• Origine et nature du patriarcat - une vision féministe, par Nadia de Mond | Le Club de Mediapart
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    Cet article est la transcription de l’exposé donné par Nadia De Mond lors de l’École Écosocialiste de novembre-décembre 2012 à l’IIRE. L’oppression des femmes y est discutée sur la base d’une analyse marxiste et féministe. La dernière partie parle des minorités sexuelles et des développements récents concernant les identités sexuelles.

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    (Femme sapiens (reconstitution) | Musée des Confluences)

    1ère PARTIE : L’origine de la subordination des femmes

    Les réactionnaires (et une majorité de l’opinion publique) disent : « C’est dans la nature ; ça a toujours été comme ça ». « Les différences biologiques, indéniables, mènent automatiquement à des différences sociales, culturelles et donc à une hiérarchie entre les sexes. » ou encore « La force musculaire majeure de l’homme l’amène à la domination. »

    A cela nous, en tant que matérialistes historiques, répondons facilement

    1) Que la force masculine est très relative et dépend du contexte, de l’entrainement, de la nourriture etc.

    2) Que dans nos sociétés actuelles la force physique est totalement secondaire pour la satisfaction des besoins par rapport aux technologies utilisées.

    Si par contre on veut renvoyer aux origines de l’humanité alors il faut vraiment étudier la préhistoire et ne pas se baser sur des mythes comme « l’homme en tant que chasseur » qui aurait développé des caractéristiques physiques mais aussi psychologiques de suprématie comme tels que l’agressivité, l’astuce, la planification stratégique etc.

    Allons donc voir les œuvres de base en nous posant la question : est-ce que la domination masculine a toujours existé ?

    Dans la littérature marxiste on renvoie à une œuvre classique écrite par Engels à la fin du 19e siècle, « L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat »1 (basée sur des discussions avec, et des notes de Marx – qui n’a plus eu l’occasion de les systématiser).

    Engels n’est pas d’accord avec l’idée que l’inégalité (l’oppression, l’exploitation) entre les personnes a toujours existée. Sur la base des premières études ethnologiques, notamment de

    1 Friedrich Engels, L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat, 1891 1

    IIRE Working Paper no 34 Origine et nature du patriarcat – Nadia DE MOND

    Lewis H. Morgan, Engels part de l’hypothèse de l’existence d’une société primitive égalitaire, communautaire, sans classes, qu’il appelle « communisme primitif » où la position des femmes n’était pas subordonnée aux hommes. Il pense au contraire, que ces sociétés étaient des matriarcats. Les femmes constituaient les noyaux stables des clans, la descendance était déterminée par elles. En conséquence, elles avaient beaucoup de pouvoir et jouissaient d’une grande considération de la part des hommes.

    Les études anthropologiques suivantes ont démontré que ceci était une erreur. On ne peut pas parler de sociétés matriarcales, mais bien matrilinéaires – où la descendance était déterminée par les femmes – et souvent matrilocales – où ce sont les hommes qui se déplacent chez les femmes quand ils s’unissent. De toute façon il s’agit de sociétés plus égalitaires.

    On ne peut parler d’un véritable matriarcat que si les hommes sont subordonnés aux femmes, pas seulement quand elles ont un rôle important dans la division du travail, dans l’économie domestique ou dans la prise de décisions concernant le ménage (comme par exemple encore maintenant chez les Moso en Chine2), mais quand leur pouvoir inclut le domaine public et celui des relations extérieures ; quand elles prennent des décisions essentielles pour la communauté y compris le pouvoir de normer et de contrôler le comportement sexuel des hommes. Cela entraine aussi le pouvoir de définir des valeurs et des systèmes symboliques d’explication.

    De cela on n’a pas de preuves dans aucune société existante ou passée. Donc là Engels s’est trompé.

    Mais ce qui est important, c’est la méthode qu’il a utilisée.

    D’abord le fait de lier la position des femmes au contexte matériel, économique et social, à la division sexuelle du travail et à la contribution de chaque sexe à l’alimentation de la tribu.

    Ensuite, et ceci est tout à fait pertinent, le fait d’avoir reconnu la reproduction biologique et sociale comme un facteur, un enjeu, tout aussi important que la production matérielle.

    Parenthèse : c’est un débat tout à fait actuel dans le féminisme et dans les écoles de matérialisme dialectique qui reconsidèrent maintenant la valeur du travail de production et de reproduction dans le troisième âge du capitalisme.

    Enfin, une autre prise de position originale pour son temps : l’identification de la famille monogame actuelle comme noyau de l’oppression des femmes dont il déduit la nécessité de la dépasser.

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