancipation, d’autonomie et de réflexion collectives dans les sociétés démocratiques contemporaines.

  • Construire des Bases rouges dans le territoire
    https://grozeille.coconstruire-des-bases-rouges-dans-le-territoire/

    À Barcelone, les groupes et les collectifs de défense du logement ont donc été l’outil central des luttes au niveau des quartiers. Ils ont eu la capacité de briser l’isolement, ce qui n’est pas forcement possible même lorsqu’on dispose de lieux, tels les Casals ou les Ateneus1, qui ne permettent pas forcément de se fondre dans l’hétérogénéité du territoire. Nous avons constaté que si les habitants d’un quartier ne participaient pas à nos syndicats (de quartier), ce n’était pas en raison d’affinités politiques ou personnelles, mais parce qu’ils savaient que s’ils venaient à nos assemblées, des problèmes concrets pouvaient être abordés, partagés et éventuellement résolus. C’est la question du logement qui réveillait alors des situations de conflit avec la plus grande capacité d’agrégation de forces. Ce qui est devenu intéressant, ce n’est pas seulement les expulsions que nous avons pu empêcher, ni les maisons que nous avons squattées, mais l’ensemble des connaissances que nous avons acquises et pu partager sur le territoire dans lequel nous opérons. C’est ainsi que nous avons pu nous familiariser avec la dynamique propre qui régit les différentes quartiers : les points de vente de drogues, les relations que les vigiles des supermarchés entretiennent avec Desokupa2, où vous pouvez vendre des objets volés, qui vend des appartements squattés dans le quartier, dans quels quartiers se déplacent les communautés d’immigrants. Tout ceci est pour nous le début d’une connaissance et d’une perception du maillage des forces cachées qui traversent le territoire en dehors du contrôle de l’État.

  • Quand l’#histoire chante un air #populaire (#Gérard_Noiriel)
    https://grozeille.co/quand-lhistoire-chante-un-air-populaire-gerard-noiriel

    « Le populaire dans tous ses états »
    https://noiriel.wordpress.com

    je me situerais moi-même suivant un troisième profil qui a été historiquement incarné par des sociologues comme #Durkheim ou #Bourdieu, #Foucault également. C’est d’ailleurs de lui que vient la formule pour le nommer : « intellectuel spécifique ». Je conçois donc mon engagement dans la mesure où je ne me contente pas de produire des connaissances, chose que je suis censé faire suivant ma profession d’enseignant-chercheur. J’essaye aussi de transmettre les connaissances que j’ai produites, dans un langage adapté à des publics qui ne sont pas spécialistes. Beaucoup de chercheurs restent dans la sphère universitaire : ils sont ce que j’appelle des « savants purs ».

    Je trouve cela très clair dans un passage où Bourdieu explique pourquoi, dans les années 1970, les syndicats privilégiaient les revendications salariales. En disant « j’ai mal au salaire » au lieu de dire « j’ai mal partout », ils cherchaient à unifier, grâce au langage, les souffrances multiples qui affectent les classes populaires. Au XVIe siècle par contre, les classes populaires ne disaient pas « j’ai mal au salaire » mais « j’ai mal à la foi ». La Réforme 3 ouvre la voie à toute une série de révoltes qui, si elles n’expriment pas forcément un malaise chrétien, passent par les canaux religieux.

    Ce qui se passe dans la sphère domestique, c’est très important. Dans mon livre sur le clown Chocolat, j’avais essayé de montrer que, dès qu’on rentre dans la sphère domestique, on rentre aussi dans une logique de familiarité. Les catégories construites rationnellement et intellectuellement explosent : vous ne verrez plus seulement des « races » : le nègre, ou le noir, ou le juif, parce que vous faites face à une personne qui est définie par de multiples critères. C’est là où je suis en désaccord avec d’autres courants de la recherche sur ces questions : ce qui compte pour moi, ce sont les individus, « la société des individus » comme disait Norbert #Elias. De ce fait, je pars aussi de la diversité des critères identitaires. Chacun d’entre nous est le produit de nombreux critères identitaires qui se combinent différemment à chaque fois. Si l’on ne s’intéresse qu’à l’un d’entre eux, on tombe dans le piège de l’essentialisme. Essentialisme que l’on retrouve autant dans l’extrême droite que dans l’extrême gauche identitaire. J’ai donc choisi de parler de ces formes paradoxales de résistance plutôt que d’autres formes plus connues, comme le marronnage (fuite d’un esclave hors de la propriété de son maître).

    J’étais content de voir que Jürgen #Habermas, dans un texte que j’ai lu il y a peu, disait qu’au lieu d’être « ni de droite ni de gauche », il fallait que les partis se repositionnent clairement sur les deux pôles qui structurent le champ politique. Car cette tendance au « ni de droite ni de gauche » a correspondu à une évolution malheureuse de la sociale-démocratie en Europe : Schroeder en Allemagne, Tony Blair en Angleterre. Ces gens-là ont repositionné la gauche du côté du libéralisme. Je crois qu’on est en train de sortir de cette phase. Même une fraction du capitalisme se rend compte qu’on va droit dans le mur. C’est qu’il y a aussi des tensions internes au capitalisme, les dominants ne sont pas tous unis, ils ont des intérêts divergents ! Et donc il y a des opportunités qui peuvent s’avérer positives pour ceux qui aspirent à ce que le monde change et soit moins injuste…

  • Pour 2019, Macron souhaite une « #écologie_industrielle », mais pas nous
    https://lundi.am/Pour-2019-Macron-souhaite-une-ecologie-industrielle-mais-pas-nous

    écologie industrielle ? On se demande où le Président est allé chercher cette expression tandis qu’il ne manque pas d’#oxymores plus répandus et tous plus inventifs les uns que les autres pour qualifier l’idée saugrenue d’une économie capitaliste respectueuse de l’environnement. Ainsi dans la lignée des expressions telles que « #développement_durable » ou « croissance_verte », ou même, plus absurde encore, « #capitalisme_vert », voilà un autre terme qui vient s’ajouter au vocabulaire fantaisiste des gestionnaires et des décisionnaires. En réalité, le terme existe depuis la fin des années 1980 [2] et n’a pas été inventé pour l’occasion, quoi qu’il ne se soit pas encore répandu dans la sphère médiatique. On peut en trouver la définition suivante sur le site du Ministère de la transition écologique et solidaire : « L’écologie industrielle et territoriale (EIT) est un levier pour mobiliser les acteurs de terrain en faveur de la #transition_écologique. Elle se concrétise par la mise en commun volontaire de ressources par des acteurs économiques d’un territoire, en vue de les économiser ou d’en améliorer la productivité : partage d’infrastructures, d’équipements, de services, de matières… »

    #eco_socialisme

    1) tous les déchets ne se valorisent pas, et les déchets sont loin d’être le problème le plus grave du point de vue écologique ; 2) la valorisation des déchets est-elle réellement une solution écologique ? pour valoriser des déchets, il faut consommer des ressources, construire des infrastructures, etc., donc continuer de faire tourner la machinerie économique qui est précisément à l’origine du réchauffement climatique ; 3) cette « solution », quand bien même elle serait bonne théoriquement, dépend du bon-vouloir des entreprises et sera abandonnée en cas de non rentabilité ; à court-terme pour maximiser le profit, il est préférable pour les entreprises de s’en tenir à ce qui est déjà là (énergies fossiles, etc.), puisque la mise en place du système de valorisation a un coût. Les petites mesures « vertes » prises dans le sens de la valorisation des déchets ne serviront probablement qu’à cacher l’immense continuation d’une production toujours plus polluante.

    On notera également qu’il est ironique de voir que parmi les acteurs de l’écologie industrielle se trouve l’industrie nucléaire : or on doute de la capacité à inscrire les déchets nucléaires dans un circuit permettant leur « valorisation ». L’absurdité de l’écologie industrielle comme « valorisation des déchets » – recyclage de l’idée de recyclage –, est déjà bien attestée par les pratiques de recyclage du plastique, qui n’ont aucunement permis de stopper la croissance de la production de plastique

    https://grozeille.co/lecologie-se-passer-dune-critique-capitalisme

    https://grozeille.co/oui-oui-et-le-changement-climatique

  • Jaunes de colère : de la trahison macroniste à la révolte populaire, entretien avec Samuel Hayat
    https://grozeille.co/jaunes-de-colere-samuel-hayat

    La #mobilisation peut se faire à deux conditions. D’abord il faut un conflit entre des #principes_moraux différents, ce qui suppose donc qu’un autre principe vienne s’opposer à celui que l’on défend. A propos du XVIIIe siècle, Thompson parle de conflit entre #économie_morale et #économie_politique. L’époque est travaillée par l’apparition des nouveaux principes de l’économie politique : le libre-échange, notamment le libre échange des grains. C’est lorsqu’il y a une confrontation entre les principes de l’économie morale et ceux de l’économie politique que naît la contestation.

    Deuxième chose : il faut qu’on ait l’impression que l’autorité, normalement garante des principes de #justice, les a trahis et a pris parti pour ceux qui s’opposent à ces principes. C’est ce qui se passe aujourd’hui : on a un Président de la République qui met en avant son adhésion à des principes de justice qui ne sont pas du tout ceux des gilets jaunes. Il soutient des principes de justice capitalistes selon lesquels les gagnants doivent gagner encore plus de telle sorte qu’ils tireront tout le monde vers le haut. Selon lesquels, aussi, les #pauvres sont responsables de leur pauvreté puisqu’ils n’ont qu’à traverser la rue pour trouver un travail, qu’à travailler pour s’acheter une chemise et qu’à s’en prendre à eux-mêmes si le monde des gagnants ne leur est pas accessible.

    Macron a d’emblée pris position contre les principes de l’économie morale des classes populaires. Et le fait qu’il ait été aussi ouvert et explicite, surtout dans sa moquerie des principes de l’économie morale, a clairement été perçu comme une trahison. Trahison qui a rendu possible le mouvement, ou en tout cas l’a focalisé sur les principes moraux dont nous parlions.

    A côté de ces deux éléments qui me semblent nécessaires à une mobilisation sur le fondement de l’économie morale, il y a évidemment d’autres choses, plus spécifiques au mouvement actuel. Il y a bien sûr une cause plus structurelle qui tient aux quarante années de politiques néolibérales que nous venons de vivre. Enfin, et c’est sûrement ce qui fait que la mobilisation s’est faite autour des taxes sur le carburant et pas autre chose, il y a le discours soi-disant écologiste des gouvernants qui consiste à dire à toute une série de personnes que leur mode de vie est dangereux pour la planète. Il faudrait le vérifier par une véritable enquête, mais il me semble qu’il y a quelque chose d’inédit dans ce discours de responsabilisation écologique individuelle , quand bien même il serait fondé scientifiquement et politiquement. En gros, avec cette augmentation des taxes sur le carburant, on voit le chef de l’Etat rejoindre la mise en accusation écologique généralisée pour déclarer que non seulement les gens doivent payer plus, mais qu’ils ont intérêt à se taire et à dire merci, parce qu’on les fait payer plus du fait qu’ils sont en train de détruire la planète, ces salauds, et que c’est au nom de la transition écologique qu’on les fait payer plus. Tandis qu’à côté de ça, le gouvernement recule sur le glyphosate, ne taxe pas les gros pollueurs, etc.

    Il faut bien saisir l’ampleur de la trahison que cela représente et l’hypersensibilité que ça peut créer chez les gens : le modèle qu’on nous a vendu depuis un siècle, celui de l’#individu qui s’accomplit en étant propriétaire de sa maison et de sa voiture, qui a un #travail décent et qui vit bien sa vie en se levant tous les matins pour aller bosser, ce modèle-là sur lequel Nicolas Sarkozy a beaucoup surfé avec sa France des gens qui se lèvent tôt et sa politique d’accession à la propriété, tout ce modèle-là on déclare tout à coup qu’il n’est plus possible économiquement et qu’il est dangereux écologiquement, qu’il faut donc se sentir coupable d’être à ce point écologiquement irresponsable, d’avoir suivi des décennies d’incitation à suivre ce modèle. Vrai ou pas vrai, l’effet de ce discours est terrible.

    Je pense néanmoins qu’entre toutes ces raisons, le point fondamental reste la trahison. C’est en cela qu’Emmanuel Macron est complètement différent de Nicolas Sarkozy et François Hollande. La délectation naïve avec laquelle il trahit tous les codes moraux habituels de fonctionnement d’une société inégalitaire est une raison essentielle de la haine dont il est l’objet. Les #sociétés_inégalitaires ont besoin d’être tenues ensemble, soudées, justifiées par autre chose que la pure économie, quelque chose qui donne le sentiment que les gagnants ont une certaine #légitimité à être les gagnants, que les perdants ne sont pas complètement laissés en-dehors de la société, que les gagnants doivent payer leur impôts et que l’#Etat joue un rôle un peu neutre dans tout ce système. Or voir un Président afficher de manière aussi ostensible la culpabilisation de ceux qui ne réussissent pas, c’est une #violence extrême dont les gouvernants ne se rendent visiblement pas compte.

    #gilets_jaunes #écologie #écologie_punitive #culpabilisation #responsabilité_individuelle

    • G – Peut-on voir ce rejet du politique, ni droite ni gauche comme le miroir inversé de ce que propose la vision macroniste d’un contrôle technicien qui ne serait pas politique, mais strictement expert ?

      H – Ces mouvements citoyens ne sont en effet possibles que parce qu’ils viennent répondre comme en miroir à ce processus de dépolitisation de la politique. Cette dépolitisation experte et technicienne appropriée par les forces néolibérales, Macron en est une sorte de symbole. Macron est celui qui trahit le pacte mais c’est aussi celui qui rejette la politique, qui rejette l’idéologisation de la politique. Et en ce sens-là il y a une affinité très forte entre ces mouvements et le monde de Macron dans lequel il y a simplement des citoyens et l’Etat, mais plus aucun des dispositifs de médiation conflictuelle qui existaient et étaient légitimes jusque-là. Dans lequel il n’y a donc plus aucun affrontement partisan qui viendrait diviser le social. Le clivage se fait entre d’un côté les forces de la modernité technicienne et de l’autre les ringards, les Gaulois réfractaires.❞

  • Astuce France 2 : comment taire un mouvement social ?
    https://grozeille.co/astuce-france-2-comment-taire-un-mouvement-social
    https://i0.wp.com/grozeille.co/wp-content/uploads/2018/12/Image-23-12-2018-à-14.11-1.jpg

    On connaissait les chiens de garde et on savait que ce n’était pas un phénomène nouveau. L’expression provient en fait d’un livre de Paul Nizan publié en 1932. À l’époque, des intellectuels et philosophes défendaient corps et âmes les valeurs des sociétés occidentales bourgeoises, sans le dire explicitement mais avec véhémence.

    Aujourd’hui, hormis les piteux Raphaël Enthoven et autres BHL, ce sont surtout les grands médias qui jouent le rôle de garde-fous dès que le système tangue. Importent alors surtout toutes les logiques et règles implicites qui structurent les relations entre les journalistes et le pouvoir. Il y a les têtes de Bolloré, Niel, Pigasse… Mais les collusions sont plus diffuses. Ce sont désormais des chiens de gaz à l’état gazeux qui veillent.

    • Autre exemple : Samedi matin, manifestation de gilets jaunes à Tourcoing, avant d’aller chez les émigrés fiscaux à Néchin Estaimpuis.

      Le policier le plus haut gradé allait parler aux manifestant.e.s, leur affirmant qu’il fallait se méfier des membres du front national infiltrés dans la manifestation, tous comme des membres de la CGT . . .

      Curieux qu’on retrouve cet enfumage dans certains articles de donneurs de leçons sur ce blog. Pas dans ton article, bien sur Riff Raff.

  • Tout le monde déteste le tourisme
    https://grozeille.co/tout-le-monde-deteste-le-tourisme-b-duterme

    Zntretien avec Bernard Duterme

    Évoquant l’ouverture, la découverte, l’aventure, la joie, le principe du voyage a très bonne image dans les sociétés occidentales. Mais on oublie généralement que le tourisme reste un privilège participant à maintenir des formes de domination : « pour l’heure, moins d’un humain sur quinze est en position politique, culturelle et économique de visiter les quatorze restants. Migrations d’agrément et de désagrément se croisent aux frontières, béantes pour les uns, grillagées pour les autres, des régions émettrices et réceptrices ». Sans compter les effets de l’industrialisation du secteur, qui tend à transformer et défigurer des sociétés dont on cherche paradoxalement l’authenticité, ou encore à produire une très forte pression écologique qui va en s’empirant. Le voyage lointain, pas si éthique que ça ?

    #tourisme #domination_touristique #nuisances #domestication

  • L’écologie peut-elle se passer d’une critique du capitalisme ?

    https://grozeille.co/lecologie-se-passer-dune-critique-capitalisme

    Dans le vacarme et l’urgence qui entourent la question écologique, il s’agit pour bien agir de bien distinguer la cause de nos problèmes, afin d’identifier des cibles logiques. Armel Campagne, un jeune historien, vient justement de faire paraître ses recherches sur le Capitalocène, aux éditions Divergences. L’idée est simple : le dérèglement climatique, dû aux pollutions émises par l’extraction et la consommation d’énergies fossiles, n’est pas séparable de l’émergence d’un régime social et économique particulier, le capitalisme. Historiquement, le lien saute aux yeux : le dérèglement climatique comme le capitalisme apparaissent aux 18-19ème siècles, à partir de la révolution industrielle anglaise. Après avoir lu cet excellent bouquin, nous avons donc souhaité rencontrer Armel Campagne, qui a très aimablement accepté, pour creuser avec lui cette question cruciale : l’écologie peut-elle se passer d’une critique du capitalisme ?

    • La critique du capitalisme est au cœur de ton analyse. Force est de constater que le terme est généralement utilisé avec très peu de rigueur, et qu’on ne sait pas toujours bien ce qu’on désigne par là. Ce qui n’est pas ton cas. Comment définirais-tu le capitalisme, quels sont ses traits distinctifs ?

      [...] À mon sens, on peut parler de société capitaliste à partir du moment où il y a 3 choses :

      1. Une dépendance généralisée des acteurs sociaux, toutes classes confondues, au travail au sens capitaliste, c’est-à-dire à la vente ou à l’achat de la force de travail. Les classes dominées sont contraintes de louer leur activité (à l’instar des ouvriers) ou de vendre l’essentiel de leur production (à l’instar des artisans et des agriculteurs), les classes dominantes pour leur reproduction matérielle doivent acheter du travail salarié et lui faire produire des marchandises de manière profitable. Ça c’est quelque chose qu’on observe qu’en Angleterre à partir du 17-18ème siècle, alors qu’en France on n’est pas encore dans ce schéma à cette époque.

      2. Deuxième trait caractéristique : une dépendance généralisée des acteurs sociaux par rapport au Marché. C’est-à-dire que même les classes dominantes dépendent avant tout pour leur reproduction matérielle non pas d’une logique d’extorsion de type féodal, tributaire, etc., mais dans le cas des landlords anglais, de la location de leurs terres à des fermiers qui produisent de manière compétitive, et qui dégagent pour ces propriétaires capitalistes une rente qui dépend des prix du marché, du rapport de classes. Pour ce qui est des classes dominées, cette dépendance se manifeste par une absence de moyens d’auto-subsistance, de reproduction matérielle autonome ; et donc une nécessité d’acheter au Marché leur nourriture, leurs vêtements, etc.

      3. Troisième caractéristique : cette dépendance des acteurs sociaux au travail et au Marché (et aux autres catégories du capitalisme évidemment : au capital, à l’argent, etc.), elle prend place dans une certaine unité des rapports économiques, avec au minimum une forme de libéralisation interne de l’économie : abolition des corporations, des barrières douanières, des monopoles, bref des obstacles au Marché concurrentiel auto-régulé. Sont supprimées tout un tas de choses qui sont des freins à cette caractéristique du capitalisme qu’est la « compulsion de croissance » : l’ensemble des acteurs sociaux sont forcés d’améliorer la productivité du travail du fait d’une concurrence généralisée. Cette logique de contrainte impersonnelle, la compulsion de croissance, entraîne des crises cycliques, et donc une dynamique contradictoire du capital.

      Je dirais que c’est ça les trois caractéristiques du capitalisme, car je trouve que la plupart des autres définitions qui sont souvent avancées sont imprécises. Par exemple, le profit, comme simple gain, c’est clairement quelque chose qu’on retrouve avant, le commerce, la monnaie aussi. Ce ne sont pas des caractéristiques suffisamment distinctives, et qui d’ailleurs sont incapables de saisir les spécificités de ce qu’on vit depuis environ deux siècles.

  • Repenser le salariat, détricoter le capitalisme (avec Danièle Linhart)
    https://grozeille.co/repenser-le-salariat-detricoter-le-capitalisme-avec-daniele-linhart

    Pour les différents tentacules mobilisés ces derniers mois contre les réformes du gouvernement Macron, les étudiants, lycéens, les soignants et personnels des hôpitaux, les cheminots, postiers ou salariés de McDo, les motifs de lutte commune semblaient presque inexistants. En tout cas, c’est ce que soulignaient divers observateurs, souvent afin d’expliquer les faiblesses du mouvement social ou de le décrédibiliser.

    Il n’est pourtant pas certain que la situation soit si éclatée. Preuve en est, de nombreuses composantes des luttes en cours se regroupent encore sous les couleurs de leur métier. Défendre une certaine idée du travail contre celle portée par le gouvernement, voilà a minima une volonté commune sous laquelle se rassembler. Bien entendu, là n’est pas l’unique question politique déterminante aujourd’hui mais il est clair que sous ces deux conceptions opposées de ce qu’est et doit être le travail reposent aussi deux vision différentes du monde et de la société.

    Pour comprendre le coeur de ce nouvel antagonisme, nous avons interrogé Danièle Linhart, sociologue et professeure à l’université Paris 8, qui étudie les mutations du travail et plus particulièrement les nouvelles techniques de management.

    #travail #salariat #management

  • « Je suis fatigué à mort de moi-même... »
    https://grozeille.co/je-suis-fatigue-a-mort-de-moi-meme

    Conversation entre Josep Rafanell avec Jean Baptiste Vidalou

    Nous devons nous attacher aux modes d’existence de notre expérience « entre » les êtres. Et les rendre opaques à l’extraction d’informations qui innervent le réseau. Faire lieu. Il y a là, me semble-t-il, une définition minimale d’une autre entente de l’autonomie politique. J’appelle cela « fragmenter le monde ». C’est à cette condition que nous pourrons fabriquer des nouvelles alliances, de nouvelles associations. Et que nous pouvons rendre possibles des rencontres qui ne se laissent plus gouverner.

    C’est là que la question de la communauté revient, celle des potentiels d’existence qui ne sont que des coexistences. Le monde commun ne préexiste pas à l’expérience qu’on en fait. Et l’expérience « du monde » ne peut être que située. Ce n’est qu’en situation qu’un monde peut émerger. L’expérience est toujours une perspective qui nait quelque part. David Lapoujade, dans son livre admirable, Les existences moindres, nous dit : « Le monde devient intérieur aux perspectives et se démultiplie par là même ». L’épreuve de notre intériorité se résout, non plus dans l’introspection doloriste de notre manque-à-être (dans la délicieuse torture de l’introspection : il y a toujours de l’Inquisition dans l’introspection) mais dans des « zones formatives » de l’expérience au contact avec d’autres êtres et leurs mondes autres.

    Considérer les modes d’existence par hétérogenèse, c’est s’armer contre le régime général d’équivalence, contre les prospectives qui spéculent sur la valeur des choses et des êtres. Nos devenirs seront toujours incommensurables. La communauté nous dit que l’affirmation des formes de vie est première dans le geste politique. La pluralité de mondes est notre meilleure arme contre les polices du gouvernement. 

    Opposer donc des plurivers à l’univers, oui. Mais qui nous font bifurquer. Il ne suffit pas de prendre acte de la pluralité du monde, il faut le faire diverger. Il faut pouvoir dire non. Construire à nouveau les lignes de partage, multiples, de la communauté. Je nomme la multiplication de ces gestes de destitution de la totalité avec l’oxymore « Parti de la multiplicité ». On pourrait aussi l’appeler, à nouveau, le parti des communistes.

    #commune #communauté #subjectivités #autonomie #communisme #un_monde_des_mondes

  • Dictionnaire amoureux du cortège de tête
    https://grozeille.co/dictionnaire-amoureux-cortege-de-tete

    Nous proposons ici une revue rapide et morcelée des pratiques courantes de ce qu’on a appelé en France les « cortèges de tête », plus particulièrement lors des manifestations contre la loi travail (2016-2017) ou contre la sélection (2018). Il faut bien cela pour appréhender ce phénomène né lors du mouvement de 2016, qui tient depuis le haut du pavé dans chaque grand rassemblement. À noter que la plupart des pratiques décrites ici ne sont pas le seul fait des Black Blocs en tant que tels, mais que de nombreuses personnes non masquées s’y livrent aussi joyeusement pendant et aussi en dehors des manifestations

    #mouvement #cortège_de_tête #black_bloc #formes_de_luttes #autonomie

  • Les ânes du pragmatisme
    https://grozeille.co/contre-les-anes

    « Les ânes sont En Marche, arrêtons les ! »

    « Oui qu’il y ait des gens à la rue, c’est horrible, mais il faut s’adapter à la réalité… » Ce pseudo-pragmatisme à la source des nombreuses réformes du gouvernement Macron, c’est une valeur d’âne : une valeur qui mutile la vie au nom d’une « réalité » triste qui n’existe que pour ceux qui y croient.

    Nous, étudiants, chômeurs, salariés précaires, surqualifiés ou surexploités, entendons beaucoup parler de nous. Et nous entendons surtout les ânes parler.

    Selon eux, nous serions « nihilistes », incapables de dire autre chose que non, sans même dire merci. Non, nous ne voulons pas de la réforme des universités, de la loi ORE et de Parcoursup. Non, nous ne voulons pas de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Non, nous ne voulons pas de la réforme de la SNCF. Non, nous ne voulons pas de la privatisation des hôpitaux, ni du licenciement de nos camarades.

    Non. Alors certes, nous sommes peut-être un tantinet « nihilistes » à propos des banques, du trading haute-fréquence, de la technocratie ou du monde politique. Forcément : nous ne voulons pas d’un monde qui ait les quatre dimensions d’un coffre-fort, l’allure d’un CRS et la tête d’un économiste.

    #toctoc #économie #réalisme #valeurs