• Syrie : des volontaires occidentaux comptent rester « jusqu’au bout » avec les forces kurdes à Afrin

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    Français, Italiens ou Britanniques, ils ont rejoint le mouvement kurde par sympathie idéologique ou pour lutter contre les djihadistes de l’EI, et n’entendent pas quitter la ville menacée de siège.

    Plus de sept semaines après avoir déclenché leur offensive, l’armée turque et ses supplétifs syriens – des groupes d’inspiration islamiste issus de la rébellion armée – étaient, mercredi 14 mars, aux portes de la ville kurde d’Afrin. La ville est prise en étau d’est en ouest par les assaillants et les combattants kurdes affirment se préparer à de longs combats urbains. Dans leurs rangs se trouve un petit groupe de combattants occidentaux dont certains entendent rester sur place, alors que l’encerclement complet d’Afrin et de ses habitants pourrait se profiler.

    « La situation est critique. Quoi qu’il arrive, je resterai jusqu’au bout avec d’autres camarades qui, comme moi, ne veulent pas abandonner leurs amis kurdes », déclare le volontaire britannique Jamie Janson, joint à Afrin-ville par la messagerie en ligne WhatsApp. Comme des dizaines d’autres combattants occidentaux, Jamie Janson a rejoint les rangs des forces kurdes syriennes pour combattre l’organisation Etat islamique (EI). Il poursuit aujourd’hui son engagement en participant à la défense de l’enclave kurde d’Afrin, située dans le nord-ouest de la Syrie.

    Lorsque l’armée turque et ses supplétifs syriens ont lancé leur opération sur Afrin, le volontaire britannique s’apprêtait à quitter le pays. Rakka, l’ancienne capitale de l’EI, était tombée et, dans la zone frontalière irako-syrienne, les dernières poches djihadistes étaient sur le point d’être réduites par les forces kurdes. « J’allais quitter la Syrie mais l’attaque turque sur Afrin m’a convaincu de rester et de continuer le combat, raconte Jamie Janson. Cette guerre n’a rien à voir avec celle que nous avons menée face à Daech [acronyme arabe de l’organisation Etat islamique - EI]. Malgré les capacités de résistance des Kurdes, nous sommes dépassés militairement. »

    Une unité intégrée aux forces kurdes

    Les forces kurdes qui défendent actuellement Afrin ont été le fer de lance des opérations contre l’EI dans l’est de la Syrie avec le soutien de la coalition internationale emmenée par Washington. Face à la Turquie, puissance majeure de l’OTAN qui les considère comme des « terroristes » et comme une extension du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) combattu par Ankara en Turquie même, elles ne peuvent pas compter sur le soutien de leurs partenaires occidentaux.

    Les volontaires étrangers qui ont rejoint les lignes de défense kurdes à Afrin ont fondé une unité intégrée aux forces kurdes et baptisée « Forces antifascistes à Afrin » (FAAF) dont ils ne souhaitent pas révéler les effectifs. Sur la page facebook des FAAF, ouverte peu après le début des opérations, ses membres se présentent comme constituant « un groupe militaire de révolutionnaires de gauche qui défendent Afrin et son peuple contre l’invasion de l’Etat turc et de ses alliés salafistes ».

    Dans les territoires que ces forces contrôlent dans le nord de la Syrie, le mouvement kurde se veut porteur d’un modèle politique original fondé sur une forme d’autogestion, la promotion de l’égalité entre hommes et femmes et la coexistence entre les diverses communautés confessionnelles et ethniques de la région. « Parmi les volontaires qui sont restés après la chute de Rakka, il y a ceux qui étaient déjà sensibles aux idées du mouvement en Europe et d’autres qui se sont formés sur place ou qui veulent continuer par solidarité avec les gens qu’ils ont rencontré ici », explique le volontaire britannique Jamie Janson.

    Trois morts officielles de trois volontaires occidentaux

    Plusieurs volontaires étrangers ont perdu la vie depuis le début de l’offensive turque. La mort au combat de trois volontaires occidentaux a été officiellement annoncée. Parmi eux, un militant internationaliste breton, Olivier Le Clainche, connu sous le nom de guerre de Kendal Breizh a été tué le 10 février dans une frappe aérienne turque. Il avait combattu sur plusieurs fronts contre l’EI et adhérait au projet politique du mouvement kurde et de ses alliés en Syrie.

    Des militants de la gauche turque sont également représentés dans les rangs des internationaux actuellement à Afrin. Pour l’un d’eux, qui répond au nom de guerre de Devrim Botan, le combat mené contre l’armée turque à Afrin est le prolongement de son opposition radicale au gouvernement d’Ankara. « Les forces kurdes m’ont donné le choix de me battre ou non contre les forces de mon pays d’origine. J’ai accepté de rester car pour moi Daech et l’Etat turc ont la même idéologie », indique-t-il.

    « Ceux qui voulaient partir ont pu le faire. Nous sommes ici pour rester et combattre le plus longtemps possible », indique depuis le centre-ville d’Afrin un combattant italien qui emprunte le pseudonyme kurde de Tekosher, également joint par WhatsApp. Attiré par les idées du mouvement kurde, c’est sa première expérience militaire. « Nous allons résister ! », affirme un combattant plus expérimenté, italien également et utilisant le nom de guerre kurde de Dilsoz, joint depuis ce qu’il décrit comme un village situé à proximité de la ligne de front.

    « On ignore encore si l’armée turque et les milices djihadistes vont essayer d’entrer dans les zones urbaines. Les forces qui défendent Afrin se préparent aux combats de rue mais il est possible qu’ils décident de bombarder la ville massivement », explique le deuxième volontaire italien. « Les forces qui nous attaquent bénéficient du soutien d’une armée de l’OTAN mais leur idéologie est une idéologie djihadiste », estime-t-il : « Je combattais Daech dans l’est de la Syrie avant d’être déployé à Afrin. Cette attaque turque renforce nos ennemis et si Afrin tombe, il ne faudra pas s’étonner s’il y a de nouveaux Bataclan en Europe à l’avenir. »