Qu’est-ce que la « méthode de Singapour », expérimentée dans une école de Nice ?

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  • Les quatre opérations au CP, « le » manuel de Singapour et la réussite à l’école (Rémi Brissiaud, Les Cahiers pédagogiques)
    http://www.cahiers-pedagogiques.com/Les-quatre-operations-au-CP-le-manuel-de-Singapour-et-la-reuss

    Jean-Michel Blanquer : le retour du pire des polémiques stériles et contre-productives des noires années Darcos-De Robien.

    En résumé, ce n’est pas un hasard si Jean-Michel Blanquer relie l’enseignement des quatre opérations dès le CP ou le CE1 à la pédagogie adoptée à Singapour. Le projet ministériel y trouve un alibi taillé sur mesure qui a en outre le mérite de lui donner une teinte de pragmatisme puisque « la » méthode existe déjà et est utilisée ailleurs avec succès. C’était déjà le cas en 2006-2007 quand Gilles de Robien a lancé la polémique et quand l’éditeur La librairie des écoles a tenté de conforter sa proposition en publiant « la » méthode de Singapour dans une traduction qui appuie la prise de position du ministre (et de son entourage de l’époque).

    Or, en France, les élèves sont en moyenne plus jeunes qu’à Singapour quand ils commencent à étudier avec un manuel de mathématiques et ils ne bénéficient pas de l’avantage culturel considérable que constitue le bilinguisme, surtout quand l’une des langues exprime les nombres à plusieurs chiffres de façon régulière. De plus, et fort heureusement, les écoliers français ne sont pas plongés dans un système hyper compétitif qui, s’il conduit à de bonnes performances, n’est certainement pas, en termes éducatifs, celui que l’on peut souhaiter pour nos enfants. Comment peut-on laisser croire que l’usage du « même » manuel qu’à Singapour conduirait en France à des performances similaires ? Un tel copié-collé d’une méthode présentée comme « la meilleure » sans réelle étude comparative sérieuse est-il souhaitable pour la réussite des écoliers français ?

    #éducation #école #mathématiques #méthode_de_Singapour #polémiques #manipulation

    Observons néanmoins, de manière paradoxale, mais qui montre bien que sous un même label on peut mettre tout et son contraire, que les collègues qui se sont saisies de cette fameuse méthode, s’en sont saisies pour accentuer les étapes de manipulation qui étaient déjà pratiquées au CP avant le passage à l’abstraction. Ce qui va à l’encontre de l’idée, par exemple, d’introduire la formalisation de la division dès le CP (autre paradoxe, donc).
    Comme l’explique bien Rémi Brissiaud, ces enseignantes mettent les élèves “en situation” de pratiquer les 4 opérations (ce qui est dans la plupart des méthodes déjà utilisées), ce qui est différent de formaliser les 4 opérations dès le CP-CE1 et de mémoriser dès ces classes les résultats associés (tables).
    On en retrouve d’ailleurs des exemples dans la presse (avec de belles images de cubes) :
    Qu’est-ce que la "méthode de Singapour", expérimentée dans une école de Nice ? (Nice Matin)
    http://www.nicematin.com/education/quest-ce-que-la-methode-de-singapour-experimentee-dans-une-ecole-de-nice-
    Méthode de Singapour : « Je ne regrette pas un instant mon choix » (Le Point)
    http://www.lepoint.fr/sciences-nature/methode-de-singapour-je-ne-regrette-pas-un-instant-mon-choix-12-02-2018-2194
    Enseignement des mathématiques : la méthode Singapour en action (Europe 1)
    http://www.europe1.fr/societe/enseignement-des-mathematiques-la-methode-singapour-en-action-3571739

    Notons enfin que la collègue interrogée par Le Point semblait avoir une pratique pédagogique ("ânonner des tables") datant de plusieurs décennies alors que la plupart des collègues que je fréquente tentent d’introduire des manipulations concrètes suivant ainsi les 2 principales méthodes présentes dans les écoles (Picbille et Capmaths).

    Dernière remarque comme pour les méthodes Montessori, les collègues s’en saisissent aussi (et c’est perceptible dans les articles de presse) comme outil d’auto-formation, là où la formation continue a disparu. Ces méthodes viennent pallier sur le terrain un manque terrible. Les enseignant.e.s sont pour la plupart extrêmement désireuses d’interroger leur pratique, de progresser, de répondre aux difficultés rencontrées avec les élèves… bref, d’être plus efficaces. Or la formation continue a complètement disparu faute de moyens.
    En outre, là où les IUFM/ESPE peinaient à articuler théorie et pratique, ces méthodes à la mode fournissent des outils directement implémentables en classe issus de théories, idéologies et ou recherches en sciences de l’Éducation et peuvent donc donner l’impression de réussir là où la formation des enseignant.e.s a échoué.