« Cette société est trop riche pour le capitalisme ! », par Ernst Lohoff et Norbert Trenkle

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  • « Cette société est trop riche pour le capitalisme ! », par Ernst Lohoff et Norbert Trenkle - Critique de la valeur-dissociation. Repenser une théorie critique du capitalisme
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    Deux positions apparemment inconciliables caractérisent la controverse politique autour de la bonne façon d’aborder la crise. Tandis que les uns, pour relancer la croissance économique, veulent encore et toujours ouvrir les vannes monétaires et appliquer de nouveaux programmes conjoncturels, les autres défendent une stricte orientation vers l’austérité. Les deux camps prétendent que, si on applique leur plan, la crise pourra se voir surmontée et le mode de production capitaliste pourra être restauré sur une base solide. On croirait assister une nouvelle fois au vieux débat d’orientation entre keynésiens et libéraux, ainsi qu’on l’a tant de fois vu au siècle passé. Mais là où le système de référence de cette controverse se brise, parce que la crise sape irrévocablement les fondements de la production de richesse capitaliste, elle dégénère en sinistre farce. Cependant, les protagonistes ne s’en rendent même pas compte, ou alors le refoulent-ils avec succès. Ils continuent à interpréter infatigablement la même pièce, tandis que la scène sous leurs pieds est toujours plus vermoulue. Le conflit entre leurs visions ne reste cependant pas sans conséquence, car même si aucun des deux plans n’est susceptible d’offrir une issue à la crise, ils impriment cependant leur caractère à la gestion de celle-ci, et, par là également, à ses répercussions concrètes sur la société.

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    • Si l’on s’obstine à lier ces potentiels de richesse à la forme de la richesse abstraite, une nouvelle escalade du procès de crise est inévitable, avec ses conséquences catastrophiques pour la société. Si l’on réussissait en revanche à les arracher à cette forme fétichiste, ils pourraient être mis au service de la satisfaction des besoins concrets de la société. Cela supposerait impérativement, à l’évidence, le dépassement de la production de marchandises et de l’économie monétaire. Car la production développée de marchandises est toujours déjà production capitaliste de marchandises, et à ce titre régie par la fin en soi de la valorisation. Une « production simple de marchandises » comme système social d’échange général, dans lequel l’argent ne serait qu’un moyen de paiement et d’échange et « servirait la société », n’existe que dans les pages d’introduction des manuels d’économie, ainsi que dans les fantasmes de l’entendement bourgeois commun. C’est la raison pour laquelle toutes les tentatives engagées pour « réformer » l’argent, en abolissant les intérêts, par exemple, sont non seulement régressives, en ce qu’elles célèbrent l’« économie de marché » et situent la source des maux du capitalisme dans la sphère financière, mais en outre vouées à l’échec dans la pratique. Des bons d’échanges régionaux peuvent fonctionner un temps comme monnaie parallèle, ou, lors d’une situation de crise extrême, comme ce fut le cas en Argentine en fin d’année 2001, endosser la fonction d’un argent de substitution, ce qui n’est pas sans rappeler le rôle des cigarettes sur le marché noir dans l’après-guerre ; mais dès qu’ils sortiront de cette niche, ils se transformeront en de l’argent tout à fait normal, qui n’est pas un moyen, mais une fin en soi de la production.

    • Il n’existe pas de plan directeur pour cette option. Elle ne peut être développée que par des mouvements sociaux d’émancipation, qui prendraient la forme d’une opposition à la gestion de la crise. Il sera déterminant, évidemment, de savoir comment cette opposition se définira, et quelles perspectives elle formulera. Malgré leurs efforts pour se présenter comme une option radicale, les mouvements de protestation actuels ne représentent pas grand-chose d’autre que l’aile bruyante du mainstream. Ce qui domine, c’est la personnification des origines de la crise, une célébration du « peuple » (les « 99 % »), comme si ce dernier se tenait à l’extérieur de la logique capitaliste, et une fixation sur la redistribution de la richesse monétaire. Mais seule serait radicale une critique, exprimée du point de vue de la richesse matérielle, de la prétendue « obligation de faire des économies ». Le véritable scandale n’est pas la concentration de moyens monétaires dans les mains de quelques-uns – aussi répugnante qu’elle soit par ailleurs –, mais le fait qu’une société qui a développé comme jamais auparavant des potentialités de richesse coure ainsi à sa perte, au lieu de les mettre au service de la satisfaction des besoins concrets. À l’argument selon lequel on « devrait » faire des économies il faut objecter que cet « impératif » se fonde uniquement sur la logique de la production de richesse abstraite. La contrainte suivant laquelle toute richesse matérielle devrait toujours passer par le chas de l’aiguille de la forme marchandise et de la valorisation du capital a toujours été insensée. Mais le fait de rester attaché à cette obligation, alors que le travail producteur de valeur est en fin de course, et qu’ainsi la base de la valorisation du capital se brise, aboutit à un programme de suppression massive des ressources sociales, et devient le moteur d’une gigantesque poussée de paupérisation. Tandis que la gestion de la crise poursuit la Fata Morgana d’un capitalisme sain, elle détruit progressivement les bases de la reproduction sociale.

      Face à cela, il faut rayer résolument d’un trait la question de la « viabilité financière ». La construction de logements, le fonctionnement des hôpitaux, la production de nourriture ou l’entretien du réseau ferré ne doivent pas dépendre de la question de savoir si le « pouvoir d’achat » nécessaire est disponible. Le critère à ce sujet ne peut être que la satisfaction des besoins concrets. C’est précisément là le foyer pour la formation de nouveaux mouvements sociaux d’émancipation contre la logique délirante de la gestion de la crise. Si des ressources doivent être supprimées, parce que « l’argent manque », on doit justement se les approprier, les transformer et les exploiter en consciente hostilité ouverte contre la logique fétichiste de la production moderne marchande. Le mythe libéral fondateur, selon lequel le mode de production capitaliste garantirait « le plus grand bonheur du plus grand nombre » (Jeremy Bentham), fut toujours cruellement ironique, quand on pense aux immenses sacrifices qu’il a exigés ; dans les circonstances de la crise fondamentale que nous connaissons, il confine au pur cynisme. Une vie bonne pour tous ne peut exister qu’au-delà de la forme de richesse abstraite. Il n’y a qu’une seule option face à la dévalorisation catastrophique du capital : la dévalorisation émancipatrice de la production sociale de richesse.

    • Voilà pourquoi les partis social-démocrates sont en voie de disparition. Un parti de gauche digne de ce nom est obligé de mettre en question le capitalisme et les structures sociales, juridiques et militaires mises en place pour le défendre. Sans cela il ne pourra évidemment pas tenir ses promesses.

      La tentative de co-gérer le systèm capitaliste afin de garder un minimum de justice sociale est vouée a l’échec. On assiste à ce résultat qui se propage en Europe en montant l’échelle de puissance économique. Suivant cette analyse on peut espérer encore une dizaine d’années de stabilité économique et sociale pour l’Allemagne.

      Le pouvoir est au courant de ce processus et ses défenseurs les plus intelligents et brutaux sont en train de modifier les armées et les autres institiutions afin de garantir leur survie dans les conflits à venir qui se passeront au sein de nos sociétés.

      Le conflit entre leurs visions ne reste cependant pas sans conséquence, car même si aucun des deux plans n’est susceptible d’offrir une issue à la crise, ils impriment cependant leur caractère à la gestion de celle-ci, et, par là également, à ses répercussions concrètes sur la société.

      Est-ce qu’il faut appeller au soulèvement populaire avant qu’il ne soit trop tard ? Je pense qu’au contraire il faut se concentrer sur la défense des acquis sociaux et de ce qu’on possède encore comme droits et structures démocratiques.

      Ce n’est pas une voie glorieuse et le succès de cette stratégie n’est pas garantie, mais elle a l’avantage de nous équipper avec les défenses les plus puissantes qu’on peut monter - à savoir l’amitié, la #solidarité et l’échange d’idées et de conseils aux niveau nationl et international.

      A défaut de disposer d’une boule de cristal fonctionnelle on est obligé de simplement continuer le combat et de résister le mieux possible aux manoeuvres de terre brulée des impérialistes.

      #crise #résistance #poitique #syndicalisme