• Les résumés de l’interview de Kofi Annan par le Monde donnent une image très orientée de ce qu’il dit.
    http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/07/07/kofi-annan-sur-la-syrie-a-l-evidence-nous-n-avons-pas-reussi_1730658_3218.ht

    – Annan ne parle pas du tout d’échec. Il dit explicitement qu’il n’intervient que depuis 3 mois dans un conflit qui dure depuis 16 mois, manière d’indiquer qu’évidemment ça n’a pas encore réussi. Le doute est exprimé ainsi : « peut-être n’y a-t-il aucune garantie que nous allons réussir » (ce qui n’est clairement pas la même chose que parler d’échec) :

    Cette crise se poursuit depuis seize mois, mais j’ai commencé à être impliqué il y a trois mois. Des efforts importants ont été déployés pour essayer de résoudre cette situation de manière pacifique et politique. A l’évidence, nous n’avons pas réussi. Et peut-être n’y a-t-il aucune garantie que nous allons réussir. Mais avons-nous étudié des alternatives ? Avons-nous mis les autres options sur la table ? J’ai dit cela au Conseil de sécurité de l’ONU, ajoutant que cette mission n’était pas indéfinie dans le temps, comme mon propre rôle.

    – Annan accuse les « autres pays qui envoient des armes, de l’argent et pèsent sur la situation sur le terrain » et qui « prétendent vouloir une solution pacifique ». Il est frappé par le fait que « peu de choses » en soient dites :

    Mais ce qui me frappe, c’est qu’autant de commentaires sont faits sur la Russie, tandis que l’Iran est moins mentionné, et que, surtout, peu de choses sont dites à propos des autres pays qui envoient des armes, de l’argent et pèsent sur la situation sur le terrain. Tous ces pays prétendent vouloir une solution pacifique, mais ils prennent des initiatives individuelles et collectives qui minent le sens même des résolutions du Conseil de sécurité. La focalisation unique sur la Russie irrite beaucoup les Russes.

    – Annan dénonce le détournement de la résolution de l’ONU sur la Libye comme l’« éléphant dans la pièce » :

    Je vais vous dire franchement : la manière dont la « responsabilité de protéger » a été utilisée sur la Libye a créé un problème pour ce concept. Les Russes et les Chinois considèrent qu’ils ont été dupés : ils avaient adopté une résolution à l’ONU, qui a été transformée en processus de changement de régime. Ce qui, du point de vue de ces pays, n’était pas l’intention initiale. Dès que l’on discute de la Syrie, c’est « l’éléphant dans la pièce ».

    Après avoir lu cela, lire ce qu’en dit le Figaro (par exemple), qui titre explicitement : « Kofi Annan reconaît l’échec de sa mission ».
    http://www.lefigaro.fr/international/2012/07/07/01003-20120707ARTFIG00435-kofi-annan-reconnait-l-echec-de-sa-mission-en-syr
    Même dépêche et même titre à contresens sur Libé :
    http://www.liberation.fr/depeches/2012/07/07/syrie-annan-reconnait-qu-il-n-a-pas-reussi-plaide-pour-associer-l-iran_83
    On a droit à l’invocation rituelle du rôle de la Russie, et de l’Iran, mais on zappe la mention des « autres pays » qui « prétendent vouloir une solution pacifique » :

    L’émissaire de l’ONU et de la Ligue arabe a évoqué l’influence de la Russie, allié du régime de Damas qui a bloqué jusqu’à présent toute action internationale résolue contre le pouvoir de Bachar al-Assad, tout en soulignant l’importance d’associer aux discussions l’Iran, qui soutient également le régime syrien.

    Quant à l’« éléphant dans la pièce » que constitue le précédent libyen, il n’intéresse pas non plus le commentateur du Figaro.

    Les choses deviennent tout de suite plus simples quand les journaux s’alignent sur les déclarations d’Hillary Clinton :
    http://www.google.com/hostednews/ap/article/ALeqM5iUwJ5SjfsCby7_qXFGPWfak8KN4Q?docId=64d5143c99e14175a99eff7fc9fcf8c0

    Speaking in Japan, Clinton said Sunday that U.N. mediator Kofi Annan’s acknowledgement that his peace plan is failing “should be a wake-up call for everyone.”

  • Syrie : ce que le Monde évacue d’une dépêche AFP

    Je signalais la semaine dernière comment le New York Times avait, purement et simplement, censuré un de ses propres articles en ligne, au lendemain de sa publication. La coupe faisait disparaître un long paragraphe qui citait un rapport du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU mettant en cause l’Armée syrienne libre dans des cas d’exécutions sommaires à caractère confessionnel :
    http://seenthis.net/messages/77703

    Le lecteur du Monde, aujourd’hui, a droit au même genre d’attention et sera préservé de toute référence confessionnelle dans la retranscription d’une dépêche AFP…

    On pourra facilement suivre la trace des ciseaux, puisque je citais justement ce matin cette même dépêche reproduite dans L’Orient-Le Jour :
    http://seenthis.net/messages/78452
    et je m’étonnais d’y voir reproduit un paragraphe hétérodoxe :
    http://www.lorientlejour.com/category/À+La+Une/article/767287/Des_jeunes_Libanais_prets_au_combat_au_cote_de_leurs_%22freres_syrien

    « Nous allons en Syrie pour mener le Jihad (guerre sainte) avec nos frères syriens et renverser le tyran Assad. Comme la communauté internationale a choisi de ne rien faire et de permettre la poursuite des massacres d’innocents il faudra que ce soient les musulmans eux-mêmes qui règlent le problème », renchérit Oussama Salem, le plus religieux du groupe. Il égrène un chapelet tout en écoutant le Coran sur son téléphone.

    « Vous allez me dire que c’est el-Qaëda ou des groupes fondamentalistes islamiques qui se battent en Syrie... S’ils y sont, c’est seulement de votre faute (ndlr : les Occidentaux) pour avoir permis à Bachar el-Assad de rester au pouvoir en tuant des gens », lance-t-il en se lissant la barbe.

    Ce soir, je vois passer la dépêche de l’AFP sur le site du Monde :
    http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/07/07/des-jeunes-libanais-prets-au-combat-au-cote-de-leurs-freres-syriens_1730745_
    Vous pouvez vérifier : c’est mot à mot le même article.

    Et là, tenez-vous bien : ce bon gros paragraphe évoquant le « Jihad », « des groupes fondamentalistes islamiques » et… « le chapelet », « le Coran » par téléphone, « la barbe » du témoin, a purement et simplement été sucré.

    Alors quoi, quelqu’un du Monde pourrait-il expliquer pourquoi il est jugé nécessaire de censurer ce passage ? Pourquoi le lecteur français ne peut-il pas être exposé à une information qui est, pourtant, fournie aux lecteurs chrétiens et « anti-syriens » de l’OLJ ?