L’Église et les Noirs dans l’audience du Nouveau Royaume de Grenade

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  • L’Église et les Noirs dans l’audience du Nouveau Royaume de Grenade - Presses universitaires de la Méditerranée
    http://books.openedition.org/pulm/496

    Dans l’argumentaire des « justificatifs » de l’esclavage et de la traite des Noirs, la principale raison invoquée était d’ordre religieux : sauver des âmes. Mais en Amérique, le travail pastoral auprès des Noirs était-il mené à bien ? Et avec quels résultats ?

    Cette étude présente le processus d’évangélisation des populations noires dans l’Audience du Nouveau Royaume de Grenade (actuelle Colombie) au XVIIe siècle, et l’accueil que celles-ci réservèrent à la nouvelle religion. L’auteur retrace le rôle de la Couronne espagnole dans l’implantation de l’Église en Amérique et plus particulièrement en Nouvelle Grenade, ainsi que la situation du clergé (installation, charges, déficiences).

    Une étude originale des créations et désagrégations de paroisses met en exergue les obstacles rencontrés dans le travail d’évangélisation réalisé auprès des Noirs dans les différents évêchés au XVIIe siècle. Les Jésuites jouèrent un rôle primordial dans cette évangélisation ; leur action et leur méthode sont donc exposées, en particulier celle d’Alonso de Sandoval et de Pierre Claver qui se distinguèrent dans ce ministère. Pour appréhender le rapport des Noirs avec la religion, l’auteur recense les moyens utilisés par l’Église pour obtenir, conserver ou accentuer la dévotion des fidèles, ainsi que les différents moyens de contrôle destinés à éviter les déviances reprochées aux Noirs (beuveries, transes, blasphème, sorcellerie...).

    Un bref aperçu des religions d’Afrique permet de déceler quelques croyances ancestrales dans la religion des Afro-américains - même officiellement convertis-, survivances qui peuvent être aussi considérées comme actes de résistance à la christianisation et à l’acculturation. Se gardant de tout préconçu idéologique ou de tout manichéisme et se fondant exclusivement sur les documents replacés dans le contexte de leur époque, cette étude apporte incontestablement un regard nouveau sur la condition spirituelle des Noirs au XVIIe siècle.

    • L’Église et les Noirs dans l’audience du Nouveau Royaume de Grenade - Chapitre premier. La justification de l’#esclavage et de la traite - Presses universitaires de la Méditerranée
      http://books.openedition.org/pulm/501

      Les plus véhéments dans leur condamnation de l’esclavage furent sans conteste les deux missionnaires capucins #Francisco_José_de_Jaca et #Epifanio_de_Moirans, qui s’étaient rencontrés sur l’île caraïbe de Saint Domingue, où les esclaves noirs étaient en grand nombre. Ils escomptaient, par leurs sermons et leurs écrits, saper les fondements sur lesquels s’appuyaient les défenseurs de l’esclavage, en démontrant que tous les Noirs, qu’ils fussent païens ou chrétiens, étaient également libres et que leur maître n’avaient aucun droit sur eux ; ils demandaient donc leur affranchissement immédiat, la restitution de la valeur des travaux qu’ils avaient réalisés et recommandaient aux prêtres de ne donner l’absolution aux maîtres que lorsqu’ils auraient rempli ces conditions. La position outrancière de ces deux capucins inquiéta les autorités locales : le vicaire du diocèse de Saint Domingue, influencé par le mécontentement des planteurs employant des esclaves, excommunia, en 1681, les deux missionnaires car ils refusaient d’être reclus dans leur couvent, mais ceux-ci excommu- nièrent à leur tour le vicaire à qui ils reprochaient de ne pas respecter leurs privilèges qui les exemptaient d’une telle obligation. Reclus malgré eux dans le couvent des Capucins puis transférés à Séville en 1682, ils firent part de leurs contestations sur la traite négrière à la congrégation de Propaganda Fide, et envoyèrent une plainte au roi d’Espagne concernant les mauvais traitements que les fonctionnaires royaux leur avaient fait subir. En 1683, ils furent transférés à Valladolid avec l’interdiction formelle de revenir en Amérique.

      Avant de mourir les deux capucins avaient laissé chacun un écrit dans lequel ils réfutaient point par point les arguments en faveur de la traite et de l’esclavage en partant des postulats du droit naturel, du droit divin et du droit des gens.

      En 1685, le roi d’Espagne Charles II, à la suite de la lettre de protestation que lui avaient adressée les deux capucins, demandait au Conseil des Indes d’informer sur le fond et de communiquer son avis sur la suite à donner. Il lui fut répondu, qu’outre le fait que, grâce à la traite, les Noirs sortaient de leur barbarie et pouvaient ainsi venir à la connaissance du Christ, il fallait reconnaître que les intérêts économiques de l’Espagne justifiaient à eux seuls le maintien du statu quo. Toutes les positions qui allaient à l’encontre de celle du Conseil des Indes furent soit poursuivies et condamnées, soit ignorées.