Douleur chronique : « La spirale infernale des opiacés »
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Il y a d’abord le marketing agressif des laboratoires pharmaceutiques qui en ont banalisé, minoré, caché les effets indésirables ; et leur lobbying massif vis-à-vis des professionnels de santé. Les politiques de lutte contre la douleur – « le droit de ne plus souffrir » – ont également favorisé l’escalade médicamenteuse vers les produits les plus puissants. La politique du « tout-médicament », particulièrement développée aux Etats-Unis, médicalise et privilégie les réponses médicamenteuses à des problématiques complexes : prescription d’antidépresseurs pour la tristesse ou la dépression, usage massif des amphétamines pour les enfants agités ou hyperactifs, large utilisation des produits antalgiques pour toute plainte douloureuse… La nature des produits, leur profil pharmacologique, leur rapidité d’action vont également faciliter les risques d’appétence et d’addiction.
L’accès aux données psychosociales du patient est alors essentiel pour démêler, mobiliser et libérer ces nœuds où s’intriquent les composantes psychiques et corporelles. La place des psychothérapies, notamment les approches psychocorporelles (relaxation, méditation pleine conscience, hypnose…), y est majeure. Mais beaucoup de ces patients sont choqués par ces propositions et pensent : « On ne me croit pas », « C’est moi le coupable ». Leur demande est simple : « Quand vous aurez traité efficacement ma douleur, mes problèmes de sommeil, de fatigue, de déprime seront résolus… »
Le plus souvent inefficaces et mal tolérés
Les praticiens, démunis face à ces personnes porteuses d’une souffrance majeure personnelle, familiale ou professionnelle, vont alors prescrire des opiacés puissants. Alors que ces produits, dans ce type d’indication, sont le plus souvent inefficaces et mal tolérés, certains patients vont en ressentir un bénéfice.
Deux types de messages doivent cohabiter. La morphine et les opiacés demeurent les produits de référence pour traiter les douleurs aiguës et intenses et le risque de mésusage y est exceptionnel. En revanche, un risque réel existe lors de l’utilisation prolongée de ces médicaments dans la douleur chronique non cancéreuse ; elle nécessite une prise en charge pluridisciplinaire, notamment psychologique.